Un Simple Sondage : Volume 2 - La Faucheuse 04

From Baka-Tsuki
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Jeu de la Faucheuse 04 : Ennemi naturel[edit]

Partie 1[edit]

— Kozue !!

Ces gens qui couraient en criant ce nom étaient sûrement les autres membres de Joueur 2. Ils avaient tous la vingtaine. Ils se mirent en cercle à l'endroit où Kozue était allongée sur le sol puis fusillèrent intensément du regard Higashikawa et les autres.

Mais une personne de Joueur 2 avait passé Hiyama à tabac.

Hiyama entra dans le bar en dehors de l'Hôpital de l'enfer tout en s'appuyant sur l'épaule de Rachel. Quand le Joueur 2 aperçut le sang rouge couler de la tempe de Hiyama, ils se retinrent de prononcer les commentaires qu'ils étaient sur le point de proférer.

— ...

— ...

Les deux groupes se dévisagèrent.

En termes de dégâts directs, le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient tous les deux une femme blessée. La quantité de dégâts était similaire, alors aucun des deux côtés ne pouvaient en vouloir à l'autre.

Hélas...

Non. C'est pas comme ça que ça marche.

Higashikawa pouvait sentir une atmosphère tendue emplir le bar.

Colère, haine et rancœur ne pouvaient être chassées aussi facilement. En mettant de côté le niveau réel de dégâts, ces sentiments allaient continuer à s'échapper jusqu'à ce que la personne soit satisfaite. Même un soldat ayant déjà abattu d'innombrables guérilleros ou terroristes aurait été submergé par la haine si un de ses frères d'arme était tué.

On ne pouvait retenir les sentiments de quelqu'un avec raison que dans une situation où agir sous le coup de l'émotion allait sans aucun doute empirer les choses.

Dans la majorité des cas, la police, l'armée ou les prisons jouaient ce rôle d'inhibiteur. Mais aucune de ces choses n'était présente ici, alors les freins qui contrôlaient leurs émotions débordantes ne fonctionnaient pas correctement.

S'ils commençaient à s'insulter et à prendre les armes, la situation pouvait rapidement tourner au bain de sang.

Ceux qui détiennent la clé d'une issue pacifique sont...

Higashikawa jeta un œil vers Hiyama.

Puis vers Kozue dont la respiration était vraiment faible.

La rancœur et la haine ressenties par le Joueur 1 et le Joueur 2 étaient basées sur ces deux femmes blessées.

Si ces deux victimes directes pouvaient dire à tout le monde qu'elles ne souhaitaient pas qu'on les venge, les autres membres perdraient leur bonne raison de laisser leurs émotions prendre le dessus.

Bien entendu, la logique ne s'appliquait pas toujours quand il était question de sentiment humain.

Néanmoins, si quelqu'un attaquait sans cette raison, la situation toute entière pouvait changer. Au lieu d'une confrontation entre Joueur 1 et Joueur 2, cela se terminerait en un combat entre cette personne et les neuf autres de Joueur 1 et Joueur 2.

Une affrontement avec des armes de fortune entre deux groupes de cinq serait un désastre.

Mais qu'en était-il si c'était à neuf contre un ?

Avec un tel rapport de force, ils pourraient être en mesure de retenir la personne sans trop lui faire de mal.

Si tout le monde gardait son droit de parole, une structure naturelle pouvait émerger et faire office de police et maîtriser toute personne devenant violente.

Idéalement, ils pouvaient faire ça sans ériger de dictateur, mais...

— ...

— ...

Que Hiyama et Kozue réalisaient leur importance ou non, elles détournaient les yeux quand Higashikawa regardait vers elles.

La situation était critique.

Higashikawa entendit un léger bruit. C'était Kazakami qui faisait un petit pas en avant. Comme le Joueur 2 était constitué de quatre femmes et d'un homme, ce dernier fut naturellement celui qui répondit en avançant à son tour d'un pas. Si l'information sur le panneau en liège était avérée, il s'appelait Kyôsuke Anzai.

La situation était sur le point de dégénérer.

Pour Higashikawa, l'ambiance faisait penser à un ballon trop rempli d'air.

Hiyama et Kozue Kusaka vont rien dire. Mais l'idée de passer d'un cinq contre cinq à un neuf contre un n'est pas si mauvaise. Comment est-ce que je pourrais y parvenir ? Y aurait-il un moyen d'en arriver au même résultat sans me servir des deux victimes directes ?!

Higashikawa avait démonté un lampadaire pour faire un trou dans l'Hôpital de l'enfer. Autrement dit, il possédait une arme.

Il la serra et prit une profonde inspiration.

Puis il parla.

— Écoutez. J'ai pas envie de mourir ici.

Comme prévu, Kazakami et Anzai tournèrent tous deux leurs regards hostiles dans sa direction.

— Où tu veux en venir ?

— Tu penses pareil, pas vrai ? Si le Joueur 1 ou le Joueur 2 se rend, on peut s'en sortir sans que ça dégénère.

Higashikawa sourit en entendant Anzai dire ça.

Ça pouvait marcher.

Il voulait parler. Vu qu'Anzai n'avait ni crié ni attaqué sans écouter jusqu'au bout, la situation était meilleure qu'elle ne le paraissait.

— Oui.

Tenter d'être idéaliste ne servirait à rien ici.

Dire quelque chose qui n'atteindrait personne ne ferait que rendre la situation plus confuse.

Et ainsi...

Mamoru Higashikawa pointa son arme artisanale en avant.

— Je pensais à la même chose. Et c'est pour ça que je vais faire ça.

Il dirigea son arme vers Kazakami qui était sur le point de sauter sur le Joueur 2.

Il avait pointé son arme vers un membre de Joueur 1 qui aurait dû être son camarade.

Tout le monde dans le bar fut paralysé sur place.

Kazakami était celui sur lequel l'arme était pointée, mais tout le monde y compris Matsumi, Rachel et les cinq de Joueur 2 retinrent leur souffle.

Avant que quelqu'un ne puisse faire quoi que ce soit, Higashikawa continua à parler.

S'il ne prenait pas l'initiative ici, le bain de sang était inévitable.

— Qui sait ce qui se passera si on se bat à cinq contre cinq. Mais et si ce rapport de force est modifié ? Je me fiche d'être du côté du Joueur 1 ou du Joueur 2. Je rejoindrai le côté des vainqueurs. J'irai du côté qui assurera ma survie. Alors pose ton arme, Kazakami. Ou tu comptes te battre contre nous tout seul ?

— ... Enfoiré. Et dire que je croyais qu'on était du même côté.

— C'est les organisateurs qui ont décidé ça, pas moi.

Après avoir dit ça, Higashikawa pointa ensuite son arme vers Kyôsuke Anzai du Joueur 2.

— Et si toi, tu décides de te battre, je serai l'ennemi du Joueur 2. Je vais pas y aller par quatre chemins. Vous avez l'avantage tant que je reste du côté du Joueur 2. Cela déstabilise le rapport de force. Tu tiens vraiment à abandonner ça juste pour commencer un combat à mort à 50/50 ? Il vaudrait mieux mettre toutes les chances de ton côté, non ?

— ... Tss.

Anzai fit claquer sa langue et fit un pas en arrière.

En voyant ça, Higashikawa interrogea les cinq membres du Joueur 2 une fois de plus.

— Il faut qu'on échange nos informations si on veut s'échapper d'ici vivant. Non pas que je pense qu'on ait des masses d'informations utiles à vous donner vu qu'on était enfermés là-dedans.

— Pigé.

Il était passé du Joueur 1 au Joueur 2.

Ils avaient pu éviter le bain de sang pour l'instant, mais l'ambiance était toujours tendue dans le bar. Avant que Higashikawa ne puisse s'avancer, Hiyama lui murmura à l'oreille.

— (Merci.)

Néanmoins...

— (Mais il y avait une chance que tout le monde s'en prenne à toi en faisant ça. Évite de faire des choses aussi insensées si tu tiens à la vie.)

Un frisson parcourut son dos.

Le Joueur 1 aurait pu facilement le haïr pour sa trahison.

Le Joueur 2 n'avait aucune raison valable d'accepter un traître dans ses rangs.

Il aurait pu être rejeté par les deux groupes.

Cela aurait créé une situation de neuf contre un.

Exactement la situation que Mamoru Higashikawa avait mise en place vu qu'une punition aurait pu lui être appliquée.

Partie 2[edit]

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L'étudiant à l'apparence banale était Kyôsuke Anzai.

La fille blonde aux yeux bleus parlant un japonais peu conventionnel s'appelait Harumi.

La grande et jolie fille qui avait de longs cheveux noirs et qui donnait l'impression d'avoir la tête sur les épaules se prénommait Hotaru.

