Kokoro Connect : Volume 1 Chapitre 2

From Baka-Tsuki
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Chapitre 2 : « Cette chose » commençant par un « S »[edit]

Afin de tenir leur réunion décalée, les membres du Club de Recherche Culturelle se ruèrent dans leur local. Bien entendu, Taichi était l'un d'entre eux.

Les cinq membres s'assirent autour de la table rectangulaire. On pouvait toujours sentir l'embarras de Yoshifumi Aoki et de Yui Kiriyama sur leur visage, mais au moins, ils avaient retrouvé leur calme et restaient silencieux.

Taichi n'avait pas encore mentionné l'incident de la veille vu que le sujet semblait être devenu assez sensible. L'ambiance était plutôt pesante dans la salle 301 du Bâtiment Récréatif.

La vice-présidente Himeko Inaba ne se soucia pas de cette atmosphère et décida de commencer la réunion.

— Bon ! Il est temps de débuter la réunion du club ! Primo-

— Ah ! J'ai oublié un truc dans mon casier.

La présidente, Iori Nagase, interrompt soudain la séance.

— Hmm ! Pour une fois que j'accepte gracieusement de diriger la réunion, c'est comme ça que tu me remercies ?!

Inaba commençait à être exaspérée.

— Allez, Inaban, reprends-toi~

— Tu sais que c'est de ta faute, non ?

— Bon, Inaban, je peux y aller maintenant ?

Un innocent sourire d'enfant se dessina sur le visage de Nagase. Ses cheveux, attachés derrière sa tête, semblaient sautiller... Bien entendu, une telle chose était impossible.

— Tu pourras les récupérer après... Non, laisse tomber. Vas-y maintenant... Et que ça saute.

— À vos ordres !

— Me vouvoie pas... Elle écoute pas, hein.

Sans attendre qu'Inaba finisse, Nagase s'était déjà ruée hors du local.

— Haha, même Inaba n'arrive pas à gérer Iori, dit Kiriyama, soulagée, pour la première fois depuis qu'elle était arrivée dans la pièce.

— C'est pas une question de pouvoir la gérer ou non, j'avais pas trop le choix de toute façon, soupira Inaba.

L'ambiance semblait s'être apaisée.

Puis, Aoki retrouva son état normal et se mit à faire des blagues pas drôles auxquelles Kiriyama et Taichi répondirent par des remarques sarcastiques.

Le local semblait avoir retrouvé son état normal.

— ... J'ai le sentiment qu'elle a fait ça justement pour détendre l'atmosphère, c'est pour ça que j'ai accepté sa demande.

À ce moment précis, la faible voix d'Inaba avait atteint l'oreille de Taichi...

... Et le monde devint tout noir.

Quand il reprit conscience, le monde était devenu horizontal.

(... Non, c'est ma tête qui est à l'horizontale), pensa immédiatement de façon logique Taichi.

Il n'était pas sur la chaise où il était assis précédemment. Qui plus est, son visage faisait face à un casier sous une table.

Taichi se leva et regarda autour de lui.

Une salle de classe.

Pas le local du club.

Il n'y avait personne. Des cris de membres d'autres clubs s'élevaient de la cour. Il y avait également des bruits de batte.

Taichi avait un peu la tête qui tournait. Il prit appui sur la table pour garder l'équilibre. Sa vue n'était pas très coordonnée... Était-ce à cause de la sensation de vertige ? Non, il y avait visiblement une raison particulière à cela.

(Je devrais être dans la salle du troisième étage du bâtiment récréatif. Et j'en suis sûr, vu que je parlais avec Inaba et les autres y'a pas deux secondes. Mais maintenant, sans raison particulière, me voilà dans la classe.)

Que s'était-il passé ?

Pour essayer de comprendre, Taichi jeta à nouveau un œil autour de lui.

La disposition des tables, les posters sur les murs, les noms écrits dans un coin du tableau noir, et la petite étagère au fond de la pièce — tout cela était familier pour Taichi.

C'était sa classe : la 2nde C.

S'il avait fait tout ce chemin depuis le local, peu importe sa vitesse, il lui aurait fallu au moins plusieurs minutes.

Taichi tremblait un peu. Il avait comme un mauvais pressentiment.

