Un Simple Sondage : Volume 1 - Fin 3

From Baka-Tsuki
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Le cas de Kozue[edit]

Partie 1[edit]

— T'as le même résultat que moi, dit Kozue de sa voix limpide.

— Mais c'est juste un classement sur les goûts. Tout le monde devrait avoir à peu près la même chose, non ?

— Non, le tien est complètement différent du mien, dit Harumi.

— Et du mien, dit Hotaru.

C'est vraiment comme ça que ça marche ?

Anzai quitta l'amphithéâtre avec les filles et se dirigea vers la brasserie. Il avait fini par les suivre, mais il ignorait pourquoi.

Le bâtiment de la brasserie était assez loin de l'amphithéâtre. Le chemin-là était presque dans le noir complet, mais Kozue se mit à fouiller dans son sac à main.

— Qu'est-ce que tu fiches, Kozue ?

— Je crois que j'ai oublié mon stylo bille dans l'amphi.

— Ça coûte 100 yens. T'as qu'à en racheter un dans une supérette.

— Je m'en fiche de l'avoir oublié, mais je veux juste m'en assurer. J'aurais l'air fine si j'en rachetais un alors que j'en ai pas besoin.

— On dirait qu'il y a de plus en plus de portemines dans ta trousse.

Hotaru se servit du flash de son portable pour éclairer l'intérieur du sac à main de Kozue, mais ce n'était pas suffisant. Fouiller dans son sac quand il fait noir n'allait que mettre encore plus de bazar à l'intérieur.

— Pourquoi tu vérifierais pas ça une fois dans la brasserie ? suggéra Harumi, mais Anzai pointa du doigt une autre direction.

— Y'a un panneau là-bas.

Le vieux panneau était utilisé pour afficher diverses notes sur les clubs. Une lampe fluorescente y était installée afin de pouvoir les lire la nuit. La lumière d'un blanc pur ne pouvait complètement éclairer l'endroit, mais c'était mieux qu'avec un portable.

Quand ils s'approchèrent du panneau, ils aperçurent un tas de petits moustiques morts sur la lampe. Elle ne devait pas être nettoyée très souvent. Ce n'était ni l'époque des recrutements de nouveaux ni le festival culturel, alors les informations postées là manquaient d'attrait.

— Oh, le voilà.

— Du coup, t'as pas besoin d'en racheter.

— Donc, tu nous as fait perdre du temps pour rien, dit Aisu d'un ton léger. Vous savez, j'ai du mal à croire que ce genre de panneau existe toujours. On est au 21è siècle. C'est bien plus facile de tout envoyer par mail à tout le monde.

— Sûrement que certains profs têtus aiment pas trop ces méthodes.

— Ou peut-être que les gens sont pas assez bêtes pour filer leur mail juste pour recevoir une tonne d'infos inutiles.

— Je vois. Alors y'a pas que l'obstination des profs.

Anzai s'en fichait pas mal, alors il espérait juste pouvoir aller à la brasserie. Les nuits s'étaient rafraîchies, mais il y avait toujours beaucoup de moustiques. Ils volaient tous autour des lumières, et il trouvait ça pénible.

— Allons-y, Hotaru-san, dit Harumi tout en tournant le dos au panneau après qu'ils se soient mis en route.

Anzai se retourna aussi et aperçut Hotaru toujours debout devant le panneau d'affichage.

— T'as trouvé quelque chose d'intéressant ?

— Hotaru est une romantique.

— ?

Au vu de certaines choses, ces quatre filles semblaient bien se connaître, alors Anzai était parfois incapable de comprendre ce qu'elles racontaient.

Hotaru se joignit rapidement aux autres et ils se dirigèrent vers la brasserie. Semblable à un restaurant et à une petite supérette, c'était un bâtiment qui n'était pas utilisé pour les cours. Hélas...

— C'est fermé.

— Ouais.

— Hotaru, il est quelle heure ?

— 8h30. On dirait qu'on a passé trop de temps à chercher le stylo de Kozue.

C'était une enseigne internationale, alors il y avait des horaires standards, mais le gérant avait pour habitude de fermer dès qu'il en avait l'occasion. Les lumières étaient toutes éteintes dans la brasserie.

Anzai et les autres n'eurent pas d'autre choix que de se rendre dans le restaurant espagnol dans le même bâtiment.

— Les avis des gens sur ce resto varient beaucoup en fonction de s'ils aiment les fruits de mer ou non.

