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Kyoukai no Kanata:Tome 1 Chapitre 1
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==Chapitre 1== ===Partie 1=== « Celui-lĂ est plein de cadavres. » Jâen avais assez de tout ça. Jâai encore poussĂ© un soupir, amenant le total pour aujourdâhui Ă qui-sait-combien. « Je suppose que lâidĂ©e ici est que tuer des gens de toutes sortes de maniĂšres atroces attirera des lecteurs. Pourtant, franchement, ce genre de cruautĂ© vide de sens me semble de mauvais goĂ»t. » « Alors comment veux-tu quâils soient tuĂ©s ? » « Tant quâil y a une relation claire entre les actes du tueur et son mobile, peu importe. Je ne peux tout simplement pas supporter ces histoires dans lesquelles tout le monde se fait tuer sur un coup de tĂȘte ou autre. » « Je vois, » dit Mitsuki. Elle en avait marre, elle aussi. Je ne savais pas avec certitude si sa colĂšre Ă©tait dirigĂ©e contre moi et ma vision de la littĂ©rature, ou contre la personne qui avait Ă©crit le rĂ©cit plein de cadavres. Quoi quâil en soit, un voile dâennui est descendu sur nous. Il ne montrait pas non plus de signes dâun dĂ©part proche. « Que câest pĂ©nible. » Jâai lancĂ© sur la table les papiers que jâavais Ă la main. Comme ils nâĂ©taient pas attachĂ©s ensemble, un certain nombre dâentre eux a glissĂ© de la table et a voletĂ© doucement jusquâau sol. Je ne me suis pas particuliĂšrement souciĂ© de les ramasser. « Akihito, montre un peu de respect pour les vieux papiers. Nos prĂ©dĂ©cesseurs ont mis tout leur cĆur et leur Ăąme dedans. » « Quand tu les appelles "vieux papiers", je ne peux pas me rĂ©soudre Ă mâen soucier le moins du monde, peu importe le nombre dâĂąmes quâil y a dedans. » La rĂ©primande de Mitsuki mâa arrachĂ© un rire tendu alors que je ramassais les papiers. Mercredi 11 avril â pause dĂ©jeuner. Voici devant vous le club de littĂ©rature. Le club faisait paraĂźtre un magazine trimestriel appelĂ© "Dame de la Nuit". Le numĂ©ro de printemps de cette annĂ©e serait le 200Ăšme, et pour fĂȘter ça, nous avons compris que nous devions faire quelque chose pour celui-ci. Nous en avons discutĂ© avec les autres membres du club et le conseiller du personnel, et au final, nous avons dĂ©cidĂ© que nous ferions de ce numĂ©ro un numĂ©ro commĂ©moratif. En tant que tel, nous allions parcourir nos numĂ©ros passĂ©s â ce qui signifiait que nous devions les exhumer des montagnes de boĂźtes en carton sâaccumulant dans la salle de club â et nâen sĂ©lectionner que les meilleures histoires pour les inclure au numĂ©ro. Et câest ainsi que Mitsuki, la prĂ©sidente du club, et moi, le vice-prĂ©sident, nous sommes retrouvĂ©s Ă travailler dur pour sĂ©lectionner des histoires de nos anciens numĂ©ros. Contrairement aux salles de classes normales, la salle du club de littĂ©rature avait de longues tables et des chaises pliantes. De vieilles copies de "Dame de la Nuit" et dâautres papiers occupaient lâĂ©quivalent de deux tables. Jâai feuilletĂ© un nouvel ensemble de feuilles. Ce que nous faisions Ă©tait dâune stĂ©rilitĂ©. Pas seulement le fait que nous ne soyons que deux Ă essayer de nous faire une idĂ©e de plus dâun millier dâhistoires, mĂȘme si câĂ©tait dĂ©jĂ terrible en soi. Nâen demeure que quelques rĂ©cits ne semblaient mĂȘme pas couler logiquement et de façon cohĂ©rente. ''Ăa'', câĂ©tait stĂ©rile. Alors, pour lâinstant, je les jugeais dâaprĂšs la qualitĂ© de leur organisation et celle de leur rĂ©daction. Tout le reste Ă©tait une prĂ©occupation secondaire. Ă propos, notre club possĂ©dait aussi trois autres membres, mais ils Ă©taient tous bizarres dâune façon ou dâune autre, alors ça importait peu quâils soient lĂ ou non⊠En y repensant, sâils avaient Ă©tĂ© dans le coin, en fait, ils auraient pu nous ralentir. « Et nous avons lĂ un mystĂšre avec des tours de science fiction nĂ©gligĂ©s partout et aucun mobile pour le criminel en vue. » « Si câest ce que tu penses de ça, jette-le juste. » Ai-je soupirĂ©. Mistuki a inclinĂ© la tĂȘte, de maniĂšre dramatique. « Jâavais lâimpression que les romans de mystĂšres et ceux pour jeunes adultes Ă©taient une meilleure option. Ou est-ce que tu veux dire que tout ce qui est intĂ©ressant convient ? MĂȘme les histoires dâaction violentes et les histoires dâhorreur ? » « Fais juste preuve de tact pour ce genre de choses. » « Si tu le dis, » a dit Mitsuki. Puis elle mâa passĂ© une pile de papiers. « Celui-lĂ est un conte de fĂ©es, mais câest assez intĂ©ressant. » « Oh ? Comment il sâappelle ? » « Le Petit Chaperon rouge sans Chaperon. » « Elle est quoi, alors !? » Ai-je rĂ©torquĂ© par rĂ©flexe. Le Petit Chaperon rouge sans son chaperon ? Le chaperon Ă©tait son seul signe distinctif. Quelque chose devait clocher avec elle. Bon, dâun autre cĂŽté⊠selon la façon dont on regardait les choses, lâabsence du chaperon pouvait ĂȘtre en elle-mĂȘme un nouveau signe distinctif. Dans tous les cas, je nâavais quâune chose Ă dire. « Est-ce que tu prends ça au sĂ©rieux ? » « Bien sĂ»r. Câest la premiĂšre fois que je sĂ©lectionne des histoires pour "Dame de la Nuit", par contre, alors je nâai pas encore le coup de main pour