Un Simple Sondage : Volume 2 - La Faucheuse 03

From Baka-Tsuki
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Jeu de la Faucheuse 03 : Retournement[edit]

Partie 1[edit]

Ils s'approchèrent de la porte en barreaux métalliques qui bloquait le passage, insérèrent la clé nouvellement acquise dans la serrure et la tourna.

— C'est ouvert ! cria Kazakami dans son uniforme de travail.

Ils passèrent tous par la porte et continuèrent à avancer.

Le bloc opératoire avait plus ou moins confirmé leurs doutes, mais ils étaient bel et bien dans un hôpital. Ils trouvèrent des chambres d'hôpital, des salles de bain, un poste d'infirmière et un bureau médical. Il y avait une dizaine de chambres d'hôpital et ils pouvaient sentir leur tension s'évanouir pendant qu'ils fouillaient ces dernières une à une. Même dans cette situation, c'était une tâche fastidieuse.

Les différents types de pièces fournirent un grand éventail d'objets. Cependant, ils étaient tous quelque chose de normal dans un hôpital. Les salles carrées avec le minimum syndical étaient bien plus étranges.

— Cet extincteur pourrait servir d'arme.

— Hé, je crois que ces lampadaires pourraient faire office d'épées en bois.

Kazakami et Matsumi sélectionnaient objet après objet et vérifiaient le poids et la sensation avec une voix quelque peu enjouée. Ils étaient à la recherche d'armes. Pour Hiyama, c'était moins dû au fait qu'ils cherchaient à se protéger qu'aux pièces plus normales et en pagaille qui leur avaient remonté le moral après tant de zones vides.

Et elle soupira de façon à ce que personne ne le remarque.

Puis, elle murmura prudemment dans l'oreille de Higashikawa.

— (Qu'est-ce que t'en penses ?)

— (Je sais que c'est risqué. On a besoin d'armes pour faire face à nos ennemis, mais on deviendra tous ennemis l'un de l'autre si le groupe venait à imploser. Si ça arrive, on pourrait s'en tirer si on n'est pas armés, mais dans le cas contraire, ça pourrait faire dégénérer la situation. D'un autre côté, ajouta Higashikawa, on peut pas les empêcher de prendre une arme s'ils en veulent une. Sinon, ça risquerait de causer des tensions dans le groupe.)

Hiyama était entièrement d'accord.

Apparemment, les organisateurs leur avaient donnés quatre pistolets pendant l'attraction du bloc opératoire. S'ils étaient prêts à leur donner ces armes, qu'est-ce qu'on pouvait espérer d'un extincteur ou d'un lampadaire ? Et bien que ces armes ne suffisaient pas pour vaincre les organisateurs, elles pouvaient très bien fracasser le crâne d'un allié. Kazakami et Matsumi voulaient peut-être une arme plus par sentiment de sécurité que par usage pratique, mais aux yeux de Hiyama, ils choisissaient allégrement la voie suicidaire.

Elle aurait été d'accord s'ils avaient tenté de se constituer une protection comme un gilet pare-balle, mais pas ça.

Ça la frustrait de ne pas pouvoir s'y opposer même si elle savait que cela les mettait dans une position défavorable.

Comme Higashikawa l'avait dit, ils ne pouvaient pas forcer la main des autres s'ils voulaient maintenir le groupe. Et pourtant, les actions d'un seul d'entre eux pouvaient grandement affecter le destin du groupe tout entier.

— N'oubliez pas. Tout ça était vraisemblablement prévu. Les organisateurs veulent nous diviser. C'est comme l'histoire du vent du nord et du soleil[1]. Si on garde nos manteaux même après avoir autant transpiré, on gagnera.

— ... C'est vrai.

Hiyama n'était pas complètement d'accord, mais elle acquiesça malgré tout. Il n'était pas nécessaire de créer plus de fissures dans le groupe.

Elle pensait sérieusement que leurs chances de survie augmenteraient significativement s'ils n'étaient pas tout sur le même pied d'égalité.

Autrement dit...

Elle voulait qu'un leader fort prenne les rênes du groupe.

— ...

Elle entendit une gorge se nouer.

C'était la blonde aux yeux bleus. Malgré sa grande beauté, elle semblait encore plus hésitante à prendre la parole après l'attraction du bloc opératoire. Hiyama n'était pas présente, alors elle ignorait ce qu'avait vécu la femme.

— L'extincteur est sûrement plus puissant, mais la portée est plus importante en matière de sécurité. On ferait mieux de choisir ça.

Visiblement, Kazakami et Matsumi avaient décidé d'utiliser le lampadaire. Ils retirèrent l'abat-jour, arrachèrent le câble et tirèrent le bout de bois de 1,50 mètres de long.

Hiyama se sentit encore plus abattue.

Elle n'avait aucune confiance en sa capacité à s'entendre avec ces deux-là.

— Hé.

Hiyama avait à moitié ironiquement l'impression que Higashikawa était doué pour savoir parler à ces deux-là.

Elle sentait également que sa présence en tant qu'individu se diluait d'autant plus qu'il mettait en avant le groupe de cinq.

— Tu pourrais essayer de faire la même chose que tout à l'heure avec ces bâtons ?

— Hm ? Comment ça ?

— Les ascenseurs.

La raison pour laquelle Higashikawa incitait Kazakami et Matsumi dans cette direction était sûrement pour les empêcher de devenir violent si provoqués.

Ils subissaient un profond stress. On les avait forcés à prendre part à ces attractions absurdes. Si le frein venait à être retiré, cela pouvait commencer à déborder.

Et maintenant, ils avaient mis la main sur des armes de fortune. Si jamais ils perdaient le contrôle de leurs cœurs instables, beaucoup de facteurs pouvaient les mener à céder à la violence pour évacuer leur stress.

Si cela se matérialisait de façon à ce qu'ils s'acharnent sur un mur ou une porte, ce n'était pas un réel problème. Hélas, cette même violence pouvait se retourner contre un humain. Et la victime pouvait être Hiyama ou un des autres ayant encore toute sa tête.