Étant donné le visage de Kozue, son avis sur l'endroit était visiblement plutôt négatif.

Cependant, quelque chose d'autre attira encore plus l'attention d'Anzai.

— Euh, pourquoi vous vous serrez comme ça...?

— Ils ont que des tables de quatre, alors on n'a pas le choix.

— Oh, mais je crois que c'est pas une coïncidence si t'es collé contre la vitre avec Kozue juste à côté de toi. On dirait qu'elle essaye de te garder pour elle.

— N'importe quoi.

Aucun d'entre eux n'avait vraiment faim, alors ils partagèrent une grande salade à cinq. Évidemment, elle était couverte de crevettes, de calamar et de crustacés. Le dégoût sur le visage de Kozue s'amplifia.

La fille de cabaret appelée Aisu sirota son café chaud et dit :

— Il faut croire qu'on peut pas avoir de meilleures boissons quand c'est en libre-service.

— N'importe quel café noir a un goût amer pour moi, dit Harumi.

— Je crois qu'ils ont pas de boissons nationales comme le matcha. Par contre, la nourriture l'est, dit Hotaru.

— C'est comme ça que ça fonctionne dans les petits restos comme ici, commenta Kozue.

Anzai se demanda pourquoi les gens étaient toujours aussi durs envers les grandes enseignes nationales. Bien entendu, la brasserie où ils voulaient aller était implantée dans une trentaine de pays.

Peut-être que les marques affectaient les goûts des gens.

— Enfin bref, c'était vraiment un sondage bizarre.

— Et ça sortait d'où ce truc ? Le prof faisait juste ça pour le fun ou quoi ?

Anzai doutait du fait qu'il puisse leur donner des ECTS si c'était juste pour le fun.

D'un autre côté, lui non plus ne voyait aucun intérêt pratique à ce qu'ils avaient fait.

— Peut-être qu'il essayait d'obtenir des données dont il avait besoin pour ses recherches.

— Mais il aurait eu besoin de nous faire signer un papier lui donnant l'autorisation, non ?

— Peut-être qu'il peut contourner ça s'il s'assure que le tout reste anonyme.

— Bah, je vois pas trop le mal que ça peut faire de lui dire quels court-métrages on a préférés, dit Aisu spontanément tout en sirotant son café bon marché.

Malgré ses remarques sur le restaurant, elle ne semblait pas particulièrement de mauvaise humeur.

Anzai posa alors une question qui le turlupinait.

— Au fait, dans quel domaine était spécialisé ce prof ? La psychologie ?

— ...

— ...

— ...

— ... Hein ?

Un étrange silence s'installa. Ils s'échangèrent tous un regard. Anzai fut en mesure de comprendre ce que cela signifiait à leur expression. Néanmoins, il avait du mal à le croire.

— Une petite minute... Aucune d'entre vous n'a jamais eu de cours avec lui ?

— Alors toi non plus, tu sais pas qui c'est ?

Toi non plus.

Le terme employé par Kozue renforça l'avis d'Anzai. Il était surpris que personne ne sache qui était ce professeur, mais il s'était également rendu compte qu'il n'avait jamais croisé ces filles non plus. Il ne pensait pas qu'elles soient dans le même département que lui. Un professeur qui enseignerait dans son propre département pouvait peut-être lui donner des ECTS, mais comment un simple professeur pouvait le faire à des étudiants issus de départements différents ?

— Et les autres ? demanda Harumi. Je crois bien qu'il y en avait une trentaine d'autres.

— Je n'ai aucune preuve concrète, répondit distinctement Kozue, mais j'ai comme l'impression qu'on n'obtiendrait aucune information digne de ce nom, même si on cherchait les autres participants et on leur posait la question.

— Comme dans n'importe quelle fac, la nôtre a son lot de profs excentriques. Peut-être bien que c'était un vieux croûton qui se trouve à la frontière entre l'idiot et le génie qui s'est lancé dans une drôle d'aventure.

— Du coup, qu'est-ce que ça signifie pour mes ECTS ?

Si cet évènement était organisé par un vieux fou à lier (mais peut-être très compétent vu qu'il avait toujours son travail), alors ces ECTS pouvaient ne jamais arriver. Il était possible que ce professeur n'ait jamais discuté avec les personnes en charge du département d'Anzai.

