Hentai Ouji to Warawanai Neko. : Tome 1 Chapitre 1

From Baka-Tsuki
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Chapitre 1 : Le pervers et la statue[edit]

« S’il y avait un concours de popularité pour décider de quelle sorte de maillot de bain est la meilleure, laquelle serait la mieux placée ? »

Y a-t-il une personne sur cette Terre qui ne se soit jamais posé cette question existentielle ? C’est une chose à laquelle je réfléchis tous les jours, vous savez. Beaucoup de personnes révèlent le fond de leurs pensées en déclarant que les bikinis sont ce qu’il y a de mieux en ce monde, car ils ne couvrent que très peu de la surface totale du corps d’une fille (si peu qu’on puisse voir ses seins). Il y a également les maillots de bain d’une pièce qui font fureur auprès de ceux qui fantasment sur les filles pures. Mais mon esprit est soudain occupé par une pensée plus grave ; il existe une troisième grande puissance. Les maillots de bain scolaires.

Avant que vous ne vous moquiez de moi, je vous conseille d’aller observer les activités du club de natation féminine fissa. C’est loin d’être aussi ennuyeux que vous pourriez le croire. Vous comprendriez alors sans aucun doute que les maillots de bain scolaires sont des choses magiques. (Avertissement : je décline toute responsabilité des énormes difficultés auxquelles vous devrez faire face dans votre vie future si on vous attrape à la piscine, vous qui y seriez entré en douce au nom d’une quelconque recherche sur cette magie.)

Dans ce cas, comment faire pour observer les activités du club de natation féminine, me demandez-vous ? C’est simple. Dans mon lycée, les terrains de sport sont directement à côté de la piscine. Malheureusement, ils sont séparés par un épais mur en béton armé, cependant, lors de mon troisième jour de lycée, j’ai découvert une fine ouverture dans le coin du mur. On peut y apercevoir le paradis depuis l’extérieur sans que personne ne se rende compte de rien. Une véritable oasis de plaisir. Bien sûr, y jeter un coup d’œil est un crime. Un crime odieux. Mais hé ! Un homme doit faire ce qu’un homme a à faire !

J’ai rejoint le club d’athlétisme, où les activités ont lieu sur les pistes situées au fond des terrains de sport. C’était le club situé le plus près de l’oasis. Si, épuisé par mon entraînement, je jetais accidentellement un coup d’œil à l’intérieur de la piscine alors que je parlais aux autres membres du club, je n’y pouvais rien. Oui, personne n’y pouvait rien. Pour citer ce qu’a dit mon écrivain favori Oscar Wilde, un irlandais pervers, alors qu’il était en prison : « Je n’ai jamais regretté d’avoir vécu pour le plaisir. » C’est exactement ça. Comment pourrais-je laisser un tel paradis me filer entre les doigts ?

Si j’avais mal calculé une chose, c’est le club lui-même. J’aurais dû enquêter sérieusement tant que je pouvais toujours faire marche arrière. Vous voyez, il s’agit d’un club mixte donc je pensais pouvoir être entouré de filles en sueur dans leur maillot. Si on ne parle que d’être entouré de filles avec peu de vêtements, alors le club d’athlétisme fait d’une pierre deux coups. Mais en y repensant, c’était penser de façon un peu trop optimiste. Mes chances de me retrouver au cœur d’une romance étaient déjà nulles avant même que j’intègre le club.

L’été de ma première année, je n’ai pas vu un seul maillot de bain. Ce fut un enfer. Chaque jour, je fus secoué et jeté comme un torchon sale, et chaque soir, j’allai me coucher immédiatement après être rentré chez moi. Et comme j’étais trop fatigué pour regarder ne serait-ce qu’une des émissions qui passaient tard dans la nuit et que j’enregistrais, les épisodes non vus de la compétition des idoles en maillots de bain s’empilaient.

Mais il n’était pas question que je quitte le club. Après tout, il est dirigé par la Reine d’Acier. J’imagine qu’une personne normale ne voit pas de qui je parle… Elle dirait sûrement quelque chose comme « La reine d’acier ? Un parent du Roi de la distorsion[1] ? Ou peut-être un collègue d’Andrew Carnegie[2] ? » En fait, pas du tout. Imaginez plutôt l’un de ces commandants d’armées de démons qu’on peut voir dans les films de science-fiction. Il fuirait, pleurant sa mère, devant elle ; c’est dire à quel point la reine d’Acier est intimidante. Quand les grosses racailles de la ville mettaient le bazar dans les salles d’arcade du centre-ville, criant des choses comme « Heein ? Kes',tu r’gardes ? J’vais t’étriper ! » et rentraient accidentellement dans la Reine d’Acier, elles recevaient une telle correction qu’elles s’agenouillaient, n’ouvrant plus la bouche que pour dire des choses comme « Je ne vis que pour vous servir. Vos souhaits sont des ordres, maîtresse. » Assez brusque comme changement, hein ? J’ai perdu le compte du nombre de fois que c’est arrivé.

… Et puis merde. On s’en fout de la Reine d’Acier, je veux parler de maillots de bain moi ! Je veux parler de maillots de bain avec tous les hommes de la planète. Tant que l’eau et les maillots de bain existent, je peux continuer à vivre.

Donc comme je le disais, les maillots de bain scolaires sont magiques. J’en suis arrivé à cette conclusion l’été de ma deuxième année de lycée. Après une longue année, je m’étais enfin habitué à l’entraînement journalier du club d’athlétisme. Malheureusement, au moment où j’ai tiré cette conclusion, ma vie était sur le point de basculer

Partie 2[edit]

Ce jour-là, je m’étirais avec précaution en prévision d’une course de cinq kilomètres. Je tendais donc un muscle du mollet, vous voyez, tandis que, par chance, le trou dans le mur était juste en face de moi, et je pouvais alors voir l’intérieur de la piscine. (C’était une coïncidence. Personne n’y pouvait rien.)

L’insoutenable soleil de juillet cognait. Sans la moindre petite brise, le soleil était haut dans le ciel du sud. L’été s’était levé sur les terrains de sport ; le genre de temps qui vous crame de la tête jusqu’aux pieds.

Le côté de la piscine était légèrement surélevé par rapport aux terrains de sport. Je pouvais apercevoir un grand nombre de corps, vêtus d’audacieux et révélateurs maillots de bain scolaires bleu marine, ruisselants d’eau brillante. À chacun de leurs étirements, je voyais moins de ce qu’ils portaient et plus de leurs magnifiques membres.