La fille portant un casque audio et des bandages avait pour nom Kozue.

La fille à la coiffure tape-à-l'œil qui aurait toute sa place dans un cabaret était Aisu.

Les cinq membres cités précédemment du Joueur 2 se présentèrent. Contrairement à Higashikawa et les autres du Joueur 1, ils allaient tous dans la même université et se connaissaient avant de prendre part à cette attraction.

Le Joueur 1 avait dû construire leurs relations interpersonnelles de zéro dans des conditions extrêmes, alors ils étaient un peu jaloux du Joueur 2.

Néanmoins, c'était une situation où la moindre erreur aurait pu causer la mort de quelqu'un. Quand de toutes les morts possibles, cela tombe sur quelqu'un qu'on connait, la situation pouvait être perçu comme encore pire que simplement avoir à suspecter tout le monde.

— Par ici.

Higashikawa suivit Anzai en dehors du bar.

Harumi et Hotaru les suivirent. Kozue était blessée et Aisu resta dans le bar pour la soigner.

Le paysage changea du tout au tout en passant par la porte.

— ... Quoi ?

— C'est un supermarché ou un grand centre commercial. C'est ce que je dirais en tout cas.

Contrairement à l'Hôpital de l'enfer, cet endroit était très vaste et très abondamment éclairé par des néons. Il devait être deux ou trois fois plus grands qu'un gymnase d'école. Des étagères remplies de nourriture près-cuite et d'assaisonnements étaient alignées comme celles d'une bibliothèque ou les casiers à l'entrée d'une école. La nourriture périssable comme les légumes ou les poissons était rangée dans le périmètre extérieur.

Hotaru, la fille de grande taille, parla tout en gardant une certaine distance avec Higashikawa.

— Peut-être que cet endroit te dit quelque chose ?

— Quelque chose ? ... Non, une seconde.

Higashikawa fronça des sourcils. Puis ça le frappa.

— Ça ressemble beaucoup à un des endroits d'une des vidéos d'attraction. C'était lequel déjà ? Je crois que c'était celui où on devait arrêter le cœur de quelqu'un et le faire repartir avec un défibrillateur.

Cette attraction avait eu lieu dans un immense supermarché.

Dans ce cas...

— Et c'est pas tout, ajouta la blonde aux yeux bleus Harumi tout en pointant du doigt une direction.

Il y avait une porte pour employés près de la nourriture périssable.

Higashikawa ouvrit la porte et découvrit quelque chose de totalement différent.

On aurait dit une chambre standard dans un immeuble en colocation.

Tous les meubles avaient été retirés, alors l'espace carré ressemblait à une cage en béton.

Il n'avait pas besoin de chercher bien loin où il avait déjà vu ça avant.

Un objet était installé bien en évidence au centre de la pièce.

— Une guillotine...

Il n'y avait pas de sang dessus et la lame brillait comme si elle était toute neuve, alors Higashikawa ignorait si elle avait réellement été utilisée dans une attraction ou non.

Anzai poussa un profond soupir et dit :

— Il y a plusieurs autres attractions. Ou du moins, les pièces ont été arrangées pour leur ressembler. Mais sans surprise, on n'a pas trouvé le stade à dôme ou l'Île Cadavre.

— Ils sont trop grands pour rentrer à l'intérieur, alors ils devraient se trouver non loin à l'extérieur, dit Hotaru tout en jouant avec ses cheveux noirs.

Cette idée donnait à Higashikawa un très mauvais pressentiment.

— Alors on nous a emmenés dans l'endroit où tout ce sang a coulé ?

— Le seul endroit sans rapport est l'Hôpital de l'enfer, dit Harumi en haussant les épaules. On n'a jamais vu celui-là dans une des vidéos.

— Maintenant que tu le dis...

L'Hôpital de l'enfer était à la base l'endroit où des lobotomies avaient lieu. Qui n'avait rien à voir avec ces attractions. Et s'ils allaient créer une attraction pour le bloc opératoire de l'Hôpital de l'enfer, ça aurait normalement dû impliquer des règles sadiques avec des équipements chirurgicaux.

Anzai coupa pour dire :

— En tout cas, la personne derrière tout ça a dû être mêlée dans des incidents à travers tout le Japon pour obtenir ces vidéos.

— À travers tout le Japon ?

— Exactement.

— Mais je croyais que toutes les attractions étaient ici ?

— L'Hôpital de l'enfer était un original. L'incident réel est arrivé ici. Dans ce cas, il est logique de penser que tout le reste est une reproduction des bâtiments où eu lieu les incidents dans tout le Japon, non ? Les détails de ces scènes sont bien trop poussés pour être simplement basés sur des informations de talkshows ou de tabloïds. J'ai l'impression que celui derrière tout ça était impliqué dans les évènements originaux.

— Alors ils auraient d'abord causé ces horreurs et les auraient ensuite recréées ici à l'identique ?

— Oui, regarde.

Anzai pointa du doigt la guillotine au centre de la pièce.

La lame luisait magnifiquement avec la lumière.

Hotaru acquiesça et dit :

— Il est possible que cette bunny girl était impliquée en coulisse dans l'incident de l'Hôpital de l'enfer. C'est presque comme s'ils provoquaient ces incidents juste pour valoriser cet endroit.

Si c'était le cas...

Higashikawa prononça sans détour la question qui trottait dans sa tête.

— Mais qu'est-ce qu'ils espèrent retirer en réunissant toutes ces attractions ici ?

— On n'a pas encore trouvé la réponse, dit Harumi.

Il était vrai que l'incident du véritable Hôpital de l'enfer avait été très différent de l'attraction à laquelle Higashikawa et les autres avaient forcé de prendre part avec ces pistolets.

La scène avait été méticuleusement arrangée et peaufinée à la perfection, mais dans ce cas, la pièce maîtresse avait été échangée avec quelque chose d'autre.

Higashikawa gémit presque en disant :

— Ça colle pas. Et s'il y avait un sens dans le fait que ça n'en a justement aucun ?

— Aucun sens, hm ? marmonna doucement Anzai.

Mais contrairement à Higashikawa qui était complètement perdu, Anzai donna presque l'impression que ça lui avait donné une idée.

Hotaru soupira.

— Si on ajoute les vidéos, c'est un projet à une échelle incroyablement grande. Celui qui est derrière ça doit être très important.

Ils inspectèrent un peu plus le bâtiment, mais ne purent trouver aucune porte de sortie.

Ils trouvèrent plusieurs portes qui refusaient de s'ouvrir même s'ils avaient beau pousser ou tirer. Ils se mirent à soupçonner que les portes avaient été scellées avec du béton après que le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient été jetés à l'intérieur ou encore que ces portes n'étaient qu'un élément de décor dans le mur.

— Mais les gens qui sont derrière ça ont bien dû rentrer ici pour installer tout ça, non ? dit Higashikawa.

— On doit juste prier pour qu'ils n'aient pas bloqué l'unique sortie avec du béton après la fin des préparations, répondit Anzai.

— Il y a peut-être une porte secrète ! suggéra Harumi.

— Même si c'était le cas, ils l'auraient au moins fermée, remarqua Hotaru.

Ils ne trouvèrent pas le moindre indice, alors ils retournèrent au bar.

Mais sur le chemin, ils rencontrèrent quelqu'un en train de fouiller dans les étagères du centre commercial. C'était la fille de cabaret. Higashikawa était quasi certain qu'elle s'appelait Aisu Yakushiji. Elle jeta plusieurs petites boites en carton dans le chariot à côté d'elle.

Higashikawa demanda en toute franchise :

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'ai besoin de bandages et de désinfectant pour soigner Kozue et l'autre femme. Encore heureux qu'on a de quoi faire ici. On n'a plus qu'à se servir.

Higashikawa ne fut pas le seul à froncer des sourcils.

Hotaru jeta un œil prudent aux alentours et dit :

— On peut vraiment utiliser ces produits ? Et s'ils avaient été trafiqués ?

— Bien sûr que c'est possible. Mais en utilisant des réactifs, on peut savoir si c'est sûr ou non.

— Des réactifs...?

Anzai paraissait confus, mais Aisu continua comme si de rien n'était.

— Même des gamins de primaire savent que le chou rouge peut faire office de papier tournesol. On peut tester toutes sortes de choses avec de simples objets de tous les jours.

De sa façon de parler, il paraissait évident que ce n'était pas quelque chose qu'elle connaissait par hasard. Il était possible qu'elle suivait un parcours de science à son université.

Hotaru posa son index sur son menton et pencha légèrement sa tête.

— Et tu crois pouvoir y arriver ?

