Kokoro Connect : Volume 1 Chapitre 4

From Baka-Tsuki
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Chapitre 4 : La semaine des relations et des détonations[edit]

Au lycée Yamaboshi, faire partie d'un club était obligatoire — et c'était bien la seule chose que les élèves estiment pénible dans cette école. Pour le reste, les autres règles étaient très laxistes.

Du point de vue de l'école, le fait d'être occupés par les activités d'un club donnait moins de temps aux élèves pour la délinquance et autres activités malveillantes. Les latitudes permettaient aux élèves de devenir plus autonomes.

Malgré tout, cela déplaisait à certains élèves. Ils trouvaient qu'être forcés de prendre part à des activités extra-scolaires n'était pas du tout raisonnable. Mais, pour le côté positif, les budgets et locaux alloués dans ce lycée dépassaient de loin ceux des autres écoles.

La chose la plus attractive dans cet établissement était son grand nombre de clubs.

Quand un club avait suffisamment de membres, celui-ci était libre de faire ce qu'il voulait. Du fait de la simplicité des procédures d'inscription, les clubs proliférèrent petit à petit jusqu’à atteindre un nombre conséquent. Le nombre total de clubs fondés dépassait la centaine. Malgré cela, la majorité disparaissait au bout de quelques années. Le nombre de clubs montait et descendait à mesure que de nouveaux étaient fondés et que les anciens clubs inactifs étaient rayés de la liste.

Cela dit, même si un club n'était plus actif, il existait toujours de nom. Ou du moins, jusqu'à ce que l'administration ne le retire complètement. Ainsi, les élèves de seconde devaient toujours faire leur choix dans une liste d'une centaine de clubs.

Un dernier point est qu'il existait une règle stipulant que « en dessous de cinq membres, un club ne pouvait plus continuer en tant que tel ».

Au lycée Yamaboshi, vu qu'il est impératif de s'affilier à un club, les nouveaux arrivants devaient remettre leur formulaire d'inscription avant une date bien précise. S'ils choisissaient un club actif, ils le rejoignaient directement. Sinon, si c’était un club qui n'existait que de nom, ils devaient alors se mettre à la recherche d'autres membres de seconde, première ou terminale afin de respecter le seuil de cinq membres minimum.

Cela dit, la majorité des étudiants voulaient s'inscrire dans des clubs toujours en activité. Après tout, la plupart des choix étaient plutôt normaux et avaient suffisamment de membres. Surtout, peu avaient envie de se donner la peine de faire revivre des clubs inactifs.

Mais il y avait tout de même des élèves qui souhaitaient rejoindre un club inactif, ils devaient généralement se mettre d'abord à la recherche d'autres membres. Ainsi, il n'y avait aucune période où quelqu'un souhaitait rejoindre un club mais où il n'y aurait pas suffisamment de monde.

Malgré tout, il existait des exceptions.

Après tout, peu importe le lieu ou la date, dès qu'il est question de société, il y a des hors-la-loi.

Par exemple, il y avait ce garçon à l'enthousiasme extrême pour le catch pro, qui ne connaissait pas cette règle des cinq membres, et qui s'était inscrit au « club des fans du catch professionnel » directement après avoir vu son nom dans la liste. Ce garçon était Taichi.

Il y avait aussi cette fille qui s'était beaucoup investie dans le karaté jusqu'au collège, mais dont on ignorait si sa passion pour les choses mignonnes venaient de là ou non. Et ainsi, elle était tombée sur le « club chic » dans la liste, mais ignorait totalement que ce club n'était resté actif que deux ans (et c’était il y a six ans de cela). Elle croyait que son existence était une sorte de révélation divine, et même quand les autres lui disaient qu'il n'y avait pas assez de monde, elle déclarait (naïvement) que tout irait bien vu qu'il y avait beaucoup de jolies filles cette année-là et avait écrit « club chic » sur son formulaire d'inscription. La fille qui avait fait tout ça n'était autre que Yui Kiriyama.

Un autre exemple était quelqu'un qui avait décrit sa passion pour « la collecte et l'analyse de données ». À la base, elle voulait rejoindre le club d'informatique, mais du fait d'une grosse dispute avec le président de ce même club le dernier jour avant la clôture des inscriptions (ce qui fut imputé à son arrogance et à la faible tolérance du président en place à ce niveau-là), elle se dépêcha de récupérer sa feuille d'inscription auprès de son professeur. Du coup, elle avait choisi de faire revivre une antenne du club d'informatique qui avait elle-même été fondée suite à une précédente dispute — le club d'analyse de données. La fille en question était Himeko Inaba.

Et un autre exemple était ce garçon qui croyait en une légende urbaine. Selon cette légende, il y avait un club au lycée Yamaboshi qui s'appelait le « club de drague ». Ce genre de clubs existait dans certaines universités, mais ce n'était pas le cas dans les lycées. Il pensait pouvoir rejoindre un club juste en écrivant le nom sur la feuille d'inscription, même si celui-ci n'était pas dans la liste. Il sentait que ce club était super intéressant vu qu'il n'était pas dans la liste (et pour cause, il n'existait pas). Hélas, au lieu d'être admis dans ce club imaginaire, il fut rangé dans la catégorie des élèves qui voulaient fonder un club. Le nom de ce garçon était Yoshifumi Aoki.

