Un Simple Sondage : Volume 1 - Fichier 24

From Baka-Tsuki
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Fichier 24 : Comment vaincre un puissant ennemi qui ne dépasse pas l'entendement humain[edit]

L'académie royale pourrait sembler être un endroit étrange où tout le savoir du monde est rassemblé, mais c'était en fait un endroit où on accomplissait toutes les demandes que nous faisaient le roi et sa cour.

Nous devions trouver la solution à l'explosion de la population de sauterelles qui mettait en grand péril les récoltes du royaume, ou faire quelque chose pour une montagne qui semblait être sur le point de connaître une éruption volcanique. Mais il y avait un problème qui inquiétait le roi plus que tout dernièrement.

— Ugh, ça c'est quelque chose.

— Hein ? Que se passe-t-il professeur ? Votre cape est en lambeaux.

J'étais du genre à rester à l'intérieur, alors le simple fait que je porte une cape était étrange en soi. J'étais si fin qu'on me disait souvent que des vêtements de femme m'iraient mieux qu'à la fille qui me servait d'assistante. Peu importe l'entraînement que je pouvais suivre, il semblerait que je ne puisse pas gagner le moindre muscle.

— Des bêtes sauvages. Elles se propagent, une fois de plus.

— Hein ? Si vous voulez parler des monstres de l'enfer, nous nous en sommes déjà chargés le mois dernier.

Mon assistante ne devait avoir rien d'important à faire parce qu'elle était en train d'effectuer une expérience pour voir lesquels des jus sucrés attiraient plus facilement les scarabées rhinocéros. Elle mélangeait des choses comme du miel et du jus de melon dans un flacon. Elle avait désormais porté son attention vers moi, avec un compte-goutte dans une main.

— C'est de l'histoire ancienne, ça. Ceux qui remplissent les champs sont maintenant les trolls. Une fois que leur nombre a atteint un certain niveau, ils se sont mis à attaquer des caravanes à gauche à droite. La quantité de nourriture dont ils ont besoin augmente avec leur nombre après tout. Plus il y en a, plus il y a de chance que les caravanes soient attaquées et leurs marchandises volées.

— Dans ce cas, pourquoi ne pas empêcher les caravanes de passer par là ? Quand le nombre de lapins diminue, le nombre de lions s'ajuste de lui-même, dit mon assistante en faisant une moue de mécontentement.

C'était un génie, mais aussi une bonne à rien en dehors de son domaine de compétence.

— Si les caravanes ne peuvent pas passer, la forteresse de la ville ne pourra plus fonctionner. Les humains vont commencer à mourir de faim avant les trolls. Au fait, j'ai soif, alors je peux boire ça ?

Alors que je pointai mon doigt en direction du mystérieux flacon, mon assistante le serra fort entre ses mains (et ses seins) comme une enfant.

— Hors de question. Quoi qu'il en soit, pourquoi est-ce que les humains causent toujours autant de problèmes ?

— Eh bien, ce sont nous autres humains qui passons notre temps à briser l'équilibre de la chaîne alimentaire. Et même si nous empêchions les caravanes de passer, il y a suffisamment de trolls pour qu'ils se décident à venir frapper aux portes de la ville. Comme tout animal, ils ne montrent aucune pitié quand ils sont affamés.

Mon assistante reposa le flacon sur la table et me posa une question avec un regard perplexe.

— La population des trolls s'est tant développée que ça ?

— Oui. C'est pour ça que le roi est venu nous demander de nous en charger.

— Alors on va devoir faire comme on a toujours fait ?

— Oui, oui. Comme toujours, nous allons commencer par examiner le cadavre d'une des bêtes féroces en question.

Je partis chercher un large sac en toile dans le couloir et déposai le contenu sur la table. Il était plus grand et ses muscles bien plus gros que ceux d'un humain. Je doutai que même un chevalier lourdement armé puisse en venir à bout dans un duel en face à face.

— Vous l'avez tué, professeur ?

— Si j'en étais vraiment capable, je ne serais pas chercheur. Comme avec n'importe quelle bête dont la population a autant explosé, il est aisé de trouver des spécimens morts de façon naturelle. Par contre, pour en trouver un avant qu'il soit en état de décomposition, c'est une autre histoire. Bon et maintenant...

Il n'était pas vu d'un très bon œil de découper les cadavres, mais c'était notre boulot. Il nous fallait le décortiquer dans ses moindres détails.