— Fais-moi confiance, répondit Aisu spontanément avant d'ajouter quelque chose dans une voix plus douce. Et il faut que je m'assure de soigner cette Hiyama. Même si j'avais pas trop le choix, je l'ai quand même frappée avec cet extincteur.

Ils remplirent tous ensemble le chariot de fruits, de légumes et d'assaisonnements qu'elle leur indiquait. Higashikawa n'avait pas la moindre idée de comment on pouvait en tirer un réactif avec tout ça.

Après avoir récupéré tout ce dont ils avaient besoin, ils retournèrent au bar.

La lycéenne appelée Matsumi fronça des sourcils en voyant le chariot rempli.

— C'est quoi tout ça ? C'est l'heure de manger ?

— Les blessés passent d'abord. Voyons voir, j'ai besoin de fabriquer du réactif, alors il faut en premier utiliser ce réchaud de camping...

À peine Aisu Yakushiji, l'étudiante en science qui aura toute sa place dans un cabaret, eut fini de dire ça que Kazakami attrapa une pomme dans le chariot et mordit dedans.

— C'est pas très frais. Elle est vraiment sèche.

— J'avais dit que j'allais m'en servir pour fabriquer des réactifs, non ?! Et si elle était empoisonnée ?!

— Empoisonnée ?! Attends... C'est pour ça qu'elle était aussi dégueulasse ?!

— Au moins, t'as de l'énergie à revendre ! dit Harumi.

Aisu Yakushiji prépara les réactifs presque toute seule. Elle trancha et écrasa les légumes et les fit rôtir sur le réchaud portable, mais Higashikawa n'avait pas idée des composants qu'elle tentait d'extraire.

Après avoir fini par s'assurer de l'absence de danger concernant les désinfectants et les bandages, elle se mit à soigner les blessés.

En premier vint Kozue Kusaka.

— Gh...!! Ç-Ça pique. Ça pique un max !!

— Oui, oui, mais t'es plus une gamine qui a besoin d'un chapeau à shampoing. En fait, j'ai entendu dire que les gens qui sont vraiment dans un sale état ressentent plus du tout la douleur. Ça veut dire que tu vas bien.

— Au moins, t'as l'air d'avoir la forme !

— Harumi, je crois pas qu'on puisse s'en sortir toutes seules !!!

Puis ce fut le tour de Tomoko Hiyama.

Elle avait reçu un coup à la tête, alors Aisu se contenta d'appliquer arbitrairement du désinfectant et des bandages et posa un sac rempli de glaçon contre sa tête.

Néanmoins, cela sembla suffire à aider un peu.

Hiyama leva la main jusqu'au sac que Higashikawa tenait en place puis soupira.

— Ça va aller ? demanda-t-il.

— Je suis pleinement consciente et mes sens ne sont pas engourdis. Je ne suis pas une experte, mais je pense que je m'en sortirai.

— Mais on t'a frappée à la tête, dit Matsumi.

Rachel prit également la parole un peu plus loin.

— S-Si seulement on pouvait te faire examiner par un docteur.

— Mais bon, pour ça, va falloir s'échapper d'ici d'abord, dit Kazakami spontanément avant de prendre un en-cas dans le chariot.

Aisu Yakushiji avait estimé la nourriture sûre, alors ils pouvaient en manger sans s'inquiéter.

La plus grosse surprise venait du Joueur 2. Hotaru Hasegawa, l'étudiante de grande taille aux cheveux noirs, ouvrit un sac de céréales sucrées. Higashikawa l'avait imaginée du genre plus raffinée que ça.

Tout en étant soignée, Kozue Kusaka parla avec un regard distant.

— Hotaru est une romantique.

— Quel rapport avec la faim ?

— C'est vrai, aucun ! Alors te goinfre pas de céréales, Hotaru. Fais péter !!!

— Je suis peut-être en sciences humaines, mais je me gênerais pas pour frapper quelqu'un.

— Hé, t'es sûre qu'elle est romantique ?

Après les soins des deux blessées, leur attention se porta tout naturellement sur les restes de nourriture. Higashikawa ne s'attendait pas à avoir faim dans cette situation, mais son estomac se mit rapidement à quémander de la nourriture après avoir ingurgité quelques morceaux d'ananas en conserve.

D'un regard inutilement triomphant, Kazakami dit :

— Tu vois ? T'as vraiment la dalle !!

— Peut-être que notre faim mentale et notre faim physique sont plus en phase... J'y pense, ça fait combien de temps que tout ça a commencé ? marmonna Rachel en grignotant les bords d'un biscuit pour bébé.

Les potins se mirent petit à petit à fuser.

— Tu parles d'un taffe...

— Franchement, on aurait dû se méfier plus que ça quand Harumi nous a parlé de ce boulot ! Elle est du genre à poliment marcher sur toutes les mines !!

— Hé, c'est pas de ma faute. Dis-leur, Anzai-kun !

— Ma foi, si on compare avec ce boulot de nettoyage de cadavres à l'hôpital, de ramassage de thon[1] dans le métro ou cette équipe de recherche dans une sombre forêt...

— Dans quel monde vous viviez tous les deux pendant tout ce temps où on vous a pas vus ?

La conversation s'anima naturellement entre les membres du Joueur 2. Ils se connaissaient déjà, alors le pas était bien entendu plus facile à franchir que pour les membres du Joueur 1 qui venaient à peine de se rencontrer.

Une boisson énergétique dans la main, Matsumi était assise à côté de Higashikawa qui était lui assis par terre à batailler contre une boîte de conserve d'ananas. Sans vraiment se soucier de sa jupe courte, elle dit :

— On dirait qu'ils étaient tous dans la même fac.

— Ah bon ?

— Mais nous, on avait aucune idée de qui était qui. On aurait pu mentir pendant les présentations.

Higashikawa se demanda pourquoi elle abordait ce sujet maintenant.

Il n'avait pas saisi à quel point il était étrange qu'elle ressente le besoin d'aborder quelque chose d'aussi évident.

Il répondit donc spontanément :

— Mais on a réussi à travailler main dans la main. On a réussi à se serrer les coudes.

... Matsumi jeta un œil en direction de Higashikawa.

— On connait le passé de personne.

— Et alors ? Nos parcours scolaires et l'état de nos comptes en banque signifient rien ici. Peu importe les titres qu'on a.

— Oui mais...

Matsumi commença à dire quelque chose, mais s'arrêta.

Elle jeta prudemment un œil autour d'elle avant de parler d'une voix basse.

— Et si un des organisateurs était mêlé à nous ?

— Hein ? Mais c'est impossible, non ? marmonna Higashikawa comme si cette possibilité venait juste de lui traverser l'esprit.

Puis :

— On aurait besoin de savoir où les autres se trouvent. Je suis prêt à utiliser n'importe qui, tant qu'il pourrait s'avérer utile.

— Idiot. On devrait tous le tabasser jusqu'à la mort.

— Je crois pas que ça va beaucoup nous aider dans notre situation. Et dans le cas que tu évoques, on saurait pas pourquoi cette personne serait parmi nous.

— ... Pourquoi elle se mêlerait parmi nous ?

Matsumi fronça des sourcils et Higashikawa pointa son menton en direction des membres du Joueur 2.

— Tu te souviens ce qui s'est passé avec eux ? Que cette hypothétique personne soit un vrai espion ou qu'ils essayent de nous mettre des bâtons dans les roues, c'est une chose. Mais si cette personne avait été jetée dans cette attraction pour la punir d'avoir trahi les organisateurs par exemple ? Je pense pas qu'on puisse vraiment devenir alliés, mais on pourrait se fier à elle jusqu'à une certaine mesure. Cette personne connaîtrait les méthodes des organisateurs et toute autre circonstance dissimulée.

— ... Hm.

Matsumi but une gorgée de sa boisson énergétique et détourna le regard de Higashikawa pour une raison ou une autre.

Puis elle s'éloigna lentement de lui tout en restant assise.

— T'es trop naïf.

— ?

Higashikawa ne comprenait pas.

Et c'est alors que...

C'était comme s'ils avaient attendu le moment où ils baissent leur garde avec les kits de premier soin et la nourriture.

Un changement s'opéra sur les portables posés devant les trois chaises de plusieurs tables rondes.

Les informations et images de l'Hôpital de l'enfer disparurent et à la place, ils se mirent à afficher tous la même image.

Cette image était...

— Ha haaa haaa !! Oh là là. Quel dommage. L'attraction qui devait mener le Joueur 1 et le Joueur 2 à s'entretuer a échoué.

C'était un visage qu'ils reconnaissaient tous.

Cependant, ils n'avaient en fait jamais rencontré cette personne.