Un dernier exemple était cette fille qui pensait que choisir un club dans la liste était trop compliqué et trop pénible. Pensant qu'il était excitant de laisser le libre choix au destin, et que c'était un bon moyen de se faire des souvenirs mémorables (du moins, de son propre point de vue), celle qui écrivit « à vous de choisir<3 » en face de club choisi s'appelait Iori Nagase.

Les lois de cette société nommée « école » punissaient ce genre de hors-la-loi, surtout ceux qui n’étaient encore que des lycéens, en les forçant à coopérer entre eux jusqu'à la fin.

Mais ce point devait être nuancé par un « généralement ».

En effet, dans la plupart des cas, ces parias avaient tendance à succomber face au pouvoir.

Mais des fois, ces derniers se rebellaient.

Par exemple, Taichi Yaegashi, Iori Nagase et Himeko Inaba de la 2nde C du lycée Yamaboshi répondirent respectivement, « Monsieur, je n'avais pas entendu parler de cette règle des cinq personnes minimum », « Been, j'ai écrit « à vous de choisir »... donc j'ai hâte de voir votre choix ! » et « Pouvez-vous décaler un peu la date limite ? Il faut que je trouve quatre autres personnes. »

Ou par exemple, Yui Kiriyama et Yoshifumi Aoki de la 2nde A du lycée Yamaboshi qui avaient respectivement déclaré, « Monsieur ! Il doit y avoir une erreur ! Pourriez-vous essayer de solliciter à nouveau l'école ? Toutes les lycéennes aiment les choses mignonnes, alors ça ne devrait pas être un problème ! » et « Hein ? Ce club n'existe pas ? Alors est-ce que je peux essayer de le fonder ? J'ai besoin de cinq personnes ? Je vais faire ça en deux temps trois mouvements... »

Malgré tous leurs efforts, au final, aucun d'entre eux ne parvint à atteindre son objectif parce que le monde n'était pas si simple ou suffisamment faible pour qu'une rébellion lancée par n'importe quel quidam puisse le changer si facilement. Dans la plupart des cas, ce genre de plaidoyers était directement éliminatoire ou anéanti par le règlement.

Mais il existait évidemment des exceptions.

Des fois, les rebelles pouvaient être la cause de changements inattendus.

Par exemple, une certaine personne qui était en gros quelqu'un d'indélicat, apathique et négligent — d'un côté, affranchi de toutes règles, et d'un autre, distrait — pensait que convaincre Taichi, Nagase et Inaba de rejoindre un club existant serait trop pénible. Ainsi, il s'était dit, « Je vais pousser ces trois-là à unir leurs forces pour fonder un club où ils pourront librement s'amuser ensemble ! » Cette personne se tenait du côté de la loi, mais était à l'écoute des rebelles. La personne qui proposa cette idée novatrice et inhabituelle était le professeur dénommé Gotô.

Un autre exemple était une belle femme naïve qui était plutôt inconsidérée, aimait s'incruster dans les fêtes et prétendait être populaire durant ses années lycéennes. Les garçons la voyaient comme quelqu'un de « bien et très mignonne » et appréciaient son côté noble, tandis que d'autres trouvaient que ses compétences pédagogiques restaient encore à prouver. Quand elle entendit Gotô dire « Du coup, j'ai l'intention de fonder un nouveau club », elle proposa, « Eh bien, j'ai deux élèves qui pourraient convenir dans ma classe ». Ainsi, elle décida de laisser Kiriyama et Aoki rejoindre le club en question suite à cette brève conversation. Cette personne, également du côté de la loi, était la professeur principale de la 2nde A, Ryôku Hirata.

À la suite de ces multiples coïncidences, le Club de Recherche Culturelle était né.

Autrement dit, le CRC était l'incarnation de la victoire des hors-la-loi. C'était le résultat d'une réaction chimique entre des élèves et des professeurs atypiques.

Cette deuxième affirmation semblait prendre tout son sens maintenant... ou pas... Peu importe, c'était sans importance de toute façon.

L'objectif du Club de Recherche Culturelle fraîchement sorti de terre était de « transgresser toutes les restrictions et lois, afin d'enquêter sur tout avec un angle différent ». Ou autrement dit, « faire comme ça nous chante ».

Ainsi, Taichi et les quatre autres s'étaient servis du budget alloué au club en accord avec les objectifs du club — à savoir, faire ce qu'ils avaient envie de faire.

Néanmoins, un club de lycée ne pouvait pas s'en sortir si facilement, alors l'école demandait à chaque club de remettre un rapport mensuel de leurs activités et de l'archiver afin de maintenir l'autorisation au club d'exister. Le Club de Recherche Culturelle avait transformé ce rapport pour donner naissance au « RC Mag » qu'il publiait et distribuait dans l'enceinte de l'école (le contenu qui sortait de l'ordinaire semblait rencontrer un certain succès auprès d'une poignée d'élèves).

