Un Simple Sondage : Volume 1 - Fin 2

From Baka-Tsuki
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Le cas de Hotaru[edit]

Partie 1[edit]

— Quelle coïncidence. Exactement le même que moi, dit Hotaru.

Elle était grande et avait de longs cheveux noirs. Elle était jolie, mais c'était plutôt le genre de beauté à glacer le sang. Pour être franc, Anzai sentait qu'elle devait être la personne avec qui il était le plus difficile de converser.

— Vous aimez sûrement les mêmes films, dit Harumi.

— C'est pas comme s'il y avait de bonnes et de mauvaises réponses, mais ça peut être chiant pour les autres quand on en parle. Enfin, c'est toujours mieux que de parler de baseball.

— Aisu, il faut que tu fasses quelque chose pour ta manie de ramener des types bizarres au dîner tout en regardant la télé, une chope de bière à la main... Oh ?

Kozue se tut.

Alors qu'ils quittaient l'amphithéâtre, elle leva les yeux vers le ciel nocturne et colla ses deux paumes ensemble comme pour attraper quelque chose.

Hotaru fronça des sourcils.

— Il pleut ?

Dès qu'elle eut marmonné ça, Anzai sentit une grosse goutte tomber sur son nez. Celle-ci fut suivie par ce qui ressemblait à des trombes d'eaux. Le bâtiment de l'université était à bonne distance de la brasserie et aucun d'entre eux n'avait de parapluie. Les cinq jeunes gens se ruèrent dans l'amphithéâtre.

Ils avaient éteint la lumière en partant, alors il faisait complètement noir. Néanmoins, la salle n'était pas fermée. Ou plutôt, ils l'avaient laissée ouverte.

— Hyaaahh !! Ça tombe bien là !

— Avec une pluie aussi forte, ça tiendra pas toute la nuit.

— Je suis trempée jusqu'aux os.

— Quel dommage pour toi, Anzai, il fait noir. Sinon, t'aurais eu droit à une belle scène de fanservice avec nous quatre.

Anzai ignora Hotaru et vérifia plutôt ses affaires. Il ne trimballait pas beaucoup de choses dans son sac quand il se rendait en cours, mais il semblerait que le spray waterproof que lui avait vendu le marchand avait été efficace. Il l'ouvrit et enfonça sa main à l'intérieur, mais rien ne semblait mouillé.

Ensuite, il vérifia le portable qui était dans une poche de son pantalon.

Anzai le sortit et l'alluma. Heureusement, l'habituel écran de verrouillage s'afficha. Il semblait fonctionner correctement.

Pendant qu'Anzai était occupé avec son téléphone, la fille de cabaret prénommée Aisu poussa un cri.

— Gyaaahhhhh !! Alors que je me disais que nos vêtements trempés et transparents étaient protégés par le noir, le voilà qui sort son rétroéclairage !!

— ?

— Comme demandé, je vais procéder à un aveuglement de sécurité ! s'écria Harumi derrière Anzai qui s'était instinctivement tourné en direction d'Aisu quand celle-ci avait crié.

L'instant d'après, ses yeux furent recouverts par deux mains humides. Sa vision fut soudain plongée dans le noir et dans le même temps, il sentit quelque chose de doux pressé contre son dos.

Un choc semblable à un coup de jus traversa le corps d'Anzai jusqu'à la moelle.

On ne pouvait même plus parler d'insouciance à ce niveau-là.

— Aisu, t'as essayé de faire croire que t'avais l'air gênée tout en poussant un cri pour attirer toute l'attention sur toi, pas vrai ?

— Non, y'avait rien de prémédité ! Et à sa façon de se coller à lui, je pense que c'est Harumi qui a gagné le plus de points ici !!

— Elle se contente de sourire et de garder la même position ?!

— Quoi ? Quoi ? Pourquoi vous vous excitez comme ça ? demanda Harumi.

— Franchement, à quoi vous jouez les filles ? dit Hotaru, exaspérée.