(Je me suis téléporté instantanément dans la classe ? Ou est-ce que j'ai marché jusqu'ici, mais pour une raison inconnue, j'ai eu une perte de mémoire ? Ou est-ce que le moment dans le local n'était en fait qu'un rêve alors que je m'étais endormi ici depuis tout ce temps ? Ou est-ce que ça serait... quelque chose d'autre ?)

— Qu'est-ce que ça pourrait bien... Hein ?

C'était trop soudain.

Taichi était tellement sous le choc que son corps tout entier tremblait alors qu'il tenait sa main devant sa bouche.

— ... C'est pas sérieux.

Tout en parlant à voix basse, il bougea sa main vers son cou.

Il ne pouvait pas sentir la bosse de sa pomme d'Adam. Son cou était aussi lisse que celui d'une fille.

(J'ai du mal entendre.)

Taichi tenta de tout son cœur de rejeter la voix qui était sortie de sa bouche. Mais il avait beau essayer, il n'y arrivait pas. Son côté rationnel lui disait qu'il devait avoir mal entendu.

— Pourquoi est-ce que j'ai une voix de fille ?

(Est-ce que je rêve ?)

(Non, c'est pas possible... Cette sensation n'a rien d'un rêve, c'est réel.)

(Du calme.)

Taichi répéta inlassablement ces deux mots dans sa tête. Il essayait d'empêcher ses pulsions de dériver là où il ne fallait pas. Mais, malgré ses efforts, il était impossible des les contrôler ou de les arrêter.

Les mots d'Aoki de la veille lui traversèrent l'esprit.

Dans tous les cas, il n'irait nulle part sans en avoir le cœur net. Taichi inspira alors profondément et, après avoir expiré, regarda lentement en direction de ses pieds.

De sa hanche à ses genoux, se trouvait un vêtement de forme cylindrique. Objectivement parlant, cela ressemblait à ce morceau de tissu que les filles portaient... Autrement dit, c'était une jupe.

Et, en dessous, il pouvait voir un bout de ses cuisses blanches et élancées. Et encore plus bas se trouvaient une paire de douces jambes enveloppées dans des mi-bas noirs.

— Arrrg ! cria Taichi.

Mais ce n'était pas la voix de Taichi... Ou pouvait-on admettre que c'était désormais la sienne ?

Taichi baissa la tête et se servit de ses mains pour palper cette « chose » qui recouvrait le haut de son corps, juste pour en avoir le cœur net.

Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un uniforme du lycée Yamaboshi. Le seul hic... c'était que c'était un uniforme de fille.

Taichi était complètement désorienté.

Il n'arrivait pas à comprendre l'état, la situation et la détresse dans lesquels il se trouvait.

Non, plus précisément, « ce n'était pas tout ». Une telle conclusion impliquait une existence proéminente qui hantait son esprit. Malgré tout, une conscience développé depuis longtemps dans l'attitude des humains continuait à bouillonner dans son esprit et tentait de faire disparaître cette soudaine conclusion.

La réalité, cependant, s'imposa d'elle-même aux yeux de Taichi.

Si lui, à savoir Taichi, était un homme, alors cela ne devrait pas exister... cette « chose », qui était apparue sous ses yeux depuis le tout début.

La poitrine de Taichi avait grossi.

À ce niveau-là, on ne pouvait plus parler d'inflammation. Sa poitrine aurait beau avoir été soumise à une force des plus puissantes, ce genre d'excroissance n'était évidemment pas quelque chose d'atteignable pour les muscles pectoraux d'un garçon.

Sans l'ombre de doute, cela devait à la base appartenir à une femme, à savoir « cette chose » qui commence par un « s ».

Si c'était des vrais, il devait reconnaître ce « qui s'était passé ».

Taichi avala nerveusement sa salive comme pour essayer de se calmer.

Puis, il finit par décider de mettre ses mains en face de sa poitrine et de se servir de sa main droite pour saisir la bosse à droite et sa gauche pour la bosse à gauche. Puis il se mit à les masser.

Frr, frr, frr, frr...

Malgré leur grande souplesse, comme s'ils étaient sur le point de fondre, c'était dans le même temps plutôt ferme et élastique. C'était comme s'ils glissaient entre ses doigts mais en fait, non. C'était une sensation indescriptible et incroyable.

