Iris on Rainy Days : Mes Devoirs

From Baka-Tsuki
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Iris my homework.jpg


Voici l'histoire d'une androïde née un jour de pluie.

Voici l'histoire de jours pluvieux.

Voici l'histoire d'une androïde née un jour de pluie, au prix de grands efforts.

Jour d'activation[edit]

Connecté.

...

L'énergie se diffuse dans mon corps.

Moi.

Activé.

— ... Tu me comprends ?

Le premier son que j'entends en me réveillant est...

— ... Hé, tu me comprends ?

J'ouvre lentement les yeux. La première chose que je vois est un être humain — ou peut-être un robot ressemblant à un humain, non — je peux sentir sa respiration. Elle est vraiment humaine.

— Tu m'entends ?

C'est une jeune femme avec de longs cheveux noirs, un visage blanc, et un objet artificiel sur son visage — des lunettes.

— Oui, je peux vous entendre.

C'est la première fois que j'entends ma voix, une voix de jeune fille. D'après les données contenues dans mes circuits mentaux, j'ai été paramétrée à quinze ans.

— Comment te sens-tu ?

Elle me fixe du regard.

— Pour le moment... fonctions et circuits principaux... ne détectent aucune anomalie.

Couchée, j'explique ma condition de façon hachée. Mon système vocal n'est pas bien réglé.

— Ok, super.

Elle acquiesce légèrement.

— V-Vous êtes...

Mes circuits mentaux sont en train de faire le tri dans mes données.

La personne devant moi est Wendy von Umbrella, une femme de vingt-trois ans, de cent soixante-cinq centimètres de haut, confirmation en cours avec le journal des utilisateurs enregistrés...

Confirmation terminée.

— Maîtresse.

— Hm ?

— Vous êtes ma maîtresse, le premier utilisateur enregistré.

Mon système vocal est enfin revenu à la normale.

— Maîtresse, tu dis ?

Ma maîtresse, la joue posée sur son index, avance sa tête dans ma direction.

— Devrais-je vous appeler Wendy ? Sûrement mademoiselle Wendy ? Bien, laissez-moi chercher d'autres combinaisons.

J'attends patiemment sa réponse.

— Oh, je sais, répond-elle après douze secondes, Ne m'appelle pas maîtresse, mais Professeur, d'accord ?

— Professeur ?

— Oui. C'est comme ça que tout le monde m'appelle sur le champ de bataille.

Nom d'utilisateur enregistré modifié en « Professeur ».

— Je comprends, Professeur.

— Très bien.

Le Professeur acquiesce avec satisfaction et touche ma tête avec ses doigts. Puis, elle les bouge doucement — c'est ce qu'on appelle « caresser ».

— Alors, Iris.

Le Professeur m'appelle alors pour la première fois par mon nom.

Iris.

C'est exact. Je m'appelle Iris. Mon nom enregistré est Iris Rain Umbrella, il correspond aux données dans mes circuits mentaux.

— Essaye de te lever.

— D'accord.

Je me redresse et me tiens debout devant le lit.

Après avoir baissé les yeux, je vois que je porte une robe occidentale de couleur rose. Une ceinture est attachée autour de ma hanche, avec un tablier par-dessus. Une légère coiffe blanche se trouve également sur ma tête. C'est ce qu'on appelle un costume de femme de chambre.

— Il te va bien.

— Merci.

— Je m'appelle Wendy von Umbrella. Enchantée de refaire ta connaissance.

Le Professeur tient ma main.

Sa main est à trente-deux degrés et un dixième. Un peu froid pour un être humain.

Vérification du périmètre alentour.

Je regarde autour de moi pour examiner les alentours. Les murs et le plafond de la maison sont complètement blancs comme neige. Le lit dur semble avoir été utilisé pour de la recherche, et...

Vérification de l'ambiance sonore.

Je peux entendre un bruit continu de ruissellement — la pluie. Des gouttes de pluie s'abattent continuellement sur la fenêtre, tout en dessinant des courbes transparentes.

Les gouttes de pluie ne veulent pas s'arrêter de tomber. La pluie ne s'arrête jamais.

Je suis née en ce jour de pluie.

Troisième jour après activation[edit]

— Je sors, Iris.

— À ce soir, Professeur.

Le Professeur fait un signe de la main et marche le long du petit chemin devant la maison. Je me courbe et lui fais des signes d'au-revoir.

Quand je me retourne, se trouvent devant moi un grand jardin et un imposant manoir en briques. C'est là que je travaille, au palace royal Umbrella riche de trois siècles d'histoire.

Tout en traversant le jardin de devant recouvert de gazon vert, j'arrive à la porte. Après l'avoir ouverte, j'aperçois un grand hall couvert de tapisseries. Le plafond, d'où pendent des chandeliers aveuglants, illumine l'immense peinture sur le mur.

Je marche le long du hall à une vitesse de 2,2 mètres par heure. Tout en contemplant les escaliers en bois clair, je tourne à droite dans le couloir.

Je pose ma main sur une boîte accrochée au mur. Après quelques petits cliquetis, le mur coulisse et une machine balai en forme de bâton fait brusquement son apparition.

Initialisation du processus de balayage.

Alors que je me déplace dans le hall, je balaie avec la machine. Cette tâche est généralement effectuée par un ver nettoyeur, vu qu'il peut se coller au sol et au plafond pour laver, mais ils ne sont visiblement pas au goût du Professeur, alors il n'y en a aucun dans la résidence Umbrella. « Ces vers rampants ont l'air répugnant », a-t-elle dit.

Temps clair. 19,3 degrés Celsius. Humidité : 45,7%. L'environnement intérieur est très propice pour les êtres humains.

Je continue à balayer en silence. Mais comme le climatiseur uniforme installé sur les murs a absorbé la majorité de la poussière, ce n'est pas vraiment sale.

Après douze minutes et quarante-et-une secondes, le processus de balayage du hall est terminé.

De façon similaire, je répète le processus dans le couloir, dans la cuisine et dans le laboratoire de recherches.

Peu après, j'ouvre la porte d'une certaine pièce. La décoration à l'intérieur est dépouillée, dépourvue de tout style moderne. C'est la chambre à coucher du Professeur.

Analyse de l'odeur.

Mon système olfactif se met à réagir.

Comparaison des données... confirmation de la composition... cigarette cerclée de la société Cloud.

Il existe différents types d'odeurs associées aux constituants de l'air de la chambre du Professeur. Elles proviennent des cigarettes qu'elle fume. Même si on l'appelle comme ça, c'est un substitut au tabac qui aide les fumeurs à arrêter de fumer, émanant de fines vapeurs de menthe fraîche.

Après avoir ouvert la fenêtre pour aérer un peu, je me mets alors à nettoyer sa chambre. Cet endroit n'est pas vraiment sale non plus, alors je ne passe que huit minutes et vingt-six secondes, en comptant le fait de faire le lit.

Ok, au suivant.

Je me tourne vers la zone suivante à nettoyer.

Soudain quelque chose se met à briller à côté du lit.

C'est...

Mon appareil visuel se contracte et découvre un cadre photo. Deux filles sourient dans le cadre en bois.

La plus grande avec de longs cheveux et des lunettes est le Professeur.

À ses côtés, se trouve une fille plus petite vêtue d'une robe avec une chevelure brune courte et dégagée.

Elle me ressemble vraiment.