Anzai sentit ensuite qu'on lui arrachait le téléphone des mains. Puis quand Harumi retira ses mains de ses yeux, il n'y avait plus aucune source de lumière. Quelqu'un lui rendit son téléphone dans la pénombre.

— Pas de portable. Pigé ?

— J'allais juste vérifier qu'il marchait toujours, mais ça me va.

— Aisu, t'as échoué dans ta tentative d'attirer l'attention sur toi. Harumi t'a surpassée, commenta Kozue.

— On est toujours comme ça, non ?

Anzai pouvait toujours les entendre parler dans l'obscurité, mais il ne tenta pas de se joindre à la conversation. Le mieux qu'il pouvait faire était acquiescer dans la vraisemblable direction de Hotaru.

— Cette pluie dure plus longtemps que je l'aurais cru, dit la voix de Hotaru. Vu son intensité, je m'attendais à ce qu'elle s'arrête vite.

— Si ça va durer jusqu'au petit matin, on va devoir se préparer, répondit spontanément Anzai.

Bien entendu, il ne parlait pas de passer la nuit ici. Il parlait de courir chez soi sous la pluie.

— Cet amphi est très grand, alors peut-être que quelqu'un a oublié son parapluie dans le porte-parapluie.

— Voler, c'est mal, Aizu.

— On peut très bien le rendre demain. Ça vaut la peine de jeter un œil.

Mais ils ne trouvèrent rien de la sorte près de l'entrée de l'amphithéâtre. Ils étaient contraints de chercher à l'aveugle avec les mains, mais le porte-parapluie était visiblement vide.

— Tout comme les éboueurs, les profs viennent peut-être régulièrement le vider.

— Mais ça veut dire qu'on a aucun moyen de partir.

— Je sais ! s'écria Harumi. C'est un amphi, alors il y a sûrement beaucoup de poubelles. Si on peut trouver le bureau, peut-être qu'ils ont des sacs poubelle neufs.

— Si t'enfiles ça sur la tête, traverse le quartier commerçant, et monte dans le bus ou le métro, j'espère qu'on t'érigera une statue pour acte de bravoure à l'entrée de la fac.

— Hein ? dit Anzai.

Du fait de la faible luminosité des lumières extérieures, le chemin était faiblement éclairé juste devant l'entrée de l'amphithéâtre. Il remarqua quelque chose de brillant à cet endroit. Les filles étaient visiblement réticentes à l'idée qu'il les voit dans leur état actuel où il pouvait voir leurs sous-vêtements, alors elles ne s'approchaient pas de la source de lumière. Néanmoins, Anzai n'était pas dans le même cas. Il s'approcha de la porte vitrée pour voir de plus près et il se rendit compte de ce que c'était.

— Il y a un parapluie en plastique par terre.

Deux ou trois baleines étaient cassées, alors la toile s'agitait dans le vent. Une forte bourrasque avait vraisemblablement eu raison de lui, alors son propriétaire l'avait jeté. Cependant, son état était suffisant pour les protéger de la pluie.

Anzai posa son sac et son téléphone sur le sol, ouvrit la porte vitrée, et sortit. Il ramassa le parapluie cassé et se dépêcha de rerentrer.

— Et voilà le travail. On dirait qu'on va pouvoir passer à la prochaine étape. ... Euh, qu'est-ce qui se passe ?

L'amphithéâtre était plus éclairé que le reste de la salle au niveau de la porte vitrée où se trouvait Anzai, alors il ne pouvait pas les voir. Mais il pouvait sentir une certaine tension dans l'atmosphère.

Hotaru brisa le silence.

— Pour ta gouverne, sache que les filles se sentent gênées quand elles voient les sous-vêtements d'un membre du sexe opposé.

— Hein ? Peu importe, j'ai trouvé un parapluie...

— Non, pas de peu importe qui tienne ! Arg, contente-toi de venir par-là !!