C'était là, en admiration face à ces maillots de bain, que j'ai compris. Le pouvoir du maillot de bain scolaire est sa manière d'envoûter les personnes qui le voient. C'est un genre de fétiche qui laisserait là un jeune homme pendant des heures. Vous êtes ici, debout, appréciant le spectacle de la magnifique rencontre des atouts féminins et de la façon dont ils sont moulés par la ten-

« Dis-moi Yokodera, qu’est-ce que tu fais ? »

J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter. Mon rythme cardiaque s’emballa sauvagement, tandis que tout mon sang me montait à la tête.

J’étais dans le club d’athlétisme depuis un an et quatre mois. hm, est-ce que mon petit coin de paradis avait été découvert ?

L’estomac noué, je me retournai lentement pour réaliser qu’en fin de compte, mon cœur aurait mieux fait de lâcher. De longs cheveux noirs attachés en une queue de cheval… La personne qui se tenait derrière moi était…

« L-La R-Reine d — ?! »

« Reine ? Je ne comprends pas. Exprime-toi clairement. »

« R-Reine… c’est euh… V-Vous savez, aux échecs, la reine est la pièce la plus dangereuse donc il faut l’éliminer au plus vite, mais on n’est pas obligé de le faire pour gagner une partie. C’est comme dans la vie. On peut réussir sans nécessairement avoir à faire des compromis… n’est-ce pas ? »

La Reine d’acier me fixa intensément. « Qu’est-ce que tu racontes ? Tu as du sable dans les oreilles ou quoi ? Écoute Yokodera. Ce que je déteste par-dessus tout, ce sont les faibles. Est-ce que tu sais ce qui vient ensuite ? »

Tout le monde vénère le monarque absolu, la présidente du club d’athlétisme. Elle est maligne, intelligente, et est reconnaissable par sa longue queue de cheval noire. Ses manières lui donnent l’aura d’un homme. Grâce à l’alliance de sa large poitrine et de ses membres souples, il ne serait pas étonnant de la voir en couverture d’un magazine d’athlétisme.

… Et tant qu’elle a ce regard cinglant, presque démoniaque, pointé sur vous, vous ne pouvez dire le contraire.

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La présidente du club ne change jamais d’expression. Un regard froid et perçant. Des membres fins, mais bien dessinés. Peu importe, où vous la regardiez, il n’y a aucune trace de rire ou de tristesse sur son visage. La seule émotion qui pouvait apparemment se refléter sur ce visage d’acier était l’exaspération. Sa fierté hautaine était aussi inébranlable que du métal, et c’est pourquoi on l’appelle la Reine d’Acier. Selon moi, ses parents, qui qu’ils soient, ont fait un travail impeccable.

Je serrai les dents, la bouche fermée.

« Tu ne sais pas Yokodera ? Alors je vais te le dire. » Avait tranquillement repris la présidente. On eût dit que sa voix rauque venait des enfers. « Ce que je hais le plus après les faibles, c’est de voir ma confiance trahie. »

« Ah euuuuh, a-attends, je crois qu’il y a un léger malentendu… »

« Il n’y a aucun malentendu. Si tu trahis ma confiance, je t’envoie rôtir en enfer. »

La rumeur que la présidente du club d’athlétisme est ceinture noire de karaté, de judo et d’aïkido me revint à l’esprit. En plus de ça, elle est maître de kendo et de kung-fu, elle sait compter avec un boulier et est une experte en calligraphie. Le plus effrayant là-dedans, c’est qu’elle a atteint un niveau extraordinaire dans chacun de ces domaines. Bien que le comptage et la calligraphie ne soient pas des choses qu’un expert en arts martiaux irait étudier en temps normal, elle s’est perfectionnée aux maniements du boulier et du pinceau au point de pouvoir se servir de ça comme d’armes de destruction massive.

Dans ma situation, si je venais à révéler un seul moment de faiblesse, signe que j’ai trahi sa confiance en espionnant les filles du club de natation féminine - que ce soit un cadeau de la providence, une simple coïncidence ou pas - je n’ai aucune idée de ce qui m’arriverait. En dépit de la noblesse de son âme, la Reine m’a dit elle-même ce qu’elle détestait. Au vu de ce qu’il s’est passé, j’ai oublié de prendre en compte un détail. Mes points de vie sont en grand danger.

J’étais dans une impasse.

« Ah ! Regardez là-bas, Présidente ! »

« Quoi ? »

« Le ciel est rose et il y a une baleine de l’espace ! Ahhh, c’est la fin du monde ! Je dois rentrer tout de suite ! »

« Calme-toi, tu veux ? On n’a pas fini de parler. Une baleine tu dis, hein ? Où ça ? À l’est ? Ou au sud peut-être ? hm ? Peu importe. On va laisser le monde se défendre tout seul. »

Juste quand je m’apprêtais à m’enfuir vers la sortie, elle m’attrapa par le col. Comme on pouvait s’y attendre de la Reine d’acier, elle a des yeux derrière la tête.


Je suis mort. Ça y est, c’en est fini de moi.


« Mais je suis un homme après tout. » Ai-je dit à haute voix. « Puisqu’on en est arrivé là, sachez que je ne m’excuserai pas. Je l’ai fait sur un coup de tête. Non, c’était une regrettable coïncidence. Non non, laissez-moi me corriger, ce sont des organisations secrètes qui complotent contre moi. J’ai été piégé ! »

« Mais de quoi tu parles depuis tout à l’heure ? La fin du monde, des organisations secrètes… Que… peu importe ? Épargne-moi tes fantaisies. Je t’ai dit que je déteste qu’on trahisse ma confiance parce que je veux que tu sois le prochain président du club. »

« Je le jure ! Je n’ai jamais eu l’intention d’espionner qui que… Vous venez de dire que je vais être le prochain président du club ? »

« Espionner ? Qu’est-ce que tu racontes encore ? »

Un vrai quiproquo. Notre conversation était comme les lames émoussées d’une paire de ciseaux, incapables de se rencontrer l’une l’autre.

« Donc euh… quand vous dites président du club, vous voulez dire quoi exactement ? »

« Pourquoi cette question, ça veut dire ce que ça veut dire. Dis-moi plutôt, c’est quoi cette histoire d’espionnage ? »

« Je me suis dit qu’on pouvait être les sujets d’expérimentation d’un organisme secret qui étudie le genre humain. Nous sommes observés ! »

« Un organisme secret… ? Je ne comprends pas vraiment… Dis-le avec des termes d’athlétisme. »

« C’est comme si Carl Lewis faisait la course avec un TGV, tandis que son conducteur le regardait et se moquait de lui. »

« Je n’ai rien compris. »

« Moi non plus, je ne comprends pas. Quelle joie de rencontrer un camarade ignorant ! D’ailleurs Présidente, vous êtes la présidente du club. Vous ne pouvez être que vous, autrement dit, vous êtes la présidente du club. »

La présidente ouvrit légèrement ses lèvres et laissa s’échapper un soupir de frustration. Avec de grands efforts, elle plaça une main sur une de mes épaules. Je choisis de ne pas opposer de résistance, comme si j’étais Gandhi lui-même.