— Bah, on ignore peut-être ce que le vieux avait derrière la tête, mais pourquoi il nous a choisis nous ?

— Il a plus ou moins expliqué ça au début. Il a sûrement visé les étudiants en manque d'ECTS, ceux avec des problèmes d'absentéisme ou de comportement.

— Tu crois qu'il avait autre chose en tête ?

— Qu'est-ce que j'en sais, moi ? On sait même pas à quoi servait ce sondage, alors on n'a aucun moyen de savoir si les personnes sélectionnées ont un rapport avec ça.

— Exact.

Mais peu importe que ce soit juste un vieux savant fou qui s'amusait, ça ne changeait rien. Le sondage était terminé. S'il ne se passait rien d'autre et qu'il n'y perdait rien au change, il n'y avait pas de raison de chercher plus loin.

Le seul problème qui inquiétait Anzai était ses ECTS.

Ou du moins... c'est ce qu'il croyait...

Partie 2[edit]

Des choses étranges étaient vraiment arrivées.

Mais le problème était que bien qu'elles arrivaient de temps à autre, les personnes concernées étaient rarement volontaires pour les subir.

La seule pensée qui occupait l'esprit d'Anzai était « Pourquoi moi ? »

Mais étant donnée la situation, il n'y avait rien à faire.

Il allait simplement devoir faire avec ces choses étranges.

Partie 3[edit]

— J'ai vu quelque chose de flippant.

Anzai mangeait au restaurant universitaire. Contrairement à la brasserie et au café, il était directement rattaché à l'un des bâtiments de l'université. Comme tout un chacun s'en doutait du fait que la grande majorité des étudiants se rendait dans la brasserie plus loin, la nourriture ici n'était pas très bonne.

Anzai supportait comme il pouvait le goût infect pour économiser un peu d'argent quand Kozue posa soudain un bol d'udon tanuki sur la table et s'adressa à lui. Visiblement, les trois autres n'étaient pas avec elle.

— ?

Il prit quelques pâtes mystérieuses avec ses baguettes, les porta à sa bouche, et fronça des sourcils. Puis, il releva les yeux une nouvelle fois. Apparemment, Kozue s'adressait vraiment à lui.

— J'ai vu quelque chose de flippant.

— T'as vu un prof se taper une des secrétaires ? répondit-il.

— Pire que ça. C'était... hum... euh... comment dire ? En tout cas, c'est pire. Je suis sûre que ça dépasse ton imagination. Mais c'est pas de ta faute. C'est pas un souci d'imagination. C'est juste que le phénomène est tellement extrême. Pour être franche, je crois pas pouvoir l'expliquer avec des mots.

Du coup, pourquoi est-ce que t'essayes de le faire alors ?

Alors qu'il pensait ça, Anzai remplit sa bouche avec des pâtes de couleur orange mais dont le goût était impossible à obtenir avec du ketchup.

— Qu'est-ce que t'as vu ?

— Je viens de te dire que c'était indescriptible. Ou plutôt, je pourrais essayer, mais ça ferait trop stéréotypé pour décrire en substance ce que c'était.

— C'était un crime ? Un objet ? Un phénomène ? Une personne ?

Même Anzai n'était pas certain d'où sortaient ces catégories. Néanmoins, cela semblait aider Kozue. Plutôt que de dire ce que c'était, elle pouvait procéder par élimination.

— C'était pas un crime. Tout du moins, je crois pas qu'il y avait quoi que ce soit d'illégal là-dedans.

— Dans ce cas, est-ce que c'était un scandale impliquant une célébrité ou un phénomène inattendu comme un chien debout sur ses deux pattes arrière.

— Oh !! C'est exactement ça. Si je devais choisir entre tout ça, je dirais un phénomène inattendu !!

— ... Pourquoi tu dis que c'est « exactement ça » alors que tu dois en « choisir un entre tous » ? J'ai l'impression que c'est le bordel.

— Un chien se tenant sur ses deux pattes arrière n'est pas un souci en soi. Quelque chose de normal faisant quelque chose d'anormal est à peine étonnant. Mais comment tu qualifierais quelque chose d'anormal faisant quelque chose d'anormal ?

— C'est un peu trop vague. J'arrive pas à suivre.

— Oui, exactement. Mais c'est pas de ta faute. Je me répète, mais c'est juste que ce que j'ai vu était trop absurde. Il n'y a aucun souci avec ton imagination.

