Difference between revisions of "Amaryllis au Pays de Glace : Chapitre 1"

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Amaryllis017.jpg

Chapitre 1 : La blanche neige au bois dormant

Partie 1

Il y a des reflets de tâches de lumière, et une brise soulevant la poudreuse.

(Hein...?!)

Je serre le guidon tout en penchant fermement en arrière la Glacemobile. Je fais pivoter la roue avant vers la droite pour escalader le muret, et après avoir marqué une pause, je tourne à gauche en direction du trottoir de droite. Le tunnel de glace s'étend à perte de vue, et malgré la monotonie et la simplicité du paysage, je dois rester concentrée.

La température est de -16° Celsius, plutôt chaud comparé à la température habituelle du monde souterrain, où les murs et le plafond sont complètement gelés et où chaque expiration flotte dans l'air telle une comète blanche.

— Il est temps de se reposer, non ?

J'entends une voix peu enthousiaste derrière moi.

— Ça fait déjà six heures qu'on roule !

(Ah bon ?)

J'ignore la voix de mon collègue qui ne pense qu'à se tourner les pouces, et serre mes mains sur le guidon du véhicule à trois roues. Droite, droite, gauche, droite, gauche. On ne peut jamais rouler droit dans ce tunnel. Dans ces moments-là, je contracte mes hanches et fait pivoter mon corps. Je coordonne ma respiration avec les rebonds, amortis l'impact avec mes genoux et déplace mon centre de gravité de façon rythmique.

— Hé, tu m'écoutes, Amaryllis ? Hé ho, Amaryllis Alstrœmeria ?

— La ferme...! crié-je pour couper la voix pleine d'ennui tout en continuant à tourner.

La cible est proche, plus que trente secondes... vingt... dix. Il y a une lumière au bout de l'étroit tunnel, un monde s'étend derrière...

(Maintenant...!)

Bonk ! Nous décollons du sol de glace, de cet endroit très haut qui ressemble à un dance hall.

(Freine..!)

Je maintiens le véhicule en équilibre tout en activant les réacteurs avant pour freiner notre chute. Donk. Les skis s'écrasent sur le sol tout en rebondissant plusieurs fois. Les roues trouvent l'équilibre et finissent par atterrir tout en réduisant l'impact.

— Pfiou...

Je rapproche les roues avant pour stabiliser le véhicule et pousse un soupir de soulagement. J'ai pu regagner le contrôle de la Glacemobile et de mes bras après avoir conduit pendant une si longue période, mais ces derniers sont toujours engourdis après une chute d'une telle hauteur.

— Hah !

Tout en grognant, le collègue assis à côté de moi atterrit à son tour. Voir les skis d'un énorme véhicule atterrir et briser la neige avec style restera toujours un moment particulier.

— Pfiou... Bah, on y est...

Il fait claquer sa langue, tout en passant une main dans sa crinière blonde dont il est si fier.

— Tu pourrais pas atterrir plus doucement ? me reproche-t-il.

— Pardon pour l'attente.

Une voix douce résonne dans le hall.

Je me tourne et aperçois une grande femme élancée. Elle est d'une beauté divine, avec des cheveux qui brillent comme des émeraudes.

— Cattleya, ça faisait longtemps !

— Encore merci, Amaryllis.

Cattleya caresse ses beaux et soyeux cheveux tout en esquissant un doux sourire.

Si je devais désigner la plus belle femme au monde, elle serait tout en haut de ma liste.

— Et sinon, Cattleya ? T'es libre ce soir ?

— M-Mais, Eisbahn...

(Cet idiot !!!)

— Aïeaïeaïeeeuuuh !!!

Je tire fort sur les antennes de ses oreilles pour éloigner cette bête sauvage de la jolie dame.

— Ça suffit.

— Quoi ? J'ai rien fait !

— Combien de fois je vais devoir te répéter de pas draguer pendant le boulot ?

— Un homme se doit de faire la cour à une jolie femme.

— Tu pourras faire ça quand on aura fini ce qu'on a à faire ici.

Et comme d'habitude, on continue de se disputer.