Avant d'être emmenés ici, ils avaient vu cette personne diriger de nombreuses attractions mortelles dépeintes dans ces vidéos à superviser.

— La bunny girl !!

— Merci, Captain Obvious. Mais Higashikawa-san, toi et les autres du Joueur 1, le fait que vous marchiez hors de ces barreaux est lourd de conséquences. Et je suis persuadée que le Joueur 2 en est pleinement conscient.

— !!!

Aisu, la femme qui ressemblait à une fille de cabaret et qui gérait les attractions du Joueur 1 donna un effrayant départ. Allaient-ils être punis si l'attraction échouait ?

— Mais on a nos propres circonstances, continua la bunny girl. C'est toujours insuffisant pour nous. Quelle plaie, vraiment.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— C'est pas tes oignons. Enfin bref, on va vous donner une chance de revenir dans la partie. Je vais personnellement vous gratifier d'une attraction de premier plan. Vous devriez me remercier du fond du cœur.

Une attraction.

Une sensation désagréable descendit le long du dos de Higashikawa dès qu'il entendit ce mot. Et il n'était sûrement pas le seul. En très peu de temps, la signification de ce mot avait drastiquement changé.

Mais la bunny girl sur les écrans ne s'arrêta pas de parler.

Il n'y avait rien à faire.

Un sourire sur le visage, elle continua à jouer son rôle de maîtresse du jeu.

— Bon, portez toute votre attention sur l'écran géant à votre gauche.

La pièce était conçue pour ressembler à un bar et un mur était couvert par un écran géant servant de lumière décorative.

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Higashikawa n'avait pas envie de regarder.

Son champ de vision périphérique était suffisant pour lui dire qu'on voyait un plan rapproché sur la bunny girl. Et il savait qu'il allait bientôt y être affiché des règles insensées, horribles et inhumaines.

Mais ce qui se passa ensuite dépassa de très loin ses attentes.

Dans un grand bruit, l'écran géant éclata soudain et la bunny girl jaillit de ce dernier.

— Q-Q-Quoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ?!

Ils s'écrièrent tous de surprise.

Mais le cri de Kazakami alors qu'il tomba sur le sol avait noyé celui des autres.

Pendant ce temps, la bunny girl se déhancha d'avant en arrière de façon enjouée.

— Fwah ha ha !! Vous verriez vos têtes. ... Kazakami-san, tu t'es pissé dessus, pas vrai ?

— Gné ?! Que ? Tu...? Que ? De l'écran ?!

— Allez quoi. On n'est pas dans un film d'horreur. Il y a une petite pièce cachée derrière cet écran plat.

— ...!!???

Trop bouleversé pour bouger, Kazakami ouvrit et ferma silencieusement sa bouche.

Dans le même temps, une main ramassa le bâton en bois issu d'un lampadaire démonté que Kazakami avait lâché.

C'était Kyôsuke Anzai, le seul membre masculin du Joueur 2.

Hélas...

La bunny girl ne daigna même pas regarder dans sa direction.

— Aaaaaanzaaaai-shwaaan.

— ...

Elle s'était mise à parler juste avant qu'il ne se rue sur elle.

Ce fut suffisant pour faire sursauter Anzai.

— On peut voir cette situation comme une question. C'est vraiment ta réponse, Anzai-san ?

— Ma... réponse ?

— Ce que je veux dire, c'est que...

La bunny girl regarda finalement dans la direction d'Anzai.

Mais seulement de côté.

La couleur suintante de ses yeux le paralysait sur place.

— Si vous vous unissez contre moi au moment où j'apparais sous vos yeux, tu crois vraiment que ça vous permettra de vous enfuir d'ici sain et sauf ? Tu crois sincèrement que c'est comme ça que fonctionne cette attraction ? Tu crois sincèrement que les règles sont si simples que ça ?

L'attraction.

Les règles.

Le Joueur 1 tout comme le Joueur 2 ne savaient que trop bien quelle punition les attendait en cas de violation des règles.

Personne ne leur avait expliqué ce qu'elles étaient.

Et pourtant, ils allaient être punis au moindre faux pas.

Ne pas connaître les règles signifiait qu'ils ne pouvaient même pas essayer de jouer au plus fin avec l'instigateur des règles. Ils étaient profondément désavantagés.

— ... Fais-le, marmonna Kazakami toujours assis sur le sol.

Sa voix se transforma rapidement en un cri explosif.

— Vas-y, fais-le !! La grosse pute qui joue avec nos vies se trouve juste là ! Elle est pas sur un écran ou derrière un mur de protection. Elle est juste là !! Alors, vas-y !!

— Ça alors. Kazakami-san, tu deviens bien déterminé quand c'est pas toi qui vas te salir les mains. C'est peut-être contraire aux règles, mais ce serait bien sûr pas toi qui serais puni. Pas toi.

Elle insista en répétant ces deux derniers mots.

Comme pour les chasser, Hotaru du Joueur 2 prit la parole.

— T'es une des organisatrices, alors règles ou pas règles, ça mettra fin à cette attraction absurde dès qu'on t'aura neutralisée, non ?

— Neutralisée ! Oh, quel merveilleux mot !! Vous dites jamais « assassiner » ou « tuer », tout ça pour ne pas ressentir de culpabilité !! Les alliés de la justice trouvent ce mot bien pratique !! Mais, ajouta la bunny girl, qu'est-ce qui vous fait croire que je fais partie des organisateurs ?

— ...

Visiblement, leur cœur se serra de façon peu naturelle en entendant ces paroles.

Les dix membres du Joueur 1 et du Joueur 2 avaient été divisés par les organisateurs et poussés à s'affronter de façon absurde. La cruauté était bien palpable dans toute cette mise en scène.

— Bah, je dois admettre que je suis loin d'être une pauvre petite victime, mais vous croyez sincèrement qu'un soldat en première ligne contrôle tout ? Dans une situation où vous êtes prêts à tabasser le premier venu comme avec Kozue Kusaka-san ici présente ? Vous croyez sincèrement que la personne qui contrôle tout va risquer sa vie pour venir ici ? Non, vous êtes pas si bêtes.

Non.

Préparer cet endroit et rassembler ces dix personnes ne semblaient pas être le fait d'une seule personne. Une puissante organisation se tenait derrière la bunny girl. Et ces organisateurs avaient mis en place les règles de l'attraction et s'assuraient désormais qu'elles soient respectées.

Tuer la bunny girl n'allait pas y mettre fin.

Et si l'attraction continuait après sa mort, ils allaient évidemment être punis en conséquence.

Sinon, la bunny girl n'aurait jamais abandonné sa sécurité.

Ils devaient simplement se mettre dans sa peau.

Quel idiot viendrait sans arme dans un endroit où il serait en sous-nombre ?

Qui choisirait ça ?

— Ok. Si vous avez tiré vos propres conclusions, il est l'heure de voir si vous pouvez rester en jeu.

— Hé, une seconde. On...!!

— Higashikawa-san ? dit la bunny girl en souriant. T'es libre de pas participer. Mais, dis-toi que c'est comme un quiz. Est-ce qu'un participant peut gagner s'il n'est pas assis en face du buzzer ? Il aura beau être intelligent, il aura aucune chance de gagner s'il le presse pas.

Et...

Qu'est-ce qu'il allait se passer s'ils perdaient ?

— ...

Aucun d'entre eux ne bougea.

Ils étaient libres de se servir de leurs bras et jambes et pourtant, aucun ne broncha.

Seule la bunny girl pouvait se déplacer. Elle jouait gaiement avec une des longues oreilles de son costume.

— Bon, finissons-en avec les préparatifs. Vos noms ont été inscrits sur le comptoir du bar. Dites-vous que ce sont vos places attitrées pour un quiz. Merci de vous assoir en face de votre nom.

Les dix échangèrent un regard.

C'était leur dernière chance.

Allaient-ils se rebeller ou obéir ?

Tout en s'appuyant sur l'épaule de Rachel, Hiyama secoua faiblement la tête.

— On a trop peu d'information. La punition pourrait être la mort.

— Mais si on la prend en otage...

— Higashikawa-saaaan, c'est ta réponse ? Bah, si c'est le cas, fais ce qui te chante.

La bunny girl mit ses mains dans son dos, tourna son dos en direction de Higashikawa et tendit ses mains vers lui tout en gigotant ses fesses d'avant en arrière.

Elle semblait attendre que quelqu'un enfreigne les règles.

Après s'être enfin remis du choc, Kazakami se releva lentement, mais Matsumi le retint silencieusement en mettant son bras devant lui.

Elle lui disait de ne pas céder à la tentation.

Même s'ils étaient sur le point de se rebeller, ce n'était pas le bon moment.