— Aisu, tu vas le serrer dans tes bras parce que ça sera plus fort que toi ?

— Quoi ?! Je dis juste que les mecs aussi ont besoin de la protection de l'obscurité !!

Face à l'insistance, Anzai s'avança vers la pénombre.

— Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé un parapluie.

— Oui, oui. Un parapluie.

— ... On peut pas tenir physiquement à cinq sous ce parapluie à moitié cassé.

— Kozue, je t'ai sentie trépigner d'excitation.

— Non, je crois que c'était Aisu.

Elles avaient ignoré Anzai tout en continuant leur conversation.

— Enfin bref, il suffit qu'un de nous s'en serve pour aller acheter d'autres parapluies à la première supérette venue, non ? suggéra-t-il.

— Oh ! Pas mal ! Bonne idée !

— Bah, c'est terre-à-terre au moins.

— Une seconde, les p'tits jeunes ! Vous suggérez qu'un d'entre nous sorte sous ces lumières en étant trempé !!

— Ça pourrait devenir une nuit mémorable.

Anzai se résolut au fait qu'il était un peu difficile de forcer une fille dont les sous-vêtements étaient clairement visibles.

— Ben, c'était mon idée, donc j'irai.

— Minute, jeune homme !! Personnellement, je pense que c'est l'option la plus dangereuse !!

— ?

— Si l'un d'entre nous doit subir cette honte, je crois qu'on devrait au moins décider ça à pierre-feuille-ciseaux.

— J'avoue, mais je suis un mec. Alors autant que...

— Non, c'est exactement pour cette raison ! C'est justement parce que t'es un mec qu'il faut pas faire ça, espèce d'idiot !!

Anzai était estomaqué par cette logique qu'il ne pouvait comprendre. C'était peut-être une sorte de règle qui régissait un groupe de filles.

Malgré tout...

— Mais on doit passer par le quartier commerçant pour rentrer. Et t'as parlé de bus ou de métro. On va tous devoir se retrouver à la lumière à un moment ou un autre.

— ...?!

— !

— !!

— ...!!

Son commentaire spontané provoqua quatre halètements en retour. Il semblerait que c'était une question de vie ou de mort pour les filles.

— C-Combien de temps ça va prendre avant que les vêtements soient secs ?

— Ça prendra bien toute la nuit pour sécher à l'air. Il nous faudrait un sèche-cheveux ou quelque chose du genre.

— Non, ça le fera pas. Il nous faut un vrai sèche-linge.

— Réfléchis avant de parler, dit Kozue. Tu suggères qu'on utilise une laverie automatique sans vêtements de rechange ? Qu'est-ce qu'on est censés faire pendant que nos fringues sont dans le sèche-linge ?

— Tu dis ça, Kozue, mais en fait, tu te dis que c'est l'occasion ou jamais, pas vrai ?!

— T-Tu pourrais arrêter de projeter tes pensées sur moi, Aisu ?

Tandis que la conversation commençait à dériver dans une drôle de direction, Hotaru tenta de corriger le tir.

— Enfin bref, tout d'abord, il faut qu'on se procure suffisamment de parapluie pour que chacun gagne en mobilité. Il faut d'abord qu'on décide qui va aller à la supérette à pierre-papier-ciseaux.

— Ok, c'est parti ! Pierre, papier...

— Non, attends, coupa Anzai. On peut pas voir nos mains dans le noir.

Le silence tomba.

Au final, ils choisirent d'abandonner temporairement la protection de l'obscurité. Les quatre filles furent contraintes d'exposer leurs silhouettes en s'approchant de la porte vitrée par où la lumière des lampes extérieures pénétrait. L'état de leurs vêtements était moins un problème pour Anzai que leur façon de gigoter d'embarras.

— Pierre papier ciseaux !!!!!

Ils tendirent leurs mains à moitié désespérés, mais une fois le jeu terminé, une pensée traversa Anzai.

