Mimizuku to Yoru no Ou : Chapitre 1

From Baka-Tsuki
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Mimizuku se réveilla sur le son d’un oiseau qui gazouillait dans le lointain. Elle fut surprise par la lumière qui l’éblouit et elle cligna des yeux plusieurs fois de suite.
« Es-tu réveillée ? Es-tu réveillée ? Enfant d’homme. Petite humaine. »
Petit à petit, une voix s’infiltra dans ses oreilles. Sa prononciation était très mauvaise et il était très difficile de comprendre ce qu'il disait. Petite humaine. Comme par réflexe, Mimizuku détendit les muscles autour de ses lèvres et laissa échapper un petit rire.
« Je ne suis pas humaine. Je suis Mimizuku, » répondit-elle confusément, comme dans un rêve.
« Oh. »
Elle entendit un léger bruissement, comme le bruit des ailes d’une chauve-souris.
« Tu ne vas pas crier ? Étonnant. Moi qui croyais connaître les attitudes humaines »
« Crier ? » répéta-t-elle, comme un perroquet en pressant les paumes de ses mains contre ses yeux.
« Tu n’as pas hurlé en me voyant et je t’en félicite, » dit la voix quand Mimizuku leva la tête pour voir la source de celle-ci.
Cependant, les yeux sanpaku de Mimizuku étaient si proches de l’origine de la voix que le corps de la créature semblait plus grand que les énormes troncs des arbres alentour. Elle ! la teinte bleue noirâtre de ce corps, qui obstruait la totalité de son champ de vision. Il avait deux ailes régulières qui ressemblaient à celles d’une chauve-souris et son corps était presque humain, toutefois son torse était extrêmement musclé, de part et d’autre de son poitrail pendaient deux bras élancés. Deux cornes d’un blanc laiteux étaient ancrées sur son front et sa bouche étaient scindée en deux comme un casse-noix. Dans sa bouche on pouvait voir deux rangés de dents jaunes entre lesquelles émergeait une langue rouge. Le rouge vif de sa bouche contrastait dans la nuit. Il avait une chevelure dru comme des feuilles de maïs et ses yeux étaient tels que l’on ne pouvait deviner dans quelle direction il regardait.
C’était très certainement une vision effrayante et fantastique. Cependant, Mimizuku ne pensait pas qu’il fût si effrayant. Elle n’avait jamais eu peur de rien.
« Es-tu un monstre ? » demanda Mimizuku, en penchant légèrement sa tête sur le côté. « oui », l’étrange silhouette hocha de la tête, sa voix tremblant dans l’air.
Mimizuku, sans changer d’attitude, demanda, « Me mangeras-tu ? »
« Je ne te mangerais pas. » répliqua-t-il immédiatement.
« Ah…Quelle déception… » marmonnât elle.
La magnifique créature qu’elle avait vu la nuit dernière ne la mangera pas et maintenant ce monstre, qui semblait plus disposé à la manger, refusait lui aussi.
« Fille d’homme. Souhaites-tu être mangée ? »
« Oui, oui je le veux ! Mais hé, je ne suis pas humaine, je suis Mimizuku, MI-MI-ZU-KU. » Elle jeta ses bras et ses jambes en l’air, comme un enfant piquant une crise, secouant ses entraves qui cliquetèrent. « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ne veux-tu pas me manger ? » Mimizuku cogna ses poings contre la peau dur du monstre en signe de protestation. Néanmoins, Mimizuku était faible, le monstre ne bougea pas le moins du monde. Puis, il arqua son dos et s’envola soudainement.
« Huh ? »
Mimizuku le regarda s’en aller tandis que la forme du monstre devenait à peu près de la même taille qu’une poule, sa vraie, et modeste taille lui apparurent clairement. Le monstre se secoua, et battant des ailes, vola vers le ciel. Il abaissa son regard sur Mimizuku de telle sorte que leurs yeux se rencontrent. Leur conversation se poursuivit.