Hélas...

Nous n'étions pas à la recherche des points faibles des trolls ou leurs points vitaux pour en informer les chevaliers.

Avec une population de bêtes féroces en pleine expansion, trouver le moyen de les vaincre un par un ne servait pas à grand-chose.

C'était pour cette même raison que les mauvaises herbes et les cafards n'avaient pas disparu.

Hélas, il fallait bien faire quelque chose pour la population toujours croissante de troll.

Et il était de notre ressort de trouver la solution.

— Les trolls sont généralement considérés comme complètement inutiles. Leur viande suinte et a un goût horrible, et leurs os se fissurent après avoir séché, alors on ne peut ni les utiliser comme arme ni pour se défendre. Il n'y a vraiment rien à retirer d'eux.

— Qu'en est-il de leur peau ?

— Elle moisit facilement, alors on ne peut pas utiliser ça non plus.

— Pour résumer, on ne peut ni les manger ni s'en servir pour fabriquer des objets d'attaque ou de défense. C'est vraiment un problème compliqué.

— Il existe bien un moyen de les rendre utile à quelque chose, mais la quantité consommée sera très faible. Je veux parler de cette chose qui est connue pour être ingurgitée malgré son goût écœurant.

Mon assistante sembla comprendre où je voulais en venir.

Elle esquissa un sourire effronté tout en regardant l'immense carcasse.

— Vous voulez dire...

— Trouver quelque chose à l'intérieur qui pourrait faire office de médicament serait un excellent raccourci, oui.

— Vu que celui-ci est mort naturellement et qu'il a commencé à entrer en état de décomposition, les organes internes risquent d'avoir subi de sérieux dommages. Ça vaut vraiment la peine de regarder dans celui-là ?

— Il faut au moins que l'on tente le coup.

Avec un gémissement d'effort, nous « ouvrîmes » le corps du troll avec des pouvoirs psychédéliques qui ne peuvent pas être décrits par des mots. Je vous épargne pas mal de détails ici, mais vous devriez vraiment m'en être reconnaissant. Puis, nous inspectâmes chacun des organes à l'intérieur.

— Si on n'arrive pas à trouver de quoi faire un médicament, on devrait sûrement abandonner cette idée.

— Si nous trouvons quelque chose qui est mauvais pour la santé, ça peut également être utile. En fait, les substances dans le monde naturel qui ne peuvent ni être utilisées comme poison ni comme médicament sont très rares.

Nous prélevâmes le « contenu » de chaque organe, en fîmes de la pâte, les bouillîmes, les rôtîmes, et sinon les jetâmes. Les procédés utilisés étaient similaires à ceux utilisés en cuisine, mais c'était une scène qu'il était difficile de montrer à un enfant. Cependant, nous finîmes par trouver quelque chose d'intéressant.

— J'ai découvert que ce qui compose son foie pourrait fonctionner pour dessoûler.

— L'acide de son estomac est très puissant. Si on arrivait à le stabiliser, ça pourrait servir.

— Mais il ne semble pas assez puissant pour détruire instantanément l'équipement d'un ennemi.

— On peut l'utiliser pour d'autres choses. Par exemple, pour forcer la serrure d'un trésor. La partie interne d'une serrure est fragile. Il pourrait aussi servir à détruire des pièges.

— Est-ce que l'estomac en lui-même pourrait servir de médicament ?

— Peu de temps après la mort du troll, la membrane défensive se désagrège, alors ça risque d'être difficile. Vous voyez, elle est déjà en train de se désagréger petit à petit chez celui-ci.

Pour faire simple, nous étions à la recherche d'un moyen de rendre utile une bête féroce comme un troll. C'était exactement comme l'ivoire des éléphants et la peau des tigres. À partir du moment où l'on réussit à trouver un usage pour eux, ils ne sont plus considérés comme de simples bêtes sauvages.

Mon assistante griffonna rapidement sur un morceau de papier au moyen d'une plume pour calculer la valeur marchande de chaque substance découverte. Si la somme de ces valeurs dépassait un certain seuil, nous avions accompli notre mission.

— On dirait que ça va faire l'affaire. Le montant total s'élève à 10 000 platines. Le rapport danger/prix va clairement dans notre sens.

— Au fait, rappelle-moi ce qu'on a trouvé pour les chiens de l'enfer du mois dernier.