— Euh... Je crois qu'il est temps de commencer la livraison, non ?

Je me retourne et aperçois Cattleya nous lancer un regard inquiet et stupéfait.

— Ahh, désolée, désolée. On va s'y mettre, me dépêché-je de m'excuser.

— Allez, au boulot !

— Aide-moi, toi aussi !

Je reprends mon collègue qui se tournait les pouces et commence à décharger la Glacemobile. Il y a des batteries de secours, des pièces de rechanges, des câbles de recharge — tous de normes standards. Nous autres robots fonctionnons à l'électricité, alors les objets telles que les batteries sont une nécessité.

Cattleya se saisit des objets tendus tout en demandant d'une voix douce :

— Comment se porte le « torse » de nos jours ?

— La routine, c'est calme et paisible. Pour ce qui est des ragots, Daisy et Gappy se disputent encore et toujours, mais sinon, c'est tout.

— Hein, encore ?

— Ils peuvent tellement pas se voir en peinture que ça en devient inquiétant.

— Et quel était le sujet de la discorde cette fois-ci ?

— Visiblement, ils se chamaillaient pour des bonbons au diesel. On avait déjà dit qu'on faisait moit' moit' dans ces cas-là, mais ils en ont fait qu'à leur tête.

— Eh ben.

Cattleya esquisse un joyeux sourire, et on continue de discuter tout en faisant le tri dans les objets. On ne se voit qu'une fois par semaine, alors il y a beaucoup de choses à se dire.

Et au moment même où on a fini de tout décharger :

— Ah.

Cattleya lève les yeux au ciel.

(Le ciel...)

Des éclats de lumière brillants se mettent à tomber lentement du plafond. Ce sont des petits morceaux de neiges appelés « poussières de voûte », et contrairement à leur nom, ils peuvent émettre une très jolie lumière alors qu'ils planent dans les cieux. C'est un des rares phénomènes naturels qui se produit dans ce monde de glace à 500 mètres en dessous du sol, isolé du reste de la planète.

— À couper le souffle... murmure Cattleya les yeux levés au ciel.

— Pas autant que toi, susurre Eisbahn tout en enroulant son bras autour des épaules de Cattleya.

— Fiche-lui la paix, dis-je tout en le tirant par le col.

Les miettes de lumières continuent de flotter et à s'amonceler dans le hall. Chacun d'entre eux est constitué de cristaux d'une complexe forme de « fleurs de six pétales en trois couches », c'est encore plus beau quand ils s'amoncèlent, recouvrant ainsi ce monde argenté d'un blanc éclatant.

— Il est temps d'y aller.

— Heiiin ? Je veux rester encore un peu.

— Hors de question. On a encore trente maisons à approvisionner.

Je traîne ma feignasse de collègue par le bras et monte sur la Glacemobile.

— Tss !

J'ignore la réaction puérile d'Eisbahn, et démarre le moteur. Les entrailles de la Glacemobile se mettent à ronronner frénétiquement.

— À plus, Cattleya !

— Bonne route !

Je peux entendre la voix de Cattleya derrière moi alors que je m'enfonce dans le tunnel, en direction de notre prochaine étape. La marchandise amassée à l'arrière du véhicule s'entrechoque. Même si Eisbahn continue de grommeler, il est fermement agrippé à moi.

J'accélère, et les cristaux de glace coincés dans la Glacemobile scintillent tout en dérivant vers l'arrière.

Partie 2

« Riri ! » « Bon retour ! » « La voilà ! »

À peine revenue au village, les enfants me sautent dessus. Rapidement, je suis entourée par au moins une dizaine d'entre eux. Vingt heures se sont écoulées depuis le début de ma tournée, et je suis de retour dans le « torse ».

— Me revoilà, les enfants. Vous avez été sages, j'espère ?

Je caresse la tête de chacun d'entre eux, alors qu'ils la lèvent tous dans ma direction, impatients que leur tour arrive.

— Écoute, écoute ! J'ai travaillé super dur sur le « brillage de matériaux » !

— Vraiment ? C'est génial, çà !