ça. » Mitsuki a tout d'un coup semblĂ© sĂ©rieuse. Oh⊠Je comprends. Je nâaurais pas dĂ» dire ça. Ce nâest pas comme si jâĂ©tais vraiment meilleur, dâailleurs. Bien sĂ»r, nous jugions les histoires dâaprĂšs la qualitĂ© de leur organisation et de leur rĂ©daction, mais notre Ă©valuation de ces qualitĂ©s Ă©tait dĂ©jĂ subjective pour commencer. CâĂ©taient des paramĂštres terriblement vagues. CâĂ©tait une sĂ©lection impartiale qui nâen avait que le nom. En toute honnĂȘtetĂ©, nous ne choisissions que les histoires que nous aimions. « Pardonne-moi, » me suis-je excusĂ©. JâĂ©tais allĂ© trop loin. AprĂšs ça, jâai fourrĂ© mon dĂ©jeuner dans ma bouche : un sandwich Ă lâescalope venant du magasin de lâĂ©cole. Bien sĂ»r, je devais quand mĂȘme continuer Ă parcourir les papiers de ma main libre tout en mĂąchant. Nous aurions dĂ» rĂ©aliser Ă quel point ça allait ĂȘtre dur quand nous avons compris que nous ne pourrions pas tout terminer pendant les heures de club aprĂšs lâĂ©cole. « Bon Dieu. Celui-ci devrait ĂȘtre reconnu comme nouvelle forme de torture, » a grommelĂ© Mitsuki. Elle a jetĂ© sur la table le numĂ©ro de "Dame de la Nuit" quâelle feuilletait. Elle sâest enfoncĂ©e dans sa chaise et a regardĂ© le plafond dâun air absent. Respectant les lois de la nature, la façon dont elle s'est cambrĂ©e contre le dossier de sa chaise a rendu les protubĂ©rances de sa poitrine encore plus proĂ©minentes. Mon regard Ă©tait attirĂ© vers elle. CâĂ©tait vraiment quelque chose. Je ne pense pas que je comprendrai un jour ce que certaines personnes voyaient dans les poitrines plates. Dâun autre cĂŽtĂ©, je ne comprends pas non plus pourquoi les gros seins sont la prioritĂ© numĂ©ro un de certains. « HĂ©, Akihito. » Mitsuki s'est lentement redressĂ©e et m'a regardĂ© droit dans les yeux avec ses yeux blancs. CâĂ©tait comme si elle regardait un tas de crotte de chien sur le cĂŽtĂ© de la route. Je savais que je devais me montrer ferme, sĂ©ance tenante. « Oui, quoi ? » ai-je rĂ©pondu. Mon regard n'a quittĂ© sa poitrine Ă aucun moment. Si jâavais dĂ©tournĂ© les yeux, elle aurait sĂ»rement interprĂ©tĂ© ça comme un aveu de culpabilitĂ©. Pour Ă©viter ça, je nâavais dâautre choix que de continuer Ă regarder sa poitrine. « Tu es impudique. » « Mais jâai travaillĂ© si dur ! » Jâai laissĂ© tomber mes Ă©paules en plaisantant. Il ne semblait pas que Mitsuki veuille me rĂ©primander davantage. Ăa montrait Ă quel point nous Ă©tions proches. Nase Mitsuki. CâĂ©tait une deuxiĂšme annĂ©e au lycĂ©e. Sa famille possĂ©dait pas mal de terres dans le coin. La premiĂšre chose que jâaurais dĂ» mentionner Ă son propos est quâelle exsude en permanence lâĂ©lĂ©gance. Elle Ă©tait le portrait crachĂ© dâune jeune demoiselle de la haute sociĂ©tĂ©. Sa peau pĂąle Ă©tait aussi lisse que de la porcelaine. Elle avait de grands yeux ronds, du type grande-sĆur-canon-dâun-ami. Enfin, elle devait ĂȘtre lâhĂ©ritiĂšre de lâempire de sa famille ; mais pour lâinstant, en tant que deuxiĂšme annĂ©e au lycĂ©e, elle Ă©tait la prĂ©sidente du club de littĂ©rature. Il y avait un flux sans fin de personnes frappant Ă la porte de la salle de club, tous enchantĂ©s par la superbe silhouette et la poitrine voluptueuse de Mitsuki. Je nâallais pas laisser ces vagabonds polluer notre littĂ©rature. En tant que membre chargĂ© de recevoir les visiteurs, je mâassurais de faire partir ces dĂ©pravĂ©s en toute hĂąte. JâĂ©tais un parfait gentleman Ă ce sujet, bien sĂ»r. Vous savez quoi ? Laissez-moi corriger ça. Je refusais fermement lâaccĂšs du club Ă tout arrivant, utilisant un langage que vous nâentendriez mĂȘme pas venant dâun petit voyou au collĂšge. Une plainte mâest brusquement parvenue des magnifiques lĂšvres de Mitsuki : « ⊠Si seulement nous avions quelques nouveaux membres, ce serait beaucoup plus facile. » Tout Ă©tait la faute de ce numĂ©ro commĂ©moratif. Si nous nâavions pas dĂ©cidĂ© de faire ça, nous ne serions pas en train de perdre notre temps sur cette montagne de papiers. « Nous avions jurĂ© de ne pas parler de ça, non ? Nous nous Ă©tions mis dâaccord sur le fait que nous terminerions ça avec seulement quelques personnes efficaces. » « Câest le problĂšme. Pour le moment, nous sommes juste âquelquesâ ; pas âefficacesâ. » Je ne savais plus quoi dire. CâĂ©tait tout ce que jâavais en ma faveur : lâefficacitĂ©. Et maintenant, je nâai mĂȘme pas ça ? Quelle façon cruelle de parler. Juste Ă ce moment, lâalarme que jâavais rĂ©glĂ©e sur mon tĂ©lĂ©phone a sonnĂ©. Jâai sorti mon tĂ©lĂ©phone et ai Ă©teint la sonnerie. Je ne voulais pas en faire toute une histoire, mais je savais que je devais quitter la salle de club. « Je reviens tout de suite. » « Tu mâabandonnes tout ce travail ? » Mistuki a levĂ© les yeux par-dessus les papiers et m'a fixĂ©, les yeux plissĂ©s. Alors que je me levais, jâai rĂ©pondu : « Bien sĂ»r que non. Je rattraperai mon retard aprĂšs lâĂ©cole. » « Je ne veux pas de tes excuses. Dis-moi pourquoi tu dois partir, » a-t-elle exigĂ©. Elle avait un air effrayant au visage. Je nâallais pas pouvoir sortir de lĂ impuni avec une blague ou deux. Voyant que je nâavais pas dâautre choix, jâai inventĂ© une