Mais, un jour de septembre...

Le Club de Recherche Culturelle s'était retrouvé dans une situation de vie ou de mort... Non, l'existence du club importait peu face aux répercussions que cela pouvait avoir sur la vie de chacun d'entre eux.

Bien entendu, il était question du « phénomène d'échange de personnalité » et de leur rencontre avec « Pois de cœur ».

□■□■□

— Je pense que vous devriez tous être conscient qu'on se réunit pour faire le point sur notre comportement de la semaine !

Taichi, Nagase, Kiriyama et Aoki réagirent différemment à la déclaration passionnée mais quelque peu agressive d'Inaba.

Leur rencontre avec « Pois de cœur » le vendredi passé, soit une semaine auparavant. On était samedi et les cinq membres du Club de Recherche Culturelle s'étaient rassemblés chez Inaba.

— Bon, on commence... Hmm ?

Une sonnerie de téléphone retentit dans une des pièces.

— Une seconde, je vais décrocher d'abord. Restez sagement ici le temps que je revienne, dit Inaba d'un ton enjoué et espiègle comme si elle s'adressait à des enfants.

Elle quitta ensuite la chambre.

— Hmm... La chambre est vraiment à l'image de sa propriétaire ! La dernière fois qu'on est venus ici, c'était quand on devait se mettre d'accord sur l'itinéraire pour le camping, non ? dit Aoki tout en examinant la salle.

Effectivement, la pièce entière était unicolore et semblait sobre et mature. Des objets tels qu'un lit, une table, une étagère, une télévision et un ordinateur étaient présents mais c'était à peu près tout. La chambre était disposée dans un objectif de productivité et d'efficacité — ce qui correspondait bien à la personnalité d'Inaba.

— Waah~ Inaba a tellement de chance d'avoir une chambre suffisamment grande pour nous accueillir tous les cinq. J'ai bien ma propre chambre, mais y'a pas beaucoup de place vu qu'elle est plutôt petite, et avec les meubles... Et comme ma petite sœur a pas de télé dans sa chambre, elle vient tout le temps squatter la mienne... Ou plutôt, comment ça se fait qu'elle grandit aussi vite ! Elle est même plus grande que moi... Même si je considère qu'être petite me rend plus mignonne, marmonna Kiriyama tout en étant assise par terre et en grignotant des biscuits.

— Tu veux parler de tes seins ? demanda Taichi d'un air sincère.

Mais-

— Aïeuuuh ! Ça fait mal !

Les biscuits éclatèrent en morceaux en heurtant le visage de Taichi, provoquant une vive douleur.

— Qui a parlé de ça ?! Je parlais de ma taille, neuneu ! Oh, je sais. C'est parce que tu penses qu'aux seins que t'en es arrivé à cette conclusion...! Je croyais que t'étais pas comme les autres... J'aurais jamais cru que t'étais un gros pervers comme ce type assis là.

— Non, c'est parce que t'as dit que c'était plus mignon quand c'était petit...

— Hé, c'est de moi que tu parles là ? Je suis pas comme ça.

— Mais bien sûr.

Il était triste de voir Aoki subir un traitement aussi injuste.

— Hé ! Ramassez les morceaux de biscuit par terre, ou Inaban va piquer une crise ! Après tout, c'est quelqu'un de très ordonné.

— T'as raison ! J'ai pas envie de me faire engueulée à cause de ces pervers.

En entendant le rappel de Nagase, Kiriyama s'accroupit et commença à ramasser les miettes. Sa longue chevelure châtain tomba en direction du sol. Du haut de son petit corps et dans sa robe subtilement bordée de fleurs de lotus, son ombre suscitait un certain attrait.

Kiriyama avait également remarqué ses propres miettes qui étaient tombées au moment où elle mangeait, et alors qu’elle s’était décidée de les ramasser-

— Deux garçons ne loupaient pas une miette de la scène dans l'espoir de pouvoir jeter un œil sous la robe de Yui, qui était occupée à ramasser les miettes, décrivit Nagase dans un style très littéraire.

— Na-Nagase ! Qu'est-ce que tu racontes ? Je ferais jamais-

— Raah ! On y était presque !

Le garçon aux côtés de Taichi était vraiment quelqu'un de direct et stupide.

Kiriyama se dépêcha de mettre ses mains sur le bas de sa robe et s'assit sur le sol, le visage rouge et le corps frissonnant.

Taichi avait un sentiment de malaise mais ne voyait pas comment désamorcer la situation.

Kiriyama tendit lentement ses mains vers l'assiette de biscuits.

— Yui, fais pas ça ! Si tu leur jettes ça, Inaban va vraiment être en rogne !

Nagase était à l'origine de la situation, mais elle tentait malgré tout de résoudre le problème au lieu de se contenter de rire.

— Alors... sers-toi plutôt de cet « oreiller du néant » !

... Ou peut-être pas.

— Nagase, ça risque de faire bien plus mal ! Et puis, « l'oreiller du néant », ça sonne bien trop pompeux !