— ... Je viens juste d'y penser, mais on aurait simplement pu dire à voix haute ce qu'on a choisi tout en restant dans le noir.

L'instant d'après, quatre « pierres » volèrent dans sa direction.

Partie 2[edit]

Pour être franc, les quatre filles trempées aux vêtements transparents avaient bien plus marqué Anzai que le mystérieux sondage. Ce qui l'avait le plus frappé était les sous-vêtements de Hotaru. Elle avait dégagé une aura de beauté froide du début à la fin, alors il ne s'était pas attendu à ce qu'ils soient aussi peu orthodoxes... ou pour parler plus franchement, olé-olé.

Et ainsi...

Quand Anzai se réveilla le lendemain, il avait déjà oublié cette histoire de sondage. C'était exactement comme un compte-rendu qu'il aurait déjà rendu, alors il n'y avait rien à gagner à s'en souvenir.

Hélas...

Ce monde était fait de choses étranges. Elles étaient là, qu'on le veuille ou non.

Ou plutôt...

Pour faire simple, cette chose qu'il croyait terminée ne l'était en réalité pas du tout.

Partie 3[edit]

Les jours pluvieux étaient si mélancoliques.

Après avoir à peine prêté attention au cours de langue étrangère qu'il pensait oublier à peine sorti, Anzai croisa Hotaru qu'il croyait avoir 80% de chances de ne jamais revoir. Visiblement, les trois autres n'étaient pas avec elle.

Elle était magnifique, mais elle était cette fille plus âgée si belle que les mecs rechignaient à l'approcher.

Elle était le genre de beauté à causer des silences au karaoké.

Anzai lui-même sentait ses muscles se crisper.

— Anzai-kun, c'est ça ? C'est quoi ton prochain cours ?

— Math. Aujourd'hui, c'est le jour où je fais ce qu'il faut pour passer en classe supérieure.

— Alors sèche-le.

— Comment ça « alors » ?

— Ça te servira jamais à rien plus tard, non ?

Anzai eut le sentiment que le même raisonnement aurait rendu inutile tout ce qu'il avait pu voir au collège et au lycée, mais il n'avait pas particulièrement envie d'aller en cours de math ce jour-là, alors il ne rétorqua pas.

Le véritable problème était de savoir ce qu'ils allaient faire à la place.

— Alors c'est quoi le programme ? On va quelque part ?

— Tu te souviens du sondage d'hier ?

Ils quittèrent l'amphithéâtre tout en parlant.

Le visage de Hotaru restait de marbre.

— Tu te souviens du nom du prof ?

— Tanaka-san, je crois. Je suis presque sûr qu'il s'est présenté au tout début.

— Oui, c'est également tout ce que je sais. J'ai eu des choses à régler avec le secrétariat, alors je leur ai posé la question tant qu'à faire, mais on dirait bien qu'il n'y a aucun professeur Tanaka dans cette université.

— ... Hein ?

Les pensées d'Anzai s'arrêtèrent net.

Il comprenait le sens des paroles de Hotaru, mais il n'arrivait pas à saisir où elle voulait en venir.

— C'est un nom de famille courant, Tanaka. Sûrement l'un des cinq plus répandus au Japon. Le fait qu'il n'y en ait pas un seul travaillant ici a particulièrement marqué le type à qui j'ai posé la question. Il a appelé ça une université sans Tanaka.

Anzai eut un blanc, mais il pouvait sentir de la sueur couler le long de sa joue. Il ne lui fallut pas longtemps avant de comprendre d'où cela venait. Il pleuvait dehors. Il faisait un peu chaud dans l'amphithéâtre en lui-même, mais une agréable fraîcheur avait empli le couloir. Autrement dit, la sueur ne provenait pas de la chaleur.

— ... Alors, c'est qui ce prof ? ... Ou c'était quoi ce sondage du coup ?