— Riri, j'ai fait tout plein de découpages !

— C'est vraiment bien, mon petit !

Les enfants plissent leurs yeux joyeusement pendant que je leur caresse la tête. Ils tiennent tous à la main des morceaux de métal d'un bleu translucide. Dans ce village, leur rôle consiste à polir ces bouts de métaux.

— Riri, viens jouer !

— Désolée. J'ai encore plein de travail qui m'attend. On verra tout à l'heure.

Je console les enfants qui refusent de me lâcher d'une semelle avant de m’en aller. J'aimerais vraiment rester avec eux un peu plus, mais il faut absolument que j'aille faire mon rapport sur ce qui s'est passé aujourd'hui.

Je descends à la hâte la route du village. De parts et d'autres de la rue sont alignées des rangées et des rangées de maisons sculptées dans la glace, et les éclats lumineux de la voûte brillent comme un ciel étoilé.

Cet habituel et magnifique paysage ne cesse de m'émerveiller tandis que je me presse vers ma destination. Et c'est alors que :

— Hé, Amaryllis ! Bon boulot !

Une voix enjouée m'interpelle, et de l'autre côté de la rue, une femme de grande taille me fait des signes de la main.

— Merci, Viscaria. Au fait, les pneus de la glacemobile sont un peu bizarres.

— Pigé. Je vais y jeter un œil.

— Elle est garée au même endroit que d'habitude.

— D'aco d'ac.

Viscaria Acanthus déploie les antennes de ses doigts en réponse. Ses bras sont constitués d'antennes métalliques dont l'objectif est de réparer ; il y a des tournevis, des marteaux, des pinces, des clés et des barres à l'intérieur. La « mécano » du village, c'est elle.

Viscaria sort une antenne de son index droit et ajuste le béret sur sa courte chevelure rousse. Ce béret est sa marque de fabrique.

— Tu travailles trop, non ? C'est pas bon pour ton corps si tu te reposes pas assez.

— Merci, mais je vais bien.

— Si jamais t'as un souci quelque part, hésite pas à m'en parler.

Elle agite sa main l'antenne sortie pour dire au revoir et s'en va. Viscaria a l'apparence d'une femme de 25 ans, et pour moi, elle est comme une grande sœur à qui je peux faire confiance.

« Salut, Amaryllis ! » « Bon retour, vice-chef ! » « Bon boulot ! »

— Me revoilà, les amis !

Je réponds à leurs salutations avec enthousiasme et continue mon petit bonhomme de chemin.

Après quinze minutes de marche, je peux enfin apercevoir la mairie du village. Il y a un épais pilier de glace entre le sol et le plafond, et la mairie se trouve à l'intérieur de ce même pilier. C'est la place centrale du village depuis plus de cent ans.

Je traverse les portes principales qui sont en forme d'arche, et la première chose qui tombe sous mon regard est l'atrium d'entrée. J'attache les câbles disposés au comptoir de réception sur mon bras et me recharge pendant cinq minutes. À une époque, il me fallait changer d'huile pour maintenir mes fonctions internes, mais avec le développement rapide de la robotique, un simple rechargement de batterie suffit à me maintenir en service.

(Mes batteries sont chargées à 99.98%.)

Après avoir fini de me recharger, je continue à m'engouffrer dans la mairie. J'avance en glissant sur le sol lustré et brillant le long du couloir avant de montrer les escaliers. Mes pieds se posent sur la poudre antidérapante éparpillée sur les marches d'escalier, ce qui produit un petit bruit mignon.

Je grimpe les derniers étages de l'escalier, et se trouve devant moi une grande porte transparente.

— Monsieur Camomille !

J'élève la voix.

— C'est moi, Amaryllis ! Je suis rentrée.

Peu après, j'entends une voix, « ... Entre. » et les portes s'ouvrent. « J'entre ! » Je pénètre dans le bureau du maire avec excitation.

Le bureau du maire se trouve tout au centre. Les circuits argentés au plafond traversent la pièce de part en part et s'étendent sur tout le mur tel un champ de tulipes. Tout le réseau de communication du village, filaire ou non, est centralisé ici.