Les cinq se dirigèrent vers les ascenseurs.

Le hall des ascenseurs près du poste des infirmières était petit, mais contenait néanmoins quatre ascenseurs normaux ainsi qu'un autre pour le transport.

Hélas, pour coller avec le thème de l'Hôpital de l'enfer, chaque ascenseur était complètement bloqué par des barreaux métalliques en demi-cercle. La forme inspirait une cage d'oiseau à Hiyama.

Ces barreaux métalliques avaient également des portes, mais elles étaient dotées d'un lecteur de cartes. La clé du bloc opératoire ne pouvait en ouvrir aucune.

Néanmoins...

— Et voilà...

Kazakami glissa le bâton en bois entre deux barreaux pour atteindre l'intérieur. Il essayait de presser le bouton de l'ascenseur.

Il y eut un déclic à chaque fois qu'il pressa dessus, mais il ne s'alluma pas.

— ... On dirait que ça marche pas.

— Mais si on parvenait à passer ces barreaux, vous croyez qu'on pourrait forcer l'ouverture des portes de l'ascenseur ? On n'est pas dans un film d'action, mais on pourrait essayer d'atteindre le premier étage en se servant des câbles de l'ascenseur.

— Mais on n'arrive pas à mettre la main sur la carte pour passer, dit Kazakami tout en piétinant le sol de frustration.

Hiyama sentit que c'était le signe qu'il prenait de plus en plus confiance dans son arme.

— On peut pas non plus utiliser les escaliers, coupa Matsumi tout en tenant son propre bâton. Allons par là. Il y avait deux escaliers de secours et ils étaient tous deux barrés par des barreaux métalliques. On pouvait ni monter ni descendre.

— On dirait que la clé du bloc opératoire nous a juste donné l'accès à cet étage. Tout d'abord, il y avait les cinq bombes et le mur. Puis, il y a eu les quatre pistolets et la clé. Maintenant, c'est un étage tout entier et plusieurs lecteurs de carte.

— J'espère qu'il y a pas de nombre limite de fois qu'on peut utiliser ces cartes et qu'on sera pas bloqués pour toujours si on prend pas la bonne porte.

— Les gens rampent dans les conduits d'aération dans les films d'action, non ?

Hiyama détestait leur façon de considérer toutes les suggestions puériles possibles et imaginables. Il était impossible qu'une chance pareille leur ait été laissée et pourtant, ils devaient tirer un lit dans le couloir, grimper dessus et retirer une des grilles d'un conduit.

Tout ça n'était qu'une perte de temps.

Pendant que Hiyama se disait ça, Higashikawa se tenait sur le lit avec Matsumi assise sur ses épaules pour regarder dans le conduit.

— Hmm, il fait bien trop sombre pour y voir grand-chose, mais c'est trop petit pour passer par là.

— D-Du coup, dit Rachel d'une voix faible comme pour surmonter son malaise. On a besoin de trouver la carte pour continuer ?

Hiyama n'en revenait pas qu'elle puisse penser ça.

L'ennemi avait préparé des pistolets et des bombes pour l'attraction. Avec des pièges aussi dévastateurs, il était possible de pouvoir retirer une partie des explosifs pour s'en servir eux-mêmes. Mais utiliser ça contre des barreaux métalliques serait complètement stupide. Hiyama n'en revenait pas que personne n'avait réalisé qu'il fallait détruire les murs ou le sol.

Mais Kazakami avait atteint ses propres limites. L'arme qu'il avait obtenue le rendait plus confiant, mais cela lui avait également fait perdre patience.

— Raaaaahhhh !! J'en peux plus de tout ça, j'en peux plus, j'en peux plus !! J'en ai ma claque ! Je peux pas continuer à faire ce qu'ils nous demandent encore et encore !!

— H-hé...

— J'ai dit que j'en avais ma claque !! Démerdez-vous sans moi. C'est comme ça que ça s'est passé pendant la dernière attraction, non ?! Continuez sans moi. L'un d'entre vous doit réussir l'attraction, c'est tout !!

Après cet emportement, Kazakami s'enfuit dans le sombre couloir avec son bâton en bois toujours en main. Higashikawa se mit à lui courir après, mais Hiyama le retint par l'épaule.

Elle murmura de façon à ce que Matsumi, l'autre personne armée, ne puisse pas entendre.

— (Laisse-le tranquille. Tu n'as pas envie de te casser un os ou pire sur un accès de colère, non ?)

Après une courte pause, ils entendirent des bruits de destruction au loin. Rachel se couvrit les oreilles avec les mains et s'accroupit. Kazakami était vraisemblablement en train de frapper sur tout ce qui l'entourait pour calmer son cœur au bord de l'implosion.

Il avait peut-être l'air d'être quelqu'un de fort, mais sa volonté était manifestement celle d'une personne faible.

Higashikawa posa une question avec le regard de quelqu'un face à une immense pile de linge sale :

— Q-Qu'est-ce qu'on fait alors ?

— Comme je l'ai dit, laisse-le tranquille. Il va s'épuiser bien assez vite. Et à ce moment-là, il retrouvera ses sens et réalisera que c'était inutile.

Mais ce ne fut seulement que l'espace d'un bref instant avant que le sang ne lui monte à nouveau à la tête.

Partie 2[edit]

Malgré les prévisions de Hiyama, les bruits de destructions continuèrent pendant un bon moment par-delà l'obscurité. Kazakami devait avoir encore un peu de forces restantes. Hiyama fut froidement impressionnée qu'il puisse continuer son saccage sans en avoir marre.

Elle avait toujours désiré observer les actions violentes de près. Elle avait été surprise de découvrir que ce n'était pas le cas des gens dans son entourage. Il paraissait normal que les champs de vision des gens se rétrécissaient quand ils sentaient le danger et quand ils perdaient leur capacité à garder la tête froide.

Elle avait toujours eu l'impression que cela diminuait en fait les chances de survie.