La fille sur la photo me ressemble comme deux gouttes d'eau, mais je n'ai jamais pris de photo avec le Professeur, alors ce n'est pas moi.

Il y a six mois, la sœur du Professeur est décédée.

C'était un accident de voiture. Le Professeur et sa sœur étaient parties en vacances en voiture, et avaient eu un accident. Le Professeur conduisait, et après avoir percuté une autre voiture, sa sœur qui était assise sur le siège passager a perdu la vie.

Le Professeur a perdu sa seule famille et s'est mise à déprimer. Alors elle a créé un robot avec exactement la même apparence que sa sœur.

Ce robot, c'est moi.

Ces dernières années, il n'est pas rare de voir des robots comme moi, conçus pour remplacer des personnes décédées. De la même façon que les robots domestiques et industriels, les robots remplaçant des personnes décédées sont un bien de consommation inventé par les commerciaux. Les gens qui ont perdu des êtres chers, ceux qui ont perdu leur mari ou femme avec l'âge — Ils ne manquent pas de consommateurs cherchant un substitut pour leur famille décédée.

Ces robots sont reconnus par les psychologues de tous bords pour leurs effets « réparateurs ». Même les élus locaux subventionnent ces projets.

La peau blanche, des cheveux bruns et des yeux ronds bleus ciel. D'une taille 2,67 centimètres plus petite par rapport à la moyenne des filles de son âge.

C'est un robot conçu avec exactement les mêmes caractéristiques — taille, silhouette, couleur de cheveux — que sa sœur. Son code d'identification est HRM021-α.. Son nom est Iris Rain Umbrella. Ce robot, c'est moi.

Sur la photo, l'autre Iris sourit. Je contemple volontairement le sourire de la fille qui me ressemble comme deux gouttes d'eau. Cette Iris est une humaine qui est morte. Et celle qui la regarde est moi, le robot Iris.

Sa sœur sourit.

L'Iris sur la photo me sourit.

Je n'ai jamais souri de ma vie depuis ma naissance. Bien qu'une fonction émotion est installée en moi, je n'en ai jamais eu l'utilité vu que le Professeur ne l'a jamais demandé.

Debout aux côtés de sa sœur, le Professeur sourit également. Le visage détendu, elle dévoile ses belles dents blanches. Ce sourire ne s'affiche que quand les humains sont heureux.

Et je ne l'ai jamais vue sourire comme ça.

Septième jour après activation[edit]

Ce soir-là, elle me demande de venir dans sa chambre.

Je toque à la porte, puis j'entends la voix du Professeur :

— Entre.

— Si vous me le permettez.

En entrant dans la chambre, j'aperçois le Professeur allongée dans son lit. À côté de ce dernier, je peux voir le cadre photo aperçu la veille refléter la lumière des lampes d'intérieur dans la pièce.

— Y a-t-il quelque chose que je peux faire pour vous, Professeur ?

— Oui...

Après avoir donné une réponse vague, le Professeur fait la moue et dit :

— Viens par ici. Je m'exécute alors et m'approche du lit.

Minuit. C'est la première fois qu'elle m'appelle à cette heure.

Service sexuel.

Ce mot-clé se diffuse dans mes circuits mentaux.

Peu importe le type d'industrie, il existe beaucoup de robots proposant des services sexuels, ce qui représente un nombre considérable dans l'industrie robotique. Même des comportements interdits entre humains peuvent être contourné en utilisant des robots, comme ces derniers ne peuvent tomber enceintes.

Ainsi, j'ai ce service sexuel installé en moi. Et il n'y a qu'une seule signification.

— Professeur.

— Oui ?

— Veuillez préciser votre demande.

Sans attendre la réponse du Professeur, je défais mes boutons un par un avec ma main. Je retire ma chemise, puis ma jupe.

— Attends, dit le Professeur, pourquoi tu te déshabilles ?

Ma jupe est désormais au niveau de mes genoux. Je réponds :

— Pour fournir un service sexuel.

— Sexuel ?

— Je n'ai pas recueilli de données sur vos préférences, mais je peux arriver à vous fournir un service satisfaisant une fois les ajustements faits.

— Ah, ah, je vois.

Le Professeur prononce un son mélangeant accord et impuissance.

— Que dois-je faire ?

Ma jupe à moitié retirée, je fais à nouveau face au Professeur.

— Iris, tu crois que je suis le genre de personne à aimer ça ?

— Ce n'est pas le cas ?

— Non.

— Professeur, vous n'êtes pas mariée et vous n'avez pas de petit ami.

— Ça ne te regarde pas.

— Que faites-vous pour satisfaire vos besoins sexuels ?

— Je ne vois pas pourquoi je te dirais ça.

Puis, le Professeur s'éclaircit la voix et continue :

— Quoi qu'il en soit, je ne suis pas de ce bord-là, et je ne souhaite pas que tu me fournisses ce genre de service, Iris.

— Alors pourquoi avoir installé le service sexuel en moi ?

— C'est juste un paramétrage standard.

— Non, ce n'est pas le cas.

— Bon, d'accord...

Le Professeur tente tant bien que mal de bouger les lèvres, puis finit par tendre la main vers mes côtes. Elle tire ma jupe jusqu'à ma hanche.

— Assieds-toi.

— Oui.

Je m'assieds à côté du Professeur. Elle retire son chemisier, le pose sur mes épaules et continue :

— Ce que je veux dire, c'est que les services sexuels ne servent pas qu'à satisfaire des besoins.

— Ça ne sert pas qu'à ça ?

Je ne comprends pas ce que le Professeur veut dire.

Alors je demande :

— Alors vous voulez dire qu'il existe un autre genre de relation sexuelle à part devenir enceinte et enfanter ?

— Ahah, ouais...

Le Professeur tourne légèrement la tête.

— Comment dire. Le sexe est quelque chose servant à confirmer l'amour entre deux personnes. C'est l'acte de laisser nos peaux se toucher, peu importe que l'on soit du même sexe ou non.

— ...

J'écoute avec attention.

— Je pense, Iris, que tu auras un jour ou l'autre quelqu'un que tu aimes. Ce pourrait être quelqu'un du même sexe ou non. Ou même, cela pourrait même ne pas être humain.

Après avoir dit ça, le Professeur prend doucement mes épaules.

— Comme les poètes le disent, « le sexe est une manifestation poétique de l'amour », le sexe est néanmoins inévitable en amour. C'est pour cette raison que j'ai installé le service sexuel en toi.

Dans mes circuits mentaux, le processus d'analyse de données tourne à plein régime. Mon corps, peut-être à cause de ça, se met à chauffer.

— Alors, dans un avenir pas si lointain, quand tu prendras la personne que tu aimes dans tes bras, j'espère, Iris, que ton cœur battra aussi fort qu'un vrai.

— Aussi fort qu'un vrai...

Je me contente de dévisager le Professeur car ce qu'elle a dit dépasse ma compréhension.

— C'est important, on en reparlera plus tard.

Sur ces paroles, le Professeur embrasse mon front. Ses douces lèvres touchent mon front et s'éloignent.

Ah...

— Bonne nuit, Iris.

Tout en plissant ses yeux ambre, elle me caresse la tête.

— Bonne nuit, Professeur.

Je me courbe profondément, puis je quitte sa chambre.

Sur le chemin menant au laboratoire de recherches, je touche mon front. C'est cet endroit que le Professeur a touché avec ses lèvres.