— Ça te tracasse, pas vrai ? Un type louche venant de l'extérieur de l'université rassemble des étudiants, leur fait passer un sondage glauque pour analyser leurs esprits et leurs cœurs, et se fait la malle sans laisser de traces. Et pour quelle raison ? Et comment il a fait ça ? C'est une université publique, alors le niveau de sécurité est conséquent. Il aurait pu organiser ce sondage n'importe où ailleurs, alors pourquoi avoir choisi un endroit aussi difficile d'accès qu'une université ? Et puis, pourquoi nous avoir choisi nous en allant jusqu'à faire des recherches sur nos situations personnelles pour nous faire venir ?

— Attends, et pour mes UCTS du coup ?! Si ce soi-disant Tanaka-san est pas prof ici, ça veut dire que j'aurais pas mon premier semestre !

— ...

Hotaru se tut et donna un léger coup de pied dans le tibia d'Anzai.

Anzai poussa un cri et fit un bond en arrière, les yeux en larmes.

— Tu pourrais éviter de casser l'ambiance ? Merci, dit-elle le visage de marbre.

— Tu peux parler ! C'est toi qui m'as convaincu de sécher les cours !!

Partie 4[edit]

Leur université n'avait pas de professeur nommé Tanaka.

Dans ce cas, qui pouvait-il donc être ?

Et à quoi servait ce sondage ? Qu'en avait-il retiré ?

C'était ce sur quoi ils menaient leur petite enquête, mais...

— Alors c'est quoi l'idée au juste ? demanda Anzai. Ce Tanaka-san est pas de notre fac, non ? On trouvera rien en errant ici.

— J'en mettrais pas ma main à couper, dit Hotaru, balayant facilement son commentaire d'un revers de la main. J'ignore peut-être quel était le but de ce sondage, mais je devine que ça a un rapport avec les courts-métrages qu'il nous a passés. On aurait dit qu'ils avaient été filmés dans le club de cinéma de la fac.

— T'as des preuves ?

— J'ai reconnu certains lieux. Je pense qu'ils ont été tournés sur le campus. Il y a de fortes chances que celui qui s'est fait passer pour un professeur appelé Tanaka a simplement demandé au club de cinéma de tourner les courts-métrages.

— ... Alors hier n'était pas sa seule fois sur le campus ?

— Flippant, hein ? On croirait un yôkai ou quelque chose du genre.

Tout en suivant Hotaru, Anzai arriva au local du club de cinéma. (Était-ce le bon terme ? Anzai ne faisait partie d'aucun club, alors il n'en était pas certain.)

— Évidemment, c'est fermé.

— On peut fabriquer un moule en insérant de la gomme adhésive dans le trou de la serrure. Mais pour la ressortir, c'est une autre histoire.

— ... C'est toi qui me fais penser à un yôkai.

Hotaru se servit d'une clé légèrement tordue qui semblait être constituée de fer ou d'aluminium, et la porte fut facilement déverrouillée.

En entrant, Anzai posa une question.

— Alors, c'est quoi que tu cherches ?

— Aucune idée, mais il y a quelque chose que j'espère bien y trouver.

— ?

— Les courts-métrages. Quelque chose m'intrigue à leur sujet. J'aimerais les reregarder pour vérifier.

Après un peu de recherches, ils trouvèrent facilement ce qu'ils cherchaient. C'était une clé USB avec une étiquette « Pour le sondage ».

— Hein ? C'était pas sur une bobine géante quand il nous les a diffusés dans l'amphithéâtre ?

— Ils l'ont sûrement édité en version digitale avant d'en faire un film. Le club de cinéma peut être particulièrement chiant avec ce genre de détails. Il y a une clé USB haute capacité à 20 000 yens et les courts-métrages la remplissent complètement. C'est que ça bouffe beaucoup d'espace les vidéos.

— Il suffit de les compresser, mais je suppose que c'est pas le club de ciné pour rien. Même si l'œil humain est incapable de faire la différence, ces gens se refusent à avoir recours à la compression vidéo.