— Bon retour parmi nous, Amaryllis.

Dans un grondement, le maire tourne sa « tête » dans ma direction. Depuis qu'il a abandonné son corps il y a trente ans, le maire continue de vivre avec seulement sa tête. Cela lui permet d'économiser l'électricité, ce qui est son cheval de bataille.

— Comment allez-vous ?

— J'ai les épaules un peu courbaturées ces derniers temps...

— Alors tout va bien.

J'ignore comme d'habitude sa petite blague et m'assois sur la chaise.

— Et donc, pour le rapport du jour.

— Que fait Eisbahn ?

— Toujours à courir après les filles.

— C'est beau la jeunesse. Quand j'étais jeune, on me surnommait le playboy de fer et...

— Je m'en passerai, sachant que c'est la 370è fois que vous en parlez.

Si je le laisse faire, je suis partie pour une autobiographie d'une bonne douzaine d'heures, alors je pince le nez du maire. Il grogne en produisant un étrange son.

— Au rapport. Nous avons procédé au ravitaillement de 56 points de livraison.

— Hm, beau travail.

— Il y en a trois avec des gelures métalliques. Rien de grave cela dit, alors on a juste changé quelques composants.

— Trois... C'est un peu trop.

— Peut-être que c'est dû à la récente chute des températures. J'ai l'intention de faire réparer spécifiquement mes gelures lors de la prochaine « maintenance ».

— Bien.

Puis, je propose deux-trois autres idées, et le maire les comprend toutes. Quand ça devient un peu trop sérieux, il nous faut convoquer les membres du « comité ». Mis à part ça, les petits soucis sont gérés directement par le maire. Telle est la règle de ce village.

— Tu vas aller voir « Blanche Neige » ?

— Oui. C'est ma routine quotidienne... Et vous, monsieur ?

— Non, je vais dormir... Fuaah.

Le maire se met à bailler, sa tête roule sur la table et atterrit sur le coussin qu'il aime tant.

— Faut que j'économise l'électricité...

Il marmonne son habituelle devise et entre immédiatement après en mode veille.

Partie 3

Je retourne à l'entrée du village et aperçois Viscaria occupée à réparer.

Il y a quelques antennes de plus, et une dizaine de câbles s'en échappent, entourant la glacemobile pour procéder à diverses maintenances. De toutes parts, il y a des bruits de métal, des outils qui s'entrechoquent, des rayons laser bleus et de la vapeur.

— Tout va bien ?

Je penche la tête pour jeter un œil.

— Ouais, me répond Viscaria tout en étant allongée sur le sol.

Sa position sous la glacemobile ressemble à celle d'une grenouille écrabouillée. Son béret caractéristique se trouve à côté d'elle.

— Il y a un petit souci avec le véhicule en lui-même... Les roues sont HS, alors je vais les changer.

— Ah, ok.

— Où est-ce que vous avez eu un accident ?

— Nulle part, pourquoi ?

— Il y a une drôle de fissure au niveau du guidon...

Viscaria me pointe l'endroit en agitant une de ses antennes.

— Ah, en effet.

Comme elle l'a dit, il y a une fissure en forme de toile d'araignée sur le guidon de la glacemobile.

— Mais ce genre de fissure peut apparaître suite à de brusques changements de température...

— Alors elle est bonne pour la casse ?

— Non, non, c'est facile à réparer. Il faut juste faire fondre la partie fissurée et ajouter un peu de joint dessus.

— Je compte sur toi alors.

— Pigé.

Viscaria déplace agilement ses antennes droites pour réparer divers endroits. Chaque antenne bouge comme des êtres vivants.

— T'es vraiment impressionnante quand t'es en train de réparer, Viscaria.

— Ah oui ? Ça fait plaisir à entendre.

La mécano à la courte chevelure rousse plisse légèrement ses lèvres, visiblement ravie. Elle, que je vois comme une grande sœur bienveillante, a des airs de garçon espiègle par moment.

— Je fais ça depuis plus de 300 ans. J'en suis devenue complètement accro.