Lorsqu’ils réalisèrent ce qu’il se passait, les membres du club d’athlétisme qui étaient au bord des pistes se mirent à murmurer avec intérêt. On eût dit que la présidente du club se préparait à faire un discours. Moi qui n’avais rien demandé, et qui m’occupais de mes propres affaires - le mur en béton - j’étais devenu le centre d’attention.

« Je ne devrais pas avoir à le faire, mais je vais le dire une seconde fois. » La présidente adressa son discours aux membres alignés derrière moi. Je pensais enfin être libéré quand elle me cloua au sol avec son seul regard. Le club d’athlétisme était en un instant devenu un spectacle. Sans l’autorisation de la présidente, je ne pouvais m’échapper. « Yokodera, je ne te l’ai jamais dit avant, mais tu es un type talentueux. »

« … Serait-ce un sarcasme ? Une question piège ? À moins que vous ne vouliez me prendre sur le fait depuis tout ce temps ? Enfin, ce n’est pas comme si je pouvais être pris sur le fait de quoi que ce soit. Je n’ai rien fait, je le jure ! »

« Pourquoi est-ce que tu trembles ? Sais-tu à quelle période de l’année nous sommes ? »

« Hein ? Eh bien, nous sommes dans la période où les filles s’habillent très légèrement. »

« Exactement. Attends, quoi ? Ahh… La semaine prochaine sera la première de juillet. Ce sera le dernier été des troisièmes années. Il va y avoir une réunion après que le tournoi interscolaire sera terminé, mais je veux m’en débarrasser avant le début du prochain semestre. »

« Oh, ça m’a l’air embêtant. »

« Pourquoi est-ce que tu sembles si peu concerné, futur président du club ? »

Je vis alors un doigt, bruni par le soleil, se pointer sur moi. La présidente… me pointait du doigt ?

« … Euh, pardon ? »

« Pourquoi regardes-tu derrière toi ? C’est de toi que je parlais. »

Elle semblait aussi énervée qu’à son habitude, mais à moins que j’eusse mal entendu, elle venait de me complimenter. C’était à ma connaissance la première fois que la Reine d’acier félicitait quelqu’un. Ça devait être une première mondiale.

J’étais confus. Aucun membre n’avait préparé de pancartes pour cet heureux événement. En fait, tous se regardaient honteusement.

Dans le club d’athlétisme, les mots de la Reine sont synonymes de loi. Si elle dit que les corbeaux sont blancs, alors ils le sont. Si elle vous dit de courir, alors vous courez, qu’il pleuve, vente ou neige. Elle avait toujours raison, et même quand elle avait tort, elle avait raison.

Et que venait-elle de dire ?

« Alors, euh, c’est une blague c’est ça ? »

« J’ai beaucoup réfléchi à décider de qui serait mon successeur à la tête de ce club. Yokodera, depuis le jour où tu l’as intégré, tu n’as pas raté un seul entraînement. Jamais tu n’as négligé tes exercices. De plus, tu as bien grandi. Oui, tu es le membre le plus précieux de notre club. »

« V-Vous exagérez ! »

« Certes, tu as développé quelques habitudes bizarres depuis quelque temps, et tu as encore du chemin à faire, mais ton cœur est bon. Pas une seule autre personne n’aime le club d’athlétisme autant que toi. Vous devriez prendre exemple sur ce garçon, les autres. Peut-être cela vous permettrez de vous éveiller à l’athlétisme. »

L’apparence aussi imposante que d’habitude, la présidente secoua légèrement sa queue de cheval dans son discours. D’une manière ou d’une autre, il semblerait que le trou dans le mur n’ait pas été découvert.

Mais ma situation était devenue encore plus ridicule.

Les membres du club me regardaient tous avec envie. Leurs pensées étaient si limpides qu’elles étaient blessantes. « Alors comme ça, tu penses pouvoir devenir le second Roi juste parce que la Reine d’acier t’a complimenté ? À d’autres. Ce n’est pas grand-chose, arrête de nous regarder de manière aussi suffisante. »

Je n’en suis pas particulièrement fier, mais c’est vrai que je suis un membre assidu du club d’athlétisme. De plus, refusant de céder à cet entraînement de spartiates venu de l’enfer, je me suis pris en main, et mes résultats en saut s’en sont retrouvés radicalement améliorés, à l’instar de mes temps au 5 000 mètres.

Inutile de préciser que si j’ai fait tout ça, c’est uniquement pour les maillots de bain. Plaisir et souffrance sont deux faces de la même pièce. Quand je m’étire, je le fais de manière à mettre ma main dans le mur, et plus vite j’arrive à la ligne d’arrivée dans une course, plus de temps je pouvais passer près du mur. Si l’on m’avait dit que ça allait faire de moi le prochain président du club, j’aurais cru que c’était une blague.

« Désolé d’avoir pris l’athlétisme au sérieux. » Était lisible sur le visage de tous, mais pas sur le mien. « Présidente. M-Merci beaucoup pour cette offre, m-mais… »

« hm ? »

« Ce n’est pas que j’aime ou pas le club d’athlétisme… »

« Mmh »

« Quand j’ai rejoint le club, j’avais en quelque sorte, euh… un objectif tout autre en tête… »

« Assez de cette fausse modestie. Tu peux t’exprimer librement, tu sais ? » s’exclama la Reine d’acier, en donnant un coup de pied dans le sol avec irritation, chassant par là même toute la générosité et la bienveillance qu’elle avait précédemment.

« C’est ce que je fais, bien qu’après un tel discours, je ne m’en sente pas le droit. » Les mots sortent tout seuls, comme par magie. Une seconde voix, dans ma tête, a pris le dessus. Effrayant.

« Alors, qu’est-ce qu’il y a ? Demande ce que tu veux. »

« Je ne fais que demander. » (<— la deuxième voix)

Je pouvais voir la profondeur de ses intentions meurtrières dans son regard. Sa présence d’acier enveloppait mon corps. Qui pouvait se tenir debout face à la Reine et la défier ? Si elle devenait sérieuse, personne ne serait en mesure de l’arrêter.

… Malgré tout, je devais lui dire la vérité.