Les dix membres du Joueur 1 et du Joueur 2 se mirent tous en face de leur « siège attitré ».

La bunny girl sourit et dit :

— Bien, les préparatifs sont terminés.

Elle claqua ses mains devant sa poitrine.

Puis elle pencha sa tête légèrement sur le côté.

— Et juste pour votre gouverne, y'a aucune règle qui me protège.

Dès qu'elle eut dit ça, toute stabilité disparut sous les pieds de Higashikawa. C'était un piège. Le temps qu'il s'en rende compte, il avait complètement disparu du bar.

Et il n'était pas le seul.

Les dix étaient tombés exactement au même moment.

— Que ?!

Après une chute d'environ trois mètres, celle-ci s'arrêta brusquement. Higashikawa était suspendu au milieu du vide par une sorte de film transparent qui était accroché par un épais câble.

C'était une version géante des sacs en plastique utilisés pour garder les poissons rouges gagnés pendant une fête foraine.

Sous l'impulsion du corps de Higashikawa, le câble referma le sac, alors il ne pouvait plus sortir. Et il n'allait pas tenter de s'échapper.

La raison était simple.

— ... S-Sérieux ?!

C'était Kozue qui avait réussi à lâcher ce mot à travers sa gorge sèche.

Elle regardait droit en bas.

Seule une insondable obscurité était visible. Aucun sol n'était en vue. La profondeur du puits était difficile à déterminer, mais elle devait être au moins supérieure à dix ou vingt mètres. Ce qui allait se passer si quelqu'un tombait de cette hauteur était on ne peut plus évident.

Un grand ravin.

Ou un échafaudage de laveur de vitre.

La hauteur invoquait ces images avec force dans leurs esprits. Cette profondeur accablante, le sentiment que sa vie ne tenait qu'à un fil et l'instabilité du plastique à leurs pieds les terrorisaient.

Puis la voix de la bunny girl se fit entendre.

— Bon, vous devriez tous avoir une carte dans votre sac. C'est un objet important, alors prenez-en grand soin.

Higashikawa tâta le sol dans l'obscurité et sentit quelque chose de solide. Il était difficile de voir vu la faible luminosité, mais c'était semble-t-il une carte avec un côté rouge et un autre noir. Il n'y avait ni nombre, ni symbole ni image dessus.

— C'est quoi cette carte ? marmonna Kazakami.

La bunny girl répondit :

— L'action que vous devez faire est simple, mais les règles sont un peu compliquées. Je me répèterai pas, alors ouvrez grand vos oreilles.

— ... Qu'est-ce qu'on doit faire ? dit Harumi.

— À mon signal, vous allez tous tendre la carte. Ce sera un truc du genre « prêt, feu, partez ! ». Mais c'est à vous de choisir quel côté de la carte sera devant. La partie suivante est très importante.

Et...

Elle expliqua la pire des règles possibles.

— Quiconque choisissant rouge survivra. Mais si tout le monde choisit rouge, vous mourrez tous, alors faites attention. Quiconque choisissant noire sera tué. Mais si tout le monde choisit noir, vous serez tous épargnés. Si vous ne choisissez pas tous la même couleur, seuls ceux ayant choisi noir mourront.

— Mais…

Anzai était perplexe, suspendu au milieu du vide comme les autres.

— Mais n'importe qui choisirait rouge dans cette situation ! Ça garantit la survie ! C'est quoi cette attraction ?!

— Mais si vous choisissez tous rouge, vous mourrez tous. Si vous choisissez tous la voie de la facilité, vous serez tous exécutés.

— Mais... s'exclama Aisu tout en ne sachant pas quoi dire.

Si neuf sur dix choisissaient rouge, le plus grand nombre pouvait être sauvé. Hélas, si la dernière personne venait à choisir rouge aussi, il n'y aurait aucun survivant.

Ils mourraient tous.

Dans ce cas, leur câble allait vraisemblablement être détaché pour les envoyer au fin fond de l'abysse.

— Uuh... gémit Hiyama.

Ce n'était sûrement pas seulement dû à ses blessures qui lui faisaient mal. Elle avait peut-être pensé à quelque chose de désagréable.

Higashikawa avait fait la même chose. Il avait imaginé une tomate dans un sac plastique s'écraser contre le bitume. La couleur rouge éclabousserait tout l'intérieur du sac transparent.

— M-Mais si on choisit tous noir, on vivra, non ? dit Matsumi qui était assise au fond de son sac sans se soucier de sa minijupe. Alors on n'a juste qu'à tous choisir noir, pas vrai ?

Kazakami répondit d'un air moqueur :

— Si neuf choisissent noir et que le dernier choisit rouge, c'est fini ! Neuf mourront et le traître survivra. Rouge est la valeur sûre ! Tu seras sauvé à coup sûr !! On n'a aucune garantie qu'on pourra tous résister à cette valeur sûre le moment venu !

— Bah, on dirait que vous avez compris la situation, dit la bunny girl. Est-ce que vous allez tous miser sur le noir et vous ridiculiser ou est-ce que vous allez trouver un compromis avec rouge et mourir ? La réponse à cette question fait partie intégrante de l'attraction !

La bunny girl semblait bien s'amuser.

C'était comme si cette souffrance avait été méticuleusement calculée.

— Bon, le chrono tourne. Le jugement sera dans dix minutes. Vous pouvez discuter, menacer, persuader ou implorer comme bon vous semble. ... Mais encore une fois, la solution optimale a déjà été donnée !

Après ça, la voix de la bunny girl se tut complètement.

La solution optimale.

Tous sur noir.

C'était facile à dire. En théorie, n'importe qui opterait pour cette solution. Mais des vies étaient en jeu ici. Leur propre vie l'était.

Le problème était que choisir rouge assurerait la survie d'un individu.

— Noir... est préférable, pas vrai ? Si on choisit tous noir...!!! dit Kozue pour chasser son malaise.

Kazakami signifia une fois de plus sa réticence.

— Comme je l'ai dit, rouge est une valeur sûre.

— Mais si on veut utiliser rouge, quelqu'un va devoir se sacrifier !! dit Harumi.

— Je dis pas qu'on devrait tous choisir rouge pour nous sauver ! Rouge est une valeur sûre, mais si les dix le choisissent, on mourra tous. Si on dit qu'on choisit tous noir, le groupe qui choisira rouge au tout dernier moment sera sauvé à coup sûr !!

— Jamais on ferait ça !!

— Qu'est-ce qui nous garantit ça ?! Gagner avec rouge est plus facile qu'avec noir. Tant qu'un se sacrifie en choisissant noir, le reste survivra !!

Le reste.

Higashikawa n'avait aucune idée de qui Kazakami rangeait dans telle ou telle catégorie.

Mais il sentait que les craintes de Kazakami mettaient le doigt sur le véritable sens de cette attraction.

Suggérer que tous choisissent noir et s'accorder sur une stratégie était simple à faire. Cette idée reposait sur la bienveillance naturelle de l'humanité, alors cela semblait une bonne chose d'être d'accord avec.

Mais dans le fond, était-il possible qu'il n'y ait aucune bienveillance ?

Était-il possible que Higashikawa soit le seul à choisir noir pendant que les autres choisissent rouge ?

Ils ne se connaissaient pas suffisamment pour se sentir unis.

Et ce n'était pas simplement dû à la séparation entre Joueur 1 et Joueur 2.

Même au sein du Joueur 1, les liens entre Higashikawa, Kazakami, Matsumi, Hiyama et Rachel n'étaient pas suffisamment forts pour en tirer des certitudes.

Et...

Même en considérant ces règles compliquées, Higashikawa réfléchit également à ce qui se passerait après les faits.

Il était presque impossible pour eux tous de choisir noir.

Alors si quelqu'un choisissait rouge et survivait, que se passerait-il ?

Et si ce n'était pas une situation extrême de neuf contre un ? Et si c'était du cinq contre cinq ? Et si la moitié mourrait et l'autre survivait ?

Resterait-il la moindre confiance entre les survivants ?

Ils avaient été incapables de s'occuper de cette bunny girl à eux dix unis, alors que pourraient faire les survivants, leur confiance en l'autre réduite à néant ?

Tel était le but de cette attraction.

Les Joueur 1 et 2 avaient été conditionnés pour s'entretuer, mais ils s'étaient rencontrés et s'étaient unis. Cela était le premier pas pour détruire cette union, de façon à ce qu'ils s'entretuent une fois de plus.

Il était très probable que la bunny girl et les autres organisateurs ne s'attendent pas à ce qu'ils choisissent tous rouge et meurent.

Pas plus qu'ils ne s'attendent à ce qu'ils choisissent tous noir et survivent.

Ils espéraient quelque chose entre les deux.