Mais c'était en fait une expérience inconnue. Et bien qu'il n'avait jamais touché de vrais du haut de ses seize ans, il croyait dur comme fer que c'en étaient.

... C'étaient des vraies « choses » commençant par un « s ».

Et à chaque fois qu'il caressait « cette chose » commençant par un « s », il pouvait le sentir. Autrement dit, ce n'était pas juste un objet qu'on aurait collé sur son corps — et juste au moment où Taichi se mit à penser ça...

Il entendit un cliquetis provenir de la porte de la classe. Cette dernière s'ouvrit. Une fille entra dans la pièce et son regard croisa celui de Taichi.

L'état dans lequel il se trouvait lui donnait un vertige si intense qu'il ne savait pas comment réagir face à cette situation inattendue.

La personne qui marchait de façon raide et qui tenait ses cheveux soyeux derrière elle tout en portant une paire de lunettes d'une certaine marque était — Maiko Fujishima, la déléguée de la 2nde C.

Après l'avoir dévisagé silencieusement pendant quelques instants, Fujishima se mit à parler lentement.

— Je... euh... j'ai vu que les fenêtres de la classe étaient ouvertes, alors je suis revenue les fermer. Ils annonçaient de la pluie pour ce soir à la météo... Et sinon, « Nagase-san », à... à quoi tu joues ?

... Fujishima avait appelé Taichi « Nagase ».

Il devrait être Taichi Yaegashi et non « Nagase », mais pourquoi était-il « Iori Nagase » maintenant ?

— Si j'ai bien vu ce que j'ai vu, tu semblais être en train de masser tes propres seins...

Après avoir entendu ça, Taichi réalisa alors qu'il tenait ses seins dans ses mains. Il se dépêcha de les retirer. Bien qu'il sentait que son cerveau ne fonctionnait plus faute d'espace mémoire, il comprenait tout de même la détresse de la situation.

— ...

— ...

Fujishima dévisagea Taichi puis ouvrit grand ses pupilles derrière ses lunettes pour examiner Taichi de la tête aux pieds. Il n'avait nulle part où fuir. Il ne put que se lever de façon rigide.

Un long silence s'était abattu dans la pièce.

Mais Fujishima le dispersa rapidement avec une question inattendue.

— Tu veux que je te file un coup de main ?

— ... Hein ?

Mais qu'est-ce qu'elle racontait ?

— C'est mieux que quelqu'un le fasse à ta place, non ? À tous les niveaux.

— Non, pas la peine.

Bien que le côté « à tous les niveaux » semblait alléchant, Taichi refusa malgré tout l'offre.

— Pas la peine de te retenir. Je suis très douée pour ça.

Fujishima fit un pas en avant.

— Fuji-Fujishima-san ?

La situation semblait avoir complètement transformé Fujishima.

La déléguée, qui était l'archétype de l'élève modèle, arborait un visage sensuel pour la première fois, ce à quoi Taichi ne savait pas comment réagir.

Fujishima s'approchait petit à petit de Taichi.

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(Peut-être que c'est une crise de virginité ? Mais vu la situation, c'est à se demander si elle l'est vraiment... Non, c'est pas le moment de penser à ça.)

Taichi se mit à paniquer.

— Tu-Tu devrais te calmer, Fujishima-san ! Je suis sûr qu'on arrivera à se comprendre après avoir discuté !

— Oui, discutons... avec nos corps !

— Nos... corps ? Que... Attends !

(Mais qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on en arrive là ?)

Taichi n'arrivait pas à comprendre la raison de tout ça.

Et c'est alors qu'une autre personne entra précipitamment dans la pièce.

— Taiiiichi !

La personne qui était essoufflée et qui criait était — « Taichi Yaegashi »...

(Non, une seconde, ça doit être « quelqu'un dans le corps de Taichi Yaegashi », non ?)

Taichi utilisa ce qui lui restait de neurones pour comprendre la situation.

Fujishima avait appelé Taichi « Nagase »... Du coup, en prenant en compte ce phénomène surnaturel, la personne qui venait d'entrer dans la classe dans le corps de « Taichi » devait être logiquement Nagase ?

— « Yae-Yaegashi-kun » ?

Soudain, « Taichi » s'approcha de Fujishima.