Et pour elle, c'était comme si cet état de fait perdurait toujours depuis qu'elle avait été forcée de prendre part à ces attractions. Elle se sentait désagréablement concentrée. Cela lui rappelait les moments où elle était fatiguée mais n'arrivait pas à dormir.

Elle n'était normalement pas une personne aussi froide.

Ou du moins, elle voulait le croire.

Les quatre personnes restantes étaient assises sur le sol, adossée contre le mur, ou avait pris une position confortable pour reprendre des forces. Personne ne l'avait suggéré, mais ils s'étaient tous naturellement mis à le faire.

— Dites, demanda Higashikawa.

— Quoi ?

— J'ai aucune idée de l'objectif des organisateurs, mais ils doivent nous surveiller en permanence, non ? D'après vous, ils font ça comment ?

— Ils ont sûrement des caméras, des micros, ou autres capteurs.

— Mais ils sont où ? J'ai pas vu la moindre caméra de surveillance...

— Bah, coupa apathiquement Matsumi, tu vois les lentilles des smartphones ? Elles sont pratiquement de la taille d'une épingle. Ils peuvent en cacher presque n'importe où. Même si on en trouvait une ou deux, on pourrait jamais toutes les détruire. Et ils auraient même pu dissimuler un petit appareil GPS sur nous.

— ...

Toujours accroupie sur le sol, Rachel jeta un œil en direction de Matsumi, mais détourna ensuite le regard sans rien dire.

Higashikawa s'en était visiblement rendu compte, mais il s'assura de maintenir le flot de la conversation.

— Si on se servait de peinture pour recouvrir les murs et le sol, tu crois qu'on pourrait rendre inopérantes toutes les mini caméra qu'ils ont installées ?

— C'est une bonne idée. Et je suis vraiment d'humeur à peindre des graffitis en plus de ça.

À ce moment-là, les bruits de destruction s'arrêtèrent soudain.

Hiyama et les autres s'échangèrent un regard.

— ... Il a fini ?

— J'espère bien, mais et si les organisateurs étaient entrés en action ? dit Hiyama avec une voix qui la fit elle-même trembler.

Rachel sursauta de peur en entendant ces paroles. Avec cette réaction, elle avait peut-être pensé que Hiyama voulait en fait que ça soit vraiment le cas.

Mais...

Hiyama ne pouvait pas nier que cela ne la dérangerait pas.

Enfin, ils entendirent les bruits de pas de quelqu'un marchant dans le couloir sombre.

Était-ce Kazakami ?

Ou était-ce l'organisatrice ?

Ils avaient tous les yeux rivés sur l'obscurité et aperçurent...

— ... Salut.

C'était Kazakami.

Il était plein de sueur et semblait avoir compris la leçon.

— Je crois... enfin... désolé. J'ai dit beaucoup de choses... mais c'était pas sincère. Travaillons ensemble pour nous échapper d'ici. Je me plaindrai plus.

Il mentait.

Hiyama en était convaincue.

Mais comme elle s'y attendait, Higashikawa l'accepta avec un sourire légèrement coincé. Hiyama ressentit un mal de tête arriver alors qu'elle poussa un léger soupir et prit la parole de façon la moins menaçante possible.

— T'as une minute à m'accorder ?

— Quoi ?

— Je me souviens avoir vu du fil électrique sur le chemin là-bas. C'était dans un placard à balai dans le bureau médical. Je doute que ça puisse servir pour crocheter une serrure, mais on ne sait jamais. Je vais aller le chercher.

— Dans ce cas...

Avant que Higashikawa ne puisse dire quelque chose de coopératif, Hiyama plaça son index devant ses lèvres.

— Je m'en sortirai toute seule. Les organisateurs n'ont pas pointé le bout de leur nez malgré son saccage. Et il n'a pas activé le moindre piège non plus.

Kazakami ne devait avoir réalisé cette possibilité que maintenant car son visage devint rapidement livide, mais Hiyama s'en fichait.

Elle fit un petit geste de la main et descendit le couloir.

En réalité, elle s'en fichait du fil de fer.

Elle voulait un peu de temps pour réfléchir seule.

Elle devait méditer sur la possibilité de vraiment pouvoir réussir les attractions à venir avec ce groupe.

Partie 3[edit]

Hiyama était une personne relativement parfaite.

Une partie de ça venait naturellement d'elle et l'autre était une façade intentionnelle. Il était rare pour quelqu'un de n'avoir que l'une ou l'autre. Dans le cas de Hiyama, elle avait des objectifs précis en tête et travaillait pour les atteindre.

Cela se voyait dans son parcours scolaire, son emploi et ses qualifications.

Et cela ne se limitait pas à ce qui était écrit noir sur blanc sur un formulaire. Certaines catégories étaient plus approximatives telles que ses relations personnelles, son tour de poitrine, la douceur de sa peau et son régime alimentaire. Elle recherchait la perfection dans tout ce qu'elle pouvait imaginer à sa portée. Elle était sans cesse en quête de perfection. Certains pouvaient voir ça comme une sorte de maladie.

La principale force motrice de sa recherche de la perfection tirait sa source dans les mots d'une certaine « malédiction ».

— ... C'est quelque chose, marmonna-t-elle choquée dans le sombre couloir.

Le papier peint avait été partiellement déchiré et même la fenêtre protégée par des barreaux métalliques avait été brisée. La majorité des néons éteints avaient été cassés. Face à un tel chaos, n'importe qui penserait qu'une émeute avait eu lieu. Hiyama se mit encore plus sur ses gardes quand elle vit ce que cet homme avait pu faire tout seul.

Mais elle ne craignait pas sa force.

Elle avait peur du fait qu'il n'en avait pas eu assez avant d'avoir tout détruit de fond en comble.

— Quel taré, pesta-t-elle.

Néanmoins, ses paroles étaient étonnamment calmes et manquaient de réelles émotions. Certains auraient ressenti ces mots comme étant plus durs que s'ils avaient été emplis de haine ou de mépris manifeste.

Et c'est alors que...

La malédiction vint.

Elle ignorait si elle s'échappait de l'obscurité ou d'elle-même, mais la malédiction qui la faisait soudain souffrir était arrivée.