Ce baiser n'est-il pas une sorte de service sexuel ?

Cette idée a germé dans mon esprit.

Dixième jour après activation[edit]

Dixième jour après ma naissance.

Je fais les tâches ménagères ces derniers jours. J'ai alimenté la base de données des préférences du Professeur pour varier les plats. Au petit déjeuner, elle mange du pain ; au déjeuner, elle sort ; au dîner, elle prend un repas prédéfini. La marque des cigarettes cerclées qu'elle utilise est « BOUBLE CLOUD ». Elle aime les vêtements légers.

J'ai fini par m'habituer à la structure de l'immense palace royal Umbrella. Toutes sortes de données, y compris le nombre de chambres à coucher, la longueur du couloir, les circuits électriques et la tuyauterie, les peintures, la réserve pour les objets antiques et le système de sécurité, sont stockées dans mon cerveau. Il n'y a presque rien que je ne connaisse pas dans cette maison.

Il reste une pièce où je n'ai jamais mis les pieds. C'est la chambre de la défunte sœur du Professeur — la chambre que l'humaine Iris Rain Umbrella utilisait. Je crois que le Professeur voulait qu'elle reste en l'état, étant donné que c'est la seule pièce fermée à clé.

Il ne me reste plus que la petite réserve.

Ce jour-là, je suis occupée à nettoyer la réserve. Je pousse lentement la porte de cette petite bâtisse en briques.

Il fait très sombre.

Le système d'éclairage automatique ne semble plus fonctionner, rendant l'intérieur sombre et terne. Je cherche le bouton manuel sur le mur à côté de l'entrée, mais du fait de la faible luminosité, combinée à la présence de beaucoup de meubles et objets entassés les uns sur les autres, je ne parviens pas à le trouver.

C'est à ce moment-là que...

Ah.

Un claquement résonne derrière moi, et la porte se ferme. L'intérieur devient noir comme un four après que les derniers rayons de lumière en provenance de l'extérieur sont coupés. Je suis enfermée.

Noir.

C'est l'obscurité dans un espace clos sans la moindre source de lumière.

Ah, hein ?

À cet instant, je remarque un soudain changement.

Je n'arrive pas à bouger ?

Mes mains ne peuvent plus bouger.

Mes jambes ne peuvent plus bouger.

Je ne peux même plus cligner des yeux.

Une erreur système ?

Je vérifie l'état de mes batteries : 97,60%. Elle correspond au niveau standard, alors je devrais en théorie pouvoir bouger.

Étrange.

Mes circuits de mouvements ont cessé de fonctionner. Malgré les requêtes de mes circuits mentaux, mes mains et mes jambes refusent de bouger. Comment est-ce possible ?

Analyse d'urgence. Erreur détectée. Veuillez commencer les réparations immédiatement.

La voix électronique m'avertit. Je tente de lancer une analyse, mais en vain. Toutes mes fonctions mobiles sont apathiques, et je ne peux pas en trouver la cause.

Le monde s'assombrit alors.

Ah !

Soudain, mes circuits mentaux s'arrêtent de fonctionner, et je tombe par terre.

Ga... ga... gahh !

Privée de toutes mes forces, je gis sur le sol. D'un bruit sourd, je tombe sur le sol, et dans le même temps, me retrouve empêtrée dans des câbles électriques. Puis, un objet assez large — une armoire ? Non, peut-être une bibliothèque — tombe à son tour contre le haut de mon corps. J'ai beau le voir venir, je ne peux rien faire d'autre que de constater les dégâts.

Erreur. Erreur. Erreur. Erreur. Erreur !

Des sons électroniques froids m'envoient des alertes à répétition, mais je ne peux ni bouger ni demander à l'aide.

Ainsi, je sombre dans l'abyssal marécage électrique et perd conscience.

... Iris !

Quelqu'un.

... Iris !

Quelqu'un m'appelle.

Telle une bulle qui remonte à la surface d'une mer profonde, mes circuits mentaux retrouvent leur état normal.

— Iris, tu m'entends ?

En ouvrant les yeux, j'aperçois le visage du Professeur. Ses sourcils sont plissés, témoignant de son inquiétude.

— Oui, je peux vous entendre, réponds-je sans hésitation.

— Super.

Le Professeur s'affale sur la chaise. Ses cheveux noirs recouvrent une partie de son visage, une partie s'enroulant autour de ses lunettes. Sur son visage, on peut lire une fatigue apparente.

— Cela fait douze heures que tu dors.

Je vérifie mon horloge interne : cela fait douze heures et quarante-six minutes depuis la défaillance de mon système dans la petite réserve.

— Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ?

— Non. Mes fonctions et circuits principaux ne présentent rien d'anormal.

— Bien...

Le Professeur pousse un ouf de soulagement.

— Je suis vraiment désolée de vous avoir inquiétée.

— Ah, pas la peine d'être aussi formelle.

Le Professeur hoche la tête.

— ... Puis-je poser une question ?

— Qu'y a-t-il ?

— Quelle était la raison ?

Je demande la raison pour laquelle mon système a failli, étant donné que je n'ai pas pu trouver d'anomalies après avoir vérifié les données de mes circuits mentaux.

— Hm...

Le Professeur baisse les yeux.

— Je n'en suis moi-même pas très sûre.

— Pas très sûre ?

— Quand je t'ai trouvée dans la réserve, j'ai immédiatement analysé l'ensemble de ton corps, mais il n'y avait rien d'anormal dans tes circuits mentaux ainsi que dans tes autres circuits.

C'est vraiment ce qui s'est passé ?

— Tes batteries étaient pleines, et ce n'était pas un arrêt d'urgence dû à une surchauffe...

— Alors la raison est inconnue ?

— Je le crains.

Le Professeur continue de baisser les yeux. C'est une défaillance que même un ingénieur de renommée internationale ne peut expliquer, une panne inconnue.

— Désolée, s'excuse le Professeur auprès de moi.

— Pourquoi vous excusez-vous ? demandé-je.

— Parce que c'est moi à qui revient la faute. Est-ce que tu as eu peur ? Je suis désolée, Iris.

Si j'ai eu peur ?

Les paroles du Professeur ressemblaient à des cailloux lancés dans l'eau, provoquant des ondes dans mes circuits mentaux.

Peur ?

Est-ce que j'ai vraiment eu peur à ce moment-là ? Est-ce que la soudaine obscurité m'a effrayée au moment de tomber par terre ? Est-ce qu'un robot comme moi peut avoir peur du noir ?

Je l'ignore.

Comme à la recherche de la réponse, je regarde le Professeur.

Ses yeux, tels des vitres mouillées par la pluie, luisent d'un éclat humide.

Quinzième jour après activation[edit]

Ce jour-là, le Professeur et moi sommes sortis faire les courses.

— Iris, qu'est-ce que tu veux ?

— Non. Il n'y a rien que je veuille.

— Ok, alors je vais choisir pour toi.

Nous marchons dans le quartier commerçant devant la gare. Le Professeur s'arrête devant une des boutiques dont l'enseigne est « BOUTIQUE BLUESKY ». C'est une boutique de vêtements pour femmes.

— Iris, tes bras et jambes sont longs et fins. Tu dois être jolie en robe.

Après avoir pénétré dans la boutique, le Professeur prend une robe dans un rayon rempli de vêtements de toutes les couleurs. Celle-ci est blanche avec des petites dentelles sur les épaules.

— Vous aimez la dentelle ?