« Les leri dans cette forêt ne mangent jamais d’humains. Même maintenant, quand tu me demandes de te manger, je refuse. » Mimizuku s’immobilisa soudainement. Leri. Elle avait déjà entendu ça quelque part. Au fond de sa mémoire il y avait des humains qui appelaient aussi les monstres les leri. À cause de sa façon bizarre de parler, Mimizuku ne comprenait pas les explications du monstre. Même si elle comprenait les mots, son accent les faisait passer pour les mots d'un langage venant de très loin.
Comme si elle n’avait jamais entendus ces mots auparavant.
« Pourquoi ? »
C’était parce que le monstre était beaucoup plus petit qu’elle, bien sûr. Il aurait sans doute beaucoup trop à manger avec elle. Mais Mimizuku se rappela le monstre qu’elle avait vu qui était lui beaucoup plus grand, il était juste de la bonne taille pour dévorer quelqu'un comme elle. Elle questionna le monstre.
« Parce que, parce que parce que. Tu as rencontré le Seigneur de la Nuit, » répondit le monstre. « Je ne peux pas m’associer à quelqu’un que le Seigneur de la Nuit a laissé aller. »
« Le Seigneur de la Nuit ? »
« Oui, le Seigneur de la Nuit. Celui qui possède les yeux-de-lune, il est le gouverneur absolu de la forêt. »
Sa façon de parler dénotait un profond respect envers celui dont il parlait. Mimizuku leva la tête en entendant ces mots.
« Ah, lui, celui avec les beaux yeux comme des lunes ! » Elle arborait un large sourire en disant cela. Des yeux comme des lunes. Il n’y avait pas d'erreur. Ils avaient scintillé juste comme de vraies lunes. Mimizuku s’en souvenait encore.
« Qu’y a-t-il d’intéressant à propos de lui ? »
« Il ne t’a pas mangé ? »
« Nan. »
Peu importe le nombre de fois qu’elle lui avait dit de le faire, il ne voulait pas la manger, donc elle avait fini par s’endormir entre les racines d’un des arbres à proximité. Elle avait été capable de dormir très bien parmi les odeurs de saleté et les ruissellements de l’eau sur le sol.
« Si c’est le cas, alors dans cette forêt, cette forêt de la nuit, il n’y a aucun monstre qui se permettra de te manger », déclara le monstre.
« Je vois… » Mimizuku hocha la tête. Pourtant, elle ne comprenait pas bien pourquoi. Dans tous les cas, si le grand ne la voulait pas la manger, alors il semblait qu’aucun des autres monstres le voudraient. C’était une mauvaise nouvelle. Elle avait eu tant de mal pour venir jusqu’ici.
« Bon alors, je n’ai plus qu’à essayer de le faire me manger d’une manière au d’une autre. » Encore dans le flou de s’être réveillé quelques instants plus tôt, Mimizuku chancela d’avant en arrière en se levant. Mais il semblerait que d’autres créatures avaient partagé le même endroit qu’elle pour dormir, obstruant la circulation du sang de ses jambes, devenues bleues et engourdies. Elle retomba par terre sur les racines comme un fruit tombant d’une branche.
« Que fais-tu ? »
« Euh, je crois que je vais dormir un peu plus longtemps. Ça ne te dérange pas ? »
« C’est ton choix, mais… »
Le monstre plana vers le bas et s’arrêta juste devant les yeux de Mimizuku.
« Jeune fille, tu es étrange. »
« Étrange ? Peut-être, mais ne m’appelle pas 'jeune fille '. Mon nom est Mimizuku… »
« Mimizuku. C’est le nom d’un oiseau nocturne. »
« Oui, c’est vrai. »
« C’est un bon nom. »
Mimizuku, flattée, laissa échapper un petit rire. Me suis-je jamais senti aussi heureuse ? Se demandât elle.
« Monsieur le monstre, quel est ton nom ? »
« ——*——»
« Hein ? Désolé, peux-tu répéter ? »
« Ça ne sert à rien. L’oreille humaine ne peut percevoir le nom d’un Ieri. »
« Bon et bien… Comment dois-je t’appeler ? »
« Appelle-moi comme tu veux. Tous les humains se nomment-ils à partir d’animaux qu’ils aiment ? » Le monstre croisa ses bras situés sur le dessus de son torse.
