Bienvenue à la N.H.K ! : Jihad - Partie Deux

From Baka-Tsuki
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Partie Deux[edit]

Dans la chambre 201 de la résidence Mita, la porte séparant l'intérieur de mon appartement de l'extérieur était désormais grande ouverte. Il n'y avait plus rien qui nous séparait, la bonne femme en mission religieuse et moi.

Et c'est alors que je l'aperçus. En diagonale à droite derrière la femme à l'insondable sourire évangélique, se tenait une autre femme.

Ils avaient l'intention d'utiliser deux personnes pour me convertir ? En faisant pencher le rapport de force, à deux contre un ? Quelle bande de lâches !

Puis, je pris conscience d'un autre fait important. Je venais de remarquer à quel point l'autre religieuse était jeune.

Pour une raison qui m'échappait, même en cette paisible matinée d'avril alors que le soleil brillait doucement, elle s'abritait sous un parasol d'un blanc pur. Bien que dans l'impossibilité de voir son visage, caché par le parasol, je pouvais néanmoins présumer qu'elle était jeune, et tout particulièrement comparé à l'autre bonne femme. En fait, cela crevait les yeux qu'elle était même plus jeune que moi.

Tenant son parasol, vêtue d'une simple robe à manches longues de couleur vive, elle dégageait une aura pure et sacrée. Tel un ange gardien protégeant son maître, elle se tenait silencieusement derrière l'autre vieille femme.

Sans que je ne m'en rende compte, des larmes me montèrent aux yeux. Une satanée secte profitait sans vergogne de cette jeune fille, qui ne devait pas avoir plus de dix-sept, dix-huit ans à vue de nez. Rien que d'y penser, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver de la compassion à son égard. Nan, mais sérieusement, c'est quoi ce délire ?!

J'étais persuadé qu'elle était à un âge où elle pouvait s'amuser bien plus que ça. À un âge où elle ferait mieux d'enfiler de beaux vêtements, se balader dans Shibuya, ou même tenter l'expérience d'une impure relation hétérosexuelle, plutôt que de gâcher sa vie comme ça. Mais les religions avaient des règles strictes, du genre « Tu ne commettras point l'adultère. » Elle devait souffrir, la pauvre. Ce doit être difficile, vraiment difficile.

Je l'imaginais ignorant comment calmer les ardeurs de son corps chaque nuit. « Dieu nous regarde, alors nous n'avons pas le droit de faire ça. Mais... mais je... je ne peux chasser ces pensées impures. Ooh, pourquoi suis-je une fille aussi dévergondée ? Et alors même que Dieu me regarde... Je me confesse, ô Seigneur, vous qui êtes aux cieux ! »

Ce genre de choses, où règles et désirs sexuels s'affrontaient, devait constamment la tourmenter. À cause de ce livre érotique sur des nonnes que j'avais lu récemment et qui mentionnait ces problèmes, mon raisonnement devait être le bon.

Une idée me traversa brusquement l'esprit. Si tout ce j'avais conjecturé était vrai, alors d'une certaine façon, l'existence de la religion n'était peut-être pas une mauvaise chose au fond. Tout compte fait, ce ne serait même sûrement pas exagéré de la trouver merveilleuse.

Oh oui, c'était vraiment obscène. En y réfléchissant bien, je me disais que cette obscénité la rendait même extrêmement merveilleuse d'ailleurs.

Par exemple, l'image d'une jeune fille se faisant fesser par une vieille nonne pas commode trottait dans ma tête. Cette image fut accompagnée de scènes salaces de procès de sorcières qui s'ensuivraient après. Et bouquet final, une violente scène de torture avait lieu dans un sous-sol sombre et froid. L'inquisiteur dirait alors, « On va bien voir si tu es vraiment une sorcière », et il préparerait par la suite la punition du cheval en bois ! « Avec un fouet ?! » Shlack ! Shlack ! Shlack ! « Alors ? Toujours pas ?! » Shlack ! Shlack ! « Ahh ! Non, pitié ! Épargnez-moi ! Je vous en supplie, pardonnez-moi ! » Mais personne n'avait que faire de ses implorations, et cette orgie d'indignités sans nom continuait de plus belle sans que l'on sache où cela s'arrêterait !

Fantastique !

Magnifique !

Une standing ova-

― Hum...

Soudain, je me rendis compte que la bonne femme qui se tenait devant moi me dévisageait.

― Vous allez bien ? demanda-t-elle, inquiète.

Mes incontrôlables fantasmes sur la religieuse avaient détourné mon attention, sans parler de mes émotions. Depuis un petit moment déjà, n'importe quel péquenaud aurait remarqué que j'étais dans la lune et m'aurait trouvé bizarre.