— Fujishima-san ! Si t'as besoin de parler avec Taichi... Non, c'est moi ça... non, avec « Iori Nagase » je veux dire, alors désolé ! Parce qu'il faut absolument que je l'emmène quelque part ! Allez, viens avec moi maintenant !

La personne qui se déplaçait dans le corps de « Taichi », qui était vraisemblablement Nagase, s'approcha de Taichi et le prit par la main en vue de l'entraîner hors de la pièce.

À ce moment-là, Fujishima attrapa l'autre main de Taichi.

— Que... Qu'est-ce qui se passe, « Yaegashi-kun » ? Tu vois pas qu'on est très occupées là ?

— Oui, quelque chose de très grave a failli arriver ! Lâche-moi, Fujishima-san ! Il faut que j'y aille ! dit Taichi « Nagase ».

— Tu vois, même Taichi... Euh, non, même « Nagase » elle-même le dit ! dit Nagase « Taichi ».

— Pourquoi est-ce que vous parlez aussi bizarrement tous les deux ? Enfin bref, si tu veux emmener Nagase-san, donne-moi une bonne raison !

Fujishima ne semblait toujours pas disposée à céder.

— Hmm, dans ce cas, prends ça !

Nagase « Taichi » sauta sur Fujishima pendant qu'elle poussa un cri.

— Guilli, guilli, guilli...

— Hein, ah, arrête...! Mon ventre... Hahaha. Arrête, « Yaegashi-kun », tu sais que ça s'appelle du harcèlement sex-sexuel, ça... Hahaha, arrête, arrête...

La salle de classe de la 2nde C était plongée dans des cris provenant de l'enfer.

□■□■□

— Alors c'est quoi la blague du jour ?

Inaba dévisageait Taichi et les autres avec un regard froid.

« Taichi » et « Nagase », qui étaient revenus dans le local, avaient immédiatement confirmé leur situation réciproque. Bien qu'ils avaient crié en voyant leur reflet dans la glace et qu'ils se trouvaient dans une grande détresse, ils s'étaient désormais calmés.

D'après Nagase, elle était dans la classe quand elle s'était soudain évanouie. Puis, quand elle s'était réveillée, elle était dans le local en face d'Inaba et des autres. En fait, d'après les témoins de la scène (Inaba et les autres), le corps de « Taichi », qui était à la base assis, s'était soudain affalé sur la table comme s'il perdait conscience, puis s'était redressé l'instant d'après.

Par la suite, Nagase s'était temporairement mise à paniquer. Jusqu'à ce qu'elle rappelle de ce qu'avait dit Aoki la veille, et s'était alors demandé, « C'est la même chose, non ? ». Du coup, elle avait accouru jusqu'à la classe où « Nagase » était... c'était ce qui avait dû se passer jusqu'ici.

— Ah... c'est pas nos âmes, mais plutôt nos personnalités qui ont été interchangées !

Hahaha... Nagase « Taichi » parlait d'un ton particulièrement vif et riait gaiement.

— C-C'est rare de voir Taichi rire comme ça... D'habitude, c'est quelque chose de plus tordu, dit Kiriyama, surprise, avec une voix faible tout en clignant des yeux.

— Oui. En fait, c'est pas si mal comme ça. S'il souriait tout le temps de cette façon, il aurait du succès auprès des filles ! abonda Aoki également.

— Mon sourire est si nul que ça...? Je pense sourire normalement pourtant...

— ... On s'en fiche de tout ça ! Changez pas de sujet !

Un bruit sourd se fit entendre au moment où Inaba frappa la table avec son poing.

— Aïeuh...

— Ça doit faire mal, ça...

— Taichi, est-ce que tu pourrais...

Inaba avait l'intention de frapper Taichi « Nagase ».

— ... arrêter de parler...

Mais avant de le frapper, elle se ravisa et se mit à lever les bras. Telle une danseuse de ballet, elle était debout en tenant ses bras en l'air sans bouger. Son visage continuait à se déformer, sous le coup de la honte ou de la colère.

— Inaban, t'as l'air de bien t'amuser !

Nagase « Taichi » avait envoyé un féroce coup fatal.