Elle l'avait réfuté, mais Anzai pouvait tout de même sentir qu'elle lui en voulait. Sans compter que sa pause déjeuner n'allait pas durer éternellement, alors il devait faire abstraction du goût et terminer son repas pour les nutriments et ne plus avoir faim.

Vu qu'il voulait se concentrer sur son repas, il tenta d'obtenir une réponse brève de Kozue.

— Alors c'était quoi au juste ?

— Je l'ignore.

— Tu peux pas au moins me donner un indice ? J'arriverais à rien sans point de départ.

— Mais je sais pas comment l'exprimer avec des mots.

— Pourquoi ne pas commencer par faire un résumé en mille mots ?

— Ça fait combien de pages manuscrites ça ?

— Deux et demie.

— Deux et demie, hein ?

— Mais je pense pas qu'il existe encore des gens pour faire ce genre de choses.

— C'est pas une synthèse de lecture, alors j'aurais du mal à écrire autant de mots.

— Ok, alors en cent mots ?

— Moins.

— Dans ce cas, fais-le en cinquante mots.

— Non, encore moins.

— Vingt-cinq mots ?

— J'ai vu une fée là-bas. Ça en fait combien ?

Hein ?

Avant qu'Anzai n'eut le temps d'exprimer sa surprise à haute voix, Kozue sembla la lire sur son visage.

Contrairement à une illuminée des OVNI, elle était visiblement parfaitement consciente que ce qu'elle disait allait à l'encontre du bon sens. Le visage de Kozue était rouge comme une tomate, mais le ton de sa voix ensuite donna l'impression qu'elle souhaitait que la moindre remarque soit dirigée vers la fée qu'elle avait vue.

— J-Je l'ai vue, alors j'y peux rien ! C'est pas comme si j'avais cherché à la voir !! Et pourtant, elle est passée l'air de rien devant moi, alors j'y peux vraiment rien, moi !! En fait, comment ça se fait que j'ai vu ça ?!

— Heiiin ?

— Et voilà, tu l'as dit, espèce de monstre !! T'es allé droit au but alors que j'essayais de monter une ligne de défense verbale !!

— Mais... une fée ? Heiiiin ?

— J'ai pris une photo avec mon portable.

— J'aimerais bien voir ça.

Hélas, la photo en question était tellement hors cadre qu'il était impossible de déterminer où elle avait été prise. Si on lui avait dit que c'était une photo pour un test de Rorschach, il l'aurait cru.

— ... Hein ?

— Maintenant, je sais exactement à quel point ça fait mal d'hésiter puis de voir quelqu'un ne pas te croire ! Mais on n'y peut rien. Ça a duré un instant. J'ai l'impression d'avoir réagi assez rapidement pour sortir de suite mon portable, le mettre en mode photo et appuyer sur le déclencheur.

Mais quelle était cette fée dont elle parlait ?

À quoi elle ressemblait au juste ?

— Elle était environ — voilà — de cette taille. Haute comme ces baguettes.

— Je vois, je vois.

— C'était une fille... je crois. Vu la différence de taille, pas sûre que l'échelle soit la même, mais elle avait le visage d'une fille de 10 ans.

— Hum...

— Elle portait des vêtements verts.

— ...

— Elle n'avait pas d'ailes de libellule, mais c'était sans conteste une fée. C'est l'impression qu'elle m'a donnée. Si cent personnes l'avaient vue, ils auraient tous dit que c'était une fée.

— ... Zzz.

— Haa.

Kozue sépara les baguettes, saisit l'oignon vert dans son udon de tanuki, et le lança sur le front d'Anzai.

— Geshculotteverteeeehhhh !! Chaud... C'est chaud !!

— T'as dit culotte dans le tas, non ?

Mais quoi qu'on en dise, les gens du 21è siècle n'allaient pas croire si facilement ce genre de choses. Cette époque était révolue. C'était exactement la même chose que pour ces clichés de poltergeist qui avaient rapidement disparu de la circulation une fois que les photos digitales firent leur apparition. C'était la même chose que quand certaines personnes n'avaient aucun mal à parler de la femme à la bouche fendue[1] avec les autres. C'était juste que ça paraissait stupide de se laisser embarquer dans ce genre de choses. Ça sonnait tellement vieux et passé de mode.

Pour toutes ces raisons, Kyôsuke Anzai ne croyait pas un traître mot de ce que lui avait dit Kozue.