Qu'est-ce que j'ai foutu ?

Je tentai désespérément d'adopter une attitude sérieuse.

Je me raclai la gorge :

― Ahem, ahem.

Du coup, tel un jeune homme tout ce qu'il y a de plus banal, et en faisant en sorte de ne pas tourner le regard dans la mauvaise direction, j'essayai d'apparaître le plus intelligent possible devant la bonne femme.

Évidemment, j'étais clairement sous le choc. Ça, je veux bien l'admettre.

Néanmoins, après avoir repris le contrôle de mes émotions, il n'y avait plus la moindre faille dans mon armure sur laquelle profiter. Après tout, ce n'était pas la peine d'être aussi nerveux. Il me suffisait de répondre, « Oui, je vais bien », tout en lui rendant ses brochures, et tout ça ne serait plus que de l'histoire ancienne.

Mais du fait du très long temps passé comme hikikomori, mon aptitude à communiquer avec les autres touchait pratiquement le fond, raison pour laquelle tout ça me rendait si nerveux.

Du calme. Du calme ! Allez, dis-le. Contente-toi de prononcer cette satanée phrase, « Oui, je vais bien. » Ouais. Je vais le dire dans une seconde. Oui, cette fois, je vais vraiment le dire.

Cela faisait probablement si longtemps que je n'avais pas adressé la parole à quelqu'un que ma voix devait sonner vraiment faux. Les mots sortant de ma bouche, tout du moins, allaient sûrement sonner faux. Il était même tout à fait probable que je risquais de bégayer sans le vouloir. Mais, dans le fond, qu'est-ce que ça pouvait bien faire ?

Après tout, ce n'était pas comme si j'allais revoir un jour cette femme ou cette fille. Ce qu'elles pensaient de moi ne devraient pas avoir d'importance. Elles me trouvaient bizarre ou inquiétant ? Et alors ? C'est pour cela qu'il fallait que je le dise. Il me fallait mettre un terme pur et simple à la conversation !

Allez, dis, « Oui, je vais bien ! »

Je vais dire, « Oui, je vais bien ! »

― Oui, je...

À cet instant précis, mes yeux se posèrent précisément sur les mots « Éveillez-vous ! » décorant la couverture de la brochure que je tenais dans ma main droite.

Sur la même couverture, était écrit en caractères gothiques noirs : « Le phénomène hikikomori s'attaque à notre jeunesse. Êtes-vous en sécurité ? »

En remarquant mon regard, le pieux sourire de la bonne femme s'illumina encore plus.

― C'est notre reportage spécial du mois. Nous avons enquêté sur le problème hikikomori d'un point de vue biblique. Cela vous intéresse-t-il ?

Il serait tout bonnement impossible de décrire avec des mots toute la terreur qui s'empara de moi à ce moment-là.

Pouvaient-elles lire en moi ? Était-ce possible que cette femme savait déjà que j'étais en fait moi-même un hikikomori ? Était-ce la raison pour laquelle elle aurait fait tout ce chemin pour me donner cette brochure ? Cette possibilité m'effrayait au plus haut point.

L'idée même que des gens que je ne connaissais ni d'Ève ni d'Adam m'aient déjà identifié comme un bon à rien de hikikomori provoquait en moi une terrible peur, ainsi que des frissons et des tremblements ― tout ça culminant dans une confusion terriblement difficile à supporter. Malgré tout, il fallait que je me calme.

Il faut que je les dupe ― et vite fait bien fait.

― Un hikikomori ? Ha ha ha ! Comme si je pouvais vraiment être un hikikomori !

Suis-je complètement stupide ? Ces mots me rendaient encore plus suspect. Il fallait que je sois plus convaincant ― et vite. Je devais trouver le moyen de les duper, une excuse... n'importe quoi. Allez, me suppliai-je.

― Hé, co-comment je pourrais en être un ? Hein ? Enfin, je veux dire, jamais quelqu'un comme moi n'aurait pu passer près d'un an sans avoir parlé à qui que ce soit. Ou pu avoir une vie de hikikomori si extrême que j'aurais arrêté les cours sans me trouver de travail, sans espoir pour mon avenir, et sans rien du tout. Ou pu se retrouver dans un état de désespoir profond. Ou n'importe quoi du même genre, pas vrai ?

La bonne femme fit un pas en arrière. Naturellement, mes pensées continuèrent de galoper sans fin. Que quelqu'un m'arrête.