Au moment où je demande ça au Professeur, elle écarquille les yeux de surprise et répond :

— Bien sûr. J'adore ça. Et toi, Iris ?

— Non, pas vraiment.

— Tu détestes ça ?

— Non, pas vraiment.

— Alors c'est décidé.

Je retire mon uniforme rose de femme de chambre dans la cabine d'essayage et enfile la robe blanche. Au moment où j'ouvre les rideaux...

— Super, elle te va bien.

Le Professeur acquiesce, satisfaite.

— Tourne-toi sur toi-même.

— Tourner ?

— Oui, comme une danseuse de ballet.

Je m'exécute et tourne sur moi-même. La robe se prend un petit courant d'air et se retourne au niveau de mes cuisses.

— Rentrons pour aujourd'hui.

Sur ces paroles, le Professeur interpelle un employé et paie pour la robe.

Pendant qu'elle est toujours en train de payer, je me regarde dans le miroir. Là, se trouve une fille de quinze ans portant une robe neuve. Sous les dentelles, je peux légèrement apercevoir des épaules d'une blancheur laiteuse.

Elle me va vraiment bien.

Je me rappelle soudain de la photo que j'ai vue dans la chambre du Professeur.

La jeune fille sur la photo y porte également une robe blanche.

Après avoir fini de payer, nous rentrons à la maison.

Le Professeur marche lentement le long de la rue principale du quartier commerçant. Je la suis en maintenant une distance d'un pas avec elle. Une grande fontaine se trouve au centre de la place devant la gare, et au milieu, trône une immense statue de déesse. Sur un banc de la place sont assis un enfant qui joue et sa mère souriante le surveillant. Il y a également un vieil homme donnant à manger aux pigeons — c'est une scène habituelle.

— Jadis, cette rue a été bombardée.

Le Professeur se met à parler tout en continuant à marcher.

— La ville était presque recouverte de flammes. Seule la statue de la déesse est restée intacte, comme par miracle.

— Est-ce la bombe Auvare ?

— Oui. À partir de ce jour-là, la statue de la déesse est devenue le symbole de la ville.

— Elle reste toujours l'héritage le plus important du pays.

— En effet.

Je discute avec le Professeur tout en marchant. Le Professeur a l'air de meilleure humeur que d'habitude.

— Oh.

Le Professeur s'arrête soudain.

— Que se passe-t-il ?

— Regarde par là.

Elle pointe du doigt un panneau publicitaire du quartier commerçant où l'on peut voir une affiche de film. Des lettres rouges disent « Village de l'horreur ~ Les zombies ne se relèveront pas même après leur mort » sur le poster. Sur le côté, se trouve un homme zombie soulevant fièrement une tête humaine.

— Woah. C'est assez crû.

Le Professeur hausse des épaules, surprise, avant d'ajouter :

— Ça a l'air intéressant.

— Vous aimez les films d'horreur ? demandé-je.

— Ouais, répond-elle. Enfin, pour être précise, j'aime les films de zombie.

Le Professeur aime les films de zombie — j'ajoute une nouvelle entrée dans ma base.

— Ceux que je préfère le plus sont... hum... comment dire ? Ceux où les zombies dansent en rythme avec la musique.

— Veuillez patienter.

Je lance une recherche sur les mots-clés que m'a donnés le Professeur. L'antenne de transmission à côté de mon oreille se met à luire. C'est un appareil de haute technologie avec un GPS, une connexion à internet, récupération instantanée de données et plein d'autres fonctions. Elle ressemble à un casque audio. Les robots fabriqués à l'unité sont essentiellement différentiables avec les humains par cette antenne.

Ma recherche se termine en 0,1 secondes.

— Danse avec les zombies. Projection nationale il y a six ans. Ce film a fait le pire nombre d'entrées de l'époque.

— Ah, c'est vrai. Quand je suis allée le voir, il n'y avait personne dans la salle. J'étais choquée.

Le Professeur aime les films peu populaires — ajout de donnée terminé.

— Il y avait de la musique funk dans le film, et les zombies dansaient comme ça. C'était vraiment amusant.

Le Professeur aime la musique funk...

— Après, les zombies ont fusionné pour en devenir un gigantesque. C'était un peu stéréotypé, mais c'était pas si mal.

Le Professeur aime les choses qui se combinent pour en former une grosse...

Le Professeur continue de parler de films de zombies, visiblement excitée. Dans ma base de données, le mot-clé zombie est utilisé à répétition.

Après avoir parlé de films de zombies devant une affiche de ce genre de film...

— Iris, quel genre de films tu aimes ? me demande soudain le Professeur.

— Moi...?

Je cherche une réponse à sa question, mais il n'y a aucun film que j'aime. À proprement parler, je n'ai même rien que j'aime.

— Je l'ignore.

— Dans ce cas, qu'est-ce que tu veux regarder ?

— Je l'ignore.

— Hm, ça peut être autre chose qu'un film. Qu'est-ce que tu as envie de faire, un endroit où aller, ou des vêtements que tu veux porter ?

J'analyse chaque question qu'elle me pose et recherche une réponse dans mes circuits mentaux.

— Je ferai n'importe quoi si c'est un ordre. J'irai n'importe où si c'est un ordre. Je porterai n'importe quel vêtement si c'est un ordre.

— Iris.

— Oui ?

— Est-ce que tu te moques de moi ?

— Non.

— Tu es sérieuse ?

— Oui.

— Beuh...

Le Professeur pousse un gémissement que je n'ai jamais entendu avant.

— Alors j'ai des devoirs pour toi.

— Des devoirs ?

— Avant la fin de la semaine prochaine, tu vas devoir trouver ce que tu veux faire.

Ce que je veux faire — je lance immédiatement une recherche, mais ne peux trouver de réponse.

— Pas la peine de faire compliqué. Tu veux voyager ? Acheter de nouveaux vêtements ? N'importe quoi fera l'affaire.

— Est-ce un ordre ?

— Oui. C'est une requête, une requête.

— Alors ce n'est pas obligatoire ?

— Ouais, enfin, on peut dire ça, mais... commence le Professeur en souriant, si tu le fais pas correctement, je te priverai d'énergie (pas de nourriture).

Alors c'est obligatoire.

Vingt-deuxième jour après activation[edit]

Puis arrive la fin de la semaine suivante.

— Alors Iris ?

Sur le canapé, le Professeur commence, tout en croisant les jambes :

— Vas-y, je t'écoute.

— D'accord.

Le Professeur parle de façon étrange, mais elle me regarde avec l'air malicieux d'une adolescente.

— On va commencer par le genre de film que tu aimes.

J'acquiesce et je donne la réponse que j'ai préparée.

— Je préfère les films de zombies, particulièrement Danse avec les zombies.

— Tu l'as regardé ?

— Oui.

— C'était comment ?

— Il y avait beaucoup de zombies.

— C'était intéressant ?

— Non.

— ...

Les sourcils du Professeur se mettent à trembler.

— Ahem. Bon, question suivante. Quel genre de vêtements veux-tu porter, Iris ?

— Je veux porter des vêtements avec de la dentelle, plus particulièrement un uniforme de femme de chambre.

— Ok, alors tu aimes les uniformes de femme de chambre.

— Non, ça ne m'intéresse pas plus que ça.

Les joues du Professeur ont un mouvement convulsif.

— ... Alors passons à la suivante, dit-elle, mais son intérêt semble s'être atténué. Qu'est-ce que tu veux faire, Iris ?