excuse dĂ©sespĂ©rĂ©e. « Eh bien, câest un phĂ©nomĂšne naturel en quelque sorte. Tu sais, ''ça''. » « ⊠Quâest-ce que tu veux dire par "en quelque sorte" ? Dâailleurs, si tu souffres de "phĂ©nomĂšnes naturels" Ă chaque fois quâune alarme sonne, tu devrais vraiment faire vĂ©rifier ça. » Quelle pagaille. Bon, elle nâavait pas tort. MĂȘme les chiens de Pavlov seraient surpris si jâĂ©tais vraiment conditionnĂ© pour souffrir dâun "phĂ©nomĂšne naturel" Ă chaque fois quâune alarme sonnait. Au fait â on donnait de la nourriture aux chiens de Pavlov Ă chaque fois quâune cloche sonnait. Donc, Ă chaque fois que la cloche sonnait, les chiens commençaient Ă baver mĂȘme sâil nây avait aucune nourriture. Telle Ă©tait la vie Ă la rĂ©sidence Pavlov. Bah, peu importe. Ce nâest pas le problĂšme. En lâĂ©tat actuel des choses, je nâavais pas le luxe de sĂ©lectionner et de choisir mes excuses. Je devais sortir de la salle de club et mâĂ©loigner de Mitsuki aussi vite que possible. « Quoi quâil en soit, je suis sur le point dâexploser, alors je sors. Tu ne veux pas me voir avoir un accident, nâest-ce pas ? » « ⊠» Il allait sans dire que jâai senti un regard plein de mĂ©pris derriĂšre moi. Ăa allait. Ă peine quelques secondes plus tard, jâai Ă©tĂ© certain dâavoir pris la bonne dĂ©cision. Car, vous voyez, au moment oĂč jâai posĂ© un pied hors de la salle de club, jâai senti quelquâun dâautre me regarder depuis quelque part. CâĂ©tait une bonne chose que jâaie mis un peu de distance entre Mitsuki et moi. Pour le moment, jâai dĂ©cidĂ© dâadopter une attitude dâattente. Jâai commencĂ© Ă errer dans la direction gĂ©nĂ©rale des toilettes. JâĂ©tais sĂ»r dâĂȘtre suivi. Jâai vĂ©rifiĂ© les alentours tout en mâĂ©tirant, afin dâĂ©viter dâalerter mon poursuivant. Jâai aperçu une petite fille se cachant dans lâombre de la cage dâescaliers. Elle me regardait fixement. Je pense quâelle sâimaginait sâĂȘtre cachĂ©e de moi. Si câĂ©tait le cas, elle sous-estimait mes sens aiguisĂ©s. Je la soupçonnais de sâĂȘtre procurĂ©e de nouvelles lunettes Ă montures rouges Ă lâoccasion de son entrĂ©e au lycĂ©e. CâĂ©taient ces lunettes rouges qui lâavaient dĂ©noncĂ©e. Elle pensait pouvoir se cacher de moi â moi, qui pouvais identifier nâimporte qui Ă ses lunettes ! Une terrible erreur de sa part. Enfin, bref. Laissez-moi ĂȘtre totalement honnĂȘte. Depuis ce jour, Kuriyama Mirai mâavait traquĂ©. Câest un peu comme cette lĂ©gende urbaine. Vous savez : "Lâappel vient de lâintĂ©rieur de la maison !" Certes, nous nâĂ©tions pas assez proches pour nous appeler lâun lâautre, mais aprĂšs trois jours Ă subir ses combines, je suppose que je mâĂ©tais habituĂ© Ă elle, ou peut-ĂȘtre simplement prĂ©parĂ© mentalement Ă elle. « Quelle galĂšre, » ai-je murmurĂ©. Jâai recommencĂ© Ă marcher, agissant comme si rien ne sâĂ©tait passĂ©. AprĂšs un court instant, jâavais le sentiment que jâĂ©tais sur le point dâĂȘtre attaquĂ© par surprise, alors jâai fait volte-face. Je suppose que son rĂ©flexe nâa pas Ă©tĂ© ĂȘtre assez rapide. La moitiĂ© de son corps dĂ©passait de derriĂšre lâune des colonnes du couloir. Bon sang. Elle paraissait ''vraiment'' suspecte. Encore plus effrayant, elle nâa mĂȘme pas essayĂ© de se cacher Ă nouveau plus soigneusement. Elle sâest simplement tenue lĂ , clouĂ©e sur place. « Bon, ça devait Ă coup sĂ»r ĂȘtre mon imagination, » me suis-je dit Ă voix haute. Jâai continuĂ© Ă parcourir le couloir. Peu de temps aprĂšs, je me suis retournĂ©, juste pour la trouver se tenant lĂ immobile, les deux mains contre le mur. Franchement, son corps tout entier Ă©tait visible. Elle me regardait directement, les yeux immobiles, ressemblant Ă sây mĂ©prendre Ă une statue de cire. Elle Ă©tait tellement mauvaise pour ça que câen Ă©tait terrifiant. De mon point de vue, une fille Ă qui les lunettes allaient bien Ă©tait catĂ©goriquement plus mignonne quâune fille pour laquelle ce nâĂ©tait pas le cas. Et elle rĂ©ussissait quand mĂȘme Ă mâinspirer de la peur⊠Ce devait ĂȘtre lâĆuvre du diable. Jâai avancĂ© un peu plus loin dans le couloir et me suis tournĂ© Ă nouveau. Elle sâĂ©tait arrĂȘtĂ©e avec un pied en lâair. Ne me dites pas quâelle pense que je ne peux voir que les objets en mouvement. Quâest-ce que je suis, une grenouille ? Cette fois, jâai fait mine de recommencer Ă marcher, mais jâai Ă la place regardĂ© par-dessus mon Ă©paule. Et elle Ă©tait encore aussi immobile quâune statue. Bonsangbonsangbonsang. Est-ce quâon joue Ă un deux trois soleils maintenant ?! Est-ce que câest un test ? Est-ce quâelle essaye de voir combien de temps je peux tenir sans lui faire de remarque ?! « ⊠» Une minute a passĂ©, nos yeux rivĂ©s lâun sur lâautre. Je nâarrivais pas Ă deviner ce qui pouvait bien lui passer par la tĂȘte. En tout cas, le point problĂ©matique Ă©tait quâelle se trouvait Ă bout portant. Si je lâoffensais, la situation globale se terminerait de la mĂȘme façon que sur le toit lâautre jour. Mauvaise fin. MĂȘme si jâaurais aimĂ© considĂ©rer le bĂątiment de lâĂ©cole comme un endroit sĂ»r pendant les heures de cours, je ne pouvais tout simplement pas. Pas aprĂšs avoir vu toutes les choses bizarres