« Hum… »
Pourtant il n’est pas humain, pensa Mimizuku. Elle se mit à réfléchir, mais pas trop intensément, avant de lui faire un grand sourire et de dire,
« D’accord, j’ai compris. Pourquoi pas “Kuro” ? »
« “Kuro” ? La couleur de la nuit… » approuva Kuro. Mimizuku fut heureuse qu’il accepte le nom. En souriant, elle releva son buste.
« Mimizuku. L’herbe est en train de te couper et tu saignes. » Kuro tendit son bras situé en bas à gauche et toucha la joue de Mimizuku. Mimizuku, couverte de boue et de coupures, répondit simplement avec un « Oh, vraiment ? » Si elle touchait ses plaies, des bactéries entreraient, et la contamineraient certainement. Elle savait au moins ça. Mais ce n'était pas grave. Attrapant une branche à proximité, Kuro atterrit sur la tête de Mimizuku. C’était bizarre ; elle ne pouvait absolument pas sentir son poids sur sa tête.
« Mimizuku. »
« Hm ? »
« Ces nombres sur ton front, sont-ils une formule magique ? »
« Ah, ceux-là ? » Elle se donna des petites tapes sur le front. De derrière les franges brunes de ses cheveux ressortaient furtivement trois numéros.
« Je suis numéro trois cents vingt-deux, » Répondit sincèrement Mimizuku.
« Qu’'est-ce que ça signifie ? »
« C’est mon numéro »
« D’accord. Mais je ne comprends pas. » La réponse de Kuro était elle aussi sincère.
« Es-tu en colère ? »
« Non, pas vraiment, » répondit calmement Kuro. Comme toujours, le cœur de Mimizuku se mi à battre plus vite.
Suis-je en train de rêver ? Se demanda-t-elle pendant un moment. Depuis le début ça semblait bizarre. Elle n’avait jamais entendu avant les mots que prononçait Kuro.
Juste un petit peu bizarre.
« Hé, Kuro, d’une certaine façon c’est étrange. »
« Qu’est-ce qui est étrange ? »
« Pourquoi es tu si gentil avec moi ? »Demanda Mimizuku tout en marchant pieds nus sur l’herbe et le feuillage. La peau sur sa plante de pied avait durci, même une pierre effilée n’aurait pas pu la couper.
« Je suis gentil ? » Répéta Kuro.
« Oui ! Tu es très gentil, » dit Mimizuku, en lui faisant un sourire chaleureux. Les chaînes autour de ses chevilles s’emmêlèrent dans les racines des arbres et son pas devint moins sûr.
« Haa ! »
Cependant, sa figure ne toucha pas le sol. Juste avant l’impact, un son étrange retenti. Mimizuku, qui regardait devant elle, se retourna comme si elle était montée sur ressorts, si bien qu’il sembla qu’elle allait tomber par terre.
« Whaaa ! »
Elle se dépêcha de retrouver son équilibre.
D’une manière ou d’un autre, elle avait été sauvée. Elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui était arrivée, mais elle percevait des grommellements près de son oreille.
« Je pense qu’une telle action peut être considérée comme “gentille.” » Dit Kuro en riant.
« Tout à l’heure, c’était toi, Kuro ? »
« Ouais. C’était moi ! »
« Pourquoi ? »S’arrêtant, tournant les yeux vers le haut, elle regarda Kuro. Elle ne voyait qu’un bout des ailes de Kuro.
« Ai-je besoin d’une raison ? Je vois, les humains sont cette sorte de créature. »À ces mots, Mimizuku secoua doucement sa tête, faisant attention à ne pas compromettre l’équilibre de Kuro.
« Je suppose que Mimizuku ne comprend pas les gens. Je voudrais aussi savoir pourquoi. S’il y a une manière selon laquelle quelqu’un se doit d’être gentil, j’aimerais l’entendre. » entendit grommeler de nouveau Mimizuku. On dirait que c’était le rire de Kuro. Ce qui lui fit mal aux oreilles.
S’envolant soudainement de la tête de Mimizuku, Kuro apparut devant ses yeux et lui dit.