— Du sexe.

— Iris.

— Quoi ?

— Ce ne sont pas des choses que tu veux faire, mais ce que moi, je veux faire, je me trompe ?

Après avoir dit ça, le Professeur tape du poing.

— Et arrête avec cette histoire de sexe.

— Y a-t-il un problème avec mes réponses ?

— Oui, un énorme problème.

Le Professeur se frotte les yeux avec ses doigts de bas en haut.

— C'est la première fois que je vois un robot mentir avec une telle facilité.

— Je n'ai pas menti.

Je réfute l'air de rien.

— Je veux faire ce que vous souhaitez faire. Je n'ai pas menti.

— Tu mens. Tu mens.

— Je ne mens pas.

— Je refuse de le reconnaître !

Le Professeur s'adosse profondément sur le siège de sa chaise et lève la tête de façon exagérée.

— Hm, évidemment, vingt-trois jours, c'est trop tôt.

— De quoi parlez-vous ?

— Je veux dire que tu n'as pas remarqué tes sentiments, Iris.

Sentiments.

J'y ai réfléchi toute la semaine. Mes sentiments. Ce que je veux faire. Ce que je...

— Voulez-vous parler de la Procédure d'Acquisition et de Développement de la Conscience inclue dans mes fonctions émotionnelles ?

— Oui.

Les sentiments humains se développent. La personnalité façonnée après la naissance d'un humain décide de ses sentiments.

A contrario, les robots sont différents. Ils sont préajustés pour correspondre aux besoins et goûts de leurs propriétaires. Cela pourrait être qualifié de « nature » des robots, par opposition à la personnalité développée par les humains.

— Ok, Iris, réponds à cette question, tu veux.

— Quelle question ?

— Qu'est-ce que la Procédure d'Acquisition et de Développement de la Conscience au juste ? Essaye de l'expliquer brièvement en vingt mots maximum.

— C'est la fonction émotionnelle des robots qui façonne, modifie ou ajuste leur personnalité prédéfinie pour correspondre à leurs utilisateurs.

— Il y avait combien de mots ?

— Vingt.

— Beuh.

Étrangement, le Professeur arbore une expression de défaite.

— ...alors comment appelle-t-on habituellement ce processus ?

J'obtiens la réponse en 0,1 secondes.

— Le Processus de Croissance.

— Bien.

Le Professeur applaudit.

— Je t'ai dotée du processus de croissance. Alors, c'est comme je l'ai dit, j'espère que tu peux « grandir ».

— Moi... grandir ?

— Oui. Regarder, entendre, sentir et s'inquiéter pour tout un tas de choses différentes. De cette façon, tu peux grandir. J'espère que tu pourras petit à petit devenir adulte.

— ...

Je sollicite au maximum mes circuits mentaux, tentant de comprendre ce qu'elle a dit.

— Quoi ?

— Oui ?

Je n'arrive pas à comprendre peu importe mes tentatives, alors je demande au Professeur plus de détails.

— Professeur, pourquoi tenez-vous à ce que je « grandisse » ?

— Ah, ça…

Le Professeur me dévisage à nouveau et frotte doucement ses yeux comme si elle regardait quelque chose d'aveuglant.

— C'est pour que tu puisses mener une vie heureuse même seule.

La vie suit paisiblement son cours.

Le matin, je cuisine. Après que le Professeur a fini de manger son petit-déjeuner, elle se rend au centre de recherches où elle travaille. Avant qu'elle ne revienne, je fais la cuisine, la lessive, le ménage, et autres tâches ménagères. Après ça, le soir, je sors pour accueillir le Professeur.

Chaque jour se répète.

Je parle de presque tout avec le Professeur. Pendant le dîner que nous venons juste de manger, nous avons parlé des acteurs d'une série télévisée et de comment elle passait ses vacances — c'est, d'un point de vue humain, faire la conversation.

Bien entendu, nous avons également discuté de « mon devoir ».

Ce que je veux faire — pour trouver la réponse, je fais tourner mes circuits mentaux à plein régime. J'assène également le Professeur d'un grand nombre de questions, et j'obtiens différentes sortes de réponses.

— Iris, tu as acquis beaucoup de « sentiments » et tu as développé une conscience. Si tu es consciente de ça, tu peux devenir plus honnête.

— Plus honnête...

— Oui.

— Je ne comprends pas très bien.

Je dis ça à chaque fois que je ne trouve pas de réponse.

— Professeur, vous pouvez prendre les décisions. Je les suivrai.

— Hors de question, répond le Professeur avec un ton malicieux avant de me donner une petite tape sur la tête.

Puis elle dit, comme à chaque fois :

— C'est à toi de décider de tes propres sentiments.

Ainsi, j'ai beaucoup parlé avec le Professeur. Les jours passent. Les journées se remplissent. Le dimanche suivant, les jours fériés du mois, les jours fériés des mois suivants sont planifiés en fonction de l'emploi du temps du Professeur. Et cette vie paisible va se poursuivre...

Je n'en doute pas.

... Jusqu'à ce jour.

Trentième jour après activation[edit]

— Bonne nuit, Iris.

— Bonne nuit, Professeur.

Ce jour-là, après avoir quitté le Professeur dans sa chambre, je me trouve dans le couloir. Tout ce qu'il me reste à faire est me rendre au laboratoire de recherches, passer en mode nuit et la journée sera terminée.

Trente jours. Sept cents vingt heures. Quarante-trois mille deux cents minutes. Deux millions cinq cents quatre-vingt douze mille secondes.

Alors que je longe le couloir, je me remémore tout ce qui s'est passé.

Cela fait un mois depuis ma naissance. Je me suis habituée au style de vie de cette maison. Faire la cuisine, la lessive, le ménage — je suis devenue une experte dans ces tâches. Je suis certaine de pouvoir effectuer la majorité des tâches ménagères pour robots.

Tout en savourant toutes ces petites choses passées du mois dernier…

Ah.

Je remarque qu'il y a de la lumière dans la troisième pièce en partant du fond.

C'est la chambre de sa sœur.

C'est étrange. J'aurais dû éteindre la lumière en partant.

Que se passe-t-il ?

Pendant un instant, je songe à réveiller le Professeur, mais c'est déjà l'heure de dormir. Si je réveille ma maîtresse dans une situation aussi peu urgente, cela ne pouvait que l'agacer.

Je vais d'abord aller vérifier ce qui se passe.

J'accélère le pas jusqu'à la pièce allumée.

Après onze secondes, j'arrive au niveau de la chambre. La lumière provient effectivement de la chambre de sa sœur.

C'est ouvert...

Des rayons de lumière s'échappent par l'entrebâillement de la porte. Je n'avais encore jamais vu cette pièce ouverte depuis ma naissance.

Que faire ?

Le système de sécurité de la maison n'a envoyé aucune alerte, mais si je n'entre pas, je ne peux pas m'assurer qu'il n'y a pas eu intrusion.

Je pose ma main sur la poignée et pousse légèrement la porte.

Je pénètre dans la pièce.

Initialisation de la sonde.

L'aménagement et l'agencement de la pièce sont similaires aux autres salles, si ce n'est qu'elle est principalement décorée en rose. Les rideaux avec des motifs de fleurs discrets laissent entendre qu'il s'agit de la chambre d'une fille. Des ours en peluche sur la table sont posés sur le côté, et une rangée de poèmes et de classiques littéraires est alignée sur la bibliothèque.