Si je ne le faisais pas, je le regretterais sûrement pour le reste de ma vie.

« Je suis vraiment désolé, et c’est incroyablement difficile à faire, mais ce que j’essaye de dire, c’est que… »

« Tu es trop indécis ! Clairement, je veux que tu t’exprimes clairement ! »

« Je suis né pour vous succéder ! Être choisi pour devenir le prochain président du club m’emplit d’une joie extrême ! J’accepte humblement votre offre ! »

« hm ! Yokodera, t’entendre parler de ça me redonne confiance ! Ne me déçois pas. »

« … Oui. »

J’avais bafouillé il y avait encore peu, mais j’avais repris mes esprits.

Satisfaite, la présidente du club donna un léger coup de tête en arrière. Il ne faisait aucun doute que lorsque la présidente serait partie, elle continuerait de tirer les ficelles depuis les coulisses d’une main de fer, et que je ne serais plus que son toutou.

Dans l’accalmie qui suivit, les autres membres soupirèrent. Ils avaient compris eux aussi. J’espérais seulement qu’ils avaient soupiré par compassion pour moi.

Dans une vision, je me vis suivre un chemin gris jusqu’à sa fin, mes alentours piégés par un mur d’acier. De sombres ténèbres tombèrent jusqu’au sol, et tandis qu’elles s’étendaient, recouvrant une zone de plus en plus large, elles avalèrent le monde entier.


Venue du plus profond de mon cœur, une seule phrase flottait dans mon esprit : fais chier !

Partie 3[edit]

Je suis une personne dont il est facile de mal interpréter les intentions. Ça a toujours été ça.

À l’école primaire, je pensais que je pouvais voir sous les jupes des filles grâce à la réflexion du soleil sur le sol du couloir. Alors chaque jour, je frottais le sol de tout le couloir avec un chiffon, si bien que le directeur m’a appelé un jour devant tout le corps étudiant. « Voici Yokodera-kun, de la classe 5-1. Un enfant louable qui n’oublie jamais d’accomplir son service public. » Le service que je voulais réellement, c’était celui que seules les filles peuvent offrir…

Une autre fois, je pensais que je pouvais voir sous les jupes des filles lorsqu’elles sautaient par dessus les mauvaises herbes qui parsemaient le chemin de l’école. Alors chaque jour, j’arrosais les plantes, si bien que je me suis fait interviewer par une chaîne de télévision locale. « Ce collégien a chéri la nature pendant trois longues années. Quel enfant louable a tenté de changer la route sans vie de son école en un magnifique chemin fleuri ! » Les seules fleurs qui m’intéressaient réellement, c’était celles qui ornent les culottes des filles…

Et encore une autre fois, je pensais que je pouvais voir sous les jupes des filles lorsqu’elles filaient à toute allure sur leur vélo tandis que le vent soulevait légèrement leur jupe. Alors nuit et jour, je roulais à vélo sans jamais détourner le regard, si bien qu’un article sur moi a été publié dans un journal national. « Ce lycéen stupéfiant a décidé de pourchasser le crime jusqu’au bout du monde ! Cet enfant louable a reçu une lettre de remerciement de la police. » La seule chose que souhaitais réellement capturer, c’était le cœur d’une fille.

Quoi que je fasse, les gens pensent que je suis un bon gars. J’ai donc fini par ériger une façade chaque fois que j’ouvre la bouche.

De l’école primaire au lycée, je n’ai pas le moins du monde augmenté en maturité. Au contraire, je prie chaque jour pour pouvoir voir des maillots de bain, et récemment, ma perversion a encore augmenté. Par exemple, si je vois une fille en maillot de bain, je peux deviner ses trois tailles. C’est embarrassant de dire ça sur ma propre personne. Je ne suis pas du tout comme ça !

Non, c’est faux.

Je vais être honnête. Je ne veux pas me mentir à moi-même. Je veux me concentrer sur les filles. Je veux voir les filles sous toutes leurs formes. Je veux être intime avec des filles, que ce soit avec, ou sans pantalon.

C’est pourquoi devenir le président du club d’athlétisme était hors de question. Tant que la Reine d’acier le dirigeait avec son amour de l’ordre sans pareil, le club avait devant lui un bien sombre avenir.

« Pourquoi, Senpai, est-ce votre classe ? J’ai ce sentiment particulier quand je suis dans la même pièce que vous. J’y pense, puisque nous sommes seuls dans cet endroit, peut-être devrais-je fermer la porte, mh ? » Je voulais quitter le club, et avoir ce genre de rendez-vous après les cours. Et après avoir fait le méchant, « Ahh, tu as oublié ta veste. Enfin, j’imagine qu’on n’y peut rien. Je te prête la mienne, mais puisque je n’en ai qu’une, on va la mettre ensemble, d’accord ? », j’aurais eu ce genre de développement à l’eau de rose. Ça aurait été bien mieux que rester dans le club. Même si c’était interdit, je me serais rebellé, et un autre étudiant plus sérieux aurait pris la tête du club.

… Ouais, j’aurais dû dire « Non » à ce moment-là.

Passé ou présent, ça a toujours été pareil pour moi. chaque fois que j’aurais dû dire la vérité, je n’ai fait que me cacher derrière une façade et dire ce que je ne pensais pas. Pourquoi n’étais-je pas capable de dire les bonnes choses aux bons moments ? Peu importe combien de mots je prononce, mes plus simples et honnêtes pensées n’atteignent jamais les autres personnes.

Partie 4[edit]

L’été. Quand je rentrais du lycée, le soleil montait dans le ciel aussi lentement que les ombres se dessinaient par-ci par-là sur l’asphalte. Plutôt que de rentrer directement chez moi, je me dirigeai vers le parc de jeux. Quand je descendis de mon vélo, la personne qui était assise sur le banc se mit à m’applaudir bruyamment.

« J’ai eu vent de la nouvelle, charmeur ! Alors comme ça, on reçoit des traitements de faveur hein… Putain ce que je t’envie ! »

« De quoi parles-tu ? »

« Ne joue pas les innocents, ô, futur Roi d’acier ! » ricana-t-il tout fort.

Mon ami Ponta a une sale réputation depuis l’école primaire déjà. C’est un vaillant soldat dont le nom est issu d’une longue carrière dans le monde de la pornographie. Il vient plus exactement de « Porn Hunter », que l’on a abrégé une première fois en « Pornter », puis finalement en « Ponta ». Vu que son nom est en lien direct avec la pornographie, rien d’autre que des stupidités ne sort de sa bouche. Lorsque je suis entré au lycée, le temps que je passais en dehors de celui-ci s’était retrouvé réduit à cause du club, mais comme ce parc était situé à exact mi-chemin entre nos maisons, il a fini par devenir notre point de rendez-vous.