quâelle avait faites au cours des derniers jours. Jâai dĂ©tournĂ© les yeux dâelle, afin de me diriger vers un endroit avec moins de monde. Et alors. Elle a ouvert Ă la volĂ©e la porte dâun placard de rangement et a sautĂ© dedans pour se cacher. Elle a dĂ» se prendre les pieds dans un saut ou quelque chose, dâaprĂšs le fracas horrible qui a suivi. Elle est retombĂ©e dans le couloir, couverte de balais, de serpilliĂšres et de choses de ce genre. Dans une situation comme celle-lĂ , un adolescent typique pourrait essayer de regarder sous sa jupe. Moi, dâun autre cĂŽtĂ©, je ne le ferais pas. Non, jâĂ©tais bien plus prĂ©occupĂ© par ses lunettes Ă montures rouges â Ă©taient-elles tombĂ©es ? Est-ce que quelque chose leur Ă©tait tombĂ© dessus et les avait cassĂ©es ? Les voyant intactes, jâai ressenti une sorte de joie monter lentement en moi. Ce nâĂ©tait pas le moment dâĂ©clater de rire de soulagement, bien sĂ»r. Je savais quâelle ne voulait pas mâentendre dire ça, mais je lâai dit quand mĂȘme. « Est-ce que ça va ? » Elle a lentement soulevĂ© du sol le haut de son corps. Tout en ajustant ses lunettes, elle a rĂ©pondu : « Oh, senpai. Quelle coĂŻncidence. » « CoĂŻncidence, mon Ćil ! Si "câĂ©tait une coĂŻncidence" expliquait assez bien la raison pour laquelle tu viens juste de tomber dâun placard de rangement, "Quelle coĂŻncidence" serait la devise universelle des intrus ! » « Câest dĂ©plaisant. » Elle mĂ©prisa encore une fois ma rĂ©plique intelligente. Utilisant un chiffon de nettoyage de verres, elle essuya les taches de ses lunettes. Nettoyer ses lunettes Ă un moment pareil ? Ăa demandait un sĂ©rieux cran. Je me suis tenu lĂ silencieusement pendant un moment, la regardant nettoyer ses lunettes sans mot dire. Elle nâavait pas lâair dâavoir fini de sitĂŽt. Dâune certaine maniĂšre, jâai fini par rĂ©aliser ce quâelle manigançait. Je lui ai lancĂ© une pique : « Je ne pense pas que tu trouveras de bonnes excuses cachĂ©es dans ces lunettes. » « Q-Q-Q-Q-Quoi ? Je n-ne cherchais pas dâe-excuses. » « Regarde-toi ! Tu sembles louche comme tout ! » « Parce que tu mâas dĂ©soririentĂ©e <!--fait exprĂšs-->! » a-t-elle dit en boudant. Elle jouait Ă la victime, maintenant. Je nâavais aucune idĂ©e de pourquoi elle Ă©tait fĂąchĂ©e contre moi. Je dois dire, par contre, quâune fille Ă lunettes Ă lâair renfrognĂ© faisait un joli tableau. Alors que ces pensĂ©es me traversaient lâesprit, elle inclina la tĂȘte. « Est-ce que tu Ă©coutes ce que je dis ? » a-t-elle demandĂ©. « Ouais, ouais, jâĂ©coute. Le potentiel cachĂ© des lunettes et tout, pas vrai ? » « Je nâai jamais rien dit Ă propos de ça ! Je parlais du fait que je devrais penser ou non Ă une bonne excuse ! » « Oh⊠câest vrai. Alors, est-ce que tu as trouvĂ© quelque chose de bien ? » « Eu-eu-euh. Ă-Ă-Ă plus t-tard ! » Et sur ce, elle sâest enfuie en courant Ă toutes jambes. Je lui ai dit au revoir avec un ricanement. Bien sĂ»r, elle jouait la comĂ©die comme un manche, mais une fois que vous appreniez Ă la connaĂźtre, elle Ă©tait assez mignonne. JâĂ©tais sur le point de retourner Ă la salle de club, quand jâai remarquĂ© les entrailles du placard de rangement du coin de lâĆil. Vu que la coupable sâĂ©tait dĂ©jĂ enfuie, jâai dĂ» me dĂ©vouer Ă ranger son bazar. Jâai soupirĂ© avec force. Le couloir Ă©tait vide, alors personne ne mâa entendu. ===Partie 2=== AprĂšs les cours ; dans la salle du club de littĂ©rature. « Pouah. » Je travaillais dur Ă la sĂ©lection dâhistoires pour "Dame de la Nuit". Tourner une page. Lire une page. Tourner une page. Lire une page. Tourner une page. Lire une page. Le temps ne faisait que sâĂ©couler tranquillement, satisfait de me laisser avec une montagne de papiers sans fin. Au milieu de tout ce silence, jâai dĂ» commencer Ă halluciner. CâĂ©tait comme si la trotteuse dâune vieille horloge avançait Ă intervalles irrĂ©guliers. La simple idĂ©e dâappeler la feuille de papier dans ma main une "histoire" mâirritait. JâĂ©tais assez clairement au bout du rouleau. Jâai compris que je devais refiler un peu du boulot aux autres membres du club, mĂȘme si je nâarrivais pas Ă mâimaginer cela comme une aide. « OĂč sont les trois autres ? » « Comme si je le savais, » a rĂ©pondu Mitsuki. Elle a jouĂ© avec ses cheveux et les a rejetĂ©s par-dessus son Ă©paule. Bien sĂ»r, elle regardait les anciennes copies de "Dame de la Nuit", mais je nâĂ©tais pas si sĂ»r quâelle soit en train de travailler dessus. Nous arrivions Ă lâexpiration de notre motivation, rapidement, et notre efficacitĂ© chutait en tandem. Comprenant quâil Ă©tait temps de sâarrĂȘter pour aujourdâhui, jâai regardĂ© lâhorloge du mur. Il Ă©tait presque vingt heures. Ăa pourrait ĂȘtre normal pour un club sportif, mais nous Ă©tions un club scolaire. Nous avions passĂ© assez de temps ici. Jâai attrapĂ© mon sac sur lâĂ©tagĂšre et jâai rassemblĂ© toutes mes affaires pour rentrer chez moi. <!