C'est la chambre de sa sœur.

Je commence par m'assurer que les fenêtres sont fermées. Je vois qu'elles le sont bien et que rien ne montre qu'elles ont été ouvertes. Puis, j'analyse la pièce en suivant le modus operandi des cambrioleurs dans mes circuits mentaux, et je ne trouve rien d'anormal.

C'est vraisemblablement le Professeur qui est entré dans cette pièce et qui a oublié d'éteindre la lumière.

Une réponse plausible émerge. Tout semble concorder.

Mais pourquoi maintenant ?

Je n'ai jamais vu le Professeur entrer ici. Sans raison apparente, le Professeur semble toujours éviter cette pièce, ce que je peux en déduire de son comportement habituel.

Il y a plusieurs vêtements sur le lit. Ils ne sont pas vraiment posés, mais ont plutôt été mis là en vrac. Cette scène chaotique fait penser à quelqu'un qui les aurait essayés avant de sortir et qui aurait laissé là ceux qu'elle n'aurait pas mis.

C'est probablement ce qui était arrivé « ce jour-là ».

Six mois auparavant, « le jour » où sa sœur est décédée. Ce matin-là, le Professeur et sa sœur étaient sorties en voiture. Sa sœur avait hésité sur les vêtements à porter, et était partie sans les ranger. Le Professeur avait laissé la chambre telle quelle... C'est probablement ce qui s'est passé.

— Ah...

Il y a également une robe parmi les vêtements éparpillés. Elle est blanche, adorable et a des dentelles au niveau des épaules.

Au moment où je reprends mes esprits, je serre ma poitrine. Mes mains sont fermement pressées contre elle comme si je souffrais.

Hein ?

Je ne comprends pas la raison de mon geste. Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ?

Pour l'instant, je ne peux m'empêcher de contempler la robe de sa sœur.

Cinq minutes écoulées.

La voix électronique m'indique le temps écoulé, et c'est alors que...

La lumière s'éteint avec un claquement.

La pièce est plongée dans l'obscurité la plus totale.

Plongée dans l'obscurité, je tombe à nouveau par terre. Je m'arrête de fonctionner sans raison apparente, exactement comme dans la petite réserve.

Les ténèbres.

Après être tombée dans la pièce sombre, je fais un rêve étrange. Je suis consciente, mais j'ai des hallucinations — ou ce que les humains appellent des rêves éveillés.

Je...

C'est « ma » mémoire. Datant de quand j'étais « moi ». C'est ce que j'appelle « mes » souvenirs.

Je ferme les yeux dans la pénombre, en me recroquevillant et en tremblant. L'obscurité, l'espace restreint, l'odeur fétide et la scène sombre écrasent mon corps.

Je me retrouve piégée dans cette pièce sombre pendant un long moment. Un jour, deux, peut-être plus ? Enfermée à l'intérieur, je ne dors pas et ne perds pas connaissance, j'attends simplement.

Puis c'est alors que des rayons de lumière envahissent la salle obscure. Dans la lumière se trouve une personne imposante grossissant comme si elle était sur le point de m'avaler...

— Iris ?!

Quand le Professeur ouvre la porte, cela fait déjà cinq minutes et vingt-et-une seconde depuis le début de l'anomalie. Elle a immédiatement remarqué les signaux que je lui ai envoyés.

— Q-Qu'est-ce qui t'arrive ?!

Le Professeur accoure à mes côtés. Je suis assise sur le sol en tremblant comme une feuille morte.

— Tout va bien, Iris. Calme-toi.

Le Professeur touche mon corps. Elle défait mes boutons et tend la main vers ma poitrine. Elle va me réparer.

Je le sais, et pourtant...

— Arrêtez ! crié-je instinctivement.

— Quoi ?

Le Professeur me regarde d'un air choqué.

Qu'est-ce que c'était ?

Je suis moi-même choquée par ce que je viens de dire, mais les mots sont sortis tous seuls.

— Arrêtez ! Ne me touchez pas !

Je ne comprends pas. Je... Je... J'ai la tête qui tourne, comme un humain qui n'arriverait pas à se relever après avoir vu quelque chose de traumatisant. Je m'éloigne, les fesses glissant contre le sol.

— Iris ?

Le Professeur me lance des regards abasourdis. Malgré tout, des propos hystériques continuent de sortir de ma bouche :

— Arrêtez ! N'approchez pas ! Je vous en supplie !

— Du calme. Tout va bien ! Laisse-moi faire...

— N'approchez pas !

L'instant d'après.

Un son assourdissant résonne.

J'avais soudain levé les épaules et frappé le Professeur au visage. Elle lâche un bref gémissement. Sous la faible lumière, il y a des morceaux brillant s'éparpillant sous mes yeux. Je réalise alors que les lunettes du Professeur sont cassées, la monture est tordue et est tombée sur le sol, et...

Le Professeur est également tombée au sol.

Ah, waah, waaaaah !

Mes bras toujours tendus, je me fige et tombe dans le chaos.

Le Professeur est allongée sur le sol, sans bouger d'un pouce. Un liquide rouge se met à couler sans interruption de son visage (du sang), atteignant petit à petit mes pieds.

Waaaaaah !

Je... Je viens juste...

De frapper le Professeur.

De la frapper.

De la frapper.

De la frapper.

— Waaaaah !

Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé ensuite.

Trente-et-unième jour après activation[edit]

J'ouvre les yeux.

— Iris ?

C'est la voix du Professeur.

Je vérifie mon horloge interne : dix-huit heures passées.

— Professeur...

Mes yeux sont rivés sur son visage.

Son œil droit est caché par de grands bandages, une légère teinte rouge imbibant ces derniers. Ses joues sont mauves, faisant mal rien qu'à les regarder. Et elle ne porte pas de lunettes.

— Ah, ah...

— Super. Tu t'es réveillée. Comment tu te sens ?

— Professeur, ce n'est pas le moment. V-Vous êtes blessée.

— Ahah, ça ?

Le Professeur touche insouciamment son bandage.

— T'en fais pas. Le docteur a un peu exagéré sur les bandages.

— M-Mais...

— Parlons de toi d'abord. Comment tu te sens ? Y a-t-il quoi que ce soit d'anormal dans ton corps ?

Malgré ce que je lui avais fait, le Professeur s'inquiète toujours pour moi.

J'avais eu recours à la violence sur un humain. Je suis un robot déficient, une machine ne respectant pas les normes, un tas de ferrailles, et pourtant...

— Professeur...

— Qu'y a-t-il ?

— H-Hum...

Je détourne le regard et lui pose une question que j'avais déjà posée l'autre fois.

— Quelle est la raison ?

— Pardon, s'excuse sincèrement le Professeur. J'en ignore une fois de plus la raison, mais...

— Mais ?

— Peut-être que c'est un traumatisme.

— Un traumatisme ?

— Ce n'est qu'une supposition, ajoute le Professeur en clignant des yeux. Ce traumatisme peut être lié à une blessure mentale du passé ou s'activer automatiquement une fois plongé dans le noir.

— Un instant. Vous avez dit une blessure mentale du passé, mais qu'est-ce que mon passé ?

— C'est...

Le visage du Professeur s'assombrit soudain. Elle mord ses lèvres en baissant les yeux.

— Désolée, je n'en ai pas la moindre idée, dit le Professeur d'une voix faible.