. C'est elle, hein ?

On n'y rien.

Ce parcours horrible que tu trouves pas ?

— ...!!

Elle entendit un drôle de bruit. Bien qu'elle était censée être particulièrement calme, il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser que c'était le bruit de sa main en train d'agripper son visage.

Et pourtant, la malédiction ne voulait pas s'arrêter.

Une fois qu'elle avait commencé à sortir, elle n'allait pas s'arrêter avant d'avoir inondé le cœur de Hiyama.

Après tout, les dirlos de la fac et même que a dit .

Le dernier ce parcours cette fille se trompe.

Ou même devenu . J'ai même entendu un mondial.

Hiyama n'allait pas perdre le contrôle.

Elle n'était pas du genre à imposer ses problèmes aux autres comme Kazakami.

Elle continua à prendre de brèves inspirations pendant une vingtaine de secondes tout en stabilisant son esprit. Elle pouvait sentir les battements de son cœur lentement retourner à la normale.

Allez-vous en. Allez-vous en, tous autant que vous êtes.

Traiter la famille d'un criminel de la même façon que le criminel était un terrible préjugé, mais cette malédiction était encore pire que ça. Elle ne voulait pas se rappeler de ce qui avait suggéré cette idée, mais cela paraissait insensé de faire un tel lien juste parce que le « parcours » de quelqu'un (son lieu de naissance, son milieu de vie, etc.) était similaire à celui d'un criminel historique. Prétendre ça revenait à dire qu'un mangeur de viande était un tueur en série ou que quelqu'un mettant trois morceaux de sucre dans son café était un violeur en puissance.

Elle voulait la nier.

Elle voulait nier cette malédiction.

Néanmoins, elle n'avait aucune intention de débattre avec quelqu'un qui l'avait prise pour cible. Une dispute inutile aurait été exactement ce qu'il recherchait. Et n'importe quel témoin n'aurait pas à réfléchir bien longtemps pour savoir qui avait raison. Elle ne portait aucun intérêt aux débats stériles. Sa « contre-attaque » devait être bien plus efficace.

— ... Franchement.

Après avoir fini par repousser la malédiction naissante, Hiyama parvint calmement à une conclusion.

En deux mots, elle détestait les gens comme Kazakami.

D'ailleurs, les organisateurs avaient vraisemblablement choisi les participants en sachant sciemment que Hiyama ressentait ça. Après tout, ils voulaient regarder des gens lutter douloureusement. Elle ignorait comment ils s'y étaient pris, mais cela ne la surprenait pas qu'ils aient analysé les personnalités de chacun et formé un groupe qui aurait du mal à rester soudé.

En fait, ils n'avaient aucune raison de sélectionner des gens qui pouvaient travailler main dans la main.

— ...

Elle ne devait pas se laisser manipuler.

Elle devait rester calme.

Elle ne devait laisser aucune malveillance s'insinuer en elle.

Elle devait rester elle-même.

Les attractions dont les organisateurs les forçaient à prendre part étaient absurdes à l'extrême. Ils n'allaient que se moquer de leurs pathétiques résultats s'ils venaient à céder et agir sans réfléchir. Elle ne devait pas se laisser aller comme ils l'entendaient. Elle allait aller à contre-courant des attentes des organisateurs qui avaient soi-disant la situation sous contrôle. Elle allait surmonter tous les problèmes qui se dresseraient sur son chemin. Elle allait trouver une faille et en profiter. Elle allait rentrer chez elle, saine et sauve.

Et elle avait besoin d'aide pour s'enfuir.

Elle avait besoin de cette aide même si la seule option qui s'offrait à elle était des minables qui ne feraient que lui mettre des bâtons dans les roues.

— Je m'en sortirai, marmonna Hiyama.

Elle en était arrivée à cette conclusion pour le moment. Elle devait retourner au hall des ascenseurs où Higashikawa et les autres se trouvaient, mais elle avait prétendu être partie chercher un rouleau de fil de fer dans le placard à balai du bureau médical.

C'était pénible, mais Hiyama se dirigea vers le bureau médical.

Mais alors...

— ...?

Elle entendit un craquement. Quand Kazakami avait brisé la fenêtre derrière les barreaux avec son bâton en bois, les éclats de verre s'étaient éparpillés sur le sol sombre. Elle avait marché sur un de ces éclats avec ses ballerines. Celui-ci était trop petit pour transpercer la semelle.

Mais Hiyama ne regardait pas le sol.

Au lieu de ça...

— Comment ça se fait...?

Partie 4[edit]

Hiyama ne revenait pas.

Higashikawa et les autres n'avaient pas de montre, alors ils avaient au début considéré que leur perception du temps était déphasée. Ils s'étaient dit qu'il ne s'était écoulé que quelques minutes et que la tension constante les avait rendues plus longues.

Mais ils finirent par se dire que quelque chose clochait.

— Dites, dit Kazakami, elle s'appelle Hiyama, pas vrai ? Enfin, jusqu'où elle est allée ?

— Elle peut pas être bien loin. On est bloqués par ces barreaux.

Dans ce cas, pourquoi mettait-elle autant de temps ?

Aucun d'entre eux ne répondit à cette question.

— ... Qu'est-ce qu'on fait ? On devrait partir à sa rencontre, non ? suggéra Higashikawa.

Mais Matsumi fronça les sourcils de l'endroit où elle était assise et répondit :

— On n'est pas obligés. Peut-être qu'elle voulait juste être seule. Ou peut-être bien qu'elle est partie aux toilettes.

— Hum... dit Rachel en étant accroupie et en évitant de regarder en direction de Matsumi. Et si Hiyama-san avait trouvé une sortie ? Si c'est le cas...

Elle ne revenait pas.

Cela paraissait une bonne chose si on se disait qu'elle était partie en éclaireur toute seule.

Néanmoins, on pouvait également se dire qu'elle avait laissé tomber les quatre autres en se dirigeant vers la sortie.

Kazakami devint soucieux.