— Bah, on peut dire que c'est une vocation.

— Une vocation... Peut-être, je sais pas.

Après ça, Viscaria se remet à ses réparations pendant cinq minutes.

— Bon, j'ai fini, crie-t-elle alors que ses antennes se rétractent dans ses doigts.

— Tu vas aller voir « Blanche Neige » aujourd'hui ?

— Oui. Comme tous les jours.

Je monte sur la glacemobile, avant de démarrer le moteur.

— En cas de problème, reviens me voir.

— Ok d'ac. Merci comme d'habitude, Viscaria.

— Bah, je fais que mon boulot.

Avec un sifflement, elle tend une antenne de ses doigts pour ajuster fièrement son béret.

Partie 4

Puis,

— Pourquoi tu me suis, toi aussi ?!

— Allez quoi, fais pas ta rabat-joie.

— Sérieux, arrête de me peloter ! Espèce de gros pervers !

Je m'en prends furieusement à l'homme qui s'est invité sur le siège arrière. Ce dernier continue de ricaner tout en disant :

— Allons, allons, faisons la paix. Il n'a aucune intention de se remettre en question.

Petit retour en arrière. J'avais dit au revoir à Viscaria avant de monter sur la glacemobile pour aller voir la « Blanche Neige » quand...

— Moi aussi !

Un type aux cheveux blonds gominés avait sauté sur le siège arrière — c'était Eisbahn Tricrytis.

Je pince la main baladeuse qui se dirige vers mes fesses et augmente la vitesse de la glacemobile. Si je ne me dépêche pas, qui sait de quoi cet obsédé sexuel assis derrière moi est capable.

— T'es pas sympa avec moi.

— Normal. C'est comme ça qu'il faut faire avec les détraqués sexuels dans ton genre.

— Y'a pas mort d'homme. On a tous ces applications sexuelles installées en nous.

L'application en question fait référence à une des fonctions installées en nous autres robots qui nous permet d'avoir des relations sexuelles. Il existe un grand nombre de fonctions chez les robots femelles, et je n'en fais pas exception.

— Elles sont là uniquement pour qu'on puisse servir nos maîtres. On n'est pas censés s'en servir entre robots.

— Pas étonnant que tu sois toujours pucelle... Gwaaah ?!

Amaryllis033.jpg

Je donne un coup de coude à l'insolent derrière moi tout en grommelant :

— Ça suffit...!

Les robots mâles dotés de fonctionnalités sexuelles ont tendance à taquiner leurs consœurs ou à faire les beaux parleurs pour détendre l'atmosphère. La plupart du temps, je me dis qu'ils n'y peuvent rien à cause de leurs réglages, mais dans le cas d’Eisbahn, trop, c'est trop. Ce type ne peut pas s'empêcher de sauter sur tout ce qui bouge.

(Ahh, j'ai hâte d'arriver...!)

Alors que ce drôle de trajet à deux continue, je zigzague de gauche à droite rapidement. Enfin, les murs de glace environnant commencent à s'éclaircir, et les couches de glace se mettent à virer au vert fluo. Les villageois surnomment cet endroit les « Plants de Glace » ; ici, toutes sortes de plantes poussent et fleurissent sur la glace telle des œuvres d'art. Notre destination se trouve tout au bout des Plants de Glace, à savoir la « Forêt REM ».

Frrr ! Les freins font crisser les pneus sur le sol, et je gare la glacemobile. Eisbahn se dépêche de descendre.

— Monsieur Camomille, vous m'entendez ? C'est Amaryllis.

Je couvre l'antenne à mon oreille avec ma main tout en appelant le maire, et j'obtiens pour seule réponse une voix endormie.

— Fuaaaah... Économie d'énergie, économie d'énergie...

— Réveillez-vous et répondez, réprimandé-je.

— Ok, résonne la voix du maire à travers mes circuits mentaux.

Les portes menant à « Blanche Neige » font sûrement dans les un mètre d'épaisseur, et personne ne peut entrer sans la permission du maire. Pas même moi ou un membre du comité comme Eisbahn.

(Il caille...)