Des questions me taraudent toujours, mais j'arrête de les poser. La tristesse dans ses yeux m'empêche de dire quoi que ce soit.

— Oh, au fait.

Le Professeur trouve quelque chose à dire après un long silence.

— Tu portes toujours ça. Tu veux te changer ?

— D'accord.

Je me lève.

— D'accord, attends ici. Je vais t'apporter des vêtements.

Le Professeur sort de la chambre.

Je la suis du regard.

... Un traumatisme. Une cicatrice mentale du passé.

Je touche légèrement ma poitrine.

Puis je me mets à réfléchir.

Qui suis-je ?

Je fais un rêve.

Si vous vous demandez si les robots peuvent également rêver, je vous dirais qu'il n'y a pas eu énormément de précédents. Cela pourrait être expliqué par les circuits mentaux sophistiqués en moi, ou peut-être par le désordre d'une énorme masse de données. Des bouts d'images me sont envoyés comme avec un projecteur cassé.

Bonjour, Iris.

Fatigué, le Professeur ajuste ses lunettes.

J'y vais, Iris.

La chevelure noire du Professeur virevolte alors qu'elle quitte la maison.

Bonne nuit, Iris.

Le Professeur me caresse la tête.

Ces morceaux de vidéos sont liés au Professeur. J'ai envie de les toucher, mais ils s'évanouissent tel un mirage dans le désert.

Professeur !

Je tends la main.

Professeur ! Attendez-moi !!

Trente-deux jours après activation[edit]

Le lendemain, le Professeur ne se rend pas au travail.

Après le petit-déjeuner silencieux, le Professeur prend la parole :

— Aujourd'hui, j'ai pris un congé payé. J'attendais ça depuis longtemps.

Elle contracte son visage contusionné, esquisse un sourire forcé et titube jusqu'à sa chambre.

Je sais.

La nuit dernière, le Professeur n'a pas arrêté de gémir dans son sommeil. J'en suis évidemment la responsable. Elle fait mine de rien devant moi, mais je sais qu'elle souffre beaucoup.

Je jette un œil à ma main droite.

Ce bras métallique a percuté son visage à ce moment-là. Sa puissance est la même que celle d'un homme adulte la frappant avec une arme contendante.

Ce coup aurait tout aussi bien pu tuer le Professeur. J'aurais pu... la tuer.

Même à l'heure du déjeuner, le Professeur ne sort pas de sa chambre.

Quand je lui demande ce qu'elle veut manger pour midi, elle se contente de répondre à travers la porte :

— Je n'ai pas faim. Ce après quoi, je me contente de rester debout dans le couloir.

À six heures, quand je lui demande ce qu'elle veut manger pour le dîner, elle ne répond pas. Je veux ouvrir la porte pour vérifier, mais je sens que je n'en ai pas le droit.

Professeur.

Je serre le poing devant ma poitrine.

Elle a été si gentille avec moi, alors que je n'ai fait que lui causer des problèmes. Elle ne s'est pas mise en colère, s'est inquiétée pour moi et m'a souri. Elle a fait tout ça pour moi — tout ça pour un produit défaillant.

Le visage du Professeur se met à nouveau à tournoyer dans mes circuits mentaux. Elle apparaît ici et là dans mon esprit, comme le rêve de la veille.

À ce moment-là...

— ... Oh, oui.

J'entends soudain la voix du Professeur. Surprise, je lève la tête.

— Oh... Non. Puisque je te dis que...

La voix du Professeur se fait entendre à travers la porte. Elle semble parler à quelqu'un au téléphone.

— Non, Iris...

J'ai un mauvais pressentiment. Le Professeur a prononcé mon nom.

Elle parle de moi ?

J'écoute attentivement, en augmentant la sensibilité de mon système auditif. En fait, il est interdit d'espionner, mais j'ai perdu le contrôle de moi-même.

— Alors même si c'est Iris...

L'instant d'après, je me fige complètement.

— Il vaut mieux s'en débarrasser.

Trente-trois jours après activation[edit]

Le lendemain, il pleut des cordes.

Assailli par la pluie et le vent, un camion inconnu est garé devant le manoir Umbrella. Deux robots travailleurs sorte de l'énorme machine.

Des invités.

La voix électronique résonne dans mes circuits mentaux.

— Iris !

La voix du Professeur provient du rez-de-chaussée.

— Iris, où es-tu ?

Mes jambes tremblent.

Je suis un robot que le Professeur a conçu pour lui servir. Maintenant, elle m'appelle.

Je dois y aller.

J'essaye de marcher, mais mon corps s'oppose à ma volonté.

Le Professeur m'appelle : je dois y aller.

J'essaye d'avancer à plusieurs reprises, mais en vain. Je me tiens debout pendant un long moment dans les escaliers, sans bouger d'un pouce. Alors que je lutte contre moi-même, les robots sont déjà entrés à l'intérieur. Ce sont de puissants robots avec des ceintures — les plus disposés à s'occuper des robots défaillants.

— Iris ?

Le Professeur se trouve dans le salon. Après m'avoir aperçue debout dans les escaliers, elle sourit et dit :

— Oh, te voilà.

Alors on doit se débarrasser de moi finalement.

— Wu, ahh...

Je recule.

— Iris ?

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Je serre ma poitrine. Une force est en train de comprimer mon cœur, de plus en plus fort.

— Non !

Quand j'ai repris mes esprits, j'avais crié ça.

— Je ne veux pas !

Je pleure en détalant comme un lapin.

— Hé, attends, Iris !

J'entends la voix surprise du Professeur, et pourtant je cours le long du couloir.

Je cours, et le Professeur me poursuit, mais je continue de courir quand même. Elle m'appelle, et pourtant, je ne peux pas m'arrêter.

Non, non, non !

Mes jambes, en trahissant mes espoirs, continuent de courir. Par réflexe, je pousse une porte entrouverte et me rue à l'intérieur.

— Iris !

Le Professeur m'a rattrapée.

— Hé, ouvre la porte !

— Non, non !

— Que t'arrive-t-il ?

— Allez-vous-en ! m'exclamé-je, adossée contre la porte.

Mon cœur pleure, comme s'il était comprimé ou pressé : quelque chose de lourd l'écrase. C'est le même sentiment que quand j'ai vu la robe blanche dans la chambre de sa sœur.

Tout en relâchant tous ces sentiments suffocants de mon cœur, je me mets à pleurer.

— Je...

Sur le sol sous mes yeux,

— ... ne veux pas être abandonnée !

trônent les lunettes cassées du Professeur.

— Je veux rester ici !

Je remarque que la pièce où je me trouve est la chambre de sa sœur.


— Je veux rester avec le Professeur !

Je pleure et sanglote comme une enfant. Mon système visuel est cassé, des larmes coulent le long de mes joues.

Je comprends.

Je suis un produit défaillant qui ne respecte pas les normes, qui a eu recours à la violence contre la douce et gentille Professeur, alors il faut qu'on me jette à la casse. Tel est le destin des objets cassés.

Le temps s'écoule silencieusement.

Le souffle d'une respiration calme se fait entendre de l'autre côté de la porte. Elle attend que j'ouvre.

Non.

Je me lève.

Je suis un robot conçu par le Professeur pour lui servir. Je n'ai pas le droit de la faire souffrir.

Je m'écarte de la porte et dis :

— Je suis désolée, Professeur. Tout va bien maintenant.