Cela pouvait être sept et trois, six et quatre, ou cinq et cinq.

Au lieu de tout rouge ou tout noir, seuls les plus sournois survivraient. Le groupe uni serait alors détruit en plusieurs individualités.

— ... Ah.

Après avoir jonglé avec le méli-mélo de ses pensées, Mamoru Higashikawa réalisa quelque chose de fondamental.

— Ahhhh. Aaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Higashikawa se prit soudain la tête entre les mains et se mit à crier. Les neuf autres sursautèrent.

— Q-Qu'est-ce qui se passe ? demanda prudemment Anzai, mais Higashikawa ne répondit pas.

Il avait réalisé quelque chose.

Il avait pris conscience d'un point important.

Il connaissait le véritable but derrière le semblant d'équilibre dans cette attraction utilisant des cartes rouges et noires. Il connaissait la véritable cible.

Avant d'arriver là, Higashikawa avait volontairement fait semblant de trahir le Joueur 1 et de rejoindre le Joueur 2 afin d'éviter un affrontement entre les deux groupes. Il avait détruit le rapport de force pour empêcher un combat à 50/50, mais cela avait prouvé une chose aux autres.

Cela avait prouvé que Mamoru Higashikawa était prêt à trahir son groupe.

Il avait pu résoudre la situation sur l'instant. Il était parvenu à le faire de façon à ce que les autres comprennent qu'il l'avait fait à contrecœur pour assurer la survie de tous.

Hélas...

Et si Higashikawa choisissait rouge et survivait à cette attraction ?

Sa justification du moment ne tiendrait plus.

Il avait dit qu'il l'avait fait pour le bien de l'ensemble d'entre eux, mais cela montrerait qu'il n'hésiterait pas à trahir les autres pour son propre salut.

Même si plusieurs personnes survivaient en choisissant rouge, Mamoru Higashikawa ne pourrait pas se joindre à eux.

Il serait le seul à avoir trahi le groupe plus d'une fois.

Et que deviendrait-il une fois banni du groupe ?

Il serait isolé.

Et ce n'était pas tout.

Les autres ne voudraient pas que le traître leur cause plus de soucis. Ils chercheraient la stabilité. Ils chercheraient un moyen sûr d'éliminer toute incertitude.

Et si ça venait à arriver...

Les autres participants de l'attraction deviendraient autant son ennemi que la bunny girl et les autres organisateurs. S'il se retrouvait isolé alors que l'attraction continuait, il était perdant sur tous les plans. Il était même possible qu'il soit battu à mort avant même le début de l'attraction suivante.

Mamoru Higashikawa ne pouvait pas gagner en choisissant rouge.

Le seul moyen pour lui était avec noir.

Mais...

De la sueur froide coula le long de son visage et il grinça des dents.

Mais !!

S'il leur disait de tous choisir noir, qui le suivrait ?

Même si certains le faisaient, cela ne servait à quelque chose que s'ils le faisaient tous.

Si une seule personne choisissait rouge, tout était fini.

Et c'était exactement le point d'achoppement de leur réunion stratégique.

Il était impossible pour eux de tous survivre en choisissant noir.

Dans ce cas...

Dans ce cas, que pouvait donc faire Higashikawa ?

Même s'il gagnait avec rouge, il n'aurait aucun espoir pour la suite.

S'il tentait de gagner avec noir, quelqu'un choisirait rouge et il mourrait.

En fin de compte, tel était l'objectif de la bunny girl.

Quand le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient été sur le point d'en venir aux mains, Mamoru Higashikawa avait joué la carte du traître pour éviter le conflit. Cela avait été stratégie qui allait l'isoler tôt ou tard.

C'était pour ça que les organisateurs avaient perdu intérêt.

Cela ne les intéressait pas de regarder quelque chose dont ils connaissaient pertinemment la fin. Et donc, ils avaient préparé une attraction où Mamoru Higashikawa allait être détruit peu importe son choix.

Et...

Cela voulait dire que...

C'est sans espoir pour moi ? Toutes mes options reviennent à choisir entre différentes morts cruelles ?

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Mamoru Higashikawa ressentit comme une intense émotion surgir de ses entrailles.

Ce n'était pas de la simple colère.

Ce n'était pas de la simple peur.

En réalité, c'était quelque chose qui lui donnait envie d'éclater de rire s'il ne se contenait pas. Il avait l'impression que son estomac était rempli d'eau bouillante, mais dans le même temps, il ressentait comme un mystérieux plaisir et de l'extase.

Higashikawa lui-même ignorait comment qualifier ce sentiment.

Néanmoins...

Il sentit que le fil de ses pensées mutait. Les raisonnements habituels pour éviter la mort s'étaient transformés en quelque chose de complètement différent.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Dans ce cas, que devait-il espérer de cette attraction finale ?

Un score élevé.

Après avoir défini son objectif, ses pensées se mirent à défiler à la vitesse de la lumière. Son instinct et ses limites physiques ne fonctionnaient peut-être pas correctement car sa vision devint étrangement claire et large. La grande tension et émotion avaient sûrement affecté la dilatation de ses yeux, mais cela importait peu.

Il allait en boucher un coin à la bunny girl.

Il avait choisi sa priorité en fonction de ce sentiment qui n'était ni haine ni joie. Ainsi, quel était le moyen le plus efficace de se servir de sa carte rouge ou noire ?

Il trouva la réponse presque immédiatement. C'était très simple.

Tout en ignorant sa propre survie, cela dit.

— Écoutez-moi.

Les autres neuf personnes semblaient observer l'étrange comportement de Higashikawa à distance.

S'isoler du groupe aurait dû être à éviter à tout prix.

Cependant...

Quand il comprit qu'il ne pouvait pas survivre, ce choix était le plus approprié.

Mamoru Higashikawa prit une profonde inspiration puis prononça une phrase décisive.

— Je vais choisir noir.

— T'as rien écouté ou quoi ? demanda Kazakami, agacé.

Il était frustré d'avoir à débattre encore et encore de la même chose.

— Même si tu dis ça, t'auras aucune preuve que les autres choisiront noir aussi !!

— Je sais bien, coupa Higashikawa.

Puis il ajouta une autre phrase décisive.

— Quant à vous, vous devriez tous choisir rouge. Ainsi, ça minimisera les pertes !!

Il entendit quelqu'un retenir son souffle.

Il n'avait aucun moyen de savoir si c'était dû au choc ou si c'était par soulagement en apprenant une méthode infaillible de survivre.

Mais il s'en fichait.

— Vous avez même pas à considérer choisir noir. Contentez-vous de vous dire que choisir rouge vous sauvera ! Si on choisit tous rouge, c'est fini. Mais si je choisis noir, vous aurez pas à vous en faire pour ça !!

— Pourquoi...? demanda Hotaru tout en regardant Higashikawa comme si elle n'en croyait pas ses yeux.

C'était une réaction logique.

Avec ce plan, les chances de survie de Higashikawa étaient nulles.

Kazakami avait été pris de court, mais maintenant il serra les dents et cria :

— Je te crois pas. Si tu choisis noir tout seul, tu mourras !! Au tout dernier moment, tu vas...!!

— Et à quoi ça va me servir de jouer rouge à la dernière seconde ? Ça voudrait dire qu'on mourra tous. Que je choisisse rouge ou noir, je vais mourir. À quoi bon vous trahir dans cette situation ?!

— ... Je peux savoir pourquoi tu fais ça ? demanda Hiyama, mais Higashikawa ne répondit pas.

Au lieu de ça, il dit :

— Peu importe ce que vous direz, je joue noir. J'ai déjà pris ma décision. ... Écoutez-moi, si vous choisissez rouge, vous survivrez tous. Ou vous voulez tous parier sur noir ? Je peux vous promettre que tous ceux qui choisiront noir mourront avec moi. Si vous cherchez une valeur sûre et que vous voulez vraiment survivre, alors n'hésitez pas : choisissez rouge. Pigé ?

Il n'allait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Alors que cette vérité s'insinuait au fond de lui, il se mit à voir un étrange nouvel objectif. Il ne voulait pas mourir sans raison. Il voulait le drôle de sentiment d'accomplissement que ressent quelqu'un au moment de déchirer sa propre chair pour nourrir un enfant affamé.

Ce n'était rien de plus qu'une illusion.

Ce n'était rien de plus qu'une échappatoire.

Mais abandonner cette attraction lui avait donné une option qu'il n'aurait pas pu voir autrement. Alors même que de la sueur désagréable s'échappait de tout son être, Higashikawa s'accrocha à cet objectif.

C'était comme s'il faisait de son mieux pour détourner les yeux de sa mort prochaine.