« Je cherche du savoir. »
« Du savoir ? »
« J’aime savoir des choses. Peu importe combien de livres je lis, je ne peux simplement pas démystifier les humains. Tu es humaine. C’est pourquoi, ça me plairait de t’observer. » Mimizuku cligna des yeux plusieurs fois, impassible, et réfléchit à ce qu’avait dit Kuro.
Comment lit-il avec des yeux comme ça ?
Peu importe.
Kuro veut en savoir plus à propos des humains. Mimizuku est humaine. C’est parce que je suis humaine que Kuro est gentil avec moi.
Mimizuku gémis tout en réfléchissant.
Je pense que je vais arrêter de dire à Kuro que je ne suis pas humaine.
« Kuro ! Je sais ! Je comprends ! C’est surprenant… »
« Ho ho. Qu’as-tu compri Mimizuku ? »Demanda Kuro très intéressé, en retournant sur la tête de Mimizuku.
« Même si je suis humaine, il y a quand même des personnes qui m’acceptent. C’est un peu bizarre. » Elle s’avança. Elle levait les pieds à chaque pas pour ne pas que les chaînes attachées au-dessus de ses pieds ne se prennent pas dans quelque chose. Un son de battement d’ailes se fit entendre au-dessus de sa tête.
« Je ne suis pas humain, mais… Tu es vraiment une étrange petite fille. »Dit Kuro d’un ton maussade et pesant.
« Héhéhé … »Rit Mimizuku.
Elle était très heureuse.

La forêt appelée "La forêt de la nuit" était rempli de feuillage, et les feuilles dansaient dans le vent tant et si bien que la forêt semblait sangloter convulsivement. De temps en temps, un son ressemblant à un battement d’ailes pouvait être entendu, mais quand Mimizuku cherchait d’où il provenait, aucune présence animale ne pouvait être vue. De loin, Mimizuku pensait qu’elle pouvait entendre des bruits de respiration, mais elle ne pouvait jamais voir aucun monstre.
Kuro s’était porté volontaire pour guider Mimizuku, qui sinon aurait marché seule. Mimizuku en fut très surprise, mais elle ne pouvait pas l’exprimer avec des mots.
Avec Kuro sur sa tête, elle s’enfonçait dans la forêt. En marchant, elle faisait tinter fortement les chaînes de ses pieds.
« Il n’y a pas beaucoup de monstres ici, hein… »
Pour une forêt supposée pleine de monstres, elle était très différente de ce qu’elle avait imaginé. Elle soupira.
« C’est à cause du chemin que nous prenons, » dit Kuro du haut de sa tête. « Pendant le jour, les Ieri ne viennent généralement pas sur la rive. »
« Je vois… »
En marchant le long de la berge, elle se balança de gauche à droite. Tout d’un coup, elle s’agenouilla et mit ses mains dans l’eau. En sentant le froid de l’eau vive, elle y frotta ses mains plusieurs fois pour les laver.
« Hem ? »
Elle serra et desserra le poing plusieurs fois.
« Ouais… »
Inclinant légèrement son cou sur le côté, Mimizuku se leva brusquement.
« Bon Kuro ! Allons-y ! »
Kuro marmonna son assentiment et retourna sur la tête de Mimizuku. Semblant oublier ce sur quoi ils venaient de parler, Mimizuku commença à parler d’autre chose.
« Donc ; où est le “Seigneur de la Nuit”. »
« Tout droit au bout de ce chemin… »
Kuro froissa ses ailes et regarda Mimizuku.
« Veux-tu vraiment aller le voir, Mimizuku ? »
« Je veux vraiment quoi ? » répondit Mimizuku, ne comprenant pas ce que Kuro voulait dire.
« Tu as dit qu’il t’avait demandé de partir. Si tu te montres de nouveau devant lui, tu peux te considérer toi-même comme morte. Lorsque tu provoques son indignation, tu pourrais être réduite en cendre en un instant, ou te dissoudre dans l’eau. »
« Pourrais-je être mangée ? »
Ses yeux sanpaku s’illuminant, Mimizuku souhaitait vraiment être mangée.
Kuro la fixa sans bouger pendant un moment, puis il leva son bras supérieur droit.