Mais personne n'écoutait les plaintes de Taichi. Tout en gloussant bruyamment, Nagase lança « l'oreiller du néant » en direction de Kiriyama qui fit tournoyer son corps et frappa celui-ci avec le pied avant qu'il ne touche le sol.

— Oh, je peux voir sa culotte maintenant.

... Kiriyama poussa encore plus fort en entendant Aoki.

— Feeeeu...!

Le coup de pied de Kiriyama atterrit droit dans « l'oreiller du néant », et ce dernier fendit l'air avant de s'abattre sur Aoki dans un énorme fracas.

— Aaaaaaarg !

Malgré s'être protégé avec ses mains, Aoki fut projeté en arrière par l'oreiller.

La porte s'ouvrit au même moment...

— Hé, c'est quoi tout ce bouc...

« BAM ! »

Malgré sa perte de vitesse après avoir rebondi sur Aoki, « l'oreiller du néant » avait continué sa route à une impressionnante vitesse et avait atterri en plein dans le visage d'Inaba — en plein dans le mille. La tête d'Inaba se pencha en arrière sous l'impact surprise. Après avoir perdu sa vitesse, « l'oreiller du néant » ne tomba pas par terre, mais resta vissé sur le visage d'Inaba.

Le temps s'arrêta — les secondes suivantes parurent durer une éternité. Inaba finit par se redresser et « l'oreiller du néant » tomba.

Inaba se tenait debout avec un regard féroce et machiavélique.

Les quatre autres ne purent que trembler.

— ... Levez les mains et confessez vos pêchés tant qu'il est encore temps...!

Par la suite, Nagase et Taichi furent gratifiés d'une pichenette sur le front, tandis que Kiriyama et Aoki eurent droit au tarif double. Aoki eut également droit à une claque en plein visage.

Après leur rencontre avec « Pois de cœur » qui était dans le corps de « Gotô », Taichi et les autres ne pouvaient qu'accepter le défi de l'échange de personnalité.

Tout d'abord, ils ne pouvaient pas le prendre à la légère. L'échange pouvait avoir lieu à n'importe quel moment. Ainsi, ils ne pouvaient pas se contenter de rester chez eux.

Ensuite, ils ne pouvaient rien faire pour s'y opposer. Bien qu'ils le désiraient vraiment, ils n'avaient aucune idée de comment s'y prendre. La seule chose qu'ils pouvaient faire était de se mettre à la recherche de « Pois de cœur », la personne la plus intimement liée à ce phénomène, pour obtenir plus d'informations. Mais après avoir observé Gotô en long, en large et en travers pendant une semaine, ils n'avaient pas senti la moindre trace de « Pois de cœur » en lui.

Ils ne trouvaient pas d'idée pour contrecarrer le phénomène.

La seule chose sur laquelle ils pouvaient se reposer dans ces ténèbres métaphoriques était le peu d'informations objectives que leur avait fournies « Pois de cœur ».

Il n'y avait aucune raison de ne pas le croire. Autrement dit, ils avaient accepté leur sort et espéraient que ça allait finir tôt ou tard.

Leur réunion de rétrospective avait fini par commencer après quelques accrocs. Inaba était l'hôte et la décideuse finale.

— Bon, faisons le point sur ce qu'on a appris cette semaine. Déjà, les bonnes pratiques quand on échange nos personnalités. La règle d'or est de contacter la personne avec qui on a échangé, afin de confirmer la situation. Ensuite, essayer de se comporter comme elle/lui pour que les autres ne s'en rendent pas compte. À ce sujet, il y a pas mal de points à améliorer... Concentrez-vous !

Assise en tailleur, Inaba dévisageait tout le monde. Malgré sa posture, son dos restait bien droit. En fait, elle semblait être en train de méditer.

— On commence par les bases. Que ceux qui sont allés dans les mauvaises toilettes pendant un échange lèvent la main !

« Moi. », « Moi. », « Moi. », « Moi. »

Tous à l'exception d'Inaba s'était trompé de toilettes.

— Quelle erreur de débutant ! Quand c'est un échange entre deux personnes de sexe opposé, il faut faire particulièrement gaffe ! C'est la base de la base, les gars !

— C'est pas évident de changer ses habitudes du jour au lendemain... Et la plupart du temps, on y va pour s'y réfugier... Yor ?

— Comment ça, « yor », Kiriyama ? C'est justement à cause des échanges qu'on est de plus en plus gênés d'aller aux toilettes !

Des lycéens qui se tromperaient de toilettes ? Plutôt que de se prendre des remarques, ces personnes avaient plus de chances d'être silencieusement mises à l'écart. Particulièrement dans le cas de personnes comme Taichi ou Inaba. Seulement dans le cas d'une personne à l'apparence « d’Aoki » provoquerait une hystérie où les filles crieraient au pervers (Kiriyama était cette personne et elle avait été convoquée par les professeurs. Elle avait failli pleurer.)

— Hé, j'ai une suggestion. Et si on allait aux toilettes en dehors des périodes d'échange ? demanda Kiriyama en levant la main.

— Tu viens pas justement de dire que c'était gênant d'y aller ? murmura Inaba d'un air désespéré.