— U-une petite minute !! Dans ce cas, il faut qu'on se dépêche. Hiyama va tout garder pour elle.

— Garder tout quoi...?

— Tu crois vraiment que les organisateurs laisseraient la sortie ouverte ? Ils pourraient faire passer la première personne et refermer la porte derrière elle !! Et si la carte pouvait être utilisée qu'une seule fois ?!

Rien de tout ça n'était arrivé lors de la précédente attraction et ils pouvaient tous passer par la porte même si la carte ne pouvait être utilisée qu'une fois, mais Kazakami était submergé par le danger qu'il avait lui-même imaginé.

Kazakami s'était mis à inconsciemment agiter un peu son arme, alors Higashikawa accepta de partir à la recherche de Hiyama plutôt que d'essayer de raisonner l'homme. Par contre, il ne pensait pas qu'il existait de sortie aussi opportune.

— Je viens pas, dit sèchement Matsumi qui avait sa propre arme.

Tout le monde se tourna vers Rachel.

Elle sursauta légèrement, mais se leva avec hésitation.

À en juger de ses précédentes déclarations et actions, elle ne semblait pas être du genre à affronter le danger, mais Higashikawa supputa qu'elle avait peur de rester seule avec Matsumi et son arme.

Personne n'était mort dans l'attraction du bloc opératoire, mais cela avait tout de même dû être un choc pour elle.

— Dans ce cas, allons-y. Matsumi-chan, c'est ça ? S'il se passe quoi que ce soit, crie.

— Bien sûr. Et je te permets pas d'utiliser « -chan » avec moi.

Matsumi se fichait de la sollicitude de Kazakami, alors elle se contenta de regarder les trois s'engager dans le couloir.

En se faisant, l'homme en uniforme de travail se mit à marmonner quelque chose.

— 'Tain. Hiyama va le payer si elle est partie sans nous...

Comme tout le monde, Hiyama devait vouloir autant de survivants que possible, mais cette idée semblait complètement portée disparue de la logique de Kazakami.

Higashikawa sentit quelque chose de bizarre dans son dos.

Rachel s'agrippait nerveusement à ses vêtements. Pourtant, Higashikawa doutait avoir fait quoi que ce soit pour qu'elle le perçoit sous un angle favorable. Hiyama avait disparu et Matsumi et Kazakami tenaient des armes menaçantes. La seule personne sûre dans les alentours se trouvait simplement être Higashikawa.

Ils aperçurent une silhouette à une quinzaine de mètres plus loin dans le couloir.

Il faisait trop sombre pour discerner quoi que ce soit précisément, mais du verre était éparpillé sur le sol à l'endroit où Kazakami s'était déchaîné. Une silhouette féminine était visible au milieu. C'était manifestement Hiyama.

Cependant...

La silhouette n'était pas debout.

Elle était allongée sur le sol couvert de morceaux de verre.

Tous les trois étaient confus.

Cette confusion était bien entendu partiellement due au fait que Hiyama était immobile sur le sol au milieu d'éclats de verre.

Mais ce n'était pas tout.

L'autre silhouette agitant un extincteur en l'air juste à côté de Hiyama était encore plus inattendue.

Rachel poussa un cri de toutes ses forces.

La personne à l'extincteur se tourna dans leur direction.

Ils purent désormais apercevoir qui c'était.

— L'organisatrice...!! cria Kazakami.

La femme tourna la tête vers le groupe de Higashikawa puis vers Hiyama avant de jeter l'extincteur et de prendre ses jambes à son cou.

— Attends !!

C'était bien entendu Kazakami qui fut le premier à crier et à se mettre à sa poursuite. Son arme n'était rien de plus qu'un lampadaire, mais c'était suffisant pour changer son état d'esprit. Il réussit à se frayer un chemin dans l'obscurité où avait disparu l'organisatrice.

Higashikawa commença par se diriger vers Hiyama, mais Rachel tira fermement sur ses vêtements.

Il se retourna et elle secoua la tête.

Il comprenait où elle voulait en venir.

Après avoir senti même la plus subtile des violence, elle ne voulait pas s'approcher. Elle n'en pouvait plus. Higashikawa ressentait la même chose.

Néanmoins...

— Peut-être qu'elle n'est pas encore morte. On pourrait la sauver.

Rachel lâcha lentement les vêtements de Higashikawa, le libérant ainsi de sa prise.

Il accourut au chevet de Hiyama, mais Rachel ne le suivit pas.

Le couloir était suffisamment sombre pour qu'il ne puisse pas voir ses blessures en détails. Mais à sa silhouette, elle n'avait au moins pas de fracture, son crâne n'avait pas été enfoncé et elle ne semblait avoir aucune blessure apparente.

— Ça va ? Hé, tu m'entends ?!

L'organisatrice avait utilisé un extincteur. C'était une arme contendante. Elle avait vraisemblablement visé la tête. Higashikawa ne savait pas s'il devait la secouer, alors il se contenta de crier. Il voulait la soigner, mais il ignorait ce qu'il était censé faire pour un coup à la tête.

Il doutait que la refroidir avec de la glace ou une compresse était bien utile dans une situation de vie ou de mort.

— Ukh...

Après que Higashikawa ait crié pendant quelque temps, Hiyama finit par pousser un gémissement.

Mais elle ne se releva pas.

Elle avait peut-être une commotion cérébrale.

Mais c'est alors que Higashikawa entendit un cri en direction de là où l'organisatrice et Kazakami avaient disparu.

C'était une voix masculine.

— Merde !! Qu'est-ce qui se passe ?! cria Kazakami d'une voix agacée.

L'organisatrice qui contrôlait les attractions s'était peut-être débattue. Ou il était tombé dans un piège.

Higashikawa voulait qu'ils rentrent tous chez eux en un seul morceau.

Il ne voulait pas abandonner Hiyama, mais il ne pouvait pas ignorer Kazakami si sa vie était en danger.

— Rachel, Rachel !

Quand il cria son nom frénétiquement, la blonde aux yeux bleus sursauta tout en observant à faible distance.