― C'est vrai, quoi ! Madame, vous êtes stupide, extrêmement stupide. Et de quel droit ? Qu'est-ce que vous entendez par, « Le phénomène hikikomori s'attaque à notre jeunesse. Êtes-vous en sécurité ? » Et puis, s'il suffisait de prier pour ne plus être un hikikomori, personne ne souffrirait comme ça, pas vrai ? Et qu'est-ce que vous savez de moi ? Moi-même je n'en sais rien, alors comment les autres pourraient savoir ?!

Et voilà. Maintenant, la messe était dite. La missionnaire était absolument terrifiée. Elle semblait prête à faire demi-tour et à appeler la police sur le champ. « Il y a un fou dans l'appartement juste là-bas ! Il est dangereux ! »

Oui, je suis dangereux. Vraiment dangereux. Je me surprends moi-même ! En fait, ma propre idiotie me laisse pantois, elle qui m'a fait réagir de façon horriblement exagérée face à une banale bonne femme qui distribuait des brochures. Je n'en peux plus.

Il est temps pour moi de mourir. Un type comme moi, qui s'est salement déshonoré devant une religieuse, ferait mieux de mourir au plus vite.

― Madame, ça suffit maintenant, alors dépêchez-vous de rentrer chez vous. Prenez la fille avec vous et allez-vous-en.

Oh, c'est sans espoir. Tout est fini, oui, tout est fini pour moi ! Ouais, je vais m'acheter un katana demain. Et avec, je me ferai seppuku. Pour éviter de revivre pareille honte, je vais plutôt exhiber mes entrailles et mourir en guerrier. Ouais, je vais faire ça... Je me demande où on peut acheter des katanas.

J'ai pensé demander, « Hé, madame, vous savez où, vous ? Non ? Évidemment que non. Pas grave. C'est pas quelque chose de fondamental. C'est pas grave, alors fichez-moi la paix. Ouais, ok, ok, je suis vraiment désolé. Je suis un hikikomori. Un hikikomori de niveau international même. Il n'y a sûrement aucun hikikomori dans le coin qui puisse prétendre être plus inutile que moi. J'ai pas de boulot. Je suis un minable. Je dirais même plus, une larve ! Mais j'ai aucune envie que vous m'aidiez. Je vais bien, alors allez-vous-en. Vous comprenez ? Écoutez, je vous rends vos brochures. Alors, je vous en supplie, allez-vous-en, et plus vite que ça ! »

― B-b-bon, eh bien, pardonnez-moi de vous avoir dérangé à cette heure de la journée.

Après avoir rapidement détourné le regard, la bonne femme se tourna brusquement et souffla à la fille derrière elle.

― Allons-nous-en, Misaki. Retournons à la salle de réunion, d'accord ?

Ouais, c'est ça, rentre chez toi. Et que je ne te revoie plus. Et toi aussi, Misaki, dépêche-toi de disparaître !

Hum ? Quoi, Misaki ? C'est quoi cette tête que tu me fais là ? La vieille a déjà mis les voiles, alors qu'est-ce que t'as à me dévisager comme ça ? Quoi, tu veux ma photo, c'est ça ? Hé, c'est quoi ce regard ? Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? Qu'est-ce qui te fait rire ? Tu te moques de moi ou quoi ? Tu te paies ma tête, c'est ça...?!





Effectivement, il semblerait que j'avais été ridiculisé par une jeune religieuse que je ne connaissais même pas.

L'espace d'un instant, elle avait soulevé son parasol et m'avait regardé droit dans les yeux ; elle souriait à grandes dents. C'était un adorable sourire moqueur. Et moi, je voulais mourir.

Parce qu'une tarée de religieuse s'était foutue de moi ; parce qu'on m'avait regardé de très haut ; et par-dessus tout, parce que son sourire avait ce je-ne-sais-quoi d'inutilement mignon, pour toutes ces raisons diverses et variées...

Ça ne peut plus continuer. Je vais mourir, sérieusement.

Adieu.

Adieu, la bonne femme religieuse.

Adieu, Misaki, tenant son parasol.

Adieu, adieu à toutes et à tous.

Je vais me préparer pour mon voyage dans l'au-delà. Je vais fermer à clé la porte de mon appartement, fermer les rideaux, et préparer mon voyage.

Assis sur mon lit, je bloquai ma respiration. J'avais couvert entièrement ma bouche avec mes deux mains pour m'empêcher de respirer. Ça fait mal. Très mal. Mais bientôt, tout sera terminé. Je retenais ma respiration depuis une trentaine de secondes. C'est sûr, j'allais mourir d'un instant à l'autre maintenant.

Hélas, mon heure n'était pas encore arrivée. La raison était simple : l'air passait par mon nez.

Rien dans ce monde ne marche jamais comme on le veut. Que quelqu'un fasse quelque chose.


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