— Mais, quand une fille devient « Taichi » ou « Aoki », elle se voit obligée de voir ces trucs dégueux aux toilettes ! Beurk !

Kiriyama tapota son propre bras, comme pour essayer de maîtriser ses émotions après s'être remémorée un mauvais souvenir.

— Je pense que c'est pas la peine d'en faire tout un plat. Après tout, c'est juste un truc sur ton corps. Et tu veux aller aux toilettes pour éviter d'avoir à y toucher, c'est ça ? Bah, vu que t'en parles, Aoki et moi, on va essayer de faire gaffe.

— Ok. Merci, Taichi.

— Hé, Taichi, pourquoi t'essayes de te faire bien voir ? Moi aussi, je vais faire attention, Yui.

— Faut pas en faire tout un fromage franchement. Écoute ça, Yui, je peux même faire pipi debout !

Nagase gloussa.

— C'est trop... Et puis, t'es pas obligée de le dire en jubilant, répliqua Taichi de façon incisive.

La contre-attaque de Nagase avec un sourire innocent l'avait laissé pantois.

— Bah, c'est vraiment pas la mer à boire. D'ailleurs, celle de Taichi est la plus grosse, déclara Inaba avec un sourire malicieux.

— Qu'est-ce que ça peut faire... Et puis, les compare pas ! Ah, Aoki ! T'en fais pas pour ça !

— Bon, passons à autre chose. L'important, c'est... est-ce que notre virginité... nos corps sont en sécurité ?

Inaba avait arrêté de plaisanter et posa la question d'un air sérieux.

Taichi pouvait l'affirmer sans faillir :

— Oui, pas vrai... Aoki ?

— Bah, je me suis effectivement retrouvé dans un corps de fille... Alors forcément, je suis tenté d'essayer des trucs... Hein ? Quoi ? Me regardez pas comme ça ! J'ai vraiment rien fait... parce que c'est immoral et que j'ai pas eu l'occasion d'aller aux toilettes... Aaaah... Je suis sérieux ! Arrêtez de me fusiller du regard comme ça, hahaha...

Les rires vides d'Aoki résonnaient dans la chambre.

— Moi, j'ai rien fait.

— Taichi... Ok, si tu le dis.

Inaba cherchait confirmation.

— Bien sûr que j'ai rien fait non plus...

— ... T'es sûr ?

Inaba examinait Aoki avec un regard méfiant.

— C'est la plus pure vérité ! La confiance, c'est important de nos jours, pas vrai ? Jamais je ferais une chose pareille.

— ... Tu l'as dit.

Inaba avait hésité l'espace d'un instant avant de répondre ironiquement. Taichi voulait lui demander ce qui lui prenait, mais Kiriyama se mit à parler à Aoki avant qu'il en eut le temps.

— Ah, en parlant de ça, quand t'es devenu « moi » l'autre jour, t'as appelé ma mère « maman » au lieu de « mère » comme je le fais habituellement. Et tu te trompes tout le temps de chambre. C'est impardonnable.

— Désolé. D’ailleurs, on m'a souvent demandé, « qu'est-ce qui te prend aujourd'hui ? » aussi.

— C'est vraiment un très gros problème !

Inaba se racla la gorge deux fois pour mettre fin au conflit.

— Effectivement. D'un autre côté, il commence déjà à y avoir des bruits qui courent à notre sujet. N'empêche qu'il est très peu probable que la raison derrière notre comportement soit identifiée.

En effet, sans une connaissance parfaite de la situation, il était impossible d'imaginer ce qui se tramait. C'était pour ça que leur étrange comportement n'était associé qu'à une autre facette de leur personnalité.

— En parlant de maison... Iori, à chaque fois que je deviens « toi », même tard le soir, y'a personne chez toi. Comment ça se fait...? Je trouve ça un peu dangereux qu'une lycéenne soit seule chez elle la nuit...

Kiriyama parlait avec une voix decrescendo, sûrement parce que ce n'était pas quelque chose d'évident à mentionner.

Nagase se crispa pendant un moment sans répondre.

Un silence de mort tomba dans la pièce.

— Oh... Eh bien... C'est... C'est parce que j'ai jamais eu l'occasion d'en parler, mais mes parents sont divorcés. Et là, je vis avec ma mère qui est très occupée... S'il arrive quoi que ce soit, je peux toujours compter sur ma lacrymo à base de poivre. Alors y'a vraiment pas à s'en faire...

— Bien sûr que *si* ! Même avec des gens normaux, ça serait une erreur de les sous-estimer ! Si tu te prépares pas comme il faut, il sera trop tard quand le pire arrivera ! cria Kiriyama de toutes ses forces, nerveuse et indignée.

— Hein...? Oh, euh... Dé-Désolée, s'excusa Nagase, abasourdie.

(C'est vraiment rare ça... Non, c'est même la première fois que ça arrive.)

Suite aux excuses de Nagase, Kiriyama se calma en même temps que ses nerfs. Puis, elle baissa la tête en signe d'excuse.

— Hm, ah, c'est moi qui devrais m'excuser.

L'atmosphère était devenue crispante et pesante.