--page 27--> « Ah oui, Akihito â est-ce que tu sais ce que sont les "tsundere"<ref>[http://fr.wikipedia.org/wiki/Tsundere Tsundere] (ăăłăăŹ?) est un terme japonais utilisĂ© pour dĂ©finir une personnalitĂ© qui est au premier abord, distante, hautaine, voire pimbĂȘche, puis qui devient affectueuse et tendre par la suite. (source : Wikipedia)</ref> ? » « Ăa sort de nulle part. Quoi, les tsundere ? ⊠Tu sais, je ne mâattendais pas du tout Ă entendre ce mot dans la vraie vie. » « Je ne comprends comment pensent les tsundere. Elles sont Ă©nervantes, et aprĂšs, elles sortent des trucs comme : "je ne faisais pas ça pour toi" ou "je te dĂ©teste ''vraiment'', compris ?". Si elle lâaime, pourquoi est-ce quâelle ne se contente pas de le lui dire ? » Je ne savais pas quoi rĂ©pondre à ça. Elle nâaurait pas dĂ» dire ça. Quelques secondes ont passĂ©. « Tu devrais Ă©viter de dire des choses comme ça, » ai-je suggĂ©rĂ©. « De nombreuses personnes des quatre coins du pays vont rĂ©clamer ta tĂȘte. Si tu Ă©tais une cĂ©lĂ©britĂ©, des trolls auraient dĂ©jĂ conduit ton blog dans les enfers profonds Ă lâheure quâil est. » « ⊠» La fille aux cheveux noirs sâest tue dâun coup. Il y avait un air sombre sur son visage qui accentuait sa charmante silhouette. Elle faisait comme si elle Ă©tait terriblement apprivoisĂ©e. Ăa mâa fait me sentir quelque peu mal dans ma peau. « Ah, dĂ©solĂ©, ne tâen fais pas pour ça. Ce nâest pas important. » « Non, câest juste que les gens me prĂ©fĂšrent quand je suis silencieuse comme ça. » « Quelle rĂ©plique du tac au tac ! » <!--page 28--> Elle avait dĂ©jĂ Ă lâesprit un plan pour changer ses soi-disant ennemis en supporteurs. Bon sang. Mistuki nâĂ©tait pas vraiment une tsundere â elle avait plutĂŽt une vision perverse du monde. Bon, je suis content que mon inquiĂ©tude soit injustifiĂ©e. Il nâaurait pas Ă©tĂ© bon pour cet endroit quâil y ait de lâanimositĂ© entre nous, puisque nous Ă©tions les seules personnes prĂ©sentes. « Bah, tous les goĂ»ts sont dans la nature, tu sais ? » « Câest vrai. » Alors que nous parlions, Mitsuki a jetĂ© un coup dâĆil aux bouts de papiers Ă©talĂ©s autour de nous. CâĂ©taient bien sĂ»r des numĂ©ros de "Dame de la Nuit" qui avaient Ă©tĂ© créés par dâanciens membres du club. Peut-ĂȘtre lâhĂ©roĂŻne de lâune de ces histoires Ă©tait-elle une tsundere. Ăa expliquerait pourquoi nous nous Ă©tions Ă©garĂ©s sur ce sujet en premier lieu. Pour une raison quelconque, Kuriyama Mirai mâest venue Ă lâesprit juste Ă lâinstant. Elle produisait une Ă©pĂ©e rouge sombre Ă partir de rien et mâattaquait avec avant mĂȘme que je ne puisse dire un mot. Et les lunettes lui allaient Ă merveille. Elle Ă©tait quelquâun dâĂ©trange ; ça, câĂ©tait sĂ»r. MĂȘme si nous nous rencontrions "par hasard" Ă peu prĂšs tous les jours, je nâarrive pas Ă comprendre ce qui lui passe par la tĂȘte. Je me suis habituĂ© Ă interagir avec elle, mais câest Ă peu prĂšs tout. Je nâessaye pas activement de lâĂ©viter, mais sâoccuper dâelle est un peu contraignant, alors câest vraiment agaçant quand je la croise alors que je suis pressĂ©. « Akihito, » a dit Mitsuki, me tirant de ma rĂȘverie. Mes pensĂ©es ayant Ă©tĂ© perturbĂ©es, jâai regardĂ© Mitsuki. « Si tu ne persĂ©vĂšres pas, tes rĂȘves ne deviendront jamais rĂ©alitĂ©, tu sais. Ton rĂȘve dans lequel je confesse mon amour pour toi Ă la cĂ©rĂ©monie des diplĂŽmes, en particulier. Ou bien aurais-tu rencontrĂ© une autre fille dont tu aimerais te rapprocher ? » <!--page 29--> Quelle perspicacitĂ© ! Il Ă©tait Ă©vident Ă ses yeux que je pensais Ă une autre fille. Ou peut-ĂȘtre que ce genre de choses pouvaient ĂȘtre dĂ©celĂ©es sur mon visage ? Bon, commençons par le commencement : il est temps que je rĂ©plique. « Depuis quand est-ce que je rĂȘve que tu confesses ton amour pour moi ? » « Oh, prĂ©fĂ©rerais-tu professer ''ton'' amour Ă la place ? » sâest enquise Mitsuki, un air indiffĂ©rent au visage. Jamais Ă court de rĂ©pliques. « Ce nâest pas ce que je veux dire. Câest toute ton hypothĂšse en premier lieu qui est erronĂ©e. » « Mes plus humbles excuses. Jâaurais dĂ» savoir quâun don Juan de ton envergure donnerait la chasse Ă quiconque possĂ©derait de gros seins. ''Bien sĂ»r'', tu ne serais pas particuliĂšrement exigeant avec les miens. » « Ma vie ne se rĂ©sume pas à ça ! » « Ne crie pas, sâil te plaĂźt. Ne peux-tu voir que ton adorable amie dâenfance se sent jalouse ? » Elle a souri avec espiĂšglerie. Je me sens Ă©crasĂ© pour une raison quelconque. Incidemment, Mitsuki et moi ne nous connaissions que depuis le dĂ©but du lycĂ©e. Jâavais pas mal dĂ©mĂ©nagĂ©, alors je nâai pas dâamis datant de quand jâĂ©tais petit. « Est-ce que me chahuter ''doit'' devenir ton passe-temps ? » « Câest vraiment plus une corvĂ©e quâun passe-temps. Câest mon destin. Que veux-tu que jây fasse ? » « Pour lâamour de⊠LĂ nâest pas le problĂšme ! Tu me harcĂšles, en fait ! » <!--page 30--> [[Image:KnK v1 030.jpg|thumb]] <!