« Ce n’est pas aussi beau que ça en a l’air. Ma tête me fait souffrir depuis ce matin. »

« Pourtant, se faire remarquer par une belle Senpai est un honneur. Où est le piège ? »

« Réfléchis. Qu’est-ce que “Reine d’acier” t’évoque ? Ne serait-ce pas bizarre qu’elle soit une simple beauté ? »

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Je m’assis au sommet de la cage à écureuil.

« Quand je pense à de l’acier, ce n’est pas une belle vierge ou une jolie princesse qui me vient à l’esprit. Tu saisis ? »

Ponta resta muet quelques instants.

« Je vois. Si l’on parle d’une reine qui est passée du côté obscur, abandonnant son côté féminin, alors vous n’avez pas de chance à devoir rester éveillés toute la nuit pour elle. » Il afficha un sourire compatissant. « Ne sois pas si blasé, va. »

« Non vraiment, ce n’est rien d’autre qu’une plaie… »

Comme lui, j’avais eu de l’espoir à une époque. Une fois ou deux, des étudiants se sont battus pour elle quand ils parlaient de jolies filles, et il est normal pour un mec de fantasmer sur elle avec un physique pareil. Mais ces fantasmes disparaissaient aussi rapidement qu’un coucher de soleil. Disons simplement que pour ces Don Quichotte, un bon coup de poing suffisait à leur faire oublier l’idée de courtiser la Reine. Il n’y a pas de place dans le cœur de la Reine d’Acier pour l’amour ou le plaisir. Pour elle, seule la discipline compte. Elle a même inculqué ça aux personnes faisant déjà partie d’un club, celui d’athlétisme compris. Je frémis rien qu’en pensant à cette prétendue beauté. Marcher sur ses pieds d’acier n’est sûrement pas la meilleure idée qui soit. Comme candidate à une romance, elle est hors-concours.

« Pourquoi n’essaierais-tu pas de faire du rêve athlétique une réalité ? »

« Tu aurais dû me dire ça il y a dix ans, c’est trop tard maintenant. Aucune chance que j’arrive à faire ça. »

« Qu’est-ce que tu racontes petit lapin ? Bouge-toi un peu et deviens la nouvelle star du club d’athlétisme ! »

« Qu’est-ce qu’il se passe, Ponta ? Ce que tu dis ne te ressemble pas. Et ne me ressemble pas non plus d’ailleurs. »

Il parlait de choses étrangement passionnées. J’en vins à me demander s’il aimait ce genre de vidéos, dans lesquelles on peut trouver un entraîneur amoureux et un bel athlète franchissant tout les obstacles qui se dressent devant eux, malgré leur différence d’âge.

« Héhéhé, tu es trop naïf. Aussi naïf qu’un nouveau-né. »

« Hein ? »

« Je suis passé à autre chose. Pour moi, fini la pornographie. »

« Oui, c’est ça… Si toi, t’es passé à autre chose que la pornographie, moi je peux marcher sur l’eau. »

« Tu ne me crois pas hein… Je t’avoue que je m’y attendais. Regarde ça. »

Ponta ouvrit le cartable posé près de lui, et en sortit un énorme sac. Il était si gros que compter le nombre de DVD et de magazines qu’il contenait était impensable. Attends…

« Tu déconnes ?! La collection complète à 10 000 yens de “Le premier vœu du Nouvel An d’une princesse” ?! C’est la Légendaire-Édition-Collector-Introuvable ! Et ça ? Serait-ce la collection des maillots de bain interdits en centre-ville ?! Qu’est-ce que c’est que tout ça ? Ta collection secrète ? »

« Je n’en ai plus besoin à présent. J’ai donc décidé de te vendre tout ça. »

« Sérieux ?! »

Je fixai bouche-bée Ponta. Son visage était sincère ; il ne mentait pas. Incroyable… Dire qu’une fois, alors que j’étais chez lui, Ponta m’a donné un coup parce que j’ai failli renverser du soda sur sa collection d’images X. Il avait les yeux injectés de sang comme un fou et m’avait cogné le ventre. Peut-être qu’il essaie d’aller de l’avant… Combien de temps ça aura duré ? Nan, il a dû être payé pour dire ça.

« Dis-moi tombeur, tu savais que j’ai vendu des organes pour que les Africains puissent avoir une vie meilleure ? »

« Euh… ouais ? »

Récemment, j’avais entendu dire qu’il n’avait plus qu’un seul rein.

« Il y a des personnes comme nous qui vivent dans le même monde. Je ne peux pardonner l’injustice qu’ils subissent ! Mais malheureusement, ma tirelire est vide. C’est pourquoi je te demande à toi, mon meilleur ami, si tu veux bien me débarrasser de tout ça pour 100 yens. Avec une telle somme, des enfants peuvent boire 40 litres d’eau. »

« 100… 100 yens ?! »

Ponta avait un profond regard compatissant, comme s’il était tout à coup devenu un être éclairé. J’aurais pensé exactement la même chose quant à vendre mes organes, mais je n’avais aucune idée de ce que je devais faire de ce fossé spirituel entre nous. (!) C’était impressionnant tout de même. Très impressionnant. Penser qu’il serait aussi excité à l’idée de voir des Africaines canon aux poitrines généreuses… Enfin, ce serait bien son genre. Mais, pourquoi voudrait-il se débarrasser de sa collection ?

« … Nichons. »

« Hein ? »

« Fesses. »

« Euh… »

« Hanches rebondies. »

« Ooooh, non, on ne peut pas avoir ça. »

« Tu n’as réagi à aucune des trois grandes tentations ! T’es malade, Ponta ?! »

« Je dirais plutôt que je me suis éveillé. J’ai compris le sens de la vie. Les nuages qui passent, les oiseaux qui gazouillent, les fleurs qui éclosent puis se fanent. Le monde regorge de trésors plus beaux et importants que le corps d’une femme. »

« Que… Que t’est-il arrivé… ? »

« J’ai entendu la Parole, on pourrait dire. »

Ponta leva la tête vers le ciel d’ouest, le regard perdu dans le lointain, comme s’il cherchait Gandhara[1]. C’était comme s’il venait de trouver la sagesse perdue. Je me demande s’il n’est pas trop tard pour l’emmener se faire soigner…

Alors que j’étais tombé dans le silence, déconcerté, Ponta éclata de rire. « Ne me fais pas cette tête ! Peut-être que toi aussi tu peux être sauvé par la Parole. Tout commence par le Dieu Chat de la Colline Ipponsugi. Tu en as déjà entendu parler ? »

« Tu parles de la statue de chat ? »

Confus et intrigué par ce qu’il venait de dire, je tournai la tête à mon tour vers l’ouest. La colline Ipponsugi s’érigeait par-delà la banlieue, et trônait fièrement au-dessus des toits et du parc. Il s’agissait de la jolie prairie verte qui entourait un immense et vieux cèdre. Probablement suite à une farce, une statue de chat en bois s’élevait discrètement au pied du grand arbre.