— Je crois que j'ai compris ce qui s'est passé — Inaba-chan a été victime d'une des remarques involontairement incisives de Taichi et a voulu riposter par une attaque physique comme à son habitude, mais en voyant que c'était Iori-chan... elle s'est arrêtée en plein milieu de son geste.

— Inaba a même droit à une remarque d'un type comme Aoki, quelle tristesse...

Aoki et Kiriyama s'étaient passés le relais et décrivaient Inaba d'un air condescendant.

Le visage d'Inaba se déforma de plus belle, mais elle avait gardé sa position, comme pour respirer profondément.

— C'est la première fois que je vois Inaba dans un état pareil ! dit Taichi « Nagase » du plus profond de son cœur.

Inaba fusilla Taichi du regard.

— ... Attends voir, Tai...

Au moment où elle allait parler, Inaba leva les yeux au ciel et se tut.

Nagase « Taichi », comme si elle attendait ce moment depuis le début, se mit à sourire d'un air sarcastique.

— Inaban, tu t'es tournée vers « Nagase » et tu l'as appelée Taichi, pas vrai ?

Iori Nagase était sûrement la seule personne du club en mesure de tenir tête à Inaba.

— Hmm...

Inaba arborait un visage amer.

— C'est parce que... vous êtes de bons acteurs tous les deux...

— Tu crois sincèrement que Taichi serait capable de m'imiter moi, Iori Nagase, aussi bien ?

Nagase, sous l'apparence de « Taichi », continuait d'attaquer Inaba. Sa voix et son apparence avaient beau être celles de « Taichi », mais ces actions et sa façon de parler étaient celles de Nagase.

— Inaba, tu vas sûrement pas le croire... même moi j'ai du mal, mais il faut que tu me croies ! Je suis Taichi, et ce « Taichi » là, c'est Nagase.

Malgré le malaise et le manque de coordination ressentis par sa voix aigüe, Taichi « Nagase » continua de plaider sa cause.

Après s'être mordu un ongle, Inaba demanda aux autres :

— Qu'est-ce que vous en pensez, Yui et Aoki ? Hier, vous... Non, c'était juste Aoki qui parlait de cette histoire d'échange d'âmes ou je sais pas quoi.

— Ouais, Taichi et Iori-chan ont dû échanger leurs âmes. Je parle d'expérience ! T'es pas d'accord avec moi, Yui ?

— Hmm... On dirait... que je suis contrainte d'admettre ce qui s'est vraiment passé...

— Je croyais que t'y étais fermement opposée hier ? se plaint Inaba.

— Parce que c'était une expérience vraiment horrible !

Kiriyama frappa avec ses deux mains sur la table tout en se levant, ce qui fit virevolter sa chevelure châtain.

— Oh. Alors ça veut dire que t'admets avoir échangé ton âme avec la mienne hier soir, pas vrai ?

Bien qu'on lui avait posé la question avec un sourire espiègle, Kiriyama ressentait un dégoût extrême, mais finit tout de même par répondre par un « Ouais... » tout en acquiesçant.

— C'est parce que... si je venais à dire que c'était un rêve, ça serait vraiment bizarre, et Iori et Taichi prétendent qu'ils ont également permuté...

— Hé... vous êtes sérieux là ? C'est digne des contes de fée ça...

Il était compréhensible qu'Inaba n'arrivait toujours pas à y croire. Après tout, des mots n'étaient pas suffisants rendre ce phénomène « d'échange d'âmes » crédible.

Néanmoins, contrairement à ce que le savoir et le bon sens pouvaient prétendre, ceux qui avaient déjà vécu la chose étaient plus enclins à accepter cette histoire.

Même si c'était logiquement impossible, une fois l'avoir vécu, l'inimaginable prenait peu à peu forme.

Inaba jeta un œil en direction des quatre autres membres. Ils hochaient tous la tête positivement.

— Alors vous allez sérieusement gober cette histoire...? Vous pourriez pas avoir l'air un peu paniqué ?

— Haha... une fois que t'as connu ça, tu te dis « Ah, hein ? Ouais ! »

— Nagase, c'est pas une explication ça, répondit Taichi « Nagase » d'un ton incisif.

— J-Je commence à sentir la migraine monter... mais si on continue comme ça, on n'arrivera à rien... Vous pouvez me confirmer une fois de plus que vous êtes pas en train de plaisanter, que Iori et Taichi ont vraiment échangé leurs âmes... ou plutôt leurs personnalités ?