(... Mais en y repensant, on a eu de la chance d'une certaine façon.)

(Malgré la situation aberrante dans laquelle on se trouve, nos relations et vies n'ont pas trop changé.)

(Il y a bien eu quelques couacs.)

(Mais jusqu'ici, les seuls changements n'ont été que superficiels.)

(Quand les personnalités de plusieurs personnes s'échangent aléatoirement entre elles, est-ce qu'il est possible que ça n'ait aucun impact, positif comme négatif ?)

(Non. C'est tout bonnement impossible.)

(Cela veut dire que le pire reste encore à venir.)

(Mais jusqu'à quand la chance sera de notre côté ?)

(Et si le « pire » venait à arriver, qu'adviendrait-il de nous ?)

(Comment ça se passe quand des gens sont connectés entre eux ?)

Inaba tapa dans ses mains.

— Pour conclure, la durée des échanges de personnalités, à savoir le temps qu'une personne reste dans « notre corps », est inférieure à quelques heures. Donc, si tout le monde fait attention, prend ses responsabilités et règle les soucis dès que possible, ça devrait atténuer les effets de ce phénomène. Bien entendu, c’est pas avec ça qu’on va résoudre le problème dans son ensemble... Nan, ça sert à rien de parler de ça pour l'instant.

Bien qu'un peu à contrecœur, Inaba était tout de même parvenue à apaiser l'atmosphère.

Tout le monde comptait sur elle pour les remettre dans le droit chemin, non pas juste à cause de son attitude naturellement exigeante et objective, mais également parce qu'elle avait l'habitude de gérer ce genre de situations. Telles étaient les pensées de Taichi.

Puis, elle devint ironique.

— Le problème maintenant, c'est de gérer le mal qui a déjà été fait. N'est-ce pas, Aoki ?

— Hein, quel mal ? s'exclama Aoki en la regardant la bouche bée.

Inaba se laissa tomber en avant, choquée.

— Comment t'as pu oublier ça ? T'as chopé une sale note à mon dernier contrôle d'anglais !

— Ah... ça. Mais j'ai bossé dur pourtant...

— Sept sur trente, et tu dis avoir bossé dur ? À cause de toi, je vais me taper des cours de soutien ! Et les gens se sont mis à douter de moi vu que j'ai de bonnes notes d'habitude... Franchement ! Je sais que t'es débile, mais causer des problèmes aux autres te rend pas moins coupable.

— J'y peux rien. J'ai jamais demandé à l'être, tu sais.

Aoki jouait avec ses mèches avec mécontentement.

— Allons, Inaba, sois pas trop dure avec lui. Après tout, ce contrôle affectera pas tes notes finales. Et puis, un débile reste un débile, peu importe le mal qu'il se donne.

Taichi tentait de les réconcilier, mais c'est alors que...

— C'est vrai, Inaban, la débilité ne se guérit pas, même après la mort, dit Nagase.

— Ouais, Inaba, les débiles n'ont qu'à mourir dans leur stupidité, continua Kiriyama dans la foulée.

— Dites... Vous vous rendez compte que vous m'aidez pas là ? Ou plutôt, vous êtes allés trop loin !

Aoki était effectivement adoré de tous.

— Vous pensez peut-être que c'est pas grave, mais en fait, si. On sait pas jusqu'à quand ça va durer. Si ça continue jusqu'aux exams finaux...

Les trois (Taichi, Nagase et Kiriyama) poussèrent un soupir à l'unisson. Ils s'étaient mis à imaginer la suite de la phrase délibérément laissée en suspens par Inaba et commençaient à trembler de peur.

La stupidité de cette personne devint le cœur du problème.

— Hein ? Comment ça ? Si je deviens quelqu'un d'autre pendant les exams, alors j'aurais moins de chance de me rétamer ? Pfiou~

— Oui, et de la même façon, quelqu'un va avoir plus de chance de se rater ! Ou plutôt, tout le monde ici à part toi a des notes correctes !

L'ironie d'Inaba ne montrait aucune compassion pour Aoki.

— Soyons positifs... et j'ai bien dit positifs ! Je crois que ce phénomène va bientôt s'arrêter, marmonna Kiriyama tout en jouant avec ses mèches et pressant sa tête.

Ils continuèrent leur rétrospection avec entrain — et cela s'était transformé en discussion pure et simple en cours de route — mais le soir arriva, et Inaba annonça que ses parents allaient bientôt rentrer et que la réunion devait toucher à sa fin.

Après avoir quitté le domicile d'Inaba, Taichi, Kiriyama et Aoki dirent au revoir à Nagase, qui passait par un autre chemin, puis se mirent en route. En théorie, du moins. Au moment où ils arrivèrent à la station, Aoki et Nagase échangèrent de personnalité.

Ils se contactèrent afin de confirmer le chemin menant à leur domicile respectif. Si l'échange venait à durer plus longtemps, ils avaient décidé d'aller tuer le temps quelque part en attendant.

— Ah, alors c'est ce qu'on voit à travers les yeux « d'Aoki »... Quelle hauteur ! C'est la première fois que je me retrouve dans son corps. Il fait plus d'1m70.