Au moment où les portes s'ouvrent, un intense courant d'air froid ressemblant à un fantôme blanc s'échappe de l'entrebâillement. Ce monde souterrain a beau être recouvert de glace, la température ici est encore plus froide.

(Mesure de l'air extérieur.)

J'augmente ma température corporelle d'environ trente pourcent. Les robots ne craignent pas le froid en tant que tel, mais l'huile ou les batteries à l'intérieur de leur corps peuvent être endommagées. Dans le pire des cas, il peut survenir une soudaine défaillance métallique, à l’origine des gelures métalliques.

— Rien n'a changé.

Je lève les yeux, et la première chose que je vois est une énorme « Toupie ». C'est le serveur central contrôlant tout « Blanche Neige ». Les alentours de la Toupie sont recouverts par des câbles aussi fins que des veines, donnant l'impression d'avoir affaire à un fruit sec gelé enveloppé par un drap argenté.

La toupie continue de faire tournoyer son long et élancé corps émettant une faible lueur qui se reflète dans chaque recoin de la pièce. Cette lumière est comme le pouls qui maintient en vie le système et les nombreuses capsules appelées « Berceaux » qui ne font plus qu'un avec le mur. À leur tour, ces Berceaux permettent à plus de trois cent Maîtres de survivre.

C'est un bâtiment cryogénique qui permet de maintenir en vie à basse température — autrement dit, « Blanche Neige ».

Il y a plus de cent ans, la surface de la planète a connu un immense changement météorologique, et la planète est entrée dans une période glaciaire. Pour une raison inconnue, la « vague de froid » avait gelé le sol, et la quasi majorité des plantes et animaux s'étaient presque éteints.

Mais malgré cet environnement d'une dureté radicale, les humains, nos maîtres, n'avaient pas baissé les bras. Ils avaient construit un abri souterrain, « Blanche Neige », où ils hibernent jusqu'à la fin de la période glaciaire. Des nouveau-nés aux personnes âgées, plus de trois cent humains se trouvent ici, leur processus de vieillissement complètement arrêté.

Et pendant que nos maîtres dorment, nous autres « villageois » ont pour tâche de maintenir « Blanche Neige » en fonctionnement. Dans ce monde de glace à 500 mètres sous terre, nous avons fondé un petit village il y a de cela une centaine d'années. Tous les villageois sont des robots, et notre seule et importante mission consiste à protéger « Blanche Neige ». Les circuits mentaux à haute autonomie installés en nous ont pour but d'assurer la sauvegarde de cet endroit tant que le mode manuel ne peut être enclenché.

(Un jour...) me demandé-je tout en jetant un œil sur le bâtiment.

Un jour, quand nos maîtres se réveilleront, je ferai de mon mieux pour les servir et pour prouver ma valeur ; je ferai tout, que ce soit la cuisine, le ménage, ou n'importe quoi d'autre. Et puis, si on me le permet, j'aimerais qu'ils entendent les chansons dont je suis si fière.

Je serre mes mains contre ma poitrine tout en fredonnant mon habituelle berceuse.

Fais de beaux, de beaux, de beaux rêves ce soir.

Je continuerai de te serrer contre moi, alors dors bien.

Un jour, même si pays disparait, la lumière du petit matin,

Tout, et rien sont pour toi.

C'est pour ça, fais de beaux rêves ce soir.

Jusqu'au jour où tu te réveilleras.

Au moment où ma chanson s'arrête, j'entends un léger applaudissement.

— Je me lasserais jamais de l'entendre.

Je me retourne et aperçois Eisbahn adossé au mur.

— Ahh, merci.

— Ça me donne envie de dormir à chaque fois.

— C'est un compliment ?

Après une courte pause, Eisbahn répond :

— Évidemment.

(Maître.)

Je croise mes doigts devant ma poitrine avant d'offrir mes habituelles prières.

(J'espère que vous vous réveillerez vite.)

Nous vous attendons.

Nous attendons avec impatience le jour où nos maîtres se réveilleront dans ce monde souterrain prisonnier de la glace.

Telle est notre vie depuis plus de cent ans.



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