— C'est pour ça que je suis Taichi sous l'apparence de « Nagase ».

— Du coup, ça veut dire que toi, dans le corps de « Nagase », tu devrais savoir des choses que seul Taichi sait, et vice versa, pas vrai ? suggéra-t-elle afin de s'assurer de l'identité qu'ils prétendaient avoir.

— C'est sûrement le moyen le plus simple. N'importe quelle question fera l'affaire. Demande-moi et je te répondrai volontiers... Enfin, ça risque d'être difficile de trouver quelque chose qu'Inaba et moi savons mais pas Nagase...

Néanmoins, Inaba n'avait rien à faire du dilemme de Taichi. Avec assurance, elle fit un signe de la main et dit :

— Ah, t'en fais pas pour ça. Ok, à partir de maintenant, réponds à mes questions. Je te croirais que si tu réponds immédiatement.

Inaba se leva et se pencha vers Taichi. Bien que son cœur battait à tout rompre du fait de son inimaginable sensualité, Taichi « Nagase » prit sur lui.

— Vas-y !

— Il faut que tu répondes en quelques millisecondes.

— Ok, je sais.

— Bon, commençons !

Inaba inspira profondément...

Puis posa la question d'une traite !

— C'est quoi le nom du dernier porno que t'as prêté Aoki ?

— « Les gros nichons de »... Une seconde, qu'est-ce que tu me fais dire là ? T'es même pas censée connaître la réponse toi-même !

Taichi « Nagase », qui avait presque accidentellement dévoilé le nom du film en question, se mit à paniquer.

— Ohoh ! C'est rare de voir Taichi parler aussi fort et perdre ses moyens comme ça... mais bon, au fait, comment est-ce que t'es au courant de notre marché ?

— Peu importe. Aoki, tu vas confirmer pour moi. Alors, Taichi, la réponse est...?

Bien qu'Inaba semblait sérieuse, on pouvait sentir une pointe de plaisir et d'amusement au plus profond de ses yeux.

Taichi lança un regard en direction de Kiriyama et Nagase « Taichi ». Kiriyama regardait Taichi avec un visage rouge comme une tomate. Et Nagase marmonna, « Gros nichons, hein... », tout en regardant Taichi les yeux vides. Avec Nagase qui avait l'apparence de « Taichi », Taichi était sur des charbons ardents.

— Du coup, Inaba, est-ce que je peux me contenter de murmurer la réponse à Aoki ?

Après un bref silence, Inaba fit un geste du menton en direction d'Aoki.

Soulagé, Taichi « Nagase » s'avança rapidement vers lui et se dépêcha de lui donner la réponse au cas où elle changeait d'avis.

— Alors, Aoki ?

— C'est exactement la bonne réponse, capitaine Inaba ! Et puis, quelle chance de pouvoir entendre ces mots salaces de la bouche de « Nagase » !

À cause de la déclaration stupide d'Aoki, Nagase « Taichi » se mit à penser, « Hein ? Comment ça ? J'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose d'important. Est-ce que je devrais lui demander quelque chose en échange ? » et se sentit mal à l'aise.

— Bon, maintenant qu'on sait qu'on a deux idiots d'amateurs de gros seins dans notre club, mettons à l'épreuve la personne à l'apparence de « Taichi » pour s'assurer que c'est bien Iori.

— Inaba serait pas en train de profiter de la situation pour se venger de ce qu'on lui a fait subir tout à l'heure ? grommela Taichi « Nagase » face à l'effroi de cette découverte.

— Il faut que je fasse gaffe de ne jamais me mettre Inaba à dos...

Il semblerait que Kiriyama avait encore plus peur d'Inaba que jamais.

Inaba se leva, s'approcha de Nagase « Taichi » et lui murmura quelque chose à l'oreille. Puis...

— Que ! Kof, kof... Att... Ina-Inaban, c'est vrai ?

— Oui, dit Inaba distinctement.

— Pourquoi... t'es pas obligée de dire un truc pareil maintenant.

Nagase « Taichi » se couvrit les yeux avec ses mains tout en s'affalant sur sa chaise. Visiblement, on lui avait murmuré quelque chose de violent.