— Écoutez-moi ! Choisissez tous rouge ! Ça vous sauvera à coup sûr !! Je vous demande pas de me faire confiance. Mais quiconque choisira noir passera pour un con ! L'oubliez pas !!

Et la structure à neuf-contre-un créé par la mort de Higashikawa n'allait pas reposer sur la trahison et la suspicion comme voulu par la bunny girl.

Après tout, Higashikawa ne faisait plus partie ni du Joueur 1 ni du Joueur 2.

C'était cinq et quatre et un. Après avoir trahi pour éviter la confrontation entre les deux groupes, il se trouvait entre deux eaux.

Qu'allait-il se passer s'il se sacrifiait ici ?

Le groupe ne serait pas divisé. Soit il se serait débarrassé du traître, soit il ressentirait une culpabilité mutuelle d'avoir dû sacrifier l'un des siens pour sauver sa peau. Le Joueur 1 et le Joueur 2 seraient véritablement uni.

Il guidait le résultat de l'attraction loin de ce que la bunny girl et les autres organisateurs voulaient.

C'est ma seule et unique façon de gagner.

Il ne pouvait rien faire pour éviter sa sortie de route.

Il allait mourir quel que soit son choix.

Il l'avait accepté. Il n'avait pas d'autre choix que de l'accepter. Et après l'avoir fait, c'était le seul endroit où il pouvait mettre en place son dernier combat. C'était tout ce qui lui restait.

Je laisserai pas cette horrible bunny girl faire comme bon lui semble !! Je vais faire en sorte que ça se termine pas comme elle l'avait imaginé ! Tant que je peux le faire...!!

— Hé !!

Avec de la sueur s'écoulant de son visage et les yeux injectés de sang, Higashikawa regarda en direction d'Anzai.

Et il cria.

— C'est la fin pour moi. Mais promets-moi une chose. Promets-moi qu'il y aura plus de Joueur 1 et de Joueur 2 ! À partir de maintenant, c'est toi le héros ! Échappe-toi d'ici non pas seulement pour tes amis, mais pour tout le monde !! Fais tout ce que tu peux pour y parvenir ! Assure-toi d'y arriver !!

— Le temps est écoulé, dit la bunny girl après un long silence.

Elle n'avait pas l'air inquiète.

Sa priorité était l'élimination de Mamoru Higashikawa dont les organisateurs voulaient se débarrasser. Cela allait tout de même arriver, alors ceux qui les surveillaient n'avaient aucune raison d'être inquiets.

Ou du moins, c'est ce qu'ils pensaient.

Higashikawa avait l'impression qu'ils étaient naïfs.

Même s'il avait été décidé qu'il mourrait, il pouvait encore choisir de quelle façon. Higashikawa avait réalisé ça tout à la fin.

Et donc, il n'allait pas perdre.

Même s'il mourrait, il n'allait pas perdre.

— Vous avez pris votre décision ? Vous avez mis en place votre stratégie ? Vous croyez pouvoir gagner ? Vous croyez que tout ira comme vous l'espérez ? Bah, peu importe votre réponse, le temps est venu. Préparez tous votre carte. Imaginez un arbitre qui tend un carton au foot. Il va sans dire que vous devrez montrer l'autre côté après ça. Quiconque refusant de montrer sa carte sera tué. Si vous avez compris, préparez votre carte.

Ils étaient dix.

Chacune de leurs vies avait une valeur égale et leur destin reposait tous sur une seule et unique carte.

Mamoru Higashikawa.

Tomoko Hiyama.

Shinzô Kazakami.

Shirauo Matsumi.

Rachel Skydance.

Kyôsuke Anzai.

Harumi Quartervalley.

Hotaru Hasegawa.

Kozue Kusaka.

Aisu Yakushiji.

— Prêt, feu...

La voix enjouée de la bunny girl paraissait affreusement incongrue.

Et c'était le signal final.

— Partez !!

Avec un sourire crispé, Mamoru Higashikawa tendit le côté noir de sa carte.

Et les neuf autres avaient choisi...

Partie 3[edit]

Quelques secondes s'écoulèrent.

Le silence était tombé dans l'endroit.

Le souffle irrégulier de Higashikawa et son cœur battant à tout rompre lui paraissaient étrangement forts. Au lieu de l'éviter, il l'avait lui-même choisi. Son esprit était terriblement clair. Toutes les pensées matérielles en avaient disparu et plus aucune trace de sentiment humain n'avait subsisté.

C'était peut-être l'état mental de quelqu'un sur le point de sauter du haut d'un gratte-ciel ou du quai d'une station de métro.

C'est fini.

Il murmura ces mots dans son cœur mais aussi dans sa barbe.

C'était fini.

Quand est-ce que sa peur reviendrait ? Alors que Higashikawa se posa la question, il réalisa que la peur ne semblait pas du tout revenir. Il ne ressentait qu'une étrange chaleur tourbillonner dans sa tête. Un nombre important de neurones dans son cerveau avait peut-être déjà grillé et il n'allait jamais retrouver ses facultés de penser.

Quand la sanction allait s'abattre sur lui et qu'il allait ressentir une douleur inimaginable, la peur risquait de revenir.

Ou il était peut-être perdu au point où les sentiments ne pouvaient plus l'atteindre.

— ...

Son souffle était des fois bref et d'autres profond.

Finalement, les autres sacs suspendus entrèrent dans le champ de vision de Higashikawa.

Ils ressemblaient vraiment aux sacs servant à transporter des poissons rouges.

L'épais plastique transparent et le gros câble faisaient penser à une gondole extrêmement peu fiable.

Higashikawa jeta un œil pour voir le résultat... puis il se figea.

Hiyama se trouvait dans le sac voisin.

Il voyait la couleur de sa carte.

Elle était noire.

L'espace d'un instant...

Juste l'espace d'un instant....

La chaleur désagréable dans la tête de Higashikawa disparut. Il n'arrivait pas à analyser ce qu'il voyait.

Et après quelques secondes, il finit par comprendre.

Il réalisa ce que cela voulait dire.

— Tu...!!

Sa stratégie avait échoué. Les neuf autres n'avaient pas tous choisi rouge. C'était une mort inutile. Il ignorait complètement pourquoi elle avait fait ça, mais Hiyama avait simplement choisi de mourir avec lui.

Mais...

C'était encore pire que ce qu'il avait prévu.

Quand il regarda encore, Hiyama n'était pas la seule à avoir choisi noir. Anzai, Matsumi et Rachel aussi.

Plus de morts inutiles.

Une fois la moitié d'entre eux morts, les survivants allaient se mettre à se méfier les uns des autres. Ils allaient s'entretuer, lentement mais sûrement.

Mais il faisait erreur une fois de plus.

Il y en a encore plus.

— Hein...?

Il regarda autour de lui.

Il regarda à nouveau autour de lui.

Il se rendit finalement compte que chaque carte était de la même couleur. Les dix participants avaient tous choisi noir. Toutes les cartes étaient noires comme si elles avaient été préparées à l'avance.

Pourquoi ?

Cette simple question trottait dans l'esprit de Higashikawa.

C'était le meilleur résultat possible, mais il n'avait pas vu comment cela pouvait arriver.

— On n'a pas eu le choix, lâcha Kazakami. T'étais sur le point de choisir noir tout seul, alors y avait pas d'autre choix pour « nous » sauver.

— On peut dire qu'on s'est réveillés, continua Hotaru. Cette bunny girl a mis en place toutes sortes de règles, mais il n'y a jamais eu qu'un seul choix.

— Ta volonté de choisir noir coûte que coûte nous a donné ce coup de fouet dont on avait besoin.

Puis Matsumi dit :

— Pour être franche, j'ai hésité à choisir rouge. Mais je me suis alors demandée ce que je ferais pour les prochaines attractions si je survivais seule. N'importe quelle aide serait la bienvenue.

— Pendant qu'on a supervisé les attractions, on vous a vus travailler main dans la main pour les réussir, ajouta Aisu.

Kozue embraya :

— Si t'étais pas intervenu quand les Joueurs 1 et 2 se sont rencontrés, je serais morte. Je me sentais mal de pas te rendre la pareille.

— On a tous beaucoup débattu pendant l'attraction.

Anzai poussa un lent soupir après s'être assuré que tout le monde avait choisi noir.

— Mais ces conflits étaient nécessaires pour qu'on puisse tous survivre. Une fois que quelqu'un avait décidé de choisir noir, ce que nous devions faire devenait évident.

— ...

C'était simple.

C'était une vérité simple.

Mamoru Higashikawa avait mis en œuvre sa stratégie en considérant qu'il n'allait pas survivre. Ainsi, le score élevé était la survie des neuf autres et de l'élimination de toute source de conflit.