« C’est ton choix. Si c’est ce que tu souhaites, alors tu peux y aller, Mimizuku. Si l’occasion se présente. Si le destin le permet, si le monde le permet. Il se peut que l’on se revoit. »
« N’y vas-tu pas aussi, Kuro ? »
Kuro s’esclaffa en entendant la question de Mimizuku.
« Je n’ai pas été invité. »
Est-ce ainsi que cela fonctionne ? Pensa Mimizuku. Peut-être bien.
Donc il ne peut y aller s’il n’a pas été appelé. Je crois que je comprends ce qu’il veut dire. Mimizuku sourit.
« Bon bah, je vais y aller. »
La forêt ressemblait à une grande bouche verte béante. Pourtant Mimizuku n’en fut pas effrayée. Seule, elle s’avança dans la forêt.

Laissant Kuro derrière elle, Mimizuku s’aventura résolument dans la forêt, ses chaînes sonnant tandis qu’elle marchait. Elle ne trouvait pas cela décourageant que Kuro ne l’accompagne plus. Après tout, Mimizuku souhaitait être seule.
Elle s’avança, faisant cliqueter ses chaînes. Quand elle arriva à un mur de vignes enlacées autour de quelques arbres, elle se fit un chemin à travers ceux-ci et arriva soudainement à une grande zone dégagée.
« Waah… » s’exclama par mégarde Mimizuku.
Au milieu de la forêt, il y avait un énorme manoir délabré. Pourtant, ce ne fut pas ce qui attira le regard de Mimizuku. Devant la porte était une aile d’un noir profond, plus lisse et plus belle que celle d'un corbeau. Bougeant lentement, elle s’éleva.
Ce fut à ce moment-là que Mimizuku fit face au Seigneur de la Nuit pour la première fois. La lumière du jour s’infiltrant dans les crevasses de verdure révélait la forme du monstre appelé le “Roi”.
Mimizuku laissa échapper un glapissement. Ses dents claquaient faiblement, et son corps frissonnait comme s’il était paralysé. Ce n’était pas de la peur. Ce n’était pas de l’appréhension. Elle ne connaissait pas ces choses-là. Les connexions nerveuses dans son cerveau avaient depuis longtemps été recâblées pour ne pas ressentir ses sentiments.

« Ah… ». Ouvrant à moitié sa bouche, incapable de prononcer un mot, elle a simplement laissé échapper un petit bruit.
« Ah… »
Qu’est-ce que je vais dire ? Qu’est-ce que je dois dire ?
Ah c’est vrai. Je dois lui dire de me manger.
Elle devait le lui dire.
« Pourquoi es-tu venue ? »
Les maigres lèvres du Seigneur de la Nuit bougeaient à peine tandis qu’il lui adressait froidement ses quelques mots. Sa voix était franche et mordante, comme une lame dégainée.
Être observé par ses yeux, avec ce regard qui aurait glacé de terreur n’importe quel individu normalement constitué ne fit que surprendre légèrement Mimizuku.
Ohhh ?
Les yeux scintillaient.
Ils sont argentés.
Tout comme les lunes de la nuit précédente, les yeux du Seigneur de la Nuit brillaient d’une légère couleur blanc argentée.
La couleur de la lune, pensa Mimizuku. La couleur de la lune, en pleine journée.
C’était différent de ce dont elle se souvenait, mais ce ne l’était pas assez pour qu’elle puisse le confondre avec quelque chose d’autres. Les deux petites lunes se tenaient très certainement juste devant elle, étincelant de la même lumière que celle que la veille.
« C’est si beau… »
Elle laissa échapper un petit cri. Entendant cela, le Seigneur de la Nuit fit la moue. Un motif complexe ressemblant à un tatouage s’étendait de ses yeux à ses joues.
C’est magnifique, se dit Mimizuku.
« Part. Retourne chez toi. Fille d’homme. » Ces mots laissaient transparaître une intention meurtrière.
Malgré ça, Mimizuku n’hésita pas quand elle répondit.
« Je n’ai nul par où je puisse retourner, » lui cria-t-elle. Personne n’avait encore jamais élevé la voix face au Seigneur de la Nuit.