— Occupe-toi d'elle pour moi. Je vais aller voir Kazakami !!

— Hein ? Mais...

S'il attendait les avis de tout le monde, il n'arriverait jamais à rien, alors Higashikawa se rua dans la pénombre sans attendre la réponse de Rachel.

Mais comment ça se faisait ? pensa Higashikawa tout en courant.

Pourquoi l'organisatrice est apparue ici ? Elle a pas peur qu'on l'attrape ? Ces gens ont pas l'air d'être du genre à faire les choses à moitié.

Ils n'avaient pas encore vu les règles de l'attraction globale. Peut-être qu'il y avait une règle derrière l'apparition de l'organisatrice cette fois-ci.

Si c'était le cas, découvrir pourquoi elle était entrée en action pouvait lever le voile sur les règles globales et peut-être même une méthode de renverser la situation.

— Une seconde. C'est...

Higashikawa aperçut un panneau et s'arrêta de courir.

Il était devant le bureau médical.

C'était là que Hiyama avait l'intention de récupérer un rouleau de fil de fer.

— ...

Il prit un petit détour avant de se remettre à courir.

Il trouva l'homme près des escaliers de secours.

Kazakami cria sur Higashikawa comme pour évacuer sa frustration d'être bloqué par les barreaux métalliques. Il n'avait pas tapé dessus, mais c'était peut-être parce que Hiyama avait mentionné la possibilité de pièges plus tôt.

— Merde, merde !! Il nous faut vraiment la carte de ces barreaux !!

On pouvait tout aussi bien monter que descendre dans ces escaliers de secours. L'organisatrice reprenait son souffle à cet endroit. Comme l'avait dit Kazakami, elle tenait une fine carte dans une main.

Ils ne pouvaient pas l'atteindre.

Maintenant qu'il en avait eu le cœur net, Higashikawa posa une main sur l'épaule de Kazakami.

— Bouge.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?! Elle a la carte. On peut rien faire !!

— C'est pas mon intention.

Higashikawa poussa Kazakami hors de son chemin et s'approcha des barreaux métalliques sans s'inquiéter de la présence de pièges. Plus précisément, il s'approcha de la petite porte prévue pour laisser passer les gens.

Mais il n'essaya pas de l'ouvrir.

Son intention était l'exact opposé.

— Quoi ? dit Kazakami, confus.

L'organisatrice qui était en train de s'enfuir à un autre étage se retourna quand elle réalisa ce qui se passait.

Higashikawa utilisa le fil de fer qu'il avait ramassé dans le bureau médical pour attacher les barreaux ensemble avec ceux de la porte. Il enroula le fil encore et encore.

C'était comme s'il s'enfermait dans une cage.

D'une certaine façon, c'était exactement ce qu'il faisait. Mais d'un autre côté, c'était l'exact opposé de ce qu'il faisait.

— Elle a quitté la zone sûre pour entrer dans notre cage. Elle a fui parce qu'elle sait que c'est dangereux de rester au même endroit que nous. Alors pourquoi avoir pris ce risque ?

Higashikawa tordit le fil plusieurs fois au point qu'il finit par rompre.

Après s'être assuré que les barreaux métalliques étaient bloqués, il donna le reste à Kazakami.

— Bloque les barreaux devant l'autre escalier de secours et les ascenseurs au cas où ! De cette façon, les organisateurs pourront pas nous atteindre !! Les règles globales se trouvent sûrement près de là où est Hiyama. Si on les découvre, on aura plus à errer constamment à l'aveugle sur un terrain miné ! On sera libre de nos mouvements !!

— !!

L'organisatrice escalada précipitamment les escaliers de secours et Kazakami courut vers l'autre escalier de secours.

S'ils connaissaient les règles, ils pourraient riposter.

Ils étaient très vraisemblablement cuits s'ils ne contre-attaquaient pas maintenant.

Partie 5[edit]

Higashikawa accourut là où ils avaient trouvé Hiyama allongée sur le sol.

Elle ne s'était toujours pas relevée. Rachel était restée à son chevet sans s'enfuir.

— ... Il doit y avoir quelque chose ici.

Higashikawa avança au niveau de Hiyama et inspecta les alentours.

— Quelque chose. Quelque chose qui nous aidera à retourner la situation !! Elle l'a pas trimballée jusqu'ici après l'avoir attaquée. Elle l'a attaquée ici, alors il doit y avoir quelque chose. Il doit y avoir une raison logique à cette attaque. Une règle !!

Mais il ne trouva aucune information révolutionnaire.

Du fait du saccage de Kazakami, le papier-peint du couloir était déchiré, la vitre censée être protégée par les barreaux métalliques était brisée et les néons étaient cassés. Plusieurs fragments pointus étaient éparpillés sur le sol, alors c'était un endroit dangereux pour s'allonger dessus.

Mais c'était tout.

Higashikawa ne pouvait voir rien indiquant une quelconque règle. Il se mit à paniquer. De la sueur s'écoula sur son front. Une terrible règle était censée se trouver là. S'il ne trouvait rien ici, ils allaient toujours être martyrisés sans connaître les règles. Il n'en avait aucune preuve, mais c'était le destin qui lui venait à l'esprit.

La sueur s'échappant de son corps ne fit que renforcer son agacement.

Il se servit de sa manche pour essuyer la sueur de son sourcil, mais c'est alors qu'il fronça ce dernier.

Quelque chose avait attiré son attention.

— Où est le vent ?

Il se concentra sur un point en particulier.

Il regarda la fenêtre qui était protégée par des barreaux métalliques.

— La vitre était brisée, alors il devrait au moins y avoir un courant d'air. Alors pourquoi on étouffe autant ici ?

Il était simplement possible que c'était une nuit sans vent.

Malgré la saison, c'était peut-être simplement une nuit chaude et calme.

Mais...

Il saisit les barreaux de la fenêtre et inspecta l'extérieur une fois de plus. Higashikawa devait être en train d'observer le paysage depuis un obscur couloir à dix étages de haut.

Et pourtant...