Anzai se demandait ce que Hotaru voulait vérifier au sujet des courts-métrages.

Elle inséra la clé USB dans son smartphone et lança la vidéo sur le petit écran.

Anzai se demanda combien de temps cela prendrait, mais Hotaru acquiesça au bout de trois minutes seulement.

— Aha, j'avais raison. Regarde, là, là et là.

— Il y a un fantôme dans la vidéo ?

— Mieux que ça, dit Hotaru en mettant en pause la vidéo. Ça te dit quelque chose la « fiction grise » ?

— ... Tu veux dire les films avec des aliens ?

— C'est pas complètement faux.

Elle répondit à sa blague avec un visage sérieux.

Anzai se sentait un peu dépassé, mais Hotaru continua le visage de marbre.

— Cela fait référence à une histoire fictive qui ne peut pas complètement être qualifiée comme tel du fait de certains détails. On entend souvent dire que c'est pour des raisons politiques, mais ça a été récemment utilisé dans un film qui montrait un centre de recherches sur les OVNI et dans un film d'horreur avec comme base un esprit vengeur d'un noble de l'ère Heian.

— Quel rapport ?

— Ces courts-métrages sont similaires.

Malgré les propos ridicules qu'elle tenait, son visage demeurait parfaitement calme.

— Le spectateur lambda passera à côté de certains détails dans les fictions grises. Ces détails se retrouvent dans ces courts-métrages. Il est possible qu'ils se soient juste retrouvés dans le champ par hasard, mais selon toute vraisemblance, ce n'était pas un accident.

— Hein ? Attends... Tu veux parler de cette fille aux cheveux blancs dans le coin de l'écran ?

— Non, pas ça.

(Mais c'est qui cette fille alors ?)

Anzai se posait toujours des questions, mais Hotaru n'avait pas l'intention de laisser la conversation dériver dans cette direction.

— J'en conclus que ces courts-métrages étaient des fictions grises.

— ... Tu veux dire qu'en fait, ils relataient des faits réels ?

— Oui.

— Mais il y avait des fées et des ninjas dans ces trucs, non ?! Il y avait même une histoire où ils tranchaient des trolls dans un monde fantastique moyenâgeux à la sauce RPG qui n'a jamais existé, non ?!

— J'en sais rien, je vois pas non plus comment c'est possible, soupira Hotaru. Mais je n'ai pas l'impression que les courts-métrages montraient juste une partie d'un monde étrange. On avait l'impression de ne voir qu'une pièce ou une portion de ce monde. Peut-être que c'est dans une salle dans un bâtiment ou un sous-sol que toutes ces choses se sont déroulées. Ou peut-être qu'il n'y a pas de monde mystérieux et qu'il y a simplement une pièce quelque part sur Terre qui ressemble juste à un monde bizarroïde.

(C'est n'importe quoi...)

Si on vous disait qu'il existe un héros et un roi démon quelque part sur Terre, le croirez-vous ?

Et un virus informatique qui parlerait comme un homme paraissait encore plus irréel qu'un héros ou un roi démon.

— Mais c'est quoi la définition du factuel ? demanda Anzai.

— Hum ?

— Les prophéties de Nostradamus sont considérées comme factuelles. Autrement dit, ça ne signifie pas que c'est réel. Cela veut juste dire que l'auteur l'a écrit en considérant que c'était vrai. Dans ce cas...

— Le prof était juste fou ?

— Je suis bien plus à l'aise avec cette idée.

— Peut-être, admit Hotaru. Ou peut-être qu'il existe une simple règle commune derrière tout ça qui a convaincu ce prof qu'il voyait vraiment ces choses.

— ... Tu veux dire comme l'hypnose ?

— C'est tellement stéréotypé ça. T'aurais au moins pu dire qu'il a tourné ces courts-métrages pour montrer ce qu'il avait vu pendant qu'il enquêtait sur une sorte de complot mondial.

Anzai en perdit son latin.