--page 31--> Alors que jâĂ©tais occupĂ© Ă rĂ©pliquer, un sourire plein dâautodĂ©rision a glissĂ© sur mon visage. Je suppose⊠que nous Ă©tions devenus trop amicaux lâun envers lâautre. Nous avions oubliĂ© nos places respectives. Bien que nous soyons, en un sens, des rivaux, nous nâavions certainement aucune mauvaise volontĂ© Ă lâĂ©gard de lâautre. En fait, si on nous jetait tous les deux dans une piĂšce fermĂ©e, nous nous entendrions trĂšs bien. CâĂ©tait certainement quelque chose dont on pouvait se rĂ©jouir. En mĂȘme temps, par contre, il y avait quelque chose de dangereux Ă propos de ça. « Au fait, Akihito. » « Ouais, quoi ? » ai-je rĂ©pondu. « Ă propos de Kuriyama Mirai. » Soudainement et sans avertissement, Mitsuki ne plaisantait pas. Pris au dĂ©pourvu, jâĂ©tais sans voix. En y repensant, pourtant, je nâaurais pas dĂ» ĂȘtre surpris quâelle me demande ça. Il Ă©tait impossible que la famille Nase nâait pas eu connaissance de quelquâun comme elle⊠quelquâun qui nâĂ©tait pas un humain ordinaire. Notre conversation toute entiĂšre jusque lĂ avait dĂ» ĂȘtre un prĂ©lude Ă cette question. « ⊠Alors tu Ă©tais vraiment au courant pour elle. » « Probablement avant que tu ne le sois, » a-t-elle froidement rĂ©pondu. Mitsuki a posĂ© son exemplaire de "Dame de la Nuit" sur la table. Mon petit doigt me picotait â il y a avait du danger dans lâair. « Elle nâest pas une ikaishi malveillante, pas vrai ? » « Câest un moment difficile pour nous. Nous avons encore du mal Ă le dĂ©couvrir. » « Hein ? » « Il est inutile que je te le rĂ©pĂšte Ă nouveau⊠mais, tu sais Ă quel point nous autres de la famille Nase avons prospĂ©rĂ© en construisant en espace exclusif rien que pour nous ? Câest pourquoi nous abhorrons absolument ceux qui nuiraient Ă notre domaine. » <!--page 32--> « Bien sĂ»r, mais tout de mĂȘme â est-ce que ça ne fait pas Ă©normĂ©ment dâagitation pour une simple lycĂ©enne ? » « Ăvidemment, nous ne nous inquiĂ©tons pas seulement dâune fille. » « On dirait que tu sous-entends quelque chose. » « Un grand nombre dâikaishis approchent de cette zone Ă lâheure oĂč nous parlons. Nous savions quâils venaient, et que cela en lui-mĂȘme nâĂ©tait pas particuliĂšrement inquiĂ©tant. NĂ©anmoins, jusquâĂ ce que nous sachions ce quâils veulent exactement, nous ne pouvons pas nous permettre de nous dĂ©tendre. » « ⊠et Kuriyama-san est lâune de ces ikaishis ? » « Provisoirement, oui. Pour le moment, nous ne savons pas sâils travaillent ensemble, ou sâils agissent sĂ©parĂ©ment. » « Est-ce que tu as le droit de parler de tout ça avec moi ? » « Je te fais confiance, Akihito. » Un Ă©loge de la part de Mitsuki â ça, câest une surprise. Et alors, dâune vois robotique, elle a dĂ©clarĂ© : « Alors ne deviens pas mon ennemi. » Et sur ce, elle sâest levĂ©e et a attrapĂ© son sac. Elle a quittĂ© la piĂšce. ĂlĂ©gamment. Vous pouviez dire rien quâen voyant la façon dont elle se comportait quâelle venait dâune maison de bonne rĂ©putation. Ceci dit, le bureau Ă©tait encore couvert de feuilles de papier. Puisquâil ne restait que moi, jâai posĂ© avec rĂ©luctance mon sac de cĂŽtĂ© pendant que je nettoyais la piĂšce. Je ne me suis pas embĂȘtĂ© Ă faire un mĂ©nage sĂ©rieux ou quoique ce soit : je voulais juste que la piĂšce soit assez propre pour ĂȘtre prĂ©sentable. « Nous allons nous y remettre demain, de toute façon. » <!--page 33--> Jâai Ă©teint les lumiĂšres, ai fermĂ© la porte, et alors--- « Senpai. » Ce couloir, dans lequel se trouvaient les salles des divers clubs scolaires, Ă©tait assez silencieux. Si jâavais Ă©tĂ© Ă nâimporte quel autre endroit quâici, jâimagine que je nâaurais pas rĂ©ussi Ă entendre cette voix calme. Je nâavais mĂȘme pas besoin de me retourner. Quand jâai jetĂ© un coup dâĆil dans la direction dâoĂč venait la voix, jâai vu une fille qui sây tenait, portant des lunettes Ă montures rouges. Il fut un temps oĂč jâaurais Ă©tĂ© ravi que des nouvelles Ă©lĂšves me parlent. Ces jours Ă©taient passĂ©s depuis longtemps. Je devrais Ă©crire un Ă©loge Ă leur propos, un jour--- Je ne peux pas dire que la situation actuelle me ravissait. Il nâĂ©tait pas difficile de voir pourquoi. La personne qui mâavait appelĂ© Ă©tait, bien sĂ»r, Kuriyama Mirai. « Est-ce que tu ne peux pas tâen tenir Ă une rencontre par jour ? » « Tu tâes bien moquĂ© de moi pendant le dĂ©jeuner, mais je suis prĂȘte, cette fois. » Elle a complĂštement ignorĂ© ma rĂ©clamation, et allons bon, je ne mâĂ©tais "moquĂ©" de personne pendant la pause dĂ©jeuner. Elle sâenfonçait juste davantage. Si je le prĂ©cisais, par contre, ça ne ferait quâempirer les choses. Et ainsi, je lui ai juste demandĂ© ce que jâavais toujours voulu lui demander. « Quâest-ce que tu veux ? » « Penses-tu vraiment quâune famille dâexterminateurs de youmu professionnels laisserait un possĂ©dĂ© en libertĂ© ? » « La façon dont tu penses ĂȘtre liĂ©e aux affaires de ta famille mâinquiĂšte un peu. Dâailleurs, je nâai pas Ă©tĂ© ''possĂ©dĂ©'' par un youmu. Je suis mi-youmu et mi-humain --- unique en mon genre, quoi. Je ne suis pas contrĂŽlĂ© par un youmu. Câest juste que mon corps est un peu inhabituel. Ă part ça, je suis un lycĂ©en ordinaire. Je pensais quâune pro comme toi pouvait se permettre de mâignorer. » <!