Sugar Dark ~ Français : Fosse 3 - Chapitre 5

From Baka-Tsuki
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5[edit]

— Alors dis-moi... Jusqu'où tu es prêt à aller pour elle ?

Mole répondit immédiatement :

— Je suis prêt à tout.

Corbeau ricana.

— Bien. Ça, c'était une bonne réponse... merci.

Le ton de sa voix était étrangement chaleureux, et contrairement à son habituelle attitude provocante, il avait l'air... s'il osait dire, mignon. Bien entendu, « mignon » pour Corbeau avait une signification différente de quand il pensait à Meria.

Inconsciemment, la bouche de Mole s'ouvrit pour parler.

— C'est la première fois que tu me remercies.

— Bah, pas la peine de bouder pour ça. C'est ta passion qui me met mal à l'aise.

— Arg, espèce de... grommela Mole, en balançant ses bras en direction de Corbeau en réponse à sa remarque, mais pour une raison ou une autre, il manqua complètement son coup.

Il avait cru qu'utiliser toute sa force lui aurait au moins permis de le toucher. Corbeau ricana à nouveau pendant que Mole poussait un soupir de frustration, avant de bondir sur une pierre tombale.

Mais son sourire s'évanouit rapidement.

— Si t'es prêt à donner ta vie telle que tu la connais, dit-il en chantonnant, dans ce cas, il te faut voler la moitié des pouvoirs de la fille — la moitié de sa malédiction.

— Pas de problème, dit-il.

Il n'y avait pas la moindre trace d'hésitation en Mole. Il avait déjà pris sa décision au moment où Corbeau avait prononcé ces mots. Et peut-être était-ce grâce à cette conviction qu'il sentait également une lueur d'espoir.

La gardienne du cimetière et la taupe. Bien qu'un gouffre infranchissable les séparait, si le monde entier pensait qu'ils n'étaient pas censés être ensemble, alors il fallait que quelque chose change. Il était sur le point d'être celui qui allait forcer ce changement, et cette méthode allait lui offrir ce qu'il désirait.

— Mais comment est-ce que je dois m'y prendre ? demanda Mole.

— Fondamentalement, il ne peut y avoir qu'un seul gardien en même temps. Si deux personnes le sont en même temps, alors le pouvoir sera divisé par deux, répondit Corbeau tout en croisant ses sveltes jambes. Mais pour cela, il te faudra la tuer une fois.

Mole ne put en croire ses oreilles.

— Euh...

... Mais qu'est-ce qu'il baragouine, cet ahuri ? Pendant un instant, Mole fut sans voix, mais il chassa rapidement cette hésitation et dit :

— Tu veux que je l'attire au soleil ou quelque chose du genre ? ... Je peux pas faire ça.

Corbeau éclata de rire.

— Bah, peu m'importe si elle meurt pas.

— Alors, comme je le pensais...

— T'es pas si bête que ça, alors tâche d'utiliser ta tête. Il y a un autre moyen de bloquer le pouvoir de l'Obscurité. Il est certes plus faible que de l'exposer à la lumière, mais il n'empêche qu'il fonctionne même la nuit. C'est une méthode qui ne peut fonctionner qu'ici même, où les âmes des hommes reposent. Alors... réfléchis-y bien. Tu devrais déjà connaître la réponse.

Tandis que Mole dévisageait Corbeau, il se mordit la lèvre et se mit à réfléchir.

Il se remémora toutes ses conversations avec Corbeau.

Il réfléchit au cimetière qui s'étendait sous ses pieds.

Puis il jeta un œil vers la pelle qu'il tenait dans ses mains.

Et enfin, vers la pierre tombale où était assis Corbeau.

La fosse commune... Un cimetière partagé par les hommes et les monstres.

— T'as compris maintenant, pas vrai ? demanda Corbeau, en voyant le changement d'expression de Mole.

Mole acquiesça.

— Bien, maintenant, cette partie est essentielle, alors tâche de t'en souvenir. Si tu fais ça et que tu inhibes son pouvoir, à la fin...