Le « Chat austère ».

Ce chat de bois qui n’était ni tout à fait ressemblant, ni tout à fait différent d’un vrai, avait une apparence toute particulière qui faisait de cette colline une sorte de lieu de pèlerinage.

« As-tu déjà entendu parler de cette rumeur à propos d’un pouvoir qu’aurait le Chat austère lorsqu’on lui offre quelque chose ? »

« Non. Qu’est-ce que c’est ? »

« Tut tut, puisque tu ne sais pas, je vais te le dire. C’est l’histoire d’un élégant et beau jeune homme de seize ans, qui essuie courageusement le joug tyrannique d’un adulte malveillant. Les vents déchaînés de la société font rage tandis que ses examens de fin de semestre ne sont pas bons. Puis en mars, sa professeur de littérature classique l’accuse de se laisser aller. »

« Euh… Tu ne parlerais pas de toi Ponta ? Tu ne trouves pas ça embarrassant de parler de toi ainsi ? Si tu t’étais correctement préparé aux examens, rien de tout ça ne serait arrivé. Tu ne penses pas que tu es le seul en tort ? »

« Hé ! J’essaie de me réconforter, ne remue pas le couteau dans la plaie, tu veux ? Je copiais sur ta copie au contrôle ! Mes préparations étaient parfaites, j’ai seulement été surpris quand ma copie a disparu. Et une chose en entraînant une autre, après une semaine d’attente, j’ai dû aller aux exams de rattrapage. Au devoir de compréhension écrite sur Hikaru Genji[2], j’ai répondu qu’il s’agissait d’un lolicon souffrant d’un complexe d’Œdipe ne pouvant être guéri — c’est la seule interprétation possible. Yandere, tsundere, femme mariée, genki girl — j’ai juste écrit une liste de traits de caractère sans mettre de grammaire. » Ponta se mit debout et hurla son discours étrange au ciel sans nuages. « C’est un livre de pervers ! Tout a pour seul sujet sa soif de sexe ! Les seuls problèmes qu’il rencontre sont dus à sa luxure sans limites ! Il faut arrêter à un moment… ! »

D’une certaine façon, je me sentis soulagé. Au fond, Ponta n’avait pas changé. C’était bon dans ce cas. Je lui donnai ma pièce de 100 yens, et rangea sa collection dans mon sac. Puis Ponta reprit.

« C’est là que la rumeur du Chat austère intervient. En échange d’une offrande, il te prend une chose dont tu n’as pas besoin et la donne à quelqu’un qui en a besoin ! C’est l’exact opposé d’un vrai chat[3]. Quel autre chat fait des livraisons pareilles ? La perversion n’est pas une chose dont on peut avoir besoin. Alors le jeune homme s’est dit “Quel objet obscène que j’ai chéri pourrait illustrer ma perversion ?” Exactement, son traversin ! Alors il l’a offert au Dieu Chat, et là, une chose mystérieuse s’est produite. Mes appétits charnels m’ont quitté ; littérature classique me voilà ! Hmmm hmmm hmmm ! Et donc j’ai passé sans le moindre problème mes examens de rattrapage et depuis ce jour, j’ai l’impression qu’avoir dit adieu à ma perversion a rendu le monde plus beau à mes yeux ! »

« Hip hip hip, hourra ! Maintenant, puisque moi, je n’ai pas dit adieu à ma perversion, je te laisse. Merci ciao ! »

« A-Attends ! Je ne t’ai pas encore remercié comme il faut ! Merci beaucoup ! Que Dieu te bénisse ! »

Je poussai le plus fort possible sur les pédales de mon vélo pour m’éloigner le plus de distance possible entre le parc et moi. Ponta avait crié quelque chose dans mon dos, mais je ne l’avais pas entendu. Posé sur la selle, mon sac faisait des bruits de cliquetis chaque fois que son contenu faisait des bons.

C’était ainsi. Durant sa courte période en tant que saint, Ponta avait fait une grave erreur en me laissant ces choses. Ses trésors étaient entre mes mains. Quoi qu’on dise, ils étaient désormais miens.

Partie 5[edit]

« … Le téléphone n’a toujours pas sonné… »

J’avais eu le temps de dîner, de prendre un bain et de profiter de mes trésors pendant une heure. Mais bien que j’eu le temps de faire tout ça, mon téléphone n’avait pas vibré une seule fois.

J’imaginais que Ponta, qui était devenu étrangement serein, serait en pleurs, me suppliant de lui rendre ses affaires. Je pensais qu’il avait fait cela sans réfléchir. Comme si une personne sensée irait vendre un tel produit de la sagesse humaine pour 100 yens. C’était vaillant de sa part, mais cette bravoure n’avait rien de viril. Peut-être que Ponta était en fait une fille… Cela aurait été un retournement de situation incroyable. Et que je n’approuverais pas du tout.

Quoi qu’il en soit… La perversion de Ponta a… disparu ?

L’examen de rattrapage de littérature classique avait lieu il y a quatre mois. Il avait largement eu le temps de se rafraîchir les idées. Et il n’aurait jamais consulté ses trésors durant tout ce temps ? Combien de kilomètres aurait-il dû courir pour échapper à l’attraction magnétique des poitrines, au point de ne plus m’en avoir jamais parlé ? Ce doit être l’œuvre d’une chose qui dépasse l’intelligence humaine.

Je pouvais voir de l’autre côté de ma fenêtre la colline Ipponsugi surplombée par le ciel d’une nuit d’été. Les lumières dues à l’activité humaine brillaient ; seule la colline était plongée dans l’obscurité et un silence total.

Je me souvenais de la rumeur du Chat austère, qu’on m’avait raconté avec tant de ferveur. « En échange d’une offrande, il te prend une chose dont tu n’as pas besoin et la donne à quelqu’un qui en a besoin ! »

*Gloups*

Je savais ce dont je n’avais pas besoin : ma façade. À cause d’elle, j’ai prétendu être honoré de devenir le prochain président du club, ou que je ne dis que des choses politiquement correctes — une chose que Ponta qualifierait de « complètement ridicule ».