Nagase « Aoki » était enjouée et ne montrait aucun signe de nervosité.

— Moins fort... Non, en fait, même si quelqu'un t'entendait, il comprendrait rien à ce que tu racontes.

Taichi voulait le lui rappeler, mais avait par la suite changé d'avis.

— Oh... Yui, t'as l'air toute mimi avec ta petite taille.

Nagase « Aoki », dans une optique de la taquiner, tendit ses mains dans la direction de Kiriyama. Cependant, Kiriyama la repoussa et baissa immédiatement la tête. Elle gardait également ses distances avec Nagase.

— Hein ?

— Ah...

Soudain, un silence gênant s'installa entre les deux.

Elles voulaient dire que ce n'était pas grave, mais l'ambiance les en empêchait.

Puis, Nagase « Aoki » esquissa un sourire embarrassé.

— Non, c'est pas ce que tu crois, Iori. C'est pas que je te déteste ! C'est juste que t'es « Aoki » là, alors...

— Je comprends, Yui. C'est moi qui devrais m'excuser... J'ai juste pas réfléchi.

— ... Si Aoki voyait ça, j'estime à quatre-vingt pourcent les chances qu'il se mette à pleurer, soupira Taichi en pensant à son ami.

— C'est juste qu'Aoki est imprévisible et me saute dessus sans crier gare. Du coup, j'ai tendance à riposter par réflexe conditionné. Je le déteste pas vraiment contrairement à ce que vous pensez ! Il est peut-être stupide, mais pas méchant...

— Oh, je vois.

Alors qu'elle répondait à un sarcasme, Kiriyama parlait avec une voix sérieuse. Ce qui intrigua beaucoup Taichi.

Puis, le tram de Kiriyama arriva et les autres ne purent que lui dire au revoir dans une atmosphère pesante.

Ensuite, ils finirent par atteindre la station près de chez Aoki, mais comme Nagase était toujours dans le corps « d'Aoki », Taichi décida de lui tenir compagnie et descendit avec elle.

En l'état actuel du phénomène d'échange de personnalité, en incluant les cinq membres du Club de Recherche Culturelle, les permutations se produisaient entre une et huit fois par jour et leur durée variait d'une minute à deux heures. Et ça passait vite.

Taichi et Nagase « Aoki » se dirigèrent vers la salle d'attente de la station. Il n'y avait personne à l'intérieur.

Taichi regarda à sa droite et aperçut un visage familier. Mais ce n'était pas la personne que c'était censé être. C'était en fait une autre amie qui était assise là.

— J'ai été trop imprudente...

Nagase « Aoki » était restée silencieuse pendant tout le trajet en tram. Mais elle s'était mise à marmonner pour tuer le temps.

— Tu veux parler de ce qui s'est passé avec Kiriyama tout à l'heure ? Hmm, je pense que c'était juste un problème de timing. T'as pas à t'en vouloir autant pour ça.

— Je sais bien... mais je peux pas... J'aime pas mettre les gens mal à l'aise... Je peux... Je devrais jamais faire ça.

Nagase se tut étrangement. Mais il semblerait qu'un autre remords la torturait, bien plus grand que celui qu'elle ressentait après ce qu'elle avait fait à Kiriyama.

— Haa...

Nagase « Aoki » se pencha et recouvrit son visage avec ses mains.

Sentant qu'elle n'était pas dans son assiette, Taichi était déterminé à la soutenir pour ne pas qu'elle se mette à déprimer.

— Ça va, Nagase ? Je peux faire quoi que ce soit pour aider ?

Nagase « Aoki » ne répondit pas et resta immobile.

Le temps s'écoula pendant quelque temps.

Taichi trouvait que c'était déplacé de fixer quelqu'un du regard pendant trop longtemps, alors il détourna le regard vers le paysage dehors.

— ... Taichi, commença doucement Nagase « Aoki » peu après.

— Oui ? répondit lentement Taichi.

— Eh bien, après que tout ça a commencé, je suis allée dans une vieille librairie pour feuilleter des mangas avec des soi-disant « échanges de personnalité ».

— Oh, alors tu lis des mangas, toi aussi.

Taichi ne voyait pas du tout où elle voulait en venir.

— La plupart de ses mangas parlaient d'échanges entre garçons et filles. En plus, très souvent, la fille qui devenait le « garçon » se mettait à jouer avec « le truc » du garçon ! fanfaronna Nagase avec un sourire gai et enjoué. Alors je me demande si je devrais aussi faire la même chose...

— Attends, attends une seconde. Quel rapport avec la conversation avec Kiriyama ?

— Héhé, hohoho, qu'est-ce que tu racontes, Taichi ? Pourquoi il devrait y en avoir un ?

— Hé, où est passé ce silence de mort ? Je réfléchissais aux possibles implications de ce que tu disais alors j'étais concentré et je t'écoutais... Rends-moi mes efforts !

(Nagase change d'humeur comme de chemise. Elle semblait être en train d'agoniser... mais quand est-ce qu'elle s'est mise à penser à ces bêtises ?)