--page 34--> « Câest dĂ©plaisant. » Kuriyama-san a ensuite levĂ© le bras gauche Ă la hauteur de sa poitrine. Elle portait Ă©normĂ©ment de bracelets au poignet. Elle les a enlevĂ©s, et a dĂ©roulĂ© le bandage rouge qui se trouvait en dessous dâeux. Du sang frais a commencĂ© Ă couler de lâentaille sur son poignet. Ăa semblait tellement douloureux que je nâai pas pu mâempĂȘcher de dĂ©tourner les yeux. Le plus Ă©trange ne sâĂ©tait pas encore produit. Tout dâabord, le sang a commencĂ© Ă remonter son bras en serpentant jusquâĂ son coude, comme si on lui avait donnĂ© vie. Il semblait presque douĂ© de sens. Ensuite, le fluide Ă©carlate sâest rassemblĂ© vers la paume de sa main. Enfin, celle-ci sâest remplie de sang. Puis le sang a changĂ© de forme, pour se transformer en un solide rouge sombre. Son sang cristallisĂ© a commencĂ© Ă se remodeler en lame dâenviron un mĂštre de longueur. CâĂ©tait une mĂ©thode absurde pour crĂ©er une Ă©pĂ©e fantasmagoriquement absurde. Elle allait aussi loin que se battre avec une arme mystĂ©rieuse composĂ©e de son propre sang. CâĂ©tait comme si elle se fichait bien de mourir, du moment quâelle avait accompli sa mission jusquâĂ bout. MĂȘme un demi-youmu comme moi ne pouvait quâĂȘtre surpris par ce dangereux style de combat. Il y avait une sensation de danger imminent se dĂ©gageant de nous (grĂące Ă elle) alors quâelle prĂ©parait sa lame rouge sombre. Elle avait Ă peu prĂšs la taille dâun ''shinai'', mais sa forme variait de façon remarquable. Il Ă©tait donc difficile de juger quelle distance sĂ©parait la lame de mon corps. Pire, cette lame Ă©tait parfaitement capable dâassener un coup mortel. Ăa faisait trop pour que je mâen occupe. Jâai Ă©nergiquement haussĂ© les Ă©paules et ai essayĂ© de lui parler. <!--page 35--> « De toutes les personnes qui ont su pour ma particularitĂ©, tu es la premiĂšre Ă continuer Ă essayer de me combattre. » « La flatterie ne te sauvera pas. » « Non non, je ne te flattais pas ! » Elle a remontĂ© ses lunettes Ă montures rouges, arborant sur le visage un air qui dĂ©mentait mes mots. Non pas que jâaie tendance Ă savoir ce Ă quoi pensait Mitsuki, mais je nâai vraiment aucune idĂ©e de ce qui traversait la tĂȘte de Kuriyama-san. « En ce moment, nous sommes les seules personnes dans ce couloir, » a dĂ©clarĂ© Kuriyama-san. On dirait quâelle voulait dire par lĂ : « ⊠alors nous pouvons faire ce que nous voulons. » « ---Battons-nous. » Depuis des temps immĂ©moriaux, il y avait des gens dont le devoir Ă©tait dâenvoyer certains ĂȘtres dans lâautre monde - les youmus et ceux qui, aprĂšs avoir Ă©tĂ© possĂ©dĂ©s par un youmu, cessaient dâĂȘtre humain. Ces personnes sont connues sous le nom dâikaishis. De nos jours, nous pensons souvent avoir la libertĂ© dâexercer la profession que nous souhaitons. Les ikaishis, en revanche, nâont pas cette libertĂ©. Si je ne me trompais pas, Kuriyama-san faisait partie dâune longue lignĂ©e ininterrompue dâikaishis. « Je suis lâhĂ©ritiĂšre dâune famille dâikaishis, » mâavait-elle dit un jour. Quand elle voit un youmu ou un possĂ©dĂ©, je suppose quâelle se sent lâobligation de faire quelque chose Ă ce propos. Je ne sais pas si elle est nĂ©e ainsi, ou si on lui a appris Ă penser de cette maniĂšre plus tard dans sa vie. De toute façon, si elle ne peut pas les ignorer physiquement, je suppose quâil serait juste de dire quâun sort avait Ă©tĂ© lancĂ© sur son sang. Ăa avait lâair dâune blague, mais ce nâĂ©tait franchement pas matiĂšre Ă rire. Pourquoi ? Eh bien, disons juste que les contes impliquant des youmus et des possĂ©dĂ©s avaient tendance Ă ne pas bien se finir. Et pire encore, elle devait les combattre. Si jây ''pense'' simplement, je suis accablĂ© dâĂ©motions dĂ©sagrĂ©ables. Imaginez-vous lisant la pire histoire de tout lâunivers, pour toujours. CâĂ©tait en gros ce quâon ressentait. <!--page 36--> Mon combat avec Kuriyama-san --- bon, jâĂ©tais plus en train de fuir pour sauver ma peau alors quâelle mâattaquait impitoyablement, ce qui nâĂ©tait pas trĂšs acceptable --- sâest achevĂ© au bout de trente minutes. Nous nâĂ©tions mĂȘme pas censĂ© ''courir'' dans les couloirs, sans parler de se battre. Si quelquâun nous avait trouvĂ©, nous aurions eu de la chance de ne nous en sortir quâavec une suspension. Voyant quâelle Ă©tait assez visiblement Ă©puisĂ©e, jâai dĂ©cidĂ© de me montrer gentleman. « Est-ce que ça va ? Tu sembles toute rouge. » Ses Ă©paules se soulevaient quand elle respirait. « Tu nâarrĂȘtais pas de courir dans tous les sens ! » a-t-elle dit tout en me fixant. « Alors câest de ''ma'' faute, maintenant, hein. » Jâai soupirĂ© profondĂ©ment. « Est-ce que tu nâes pas fatiguĂ© aprĂšs toute cette course ? » a-t-elle demandĂ©, magnifique avec ses lunettes, comme toujours. « Pas vraiment. Jâai plus dâendurance que la plupart des gens, » ai-je-rĂ©pondu, prĂ©tendant ne pas savoir oĂč elle voulait en venir. Certes, Kuriyama-san manquait dâendurance, mais jâai compris que sa fiertĂ© en prendrait un coup, alors jâai omis ce passage. « ⊠» Silencieusement, elle a retransformĂ© la lame rouge sombre en fluide, et lâa absorbĂ©e dans son corps Ă travers la blessure sur son poignet. Enfin, elle a enroulĂ© le bandage autour de son poignet et a remis les bracelets dessus. Je lâai juste regardĂ©e, abasourdi, alors quâelle exĂ©cutait ces gestes. Un pouvoir inhumain. Une lignĂ©e dâikaishis qui chassaient les youmus, utilisant leur propre sang comme arme. Kuriyama Mirai --- une fille vraiment inhabituelle. Bon, en