100% étant le maximum, il y croyait à 0%.

C'est très important, alors tâchez de vous en souvenir.

Oui.

Pour l'instant, c'était 0%.

Partie 4[edit]

Tiens, bizarre.

Cette pensée lui traversa l'esprit juste à la fin des cours alors qu'il songeait se rendre à la supérette du coin pour acheter un bentô pour le dîner.

Il possédait un téléphone portable, mais n'avait pas de smartphone. Il avait gagné un mini ordinateur portable (qui faisait la taille d'une trousse de maquillage) à une loterie du quartier commerçant, alors il n'avait pas besoin d'un autre petit appareil pour accéder à internet.

Le fond d'écran était une photo prise lors des dernières vacances d'été quand lui et plusieurs personnes de son immeuble avaient aidé des enfants pour un projet. Si sa mémoire était bonne, c'était une fusée à eau pour un devoir d'été. Évidemment, tout le monde avait terminé trempé. Une des personnes qui avaient aidé était une fille aux cheveux blancs d'une douzaine d'années qui avait emménagé il y a peu de temps. Il avait toujours gardé contact avec elle par téléphone, mais il ne parvenait jamais à la contacter de lui-même pour une raison ou une autre.

Soudain, une petite fenêtre rouge apparut en bas à gauche du petit écran.

Le texte suivant s'y trouvait :

« Code malicieux 'Int.worm/Gold_Stealer' détecté. »

« Réparer. »

« Cliquer pour plus de détails. »

— ...

En soit, ça n'avait rien de bien étrange. En fait, être infecté par un virus informatique était une chose, mais quiconque ayant un accès presque constant à internet avait déjà eu à affaire à ce genre de messages.

Le problème venait du nom.

Alors qu'Anzai se sentait un peu mal à l'aise, Kozue (qui s'était approchée de lui à un moment ou un autre) lui murmura à l'oreille.

— ... Ce nom me dit quelque chose.

— Quoi ?!

— Ce nom me dit quelque chose. Gold Stealer.... C'était pas dans le sondage du prof là ? Je crois qu'il y avait une histoire de virus informatique à l'apparence d'une ninja.

— ... Une seconde, t'as même des cours dans ce bâtiment ?

— C'est du détail ça, dit-elle doucement avant de pointer du doigt la petite fenêtre de son menu doigt. Ça par contre, c'est autre chose. C'est quoi ça ? Je vois une fée et toi, tu chopes un virus...

— Non, attends. Y'a aucun rapport là... Une seconde, ou peut-être que si ?

Anzai se souvint qu'il y avait également une histoire avec une petite fée vêtue de vêtements verts dans l'un des court-métrages du sondage du professeur. L'histoire parlait de la création d'un lit cercueil.

— Mais une fée, c'est comme un fantôme ou un alien. Là, c'est juste un virus. En fait, peut-être que le prof a basé son histoire sur un virus existant vraiment.

— Je viens de faire une recherche sur internet avec mon portable, mais j'ai pas pu trouver la moindre trace de virus s'appelant Gold_Stealer. Il arrête pas de me dire de vérifier ma saisie et me propose d'autres noms. Ça me soûle.

— N'importe quoi, dit Anzai en fronçant des sourcils. Les virus ont pas de nom officiel de toute façon, non ? Peut-être que c'est juste le nom que lui a donné la société qui a développé mon antivirus. Vu que le programme l'a détecté et l'appelle comme ça, je vois que ça.

— Mais je trouve rien sur le net, quoi que je tape.

— Quoi...?

Anzai se rendit sur le site officiel du développeur avec son ordinateur portable et entra le nom du virus dans le champ recherche.

Mais aucun résultat n'apparut.

— ... Alors c'est quoi cette popup ?

— Oui, je me demande bien. Hihi. C'est pas aussi marquant que la fée que j'ai vue, mais on peut toujours appeler ça un phénomène paranormal absurde. Hihi.

— Pourquoi t'as l'air aussi triomphante ?

— M-Mais pas du tout, voyons !!

— C'est louche. Ça serait pas toi qui m'as envoyé ça pour me jouer des tours ?

— N'importe quoi ! Tu te sers de moi comme bouc-émissaire pour garder les pieds sur terre ?!