— J'ai juste parlé de jouer avec. Mais je sais pas comment m'y prendre alors j'aimerais que tu m'apprennes à m'en servir, Taichi...

— Arrête de parler de ça ! Et puis, je sais pas de quoi tu parles, alors je peux pas t'apprendre à te servir de « ça » !

— Mais si je venais à faire ça sur un garçon, vu que j'y connais rien, si ça venait à arriver, ça serait... comme ça.

— Ça suffit, tu devrais pas faire ça avec le truc d'un garçon, donc ça arrivera pas vu que t'as pas fait ça avec ça.

— C'est vrai, si je fais pas ça avec le truc d'un garçon, alors peut-être que ça arrivera pas vu que j'ai pas fait ça avec ça. Mais du coup, je saurais pas faire ça avec le truc d'un garçon pour provoquer cette réaction qu'on appelle comme ça... Non ?

— Nagase, en fait, t'as juste envie de répéter ça à tout va, c'est ça ?

— Oh, tu m'as démasquée~

— T'as même le culot de dire ça !

— Mais Taichi, notre petit jeu t'a bien excité, pas vrai ?

... Taichi ne pouvait pas le nier. En fait, ça l'avait bien excité.

— Hmm... Mais sérieusement, je ferais jamais « ça » avec « le truc » d'un garçon. Sinon, vous allez me détester, non ?

— Je te le fais pas dire...

— Dans ce cas, je le ferais pas.

Nagase « Aoki » se mit à glousser. Parce que son sourire était plein de satisfaction et de joie, Taichi se mit soudain à penser :

— C'était parce que tu voulais chercher quoi faire pendant un échange de personnalité que t'as feuilleté ces mangas ?

— Voici l'heure de la question de Iori Nagase à l'attention de Taichi !

Nagase avait sciemment ignoré Taichi. Elle paraissait un peu gênée pendant qu'elle fredonnait un jingle.

Un moment déprimée, enthousiaste la seconde d'après. Donnant l'impression de ne pas beaucoup réfléchir et de faire ce qui lui chantait, mais en fait ne s'arrêtant pas de réfléchir et planifiant chacun de ses faits et gestes. Racontant des blagues salaces sans rougir ni même bégayer, mais tergiverser pour des choses étranges... La multitude d'expressions de Nagase captivait Taichi.

Puis, Nagase arbora une nouvelle expression, différente et dure à décrire.

— On croit tous que notre âme, ou notre conscience, ou encore notre « personnalité », détermine notre identité, ou qui nous sommes. Autrement dit, le corps « d'Aoki » qui contient l'âme de Nagase devrait être reconnu comme étant Iori Nagase. Mais cette explication se heurte à un problème : nos âmes, ou ce qu'on appelle conscience ou personnalité, sont des choses vagues. Je veux dire par là qu'on ne peut ni les voir ni les toucher.

Comme pour garder ses distances avec ce qui se passait, un sourire se dessina sur le visage de Nagase « Aoki ».

— C'est pour ça que, même si on est tous d'accord sur le fait que notre existence est déterminée par notre âme, ou conscience, ou personnalité, on distingue généralement l'identité de quelqu'un par son « corps ». On vit cette expérience d'échange de personnalité tous les jours. Mais même quand quelqu'un se dit qu'on se comporte bizarrement, il ne connait pas la vérité. On est les seuls, pas vrai ?

Nagase, comme un hôte qui prononçait un discours longuement préparé, parlait calmement.

— Donc, autrement dit, nos « corps » sont le fondement de ce que nous sommes. Mais, si le « corps », du fait d'un échange de personnalité, devient à son tour quelque chose de vague ? Est-ce qu'on peut toujours garder sa propre identité ? Je suis juste en train de dire tout ce qui me passe par la tête.

Puis, elle s'arrêta de sourire — à ce moment-là, « Aoki » ferma momentanément les yeux avant d'à nouveau les ouvrir.

— ... Ah ? Oh, Taichi, dit « Aoki » en regardant son corps.

— On dirait que j'ai récupéré mon corps... Pfiou. J'ai enfin retrouvé mon « corps »... Hm, en réfléchissant bien, ce que je viens de dire est un peu bizarre.

(Il semblerait que l'échange de personnalité vient de prendre fin.)

Pour réagir à ce qu'Aoki avait dit au sujet de sa récupération, Taichi parla sans vraiment réfléchir. Il ne savait même plus de quoi il parlait.

Il était juste très surpris.

Son esprit était toujours préoccupé par l'ombre de Nagase « Aoki ».

Nagase était vraiment très différente de d'habitude avec son visage sans expression débitant des idées philosophiques pour tenter de les interpréter.

Quel message Nagase tentait-elle vraiment de lui faire passer ?

C'était à cause de son attitude calme que cela ressemblait à un appel à l'aide... C'était ce que pensait Taichi, mais les pensées ne reflétaient pas toujours la réalité. Après tout, il y avait des choses qu'il savait... et d'autres pas.

Il n'arrivait pas à comprendre où Nagase voulait en venir.

Malgré tout, il voulait comprendre.


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