La bonne chose à propos de Ponta est qu’il est honnête. Si quelque chose ne lui va pas, il le dit. Si quelque chose lui plaît, il le dit. Moi par contre, je ne suis pas aussi honnête avec moi-même. À cause de ce que je dis derrière ma façade, je ne suis pas vraiment celui qui mène ma propre vie. Si je pouvais ne serait-ce qu’exprimé mes vrais sentiments sans plier sous la présence de la Reine d’Acier, je pouvais me rapprocher du monde des maillots de bain.

« Ce serait mon seul souhait. » Ai-je murmuré. « Ce n’est pas grand-chose… » J’étais prêt à tout pour m’extirper de ce bourbier qu’est ma façade.

Dire que j’ai souffert de mes propres actions ne serait pas un mensonge. Ce ne serait pas si étrange que moi, qui me cache en permanence derrière une solide façade dont je ne veux pas, espérais de l’aide du Chat austère.

Mon regard s’attarda en direction de la Colline Ipponsugi, la demeure de l’étrange statue de chat.

Partie 6[edit]

Je descendis de mon vélo au pied de la colline, et me glissai dans un trou du grillage. Vu que la colline était en fait une propriété privée, elle avait été clôturée. Cependant, cela ne voulait apparemment pas dire qu’on s’en occupait. Le terrain était recouvert de hautes herbes, piétinées un peu partout, et le grillage était aussi troué que du gruyère. Cela dit, je n’avais jamais entendu parler de gamins qui avaient saccagé l’endroit.

À l’aide de ma lampe de poche, je marchais péniblement à travers l’étroit chemin de terre. Mon dos pliait sous le poids de mon traversin. Par chance, la colline n’était pas bien haute et cela me prit seulement dix minutes pour arriver à son sommet. Là, les épaisses branches du vieux cèdre s’étendaient si bien qu’elles semblaient bercer le ciel nocturne.

Le Chat austère était là cette nuit aussi, calé contre le tronc de l’arbre.

Sa tête était à moitié aussi large que ma jambe. Debout sur deux pattes, ce chat aux traits grossiers faisait environ un mètre de haut. Bien qu’on lui avait sculpté des yeux, une moustache et une truffe, le Chat austère affichait un visage si dénué d’expression qu’on l’eut trouvé étrange. Tandis qu’un chat normal ne lèverait qu’une patte pour faire signe, celui-ci avait levait deux pattes. En plus de ça, le dos de ses pattes était tourné vers moi.

Peut-être que c’est mère Nature qui l’avait sculpté. Il était à la fois horrible et impressionnant. Je ne savais pas depuis combien de temps il était là, mais il donnait l’impression de l’avoir toujours été. En voyant cette créature, je n’avais aucun mal à comprendre pourquoi les rumeurs sont arrivées.

À cause des insectes qui se rassemblaient autour, j’éteignis ma lampe de poche. D’une seconde à l’autre, tout ne devint plus que ténèbres. Je posai mon traversin devant le chat et m’assis immédiatement pour prier — ou plutôt c’est ce que je voulais faire. J’hésitai un peu.

« Hmm, ce serait peut-être mieux si je faisais ça. » Murmurai-je en retirant ma ceinture et en la mettant autour de l’oreiller pour lui redonner une forme à peu près correcte.

J’avais un jour commandé en ligne un traversin similaire à celui de Ponta sur un coup de tête. Il avait même un nom : « Barbara ». Une photo d’une idole que j’aimais à l’époque été censé être imprimé dessus, mais quand j’ai reçu l’oreiller, j’ai été choqué de constater qu’il n’y avait dessus rien d’une photo d’idoles, mais le dessin d’une créature venue d’une autre dimension. Je n’ai jamais eu le courage de le renvoyer ou de m’en débarrasser.

Voyez-vous, Ponta et moi nous sommes forcés l’un l’autre à nous en procurer. Ça faisait partie d’un jeu qui a duré plusieurs mois. Il y a un moment, je l’avais mis dans le casier de Ponta comme cadeau de félicitations pour avoir passé ses tests d’entrée au lycée, mais en mars dernier, il est revenu dans le mien. Maintenant que j’y pense, c’était aussi en mars que Ponta a prié la statue de chat. Il m’a dit qu’il l’avait utilisé comme offrande, mais comment l’oreiller aurait fait pour trouver son chemin tout seul et se retrouver parmi tous les endroits possibles dans mon casier ?

Barbara a été utilisée deux fois à fins religieuses, elle peut être fière d’elle. « Je me demande si ce dieu est heureux de recevoir un traversin comme offrande. » Pensai-je tout haut. « J’espère que oui. »

En même temps, vu que le souhait de Ponta avait été réalisé, j’ai pensé qu’il n’y avait pas meilleure offrande possible. C’est une bonne chose qu’il fasse nuit. Si quelqu’un me voyait ainsi avec Barbara, j’ai peur d’imag…

*tac* Quelqu’un tapa dans un caillou.


Je retins ma respiration dans le noir. Qui est-ce ? La police ? Un lycéen se baladant avec un objet de forme humanoïde accroché à son dos à l’aide d’une ceinture ne demandait qu’à se faire arrêter par les forces de l’ordre. S’ils trouvaient où j’habitais, mes trésors se verraient confisqués : détruits ! J’aimerais mieux mourir !

Ouais, ça n’arriverait sûrement pas, mais si la reine d’acier le découvrait, elle serait furieuse. « Les traversins sont un signe de faiblesse ! Insolent ! » Elle me réduirait en bouillie, et ce n’est pas vraiment le genre de délire hardcore que j’ai. Même chose si c’était un voisin ou quelqu’un de l’école. Je ne veux pas passer ma jeunesse sous le titre douteux « Petit copain de Barbara ».

Je n’ai pas envie de mourir, ni physiquement ni socialement. Mon Dieu… Que vais-je faire ?!

Tandis que je m’efforçais de reprendre mes esprits, les bruits de pas piétinant l’herbe se rapprochaient. J’étais figé sur place, incapable de faire un choix entre m’enfuir ou me montrer. Je n’arrivais même pas à me demander pourquoi une personne choisirait de venir sur la Colline Ipponsugi et pas ailleurs.

Devant moi, le rayon de lumière venant d’une lampe-torche se balançait de droite à gauche. Il était déjà pratiquement juste sous mon nez. L’individu devait être à plus ou moins un mètre de moi. Argh, je me balance qu’il s’agisse de la police, de la Reine d’Acier ou même d’un parfait inconnu. Je préfère vivre et combattre un autre jour plutôt que rester plus longtemps dans cette situation horrible.