— Si tu l'as ajouté à la liste des malware de mon antivirus, il devrait montrer une pop-up indiquant qu'il a détecté le virus Gold Stealer. C'est bien plus réaliste que de croire qu'un virus semblable à une IA tout droit sortie de manga existe vraiment. Et t'es la seule à y gagner dans l'affaire.

— N'importe quoiiii !! Et puis, je trouve cette histoire de hackage ultra hightech dont tu parles encore plus absurde qu'une fée !!

Kozue continua à protester, mais Anzai s'en fichait. Il rangea son ordinateur dans son sac et se rendit à la supérette pour acheter un repas bon marché.

Hélas, le deuxième phénomène absurde arriva dès qu'il eut quitté la salle pour le couloir.

Il vit des flèches.

Des flèches de toutes les couleurs pointaient vers des chemins différents dans le couloir.

— ... Y'avait ça dans les court-métrages aussi, non ?

— Quoi encore ?

— Je crois que les flèches indiquent quel genre de destin t'attend. Comme des comédies romantiques ou des atrocités.

Cependant, il se refusa d'y croire.

Une seconde, l'histoire disait qu'il fallait une sorte d'implant installé dans le cerveau pour les voir, non ?! Ça fait flipper ! J'accepterai jamais que ce soit vrai !!

Le cerveau d'Anzai s'opposa à cette idée de toutes ses forces. C'était similaire à cette façon de penser qui conduit à se faire dépister un cancer trop tard. Sa peur lui barrait la route.

— Je te demandais comment tu allais expliquer ça.

— Q-Quelqu'un les a peintes pour faire une mauvaise blague. Regarde, ça crève les yeux quand on regarde cette flèche rouge.

— Elle est noire pour moi.

— Alors c'est que t'as pété un câble.

— N'importe quoi ! Me rabaisse pas juste pour trouver une explication rationnelle à tout ça !!

— J'y crois pas, donc peu importe. M'en fiche de suivre telle ou telle flèche. C'est juste une coïncidence si je me retrouve à suivre les flèches roses de comédie romantique !! cria Anzai en traversant le couloir en courant.

Mais le phénomène absurde suivant l'attendit pas moins de quinze secondes plus tard.

Des cornes rondes de chèvres.

De fines ailes de chauve-souris.

Une queue pointue en forme de flèche.

Une petite fille avec tous ces attributs et vêtue d'un costume en cuir traversa le couloir.

— Ce-C'est quoi ce biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinzzzzz ?!!!

Il l'avait déjà vue quelque part.

Elle était apparue dans le court-métrage sur le héros et le roi démon.

Mais à cause de ce que cela sous-entendait, la partie logique du cerveau d'Anzai réfuta complètement cette idée.

Ce n'était pas un virus informatique ou un implant cérébral. C'était de la pure fantaisie. Il fut pris d'assaut par un sentiment de rejet différent d'auparavant.

— Quoi encore ? demanda Kozue.

À un moment, c'était elle qui s'était mise à poser les questions.

— Comment tu vas décrire la scène que tu viens juste de voir ?

— Le club de théâtre ?

— Je vois que tu refuses de te faire une raison. Mais comment ils ont fait pour faire bouger ses ailes de façon aussi réaliste comme ça ?

— Heiiin ? C-C'était si réaliste que ça ? J'ai cru que c'était du polystyrène... Hé... héhéhé...

— Maintenant, tu refais l'histoire juste parce que y'a aucune preuve du contraire ?!

Par la suite, ils croisèrent le chemin d'une plante carnivore suffisamment grande pour avaler un humain entier, une ninja dotée de technologie futuriste, une déesse japonaise jalouse, un chef de sushis borné, et d'autres absurdités. Par contre, Anzai refusait de croire en leur existence. Purement et simplement. Avec cet état d'esprit désespéré, Anzai trouva une explication rationnelle pour chacune d'entre elles. Il avait peur de croire ne serait-ce qu'à l'une d'elles parce qu'il sentait qu'il allait être aspiré dans un monde fantastique parallèle sinon.

Exaspérée, Kozue dit :

— Je trouve que c'est pas terrible de les expliquer en se voilant la face. Tu t'es servi de la même explication pour la majorité d'entre eux.

— Si seulement c'était un montage vidéo, je pourrais dire que c'était des effets spéciaux. C'est chiant de voir ça en personne.

— Tu peux sûrement arriver à tous les expliquer un à un, mais comment t'expliques qu'ils collent tous ensemble ? Pourquoi le club de théâtre se déguiserait et jouerait la comédie rien que pour te jouer un tour ?