— C'est quoi ce bordel ? dit Higashikawa, confus.

Il n'y avait aucune différence. Malgré le paysage nocturne s'étendant devant lui, l'air à l'extérieur et à l'intérieur étaient exactement le même. La température, l'humidité, la fraîcheur, le manque de vent et tout le reste étaient exactement les mêmes. C'était comme s'il n'y avait aucune différence entre l'intérieur et l'extérieur. C'était comme si tout ne formait qu'un.

Et pire que ça...

— ...

Higashikawa baissa les yeux.

Le paysage qu'il voyait là pouvait donner des frissons à n'importe qui ayant le vertige.

Il vit quelque chose de brillant à cet endroit.

— Des éclats de verre ?

Ils étaient vraisemblablement tombés quand Kazakami avait brisé la vitre avec son bâton. Pour une raison ou une autre, ils flottaient de manière peu naturelle au milieu du ciel. Non, pire que ça. Ils déstabilisaient le sens des distances avec le paysage. Ces innombrables éclats de verre juraient totalement avec le reste du paysage autrement parfait.

Se pouvait-il que ?

Se pouvait-il que...?

— Il n'y a ni paysage nocturne ni océan dehors, marmonna Higashikawa d'un air vide. On n'est pas à dix étages de haut en fait.

Il venait de mettre le doigt sur quelque chose de fondamental.

Higashikawa convertit la vérité sous ses yeux en mots.

— On nous a juste fait croire qu'on y était.

Toutes ces fenêtres avaient vraisemblablement été recouvertes par des murs semi-sphériques. En ajoutant quelques dessins trompe-l'œil à l'intérieur, on leur avait fait croire qu'ils se trouvaient à dix étages de haut et qu'ils ne pouvaient voir que le paysage nocturne dehors.

S'il faisait jour ou si le couloir était bien éclairé par les néons, ils auraient pu le remarquer dès le début. Mais la moindre chose étrange dans ce paysage était difficile à déceler avec si peu de lumière.

C'était également pour ça que les escaliers de secours et les ascenseurs avaient été condamnés par des barreaux. Cela aidait à dissimuler le fait qu'ils ne se trouvaient en fait pas au dixième étage.

Telle était la règle. C'était pour ça que Hiyama avait été attaquée. Et dans ce cas...

— J'ai compris.

Higashikawa entra dans une chambre d'hôpital au hasard et désassembla un lampadaire pour en faire un bâton comme Matsumi et Kazakami avaient. Quand Rachel aperçut Higashikawa avec l'arme, elle poussa un petit cri perçant.

Mais il n'avait pas l'intention de s'en servir sur un être humain.

Higashikawa coinça le bâton entre les barreaux et poussa.

Comme prévu, il rencontra quelque chose de dur qui n'aurait pas dû se trouver dans ce paysage nocturne.

Mais ça ne s'arrêtait pas là.

Le bâton en bois passa même à travers comme s'il avait transpercé du carton. Quand il le retira, un trou de la taille d'un pouce se trouvait dans le paysage en trompe-l'œil. Un rayon de lumière passait par le trou.

Il y avait quelque chose de l'autre côté.

Il y avait un espace derrière.

Les organisateurs y cachaient un secret.

— Fait chier !! Si seulement on pouvait se débarrasser de ces barreaux !!

Higashikawa lâcha le bâton et agrippa les barreaux avec ses deux mains sans s'inquiéter du moindre piège. Il se servit de tout son poids pour les secouer d'avant en arrière. Il savait qu'il ne pourrait jamais arracher des barreaux qui avaient été soudés là, mais il devait tenter le coup.

Et c'est alors que quelque chose de vraiment inattendu arriva.

Suivi d'un craquement, tous les barreaux métalliques s'arrachèrent du cadre de la fenêtre.

— Que-...?

Higasikawa tombait à la renverse, mais réalisa alors qu'il n'avait même pas le temps de se poser des questions.

Il tombait hors de la fenêtre.

Ses épaules entrèrent en collision avec le mur semi-sphérique extérieur qui était recouvert par un dessin trompe-l'œil.

Après un déchirement, Higashikawa roula de l'autre côté du mur.

Après être resté si longtemps dans le noir, les lumières brillantes lui brûlaient les yeux.

— Kh... C'est quoi cet endroit...?

Il regarda autour de lui et trouva un bar bien rangé. Un mur était recouvert par un écran géant, mais il semblait servir de lumière décorative. La zone contenait également un comptoir et plusieurs tables rondes. Un ordinateur portable se trouvait devant chaque chaise. Sur les écrans était affiché un plan de l'Hôpital de l'enfer où étaient confinés Higashikawa et les autres avec plusieurs petits points bizarres dessus. Comme prévu, il n'y avait aucune information sur les étages autres que le leur. Ce n'était en fait même pas un hôpital.

Et...

Son regard croisa celui de quelqu'un d'autre.

C'était une fille en âge d'aller à l'université avec un large casque audio sur les oreilles.

Ce n'était pas l'organisatrice qu'ils avaient affronté plus tôt.

Néanmoins...

Si elle est là, c'est qu'elle doit faire partie des organisateurs !!

Higashikawa ramassa son bâton en bois sur le sol et le serra fort dans ses mains. Il sentit un léger parfum de vanille. Elle était clairement en train de se détendre tranquillement tout en les regardant souffrir.

Et c'est alors qu'une grande voix parvint derrière lui.

— Hé, écoutez ça. Alors que j'étais en train d'enrouler le fil, les barreaux sont tous tombés ! ... Hé, c'est quoi ce bordel ?!

C'était Kazakami et Matsumi.

Peut-être en raison de leurs armes, ils n'avaient pas hésité à s'engouffrer dans le « trou » que Higashikawa avait trouvé. Et ils aperçurent ensuite l'organisatrice tout comme lui.

De la hargne s'amoncela dans leurs regards.

Higashikawa eut l'impression d'avoir été témoin du moment où de la colère refoulée faisait voler en éclat la façade de la justice.

De la peur se lisait dans les yeux de l'organisatrice portant un casque audio.