« Je n’ai nul par où je puisse retourner. Depuis le début, je n’ai jamais eu de place que je puisse appeler ma maison… ! »
Parce qu’ils la battaient. Parce qu’ils ne faisaient rien que de la faire souffrir. Mimizuku voulait absolument ne pas penser à cet endroit comme étant sa maison.
Mimizuku voulait penser qu’il valait mieux retourner n’importe où tant que ce n’était pas cet endroit.
« Hé ! Ne m’appelle pas humaine ! Je suis Mimizuku ! Mon nom est Mimizuku ! » Hurla-t-elle au point qu’elle en eut des vertiges. Elle avait l’habitude maintenant, mais elle se sentait chancelante.
Ses genoux cédèrent et elle tomba à genoux sur le sol.
« Hé, mange-moi. »
Sa vision commençait doucement à virer vers le gris. Dois-je dormir ? Pensa-t-elle. Elle voulait continuer à implorer le Seigneur de la Nuit pour qu’il la mange, mais son corps ne faisait plus ce qu’elle voulait qu’il fasse. Je dois dormir.
Ton corps a beaucoup souffert, et tu dois dormir. Quelqu’un était en train de lui parler.
Ooooh… C’est bizarre… J’aimerais bien boire de l’eau…
« S’il te plaît… Mange-moi… Seigneur de… La Nuit… »
Mimizuku tomba dans l’herbe passivement, les bras tendus vers l’extérieur. Les deux lunes de midi se tournèrent vers elle.
« Je t’en supplie…S’il te plaît mange-moi… »
Les chaînes sur ses bras se firent plus lourdes et ses bras tombèrent par terre.
Oh, ces lunes blanches, les yeux du Seigneur de la Nuit sont si beaux, était tout ce à quoi pouvait penser Mimizuku tandis que la fatigue l’assaillait, c'était comme si elle était en train de sombrer dans un marécage.
Elle ferma ses yeux.
Non… Je veux rouvrir mes yeux, pensa Mimizuku, sa conscience s’estompait. C’était étrange. Chaque fois qu’elle allait dormir, elle avait l’habitude d’espérer ne jamais se réveiller.
Si je pouvais juste revoir ces deux lunes une fois de plus, cela m’importe peu que je ne rouvre jamais mes yeux après ça
Ayant l'impression d'être appelée par quelqu'un, Mimizuku ouvrit doucement les yeux.
Le ciel était rouge à cause du coucher de soleil. Au moment où elle avait cette pensée, quelque chose vint d’au-dessus d'elle en planant.
« Gyah ! »
Croassât-elle comme une grenouille avant de pouvoir réfléchir.
En gardant la partie supérieure de son corps vers l’avant, elle regarda la chose qui était venue du ciel. En la voyant, ses yeux sortirent presque littéralement de leurs orbites.
Il y avait entre autres des akebia[1] et de la vigne du Japon parmi d'autres fruits frais qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Ils se décrochèrent comme une montagne tombant du ciel juste devant Mimizuku.
Elle en resta bouche bée et regarda vers le haut. Kuro battait des ailes à côté d’elle sous le ciel rougeoyant. Il était à une distance telle qu'il semblait assez large pour que Mimizuku puisse aisément le prendre dans ses bras.
« Kuro ! » Cria Mimizuku. Elle essaya ensuite de bouger ses bras, mais elle fut envahie d’un sentiment de désarroi.
« Eh, ah, qu’est-ce que c’est ? » Demanda Mimizuku à Kuro, montrant du doigt un fruit qui était sur le point de l’ensevelir.
« C’est justement ce à quoi ça ressemble. »
Kuro jeta à deux mains un poisson vivant en l’air, coupa sa queue de façon à ce que le poisson ait la même taille que lui et il le mit dans sa bouche qui ressemblait à une grenade. Il l’avala tout entier, puis il dit.
« Se pourrait-il que tu aies faim ? Mimizuku. »
« Eh, eh, eh ? »
Mimizuku était complètement désarçonnée.
« Hm ? Sont-ils … à moi ? » dit-elle en montrant les fruits du doigt.
« Oui. Je me demande si les humains peuvent manger du poisson ? » Kuro vola jusque derrière Mimizuku, se saisit d’une branche et l'utilisa pour harponner un poisson.