— Mais... c'est ça la croissance, hein... Snif.

Qu'avait-elle bien pu lui dire pour qu'elle soit dans cet état ? C'était vraiment curieux.

Inaba retourna droit à sa place. Puis, elle relâcha sa tension et leva les yeux au plafond tout en marmonnant.

— Un échange de personnalité, hein... C'est bon, j'y crois.

Oh... Les quatre autres membres sautèrent de joie en entendant ça.

— Entre la possibilité que Taichi soit capable de faire ce genre d'expressions et celle d'un échange de personnalité, après y avoir bien réfléchi, la deuxième semble la plus plausible.

— Comment est-ce que je suis censé réagir à ça... Et puis, pourquoi vous autres acquiescez avec un air de « Oh, c'est c'est ce qui s'est passé »...

Taichi voulait vraiment leur demander ce qu'ils pensaient de lui.

— Je comprends l'échange de personnalité entre Iori et Taichi... Enfin, maintenant que j'ai compris... Qu'est-ce que vous comptez faire tous les deux ?

Même s'il était un peu tard pour ça, Inaba avait mis le doigt sur le nœud du problème.

— Hmm... Ah... Que faire ? souria bêtement Nagase « Taichi ».

— Pourquoi t'es aussi insouciante aujourd'hui... se surprit Inaba.

— Sinon, j'aimerais en savoir plus sur l'échange entre Aoki et Kiriyama. Vous avez également permuté avant-hier, c'est ça ?

— Ouais... Comment dire... Il devait être aux alentours de 3 heures du mat' ? Je dormais dans mon lit quand soudain, je me suis réveillé et je me sentais pas bien. Ensuite, j'ai regardé autour de moi et je me suis rendu compte que j'étais dans une chambre que j'avais jamais vue avant. J'ai un peu flippé en voulant jauger la situation, mais j'ai eu droit à une agréable surprise en voyant Yui dans le miroir ! « Ah... » J'étais encore plus perdu qu'avant. Mais, à un moment donné, je suis revenu dans mon corps et j'étais à nouveau dans mon lit. Voilà ce que j'ai ressenti. T'as vécu la même chose, Yui ?

— Ouais, plus ou moins, à la différence près que j'ai cru que je faisais un cauchemar en me voyant dans le miroir. Du coup, je suis allée me cacher sous la couette. Franchement, je me fichais du fait que c'était pas mon lit. Puis, je me suis retrouvée dans ma chambre... Enfin, après être retournée dans « mon corps », je me suis rendue compte que c'était le bordel dans ma chambre.

Kiriyama jeta un regard de dédain en direction d'Aoki.

— Ah... Je suis vraiment désolé, s'excusa Aoki.

— Oh... Ça a duré combien de temps environ ? demanda Nagase « Taichi » à Aoki.

— Hm, pas plus d'une heure je dirais. Entre trente et quarante minutes peut-être ?

— C'est tout...? Bizarre. Enfin, non pas que ce phénomène en lui-même soit pas déjà très bizarre... dit Inaba en fronçant des sourcils.

— Ça aurait une durée limitée vous pensez ? Ou est-ce que ça serait dû à autre cho-

Avant d'avoir eu le temps de finir sa question, la vision et la conscience de Taichi s'arrêtèrent net comme si elles avaient été débranchées.

— Hé ! Ça va ?

Taichi fronça des sourcils et rouvrit les yeux en entendant ces cris tourbillonnant dans son esprit. Les ténèbres s'estompèrent enfin, et il put à nouveau apercevoir l'habituel local du club... Non, pas tout à fait.

Jusqu'ici, Inaba avait été devant lui à droite. Désormais, elle était pile en face. Aoki et Kiriyama avaient également échangé de place. Et « Nagase » avait désormais l'apparence de « Nagase » et le fixait du regard.

Ce qui voulait dire que...

— On est revenus à la normale ! crièrent Taichi et Nagase en cœur, qui avaient d'un coup repris du poil de la bête.

— Sérieusement... soupira Inaba tout en s'affalant sur son siège.

Au final, la réunion du jour se termina sur ordre de la vice-présidente Inaba :

— Ce phénomène d'échange de personnalités est confidentiel jusqu'à nouvel ordre, on devrait garder ça pour nous.


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