Sans masquer son grand sourire, Corbeau expliqua le reste de son plan.

Après l'avoir entendu, Mole devint complètement rouge et bafouilla :

— C'est possible ?

— Ça devrait marcher. Et je pense que tu seras heureux quand ça arrivera.

Mole se mordit la lèvre une fois de plus. C'était si frustrant qu'il ne pouvait pas dire non à l'idée de Corbeau. Alors, son malaise se mêlant à ses mots, il demanda :

— Est-ce que c'est vraiment raisonnable ?

— Mais oui, bien sûr... Enfin, Meria ne sera sûrement pas d'accord pour te mêler à tout ça, alors il te faudra certainement avoir recours à la force, mais...

Corbeau s'arrêta, son visage se déformant comme s'il essayait de supporter une douleur.

— Maria tenait énormément à Meria. Elle avait souhaité son bonheur. Cela ne fait aucun doute — en fait, sur ce point, et uniquement celui-là, je te raconte la pure vérité.

« ... Cependant, Maria n'était pas du genre patiente. Non, c'est plutôt qu'elle n'avait pas une volonté extraordinaire. Le pouvoir du démon en elle, le dégoût, la douleur de ne pouvoir mourir... ils se sont avérés être trop lourds à porter pour elle. Et c'est pour cette raison qu'elle s'est donnée la mort. »

« Évidemment, c'est facile de se dire que c'était inévitable, mais... au final, la seule chose qu'elle regretta était de laisser sa petite sœur connaître le même sort. Peut-être que c'était simplement de la lâcheté, mais Maria était extrêmement inquiète au sujet de Meria, malgré le fait qu'elles n'étaient pas liées par le sang. »

« Et c'est précisément pour cette raison que son âme ne peut pas reposer en paix... alors, quel qu'en soit le prix, je veux exaucer le souhait de Maria. Je veux que Meria soit heureuse. »

Je ressens la même chose...

Bien qu'il était allé jusqu'à tendre un piège à Corbeau pour lui soutirer des informations, telle était son unique intention. Les règles du monde d'où il venait étaient complètement différentes de celles régissant les monstres et le gardien de cimetière. Et c'était des choses contre lesquelles des gens comme lui ne pouvaient rien faire. Même s'il avait bien tenté de trouver un moyen d'aller à l'encontre de ces règles, ses choix demeuraient extrêmement limités. Et donc, même maintenant, il paraissait peu vraisemblable qu'il parvienne à sauver Meria.

Malgré tout... aider Meria à trouver le bonheur allait sûrement lui apporter le sien dans le même temps.

Quelle tête elle fera si je réussis à la débarrasser de la source de tous ses maux et souffrances ?

Si possible... Même s'il comprenait que c'était particulièrement égoïste, il souhaitait toujours qu'un tel avenir se produise. Et si quelqu'un pouvait le voir maintenant, il penserait sûrement qu'un tel vœu pouvait le rendre heureux. Loin de lui permettre de s'échapper, tel un contrat avec le diable, il ne serait même plus jamais capable de quitter un jour le cimetière.

Est-ce que je serais vraiment heureux ?

Sans grand changement d'expression, Mole sourit. Il était amusant de constater qu'il ne tentait même pas de réfléchir à toutes ces choses qu'il avait envisagées jusqu'ici. Depuis qu'il était arrivé au cimetière, il n'avait pensé qu'à s'enfuir, et avant ça, il avait l'impression qu'il passait ses journées à ne penser qu'à trouver le moyen de survivre plus longtemps. Mais à cette époque, son seul travail consistait à creuser des trous, peu importe les sentiments qui l'animaient.

— Je suis désolé, Mole, dit Corbeau. Peut-être qu'après ça... Toi et ton corps allez sûrement énormément souffrir.

Corbeau baissa la tête de compassion.

— Hum.

Mole ria faiblement, se sentant un peu gêné par ce qu'il était sur le point de dire.

— Ta sollicitude me touche, mais... pour moi, être ici sans rien pouvoir faire est bien plus dur à supporter.



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