Mais...

Ils l'avaient tous vu d'un œil différent.

Il n'avait pas été question de leur survie à chacun.

Il avait été question de leur survie à tous.

Pendant que Higashikawa avait rapidement abandonné, les autres avaient continué à lutter pour la survie totale.

C'était pour cette raison qu'ils étaient tombés dans une impasse et qu'ils avaient débattu.

Voir le résultat avait fini par réveiller Higashikawa. Cette pensée de sacrifice de soi qu'il avait envisagée pour fuir la peur de la mort venait de s'écrouler.

Il n'était ni fort ni intelligent.

Il avait simplement détourner les yeux.

Ceux qui méritaient cette victoire étaient les neuf autres qui avaient continué à chercher la solution en ne perdant jamais de vue leur objectif final.

— Tu voyais peut-être ça comme un neuf contre un, ou un cinq contre quatre contre un, dit Hiyama tout en touchant sa blessure. Mais on est juste dix. Et c'est grâce à toi qui nous as tous trahis pour tous nous protéger.

Higashikawa n'arrivait pas à trouver ses mots.

Tout en étant assis abasourdi, il entendit la voix de la bunny girl.

— Ooook... Un peu inattendu, mais je vais quand même annoncer les résultats de l'attraction.

Elle était déçue.

Sa voix était emplie de tristesse.

Et ainsi la véritable cruauté de l'attraction fut révélée au grand jour.

— Tomoko Hiyama-san, Shinzô Kazakami-san, Shirauo Matsumi-san, Rachel Skydance-san, Kyôsuke Anzai-san, Harumi Quartervalley-san, Hotaru Hasegawa-san, Kozue Kusaka-san et Aisu Yakushiji-san. D'après les règles de l'attractions, les neuf personnes citées seront tuées.

— ……………………………………………………………………………………… Quoi ?

C'était pire qu'un jet d'eau glacial au visage.

Ses pensées s'arrêtèrent complètement.

Un bruit s'échappa de sa bouche, mais il n'avait aucune signification.

Ce retournement de situation totalement improbable et absurde lui avait coupé les ailes.

— Pourquoi ? marmonna finalement Higashikawa.

Il pouvait sentir tout son corps trembler. La chaleur désagréable qui tourbillonnait dans sa tête plus tôt avait complètement disparu. Maintenant, il avait l'impression que tout son corps était rempli d'eau gelée.

— N'importe quoi ces résultats !! On a tous choisi noir !! Chacun de nous tous !! Comment ça les neuf autres doivent mourir ?!

— Oh ? dit la bunny girl d'un ton moqueur apparent.

C'était la voix d'une personne qui n'avait pas été blessée le moins du monde.

— Les règles disent clairement : si vous n'avez pas tous la même couleur, seuls ceux qui ont choisi noir mourront.

— Et ?!

— Et, répéta la bunny girl, ta carte est marron très foncé, Higashikawa-san.

Il eut l'impression que sa personnalité toute entière avait été effacée.

L'absurdité de la situation provoquait de drôles de douleurs au niveau de ses glandes lacrymales. L'expression sur son visage étrangement tordu ne correspondait à aucune émotion connue.

La carte.

La carte elle-même avait été sabotée.

Il força son corps tremblant à bouger et regarder. Il jeta un œil à sa propre carte. Il l'observa dans la pénombre.

Elle avait l'air noire.

Elle ne pouvait être que noire.

Mais...

Malgré tout...

— Bah, je t'en veux pas de pas l'avoir remarqué avec une vue normale. Selon les valeurs CMJK, le magenta a été réduit de deux ou trois points. Mais techniquement, c'est toujours classé comme du marron très foncé. C'est pas du noir. Quand le pigment de mélanine brune est suffisamment concentré, on appelle ça des cheveux noirs, mais techniquement... techniquement, c'est toujours du marron !!

— C-Ce... C'est pas sérieux !!!!!

— Et donc, vous avez malheureusement échoué à tous choisir noir ! Vous avez échoué !!

Il aurait dû envisager cette possibilité.

Il aurait dû être aux aguets d'un piège vu que ces cruels organisateurs avaient prévu une option qui permette à tout le monde de survivre.

Mais même si ça avait été le cas...

Même si ça avait été le cas...

— Vous essayiez de m'acculer, pas vrai ?! Vous saviez que je serai isolé tôt ou tard, alors je vous intéressais plus ! Si vous les tuez, vous pourrez pas continuer ces attractions qui joue avec la psychologie du groupe !! Ça vous va vraiment ?!

— Oh, allez quoi.

La bunny girl semblait bien s'amuser.

On aurait dit quelqu'un ayant enfermé un insecte dans un labyrinthe et l'observant lutter pour trouver la sortie.

— Tu crois que cette attraction était juste pour toi ? Juste pour t'éliminer toi ? Pourquoi est-ce qu'on se casserait la tête juste pour toi ? Tu crois pas que tu t'emballes un peu, mon coco ?

— ...!!

— Et puis, notre objectif n'est pas de continuer ces attractions ad vitam. En fait, ce qui compte le plus, ce sont cette fin soudaine, cette conclusion inattendue et ce retournement de situation absurde.

— Qu'est-ce... que tu racontes...?

— Après tout, c'est la nature même de l'absurdité.

Elle semblait vraiment, vraiment bien s'amuser.

La voix de la bunny girl paraissait radieuse.

Elle était différente de la voix moqueuse d'avant.

— Voir la structure d'une histoire prévisible serait en rien absurde, pas vrai ? Quand la jolie héroïne ne meurt pas et est toujours considérée comme en vie, c'est pas absurde. Si le héros d'un téléfilm de deux heures survit pendant les deux heures entières, c'est pas absurde. ... Nous recherchons l'absurde. Et c'est pour cette raison qu'on doit détruire tous les principes classiques.

— L'absurde...? marmonna Anzai, choqué. Tu viens de dire absurde ?!

— Ha ha ha ! Certains l'appellent Objectif Alice. Attraper cette Fille Blanche associée à la Banshee[2] et à Promethée[3]. est pas une mince affaire. Après tout, c'est une existence peu évidente à gérer. Son unique règle est qu'aucune règle ne s'applique à elle. Même après avoir procédé à une émulation expérimentale, nos chances de succès sont complètement inconnues. Mais le fait d'être incapable de prévoir quoi que ce soit pourrait être la preuve qu'on s'approche d'Alice qui se tient au centre de l'absurde.

Mais Higashikawa n'arrivait pas à comprendre la véritable signification de ces mots. Il n'avait plus la capacité mentale de le faire.

Il avait mal interprété l'objectif de l'ennemi.

La bunny girl n'avait pas mis en place l'attraction pour se débarrasser de lui.

C'était la raison pour laquelle il avait échoué.

C'était la raison pour laquelle il avait échoué... non ?

— Bon, eh bien... Je suis sûre que vous avez tous vaguement compris maintenant, mais vous allez mourir !! C'est vraiment un tournant absurde, vous trouvez pas ?

Les appuis de Higashikawa tremblèrent.

Après cette vibration d'un autre bras s'accrochant, le câble se mit être enroulé.

On le remontait.

Lui seul était sauvé de la mort. Lui seul était remonté en sécurité.

— Attendez...

Higashikawa avait essayé de sauver les neuf autres en choisissant noir et les faisant choisir rouge.

Les neuf autres avaient tous choisi noir malgré le danger pour le sauver lui.

Le massacre allez commencer.

— Aaaaaaatttttteeeeeeeeeeeeeeennnndeeeeeeeeeeezzzzzzzz !!

Crier était inutile.

Higashikawa fut remonté seul jusqu'au bar et le puits se referma derrière lui.

Cette simple plaque séparait la zone sûre de l'abysse.

Et dans les ténèbres en dessous, neuf vies avaient péri.


  1. Au Japon, c'est une expression pour parler des gens qui se suicident dans le métro.
  2. Une banshee, banshie ou bean sí est une créature féminine surnaturelle de la mythologie celtique irlandaise, considérée comme une magicienne ou une messagère de l'Autre monde (sidh).
  3. Dans la mythologie grecque, Prométhée ou en grec ancien Προμηθεύς / Promêtheús, dont le nom signifie «  le prévoyant », est l'un des Titans. Il est surtout connu pour avoir créé les hommes à partir de restes de boue transformés en roches, ainsi que pour le vol du « savoir divin » (le feu sacré de l'Olympe) qu'il a caché dans une tige et qu'il rendit aux humains. Courroucé par sa ruse, Zeus, le roi des dieux, le condamna à être attaché à un rocher, son foie se faisant dévorer par un aigle chaque jour, et renaissant la nuit.