Il dessina brillamment plusieurs cercles dans l’air avec celui-ci et le poisson fut soudain engloutit par des flammes. Mimizuku en fut très surprise, mais le feu se calma presque aussitôt et un savoureux arôme envahit petit à petit l’espace. Étrangement, la branche semblait ne pas avoir brûlé. En voyant le résultat, Kuro hocha de la tête, satisfait.
« Voilà. » Il tendit le poisson à Mimizuku.
« H-huh ? »
Elle accepta celui-ci avec reconnaissance. Pourtant, Mimizuku n’avait pas tout à fait saisit ce qui s'était passé, il semblait qu'elle fût toujours dans un état second. Même si elle ne comprenait pas, elle mit le poisson dans sa bouche. Son instinct pris le dessus, elle le dévora avidement. L'intérieur n'était pas très bien cuit, mais la saveur importait peu. Tout ce qu'elle pouvait manger était assez bon pour elle.
Ai-je jamais mangé quelque chose de semblable ? Ce qu’elle pensait semblait lui passer par-dessus la tête.
« Dis-moi une chose Mimizuku. Un poisson mort tente-t-il de s’échapper ? » Demanda Kuro, en secouant ses ailes. Mimizuku l'écouta tout en mangeant son poisson, de la tête à la queue, broyant la viande en morceaux dans sa bouche.
« Hé, Kuro. Pourquoi es-tu ici ? »Mimizuku regarda autour d’elle. Elle était encore devant la maison du Seigneur de la Nuit. Le Seigneur lui-même, pourtant, était parti quelque part, puisqu'elle ne le voyait nulle part.
« Hmph, » répondit Kuro. Il croisa ses bras du dessus. « Pour moi aussi, c'est difficile de répondre. »
Puis il s’envola et tapa la tête de Mimizuku.
« Le destin t'a permis de partir. Étais-ce la lumière nocturne qui t'a permis de t'y rendre ? C'est, en effet, difficile à dire. C'est pourquoi je dois te demander Mimizuku.»
Mimizuku cligna plusieurs fois des yeux.
« Sans parler de mort, souhaites-tu être ici ? Mimizuku. »
« Eh, est-ce que j'ai vraiment le droit de rester ? » Demanda Mimizuku d'une voix forte et joyeuse. « Hey Kuro ! Est-ce que j'ai vraiment le droit de rester ? »
« Je ne te promet pas que tu en tireras quelque chose de bon. Tu peux être tuée demain. Es-tu d’accord avec ça ? »
Mimizuku sourit à ce que dit Kuro et se laissa tomber de nouveau sur le sol.
Ayant mangé tant de fruits trop vite, son estomac commençait à lui faire mal.
« Tu sais, Kuro…. » Mimizuku sourit et leva les bras. Ses chaînes tintèrent comme si elle faisait de la musique.
« Mon bonheur viendrait de me faire manger par le Seigneur de la Nuit, » dit Mimizuku, en gloussant joyeusement.
Puis, le grand-duc suicidaire soupira doucement.
« Ah, je pourrais ainsi mourir heureuse. »
Mimizuku sourit.
« Humph. » Kuro secoua légèrement la tête. « Tu es assez pitoyable, » il soupira.
Mimizuku ne comprit pas ce qu’il voulait dire, donc elle ne fit que rire légèrement. 
« Hey, Kuro. »
« Quoi ? Mimizuku. »
« Le Seigneur de la Nuit est magnifique n’est-ce pas ? » Dit joyeusement Mimizuku.
Kuro n’était pas sûr de comment il devait répondre.
« Bien sûr. C’est un seigneur, après tout. »
À ses mots, Mimizuku laissa encore échapper un petit gloussement.
Le rideau de la nuit s’étendit sur la forêt des monstres.
Oh, les yeux du Seigneur de la Nuit se sont changés en or, Pensa distraitement Mimizuku, levant les yeux vers le ciel.
C’est donc à ça que le bonheur ressemble.

Notes du traducteur[edit]

  1. akebia: liane semi-persistante originaire d’Asie orientale. Elle produit des fruits violet pourpre au goût insipide qui mûrissent entre septembre et octobre. Voire ici pour plus d'informations.


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