J'ouvre alors la porte, puis regarde le Professeur.

— Iris, qu'est-ce qui t'a prise tout à coup ?

Le Professeur me regarde avec un air inquiet. Sa joue gauche est bleue foncée, c'est visiblement douloureux. Son œil droit, avec le bandage retiré, est enflé et rouge.

— Hum...

Il n'y a plus de temps à perdre.

— Pouvez-vous me faire une faveur ?

C'est la fin.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Le Professeur me regarde.

Je lui ouvre mon cœur.

— Pouvez-vous me prendre dans vos bras ?

— Hein...?

— Professeur !

Sans attendre sa réponse, je lui saute dans les bras.

— I-Iris ?

Je la serre contre moi avec mes deux bras, mon visage enfoui dans ses seins opulents. Imbibé d'un doux parfum, un objet doux et chaleureux m'enlace. Tel un enfant refusant de quitter ses parents, je prononce son nom à plusieurs reprises, et presse mon visage contre elle. Mon cœur chauffe, mes systèmes internes sont sur le point de fondre.

Après un moment, le Professeur dit à elle-même :

— Quelle enfant gâtée.

Ses bras caressent doucement mon dos.

— Oui, je suis une enfant gâtée.

En réponse, j'enfouis mon visage contre elle.

— Ok, alors laisse-moi te dorloter un peu plus.

— Oui.

Ainsi, je passe un instant court mais qui semble durer une éternité avec le Professeur.

Puis...

— C'est l'heure, hein ?

Un bruit électronique résonne soudain.

Je lance un regard, et j'aperçois les deux robots frustes à la porte apparaître gaiement. Je me mords les lèvres pour confirmer ma détermination.

— Professeur.

Avant de m'en aller, je relâche le Professeur et la regarde dans les yeux.

— Merci d'avoir pris soin de moi.

— ... Hein ?

Je m'éloigne silencieusement du Professeur.

Eh oui, je suis Iris Rain Umbrella, le robot du célèbre Professeur Umbrella. Il me faut maintenant marcher par moi-même.

— Iris ?

— Adieu, Professeur.

Les deux robots en face de moi s'étirent les épaules. Je me sens comme un criminel se rendant à la police. Quelle image stupide.

— Bon, on peut s'y mettre maintenant ? demandent les robots avec leur voix électronique.

Le Professeur hésite, mais dit ensuite :

— ... Bien entendu, faites.

Par la suite, les robots...

... ne me font rien.

Quoi ?

Les robots répondent avec un « D'accord ! » et passent à côté de moi avant d'entrer dans la pièce pour en sortir des objets.

Que se passe-t-il ?

Je les regarde, intimidée. Peu après, les vêtements en vrac sur le lit sont rangés. Les cartons s'empilent haut dans un coin de la chambre.

Le Professeur donne des indications aux robots de temps à autre, comme déplacer les meubles.

Trente minutes plus tard.

Une fois leur travail terminé, les robots montent dans leur camion avec tous les cartons chargés à bord et s'en vont.

— Pro-Professeur ?

— Qu'y a-t-il ?

— Quand est-ce que vous allez me jeter à la casse ?

— Quoi ? demande le Professeur en clignant des yeux. Comment ça ?

— Professeur, vous avez dit que vous alliez vous débarrasser de moi.

— Je n'ai jamais dit ça.

— Mais vous avez eu un appel téléphonique dans votre chambre hier...

— Un appel ?

Je repasse l'enregistrement dans mes circuits mentaux. « Alors même si c'est Iris... Il vaut mieux s'en débarrasser. »

— Hé, t'as entendu tout ça, dit le Professeur sans changer de ton. Iris, je voulais dire qu'il était temps de devoir jeter les affaires de ma sœur.

— Les a-affaires ?

— Mais pas toutes bien sûr... Je dois fixer une limite.

— ...

— Alors j'ai appelé de vieux amis pour m'envoyer des robots pour s'en occuper.

— ...

Je reste sans voix.

— Qu'est-ce qui t'arrive ?

— N-Non...

Je contrôle la peau de ma bouche, faisant mine de ne pas avoir été prise.

— Rien.

Épilogue[edit]

Quelque temps après cet incident.

— Professeur.

J'engage une conversation avec le Professeur après le petit déjeuner.

— Oui ?

Le Professeur se tourne dans ma direction. Les bleus sur son visage ont disparu.

— Je connais maintenant la réponse à cette question.

— D'accord.

Le Professeur plie le journal qu'elle lisait et se tourne à nouveau dans ma direction.

— Qu'est-ce que tu veux faire ? répète le Professeur d'un air chantant. C'est le devoir que je t'ai donné.

— Oui.

— Je t'écoute.

— D'accord.

Je regarde le Professeur. Je ne peux voir, reflétée dans ses magnifiques iris de jade, que ma seule présence.

— J'étais intriguée par ce que sont les sentiments. Où se trouvent-ils ? Je ne pouvais pas trouver la réponse où que j'aille.

— ...

Le Professeur m'écoute attentivement.

— Mais je comprends maintenant. Les sentiments ne se trouvent pas dans une base de données. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut comprendre par raisonnement logique. C'est... Mes propres sentiments se trouvent...

À ce moment-là, je pose légèrement ma main contre ma poitrine.

— Juste ici.

À cet endroit, effectivement.

— Je peux les sentir. Quand j'ai cru que j'allais être abandonnée, je pouvais sentir un sentiment fort pousser dans ma poitrine. C'était douloureux mais également précieux. Cette sensation brûlante représente mes sentiments.

Le Professeur me regarde. Ses iris d'un jade clair reflètent légèrement mon corps.

Plic, ploc. Des gouttes d'eau tombent sur le toit.

Il pleut depuis la veille. Quand je reprends subitement mes esprits, la pluie s'est complètement arrêtée. Derrière la fenêtre, un arc-en-ciel se dessine dans le ciel bleu sans fin. Sous cet arc-en-ciel, le Professeur a l'air rayonnante, telle la statue de la déesse.

— Hum... commencé-je nerveusement.

— Oui ? demande le Professeur.

— Est-ce que j'ai bon ?

Le Professeur s'excuse rapidement :

— Oh, pardon. J'étais tellement heureuse. Bien entendu que ta réponse est correcte.


J'ai bien répondu !

Sa confirmation fait bondir mon cœur. C'est une sorte de sentiment aussi, je pense.

Le Professeur me caresse la tête, et me dit :

— Quand tu ressens un tiraillement dans ta poitrine, c'est une dépression.

— Une dépression...

Je presse ma poitrine. C'était une dépression. Le sentiment que son corps est coupé en deux, un sentiment à peine plus léger que de la douleur physique pure.

— Tiens, voici une autre question.

Le Professeur lève le doigt.

— Iris, peux-tu exprimer oralement tes sentiments actuels ?

— Mes sentiments actuels ?

— Oui. Ce que tu ressens en ce moment-même. D'accord, disons, qu'est-ce que tu as ressenti après avoir terminé ton devoir ?

Je presse ma poitrine et plus fort encore pour obtenir confirmation. Le Professeur est face à moi. Le Professeur Umbrella, le magnifique Professeur, le Professeur qui m'a fabriquée. Ce Professeur me regarde maintenant, en me caressant et me félicitant.

Et ainsi, je donne un nom à cette chaleureuse sensation qui s'empare de moi.

— Je suis extrêmement... heureuse !


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