L’instant où je me redressai, nous nous sommes rentrés dedans.

« Ahhhhhhhhhhh ! »

« Hiiiiiiiiiii ! »

Nous étions plus près l’un de l’autre que je ne le pensais. Mes yeux se seraient trompés à cause de l’obscurité ?

« Hiii ! Ah ! Un p-p-per… ! » cria la personne.

« Kestudi ?! » m’écriai-je à mon tour.

La lampe de poche tomba au sol, projetant ainsi la lumière sur l’offrande au Dieu Chat. L’espace d’une seconde, Barbara pouvait être vue, laissant supposer un spectacle des plus particuliers. Une vision que l’on n’oublie pas de sitôt.

Quelle vision ? Celle d’un corps nu avec lequel on aurait fait l’amour, puis qu’on aurait jeté plus loin.

« Hiiiiiiiiiiii ! U-Un pervers ! dois-je prévenir la police ou une ambulance… ? La police, sûrement ! »

« L-Laisse la police en dehors de ça, d’accord ?! Barbara n’est pas en vie, alors je n’ai rien à me reprocher ! »

« Je suis sûre que la police adorerait en savoir plus ! Maintenant, si tu veux bien m’excuser, j’ai rendez-vous avec une cabine téléphonique ! »

C’était la voix d’une fille que je ne connaissais pas. Enfin, on devinait facilement la voix d’une fille qui aurait rencontré un dégénéré.

« Attends, attends ! Éclairons les choses, tu veux ? Il y a un gros malentendu ! »

« Lalalalalala, je ne t’entends pas ! Je ne te vois pas ! Je n’ai rien vu ! »

« Tu n’as rien vu ?! Alors ton témoignage ne vaudra pas un clou ! »

« Bien sûr que si ! Tous les policiers du Japon sont de mon côté ! Les policiers sont puissants ! Ils sont invincibles contre les pervers ! » Les cris de la jeune fille devenaient plus incohérents de seconde en seconde.

La perspective de me retrouver menotté et jeté en prison devenait de plus en plus plausible.

(!) Elle trébucha tout à coup, et l’instant suivant, ma main rentra dans sa poitrine. Mue d’un élan presque surhumain, elle se releva et s’enfuit en courant. Comme si on jouait au chat et à la souris, je lui courus après.

« Ouiiin ! On doit être mariés pour faire ce genre de chose ! »

« De quel “genre” de chose tu parles au juste ?! Ferme-la et je serai doux ; tout le monde sera content ! »

« Doux ou pas, ça reste… ouiiin ! Ma vie est si détestable ! »

« Eh bien fais avec ! »

La fille se tortilla, et au même moment, j’attrapai ses bras et l’immobilisai.

Elle se débattit comme une folle. Et moi aussi. À force de lutter ainsi l’un contre l’autre, nos pieds s’emmêlèrent et nous envoyèrent rouler sur l’herbe. Nos genoux se rencontrèrent, et je sentis de la peau sous mes doigts. La première chose qui m’a traversé l’esprit est que les filles sont super douces au toucher ; je ne réalisai qu’après que cette situation semblait incroyablement louche. J’avais involontairement franchi la ligne de la criminalité.

« Je n’ai pas bon goût du tout ! Je suis maigre et plate et je ne porte pas de sous-vêtements alors si vous me mangez, j’aurais très mauvais goût ! C’est vrai, je vous assure ; ne me tuez pas ! »

« Ne dis pas des choses pareilles sur toi ! Aie un peu d’amour propre ! »

« Je n’ai pas besoin d’amour propre tant que mon corps m’appartient ! Mes mensurations sont les pires de la classe ! J’aurai meilleur goût si vous attendez deux ans alors… alors… je voudrais rester pure jusque là… ! »

Tout à coup, la fille cessa toute résistance. Les ténèbres me masquaient la vue, mais je n’avais pas besoin de ce sens pour m’en apercevoir, sa voix seule suffisait ; elle pleurait.

Tandis que les larmes<!— J’ai pris la liberté de supprimer « et la morve », pour des raisons d’esthétique (évidentes) --> ruisselaient sur son visage et que son corps d’enfant secouait légèrement, elle lâcha un sanglot enroué.

Je sentis ma panique monter, ce qui n’aidait pas mon mal de crâne naissant. Bien que je venais de devenir un criminel, il me restait mes principes. Un garçon qui fait pleurer une fille est la pire ordure que ce monde puisse connaître. Peu importe la bassesse dont on fait preuve, ce fait est absolu.

Je fermai mes mains sur les épaules de la fille, plaquées au sol. Je pris alors une grande inspiration et dis « Écoute-moi. Barbara n’est rien de plus qu’un oreiller. »

Ses épaules étaient si fragiles que j’eus un pincement au cœur. Elle était aussi délicate que de la porcelaine, et je craignais que son faible et fragile corps puisse se briser sous mon toucher.

À cet instant, je laissai tomber ma façade et ma dignité et beuglai avec tout ce que j’avais. « Elle n’est pas humaine, c’est juste un objet que j’ai amené ici ! Je ne suis pas dangereux, et ne te blesserai pas ! Pour tout te dire, je n’avais encore jamais poussé une fille au sol ! Mon corps est pur ! »

Ma voix résonna sur toute la colline.

J’attrapai ma lampe de poche, et l’allumai en direction du traversin. Le cercle de lumière formé par les deux lampes révéla un bout de tissu — symbole des désirs d’un jeune homme. Je comptais dessus pour me laver de mes crimes.

« … Alors c’est la première fois que tu pousses quelqu’un au sol, je vois… » répondit-elle. « Si tu es aussi pur que tu le prétends, pourrais-tu te retirer de moi tout de suite ? » On voyait dans son regard qu’elle me portait encore des soupçons.

Satisfait du fait qu’elle ne pleurait plus, je m’exécutai.

Vous pouvez aisément deviner que je ne toucherais jamais à une vidéo faisant l’apologie du « sexe de force ». Je ne pourrais jamais être excité par le visage d’une fille en pleurs. J’ai mes principes. Lorsque je choisis ce que je veux télécharger, je refuse de toucher à quoi que ce soit de ce genre — C’est une règle absolue !

Partie 7[edit]

Notes de traduction[edit]

  1. Gandhara : ancien royaume autrefois situé là où l’est aujourd’hui le Pakistan.
  2. Hikaru Genji : Nom du personnage éponyme du “Dit de Genji”, considéré comme le plus ancien roman qui soit.
  3. “C’est l’exact opposé d’un vrai chat” : Notez qu’au Japon, les chats sont réputés pour être des voleurs.


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