— Leur peau et leurs griffes. Elles ont des usages militaires très intéressants, alors elles font fureur dans les magasins d'armes et auprès des chevaliers.

— Je vois. Tant mieux. Ces deux-là ne se feront pas de concurrence.

Trouver une utilité à une Bête Sauvage A n'était déjà pas évident, mais si en plus elle entrait en conflit avec celle d'une Bête Sauvage B, la valeur future de la Bête Sauvage B allait s'effondrer. Puis, le nombre de gens s'attaquant à la Bête Sauvage B allait diminuer et sa population allait de nouveau atteindre des niveaux dangereux.

Oh.

J'avais peut-être donné la réponse à la question.

— ... C'est la même chose que pour les tigres et les éléphants. L'un est la plus féroce des bêtes carnivores. L'autre est un animal herbivore tellement imposant qu'il peut servir de tank. Hélas, les gens les regardent d'un œil différent quand il est questions de leur peau ou de l'ivoire de leurs défenses. C'est pour cette raison qu'ils ont été chassés jusqu'au bord de l'extinction, dit mon assistante tandis qu'elle utilisa la plume pour chasser une poussière sur ses vêtements. Il existe un nombre limité de chevaliers, alors s'ils sont en charge d'exterminer les bêtes sauvages, ils ne peuvent pas s'occuper en même temps des royaumes voisins. En gros, on doit juste trouver une raison pour la masse apparemment infinie de les combattre.

— Ce sont nous autres humains qui passons notre temps à dérégler la chaine alimentaire.

— Mais s'ils sont si forts que ça, pourquoi ils ne les exterminent tout simplement pas ?

— Telle est la nature des hommes. Ils préfèrent faire semblant d'être faibles pour prétendre à tous les services que notre société peut leur fournir. Il ne viendrait idée à personne de risquer sa vie sans rien en retirer. Les gens qui pensent comme ça finissent soit chevaliers soit mercenaires.

La seule option qu'il nous restait était d'utiliser les vies de la masse avide pour mener la population troll au bord de l'extinction.

Que les trolls s'éteignent réellement ou commencent à être traités comme « espèce protégée » était du ressort du roi et de sa cour. Hélas, je doutais qu'ils bénéficient du statut d'espèce protégée. Les sirènes et les elfes étaient une chose, mais les trolls étaient moches.

— Le désir humain fait vraiment froid dans le dos.

— Mais c'est ce désir qui nous a permis d'arriver là où on en est aujourd'hui, dis-je en écrivant nos résultats sous la forme d'un tableau d'objets sur un morceau de parchemin. Beaucoup d'autres animaux ou monstres peuvent parler ou faire des calculs. Ils savent même être créatifs. Je ne vois qu'une seule raison pour laquelle les hommes ont pu s'élever à un niveau bien supérieur à toutes les autres races.

— Et quelle est-elle ?

— L'infini panel de nos désirs. Comparé aux autres, les nôtres battent tous les records.

Je ne pensais pas que ce serait un héros au cœur pur qui vaincrait l'armée du roi démon au final. Qu'importe la valeur de ses paramètres fixes, un humain sans désir n'aura pas d'ambition. En deux mots, ils évoluent bien trop lentement.

Je trouvais que les masses qui entouraient le héros, qui se plaignaient sans cesse et qui suivaient n'importe quelle nouvelle mode étaient ce qu'il y avait de plus effrayant.

Pour moi, elles étaient bien plus effrayante que le héros, et même peut-être plus que le roi démon lui-même.


Un mois plus tard, l'académie royale reçut un rapport sur l'état d'avancement.

— Professeur ! La population troll continue de s'accroître ! Au lieu de chasser en masse les trolls, les masses stupides rassemblent de la nourriture pour eux !!

— Bon sang...

— Elles ont trouvé un meilleur moyen de vider les estomacs des trolls en les faisant vomir plutôt que de les tuer et de les dépecer. En plus, les foies des trolls se régénèrent rapidement, alors ils peuvent en couper un morceau avant de les relâcher dans la nature. Les parties manquantes se reconstruisent à une vitesse incroyable !! Qu-Que fait-on, professeur ?! La population troll est en plein boom !! Ne se rendent-ils pas compte de ce qu'il adviendra des villes si leur population continue à s'accroître ?!

— Le désir humain est vraiment la chose la plus effrayante au monde.