Elle regarda désespérément en direction de la sortie de la pièce.

Mais elle n'y parvint pas à temps.

Matsumi avait lancé son bâton dans son dos. Un étrange cri s'échappa de la bouche de l'organisatrice portant un casque audio. Elle était plus ou moins parvenue à maintenir son équilibre, mais Kazakami l'avait déjà rattrapée.

Il l'attrapa par les cheveux et la projeta avec force sur le sol.

Kazakami agita son bâton vers son torse. Il ne retenait pas ses coups et frappait clairement de toutes ses forces. Matsumi ne l'arrêta pas. Elle ramassa le bâton qu'elle avait lancé et se dirigea à son tour vers la femme au casque audio.

C'était suffisamment violent pour donner envie à Higashikawa de détourner les yeux.

Mais il sentait également que c'était inévitable.

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C'était une des organisateurs qui aimaient jouer avec la vie des gens et à les forcer à prendre part à ces attractions. N'importe qui voudrait se venger de gens comme ça.

Kozue !!

Une autre porte s'ouvrit.

Cette fois-ci, c'était l'organisatrice qui s'était échappée par la porte en barreaux métalliques menant aux escaliers de secours.

Cette femme qui avait une chevelure flamboyante et qui ressemblait à une fille de cabaret était celle à qui Higashikawa et les autres faisaient face jusqu'ici. Néanmoins, elle avait l'air si perdue que Higashikawa se demanda presque si c'était la même personne.

— Attendez ! On peut tout expliquer !! Épargnez Kozue !!

— ...

La fille de cabaret tenta désespérément de s'approcher, mais Higashikawa tendit son bâton pour la maintenir à distance. Elle grinça des dents, mais resta où elle se trouvait. Pendant ce temps, Higashikawa pouvait entendre un bruit similaire à celui d'une épaisse couverture qu'on frappe.

Au premier abord, le renversement de situation avait été un succès.

Mais Higashikawa sentit que quelque chose clochait furieusement dans cette situation.

Il avait l'impression qu'un détail lui échappait.

Je sais.

Soudain, il comprit.

Ils ont pas hésité à nous donner quatre pistolets pendant l'attraction du bloc opératoire. Ils devraient avoir des tas d'armes. Alors pourquoi ? Pourquoi ils se servent pas de cette force de frappe pour nous arrêter ? Même un simple flingue changerait complètement la situation.

C'était la même chose que quand Hiyama avait été attaquée.

Pourquoi avoir utilisé un extincteur ? Les organisateurs auraient librement pu se servir de bombes ou d'armes, alors ils auraient dû pouvoir tuer Hiyama de façon plus simple et certaine.

Quelque chose cloche. C'est bizarre. Tout comme la fragilité des barreaux de la fenêtre. Et s'ils s'étaient contentés de faire les murs semi-sphériques en béton, on aurait rien pu faire même si on avait compris le truc. Et Kazakami a dit qu'il s'était passé la même chose avec les autres barreaux. C'est presque comme si...

Soudain, Higashikawa remarqua un panneau en liège sur un mur.

Une feuille de papier A4 y était accrochée et disait :

Joueur 1 :

Mamoru Higashikawa

Tomoko Hiyama

Shinzô Kazakami

Shirauo Matsumi

Rachel Skydance

Cela se passait de commentaires. C'était la liste des participants de l'attraction. Des photos de leur visage étaient visibles à côté de la feuille.

Mais ce n'était le cœur du problème.

À côté se trouvait une autre liste de noms.

Au début, il pensait que c'était la liste des noms des organisateurs.

Cependant...

Joueur 2 :

Kyôsuke Anzai

Quartervalley Harumi

Hotaru Hasegawa

Kozue Kusaka

Aisu Yakushiji

— Joueur... 2 ? marmonna Higashikawa avant de sentir comme une désagréable goutte de sueur.

Il avait fini par réaliser quelque chose.

Il avait senti une certaine malice.

Il connaissait toute la cruauté des véritables organisateurs qui contrôlaient toute l'attraction.

— Non. Attendez !! Kazakami !! Matsumi !! La tuez pas !!

— Quoi ?! Qu'est-ce que tu racontes ? On est morts si on retourne pas la situation ! Et t'es qui pour me donner des ordres ?!

C'était en partie de la faute de Higashikawa que c'était arrivé. Il avait empêché les cinq d'entre eux de s'entretuer pour diriger leur haine envers les organisateurs. Il avait orienté la nature violente de Kazakami dans cette direction.

Mais les véritables organisateurs avaient peut-être prévu même ça.

— Il faut arrêter ça !!

— Pourquoi ?!

— Elle fait pas partie des vrais organisateurs ! Elle est dans un autre groupe de joueurs prenant part à cette attraction !!

— Quoi ?

Kazakami et Matsumi se tournèrent tous deux vers Higashikawa.

La dénommée Kozue qui avait été rouée de coups de façon continue avec des bâtons en bois gisait sur le sol et respirait à peine.

Pouvait-elle être sauvée ?

Higashikawa l'ignorait, mais il devait s'assurer qu'elle ne subisse pas plus de coups.

Après tout...

— Les véritables organisateurs avaient prévu qu'on s'échappe comme ça ! Ils nous ont laissé nous échapper pour qu'on décharge toute notre colère sur les premiers venus. Il n'y avait aucun autre moyen pour nous de passer les barreaux des fenêtres ou couloirs. On croyait que l'Hôpital de l'enfer était le lieu de l'attraction, mais il y en a un encore plus grand bâti tout autour. On est tous piégés à l'intérieur en étant séparé en plusieurs groupes !! Ils veulent nous faire tuer des innocents sans même nous l'avoir demandé !!


  1. Référence à une fable d'Ésope où le vent du nord et le soleil se défient pour faire retirer le manteau d'un homme. Le vent se met à souffler très fort, mais l'homme s'agrippe d'autant plus à son manteau. Le soleil, quant à lui, se met à briller de toutes ses forces, et l'homme finit par retirer son manteau sous la chaleur.