Tout d'abord, les détails laissant à penser que c'était des fictions grises avaient très bien pu être placés là par le soi-disant professeur pour plaisanter.

Mais à quoi bon ?

— Au final, que cherchait à faire ce prof ? Pourquoi avoir filmé ces choses ? En fait, quel était le but du sondage en lui-même ?

— Qui sait ? dit Hotaru de façon évasive avant d'ajouter une autre remarque énigmatique, Mais mon petit doigt me dit qu'il y a un lien.

— ?

— J'ai l'impression qu'il y a un lien entre ces évènements étranges racontés par ces courts-métrages et la façon dont ce prof s'est introduit dans la fac, a organisé ce sondage, et a disparu sans laisser de traces. Et s'il y a un lien, il se pourrait qu'on se soit indirectement retrouvés mêlés à des évènements bizarres qui ont commencé avec ces courts-métrages.

— ... Ça me dit rien qui vaille.

— Non. Mais si ces courts-métrages sont vraiment des fictions grises, ce prof connaît peut-être le fin mot de l'histoire.

— Comment ça ?

— Les gens qui clament haut et fort avoir été enlevés par les extraterrestres sont des singularités différentes des extraterrestres en eux-mêmes. On pourrait les qualifier d'absurdités. Ou s'il y avait un expert à qui tu pouvais poser des questions, un genre de hotline, mais uniquement au sujet des démons, cet expert serait une absurdité d'un genre différent des démons.

Hotaru marqua une courte pause.

— Autrement dit, ceux qui travaillent à analyser les choses sortant de l'ordinaire se retrouveront corrompus par la chose en face d'eux et deviendront à leur tour des absurdités. Avec l'expérience que cela nécessiterait pour faire ce sondage basé sur des fictions grises, il est vraisemblable que ce mystérieux prof s'est entièrement transformé en absurdité. ... Qui qu'il ait pu être à l'origine.

— ...

Après avoir entendu ça, Anzai réalisa quelque chose.

Le sondage n'était pas la chose la plus dangereuse.

Ni même le professeur.

Le plus gros danger se trouvait là, sous ses yeux.

— H-Hé, où sont les membres du club de ciné ? Si tu veux en savoir plus sur ces courts-métrages, le plus simple serait de leur demander, non ? C'est eux qui ont filmé ces bizarreries.

— Cela aurait été bien plus simple si cela avait été possible.

Elle resta vague.

Néanmoins, Anzai sentit comme une conclusion funeste dans ses propos ambigus.

Ils ne pouvaient pas vérifier auprès de ces gens.

Ils ne pouvaient pas parler avec ces gens.

Ils n'avaient pas la moindre idée d'où étaient ces gens.

Oui.

C'était exactement comme avec ce professeur.

— Ta théorie, c'est que ce prof a pété un câble en analysant ces bizarreries, pas vrai ? Mais mettons de côté le fait que ce soit réel ou dans son imaginaire.

— Oui, c'est juste une hypothèse. Mais c'est comme ça dans les grimoires et les cercles magiques, non ? Ils ne font qu'expliquer le fonctionnement du monde à travers des textes ou des diagrammes.

— Bah, si le changement peut s'opérer rien qu'en analysant ces choses...

Anzai tendit son doigt.

Il le pointait vers la chose la plus dangereuse.

Il le pointait vers la clé USB dans les mains de Hotaru qui contenait les courts-métrages.

— ... Le simple fait d'avoir ce truc est dangereux dans ce cas, non ?

— Oui. Comparativement au sondage, au prof, aux gens du club de ciné, regarder chaque courts-métrage, ou fiction grise...

Hotaru esquissa un sourire.

Comme elle était généralement inexpressive, c'était un sourire étonnamment grand.

— ... Tu crois pas que cette clé USB contient l'absurde d'une façon bien, bien plus condensée ? C'est comme une baguette magique qui te permet de level up à l'infini rien qu'en l'agitant à gauche à droite.