— Euh... Hum...

— Si t'es pas fichu d'expliquer ça, alors toutes tes théories tombent à l'eau. Hihi. Et du coup, t'aurais pas le choix que de me croire au sujet de la fée. Hihi.

— P-Peut-être que tout ça fait partie du plan du prof et que tout ça n'est qu'une expérience psychologique centrée sur ce sondage.

— Oh ?

— Ou peut-être que ce genre de choses arrive fréquemment autour du prof, alors il a fait des court-métrages basés sur elles pour voir si cela allait affecter d'autres personnes ou comment elles le supporteraient... Hein ?!

— Je vois. Hihi.

— Non ! Ça remet pas en cause l'hypothèse de départ !! Ces absurdités n'existent pas ! Pas du tout !! Baser des court-métrages sur quelque chose qui n'existe pas n'explique pas ça ! L'explication la plus simple à tout ça serait que c'est toi qui es derrière tout ça, Kozue !!

— Tu pourrais arrêter de me filer le rôle du méchant de service dès que t'es à court d'idées ?!

Anzai s'efforça de se concentrer sur l'objectif réaliste du bentô de supérette, alors il n'avait pas d'autres choix que de nier en bloc toutes ces digressions psychédéliques. Il avait le sentiment que le fait qu'il « n'avait pas d'autre choix » que de refuser d'y croire signifiait qu'il était acculé, mais il ne voulait pas y faire face.

S'il le faisait, il sentait que son cerveau allait être submergé par des pensées obscures du style « Le chat du voisin est de mauvais poil ces derniers temps → Ce serait lié à la disparition du continent de Mu ?! → Le Japon est menacé lui aussi !! »

C'était pour cette raison qu'il niait tout en bloc.

Il pouvait sentir que ses explications ne tenaient pas bien la route, mais il devait malgré tout tenir bon.

Il était presque sûr que les ailes du roi démon n'étaient pas en polystyrène, mais il devait le nier quand même.

Anzai (et Kozue qui le suivait pour une raison ou une autre) finit par sortir du bâtiment. Hélas...

— Quoi encore ?

— ...

Anzai sentit un immense souffle d'air.

Néanmoins, ce n'était pas le vent qui soufflait. Il était produit par un gigantesque objet en mouvement. Anzai avait la même sensation que quand un métro approchait du quai.

Il était causé par...

Ce qu'Anzai voyait marchait entre les bâtiments par-delà le campus...

— Comment t'expliques ça ?

— ... C'est seulement apparu l'espace d'un instant.

— Comment tu vas faire pour nier ça ?

— C'est apparu un instant dans l'histoire impliquant une magical girl et des héros en collant ! Dur de dire ce que c'est !! Ça aurait été plus simple si ça avait simplement été la magical girl !!

— Ça ressemble pour sûr à un géant combiné à un robot pour moi. Je vois pas d'autres façons de le décrire.

— ...

Le robot regardait dans leur direction avec des bruits de moteurs.

Visiblement, il allait bientôt se diriger vers le campus universitaire.

Il devait trouver une explication.

N'importe laquelle ferait l'affaire. Des effets spéciaux, un tas de boites en carton, ou même une nouvelle arme de l'armée. Il devait trouver une raison pour expliquer qu'il voyait (quelque chose comme) un robot de vingt mètres de haut marchant vers lui.

— Je vois pas comment expliquer ça.

— Si, je peux le faire !! Dans un sens, j'ai envie de nier l'existence de robots géants encore plus que celle des fées !! Si c'est vrai, il va y avoir tout un tas de questions au sujet de leur design comme comment quelque chose d'aussi gros peut marcher sur deux jambes, alors c'est plus simple de le nier !!!

— Je vois toujours pas comment tu vas faire ça. Je mets les voiles, mais je vais te donner le moyen le plus rapide de nier son existence.

— Ah oui ? Lequel ?

— Laisse-le te marcher dessus. Si tu te fais pas écraser, t'auras la preuve qu'il est fait en carton ou en polystyrène. Et du coup, je suis sûre que tu pourras sans mal nier son existence.


  1. Se réfère à une histoire issue de la mythologie japonaise, ainsi qu'à la version moderne de la légende urbaine d'une femme défigurée par un mari jaloux, et changée en un esprit malin avide de reproduire par vengeance, le même acte dont elle a été victime.