tout cas, son Ă©pĂ©e ayant disparu, jâai devinĂ© que le combat Ă©tait fini. « Câest la premiĂšre fois que je vois un possĂ©dĂ© immortel comme toi, senpai. » « Ouais, eh bien, câest la premiĂšre fois que je vois une ikaishi aussi agressive et friande de combats que toi, Kuriyama-san. Et combien de fois dois-je te dire que je ne suis pas un possĂ©dĂ© ? Je suis juste un lycĂ©en sortant lĂ©gĂšrement de lâordinaire. Rien de plus. » Jâai haussĂ© les Ă©paules exagĂ©rĂ©ment. Sortant juste lĂ©gĂšrement de lâordinaire --- cette formulation en disait long sur combien jâĂ©tais bĂątard. Ni humain, ni youmu. Kuriyama-san ne paraissait pas me croire. « Quelque chose te dĂ©range ? » « Ton immortalitĂ© ne te donne pas la jeunesse Ă©ternelle, pas vrai ? » « Câest ça. Je ne peux simplement pas mourir de maladie, ou de dĂ©gĂąts infligĂ©s Ă mon corps. Je vieillirai exactement comme un humain normal, et quand le temps sera venu, jâimagine que je mourrai comme un humain normal. » « Oh, je vois. » Kuriyama-san a acquiescĂ©. Je suppose que ça lâavait impressionnĂ©e. Quand elle nâĂ©tait pas en mode combat, tout ce quâelle faisait Ă©tait fĂ©minin. Jâai compris quâune chance pareille ne se reprĂ©senterait pas, alors je lui ai posĂ© une question. « La façon dont tu changes ton sang en lame fait assez youmu. Comment manipules-tu exactement ton sang, au fait ? » « Je ne sais pas vraiment. Dâaussi loin que je me souvienne, je pense que jâai Ă©tĂ© capable de le manipuler, alors --- » Kuriyama-san a tressautĂ©, comme si elle Ă©tait brusquement revenue Ă la raison. Elle Ă©tait mignonne avec ses lunettes de travers. JâĂ©tais un peu confus, alors je me suis juste assis lĂ , attendant attentivement quâelle continue. « Pou-pou-pou-pou-pourquoi devrais-je te raconter ça !? » A-t-elle haletĂ©, vexĂ©e, en sâenfuyant. Notre relation Ă©tait vraiment dĂ©routante. Que câĂ©tait pĂ©nible. Jâai soupirĂ© pour la niĂšme fois aujourdâhui et suis rentrĂ© chez moi. ===Partie 3=== Jeudi 12 avril - pause dĂ©jeuner. Ma destination : la cafĂ©tĂ©ria. JâachĂšte mon dĂ©jeuner Ă la cafĂ©tĂ©ria et mange lĂ -bas assez souvent, alors ce nâĂ©tait pas une expĂ©rience particuliĂšrement originale. Peut-ĂȘtre notre Ă©cole profitait-elle du fait que nous ne nous trouvions pas dans une zone particuliĂšrement urbanisĂ©e. MĂȘme si la cafĂ©tĂ©ria de notre Ă©cole nâĂ©tait absolument pas grande, elle lâĂ©tait certainement assez pour rĂ©pondre Ă nos besoins. Ă chaque pas que vous faisiez en direction de la cafĂ©tĂ©ria, le grondement sourd des bavardages animĂ©s devenait de plus en plus fort. CâĂ©tait un endroit Ă la fois vigoureux et doux. LĂ -bas, des Ă©lĂšves de tous niveaux dĂ©jeunaient tous ensemble. Jâai attrapĂ© lâun des plateaux prĂšs de lâentrĂ©e et ai dĂ©passĂ© le coin des pains et des accompagnements. Au fond, il y avait une fenĂȘtre oĂč lâon pouvait commander des bols de riz et des nouilles --- vous leur disiez ce que vous vouliez, et ils improvisaient quelque chose juste pour vous. Tout au bout de la file, il y avait quatre registres, oĂč ils faisaient le compte des articles que vous aviez sur votre plateau et vous enregistraient. <!--page 39--> Alors que je me tenais Ă cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre pour commander des nouilles, jâai remarquĂ© une fille Ă qui les lunettes allaient Ă merveille. On dirait quâelle avait dĂ©jĂ commandĂ© : de la fumĂ©e sâĂ©levait du kitsune-udon sur son plateau. Quand je lâai vue, se mĂȘlant Ă la foule, je nâai rien pu voir dâautre en elle quâune fille dĂ©licate. Bien sĂ»r, jâavais souvent tendance Ă fermer les yeux sur ce dĂ©tail, Ă©tant donnĂ©es les rencontres perturbantes que nous avions dâhabitude. Je me serais senti mal-Ă -lâaise si jâavais prĂ©tendu ne pas la connaĂźtre, alors je me suis dit que je devais aller lui dire bonjour. « Salut. » Mon plateau Ă la main, jâai souri Ă Kuriyama-san quand elle sâest retournĂ©e pour me faire face. Tout dâun coup, elle a semblĂ© pressĂ©e. Elle paraissait avoir remarquĂ© que le plateau quâelle tenait occupait ses deux mains, lâempĂȘchant donc de mâattaquer⊠ou quelque chose comme ça. Son bol dâudon a un peu penchĂ©, et le bouillon a commencĂ© Ă se renverser. Heureusement pour moi, il y avait des Ă©lĂšves qui faisaient la queue derriĂšre elle pour accĂ©der Ă la fenĂȘtre, la privant alors dâun endroit oĂč poser don plateau. Elle frĂ©missait et regardait frĂ©nĂ©tiquement Ă droite Ă gauche. Avec un profond soupir, je lui ai demandĂ© : « Tu veux que je te tienne ça ? » « Me-Merci beaucoup. » Je lui ai poliment pris le plateau des mains. Kuriyama-san a serrĂ© les poings et a adoptĂ© une posture de combat. Dans ma main, par contre, je tenais son plateau, sur lequel il y avait le kitsune-udon pour lequel elle nâavait pas encore payĂ©. Elle Ă©tait de toute Ă©vidence troublĂ©e par cette situation. Elle a levĂ© les yeux vers moi, un air amer dans les yeux, comme si elle me maudissait. Tu pourrais me remercier au lieu de me maudire, bon sang. <!--page 40--> « ⊠(Je ne peux pas lâattaquer)⊠» « ⊠(Oh, ce pauvre kitsune-udon)⊠» MĂȘme si elle ne lâavait pas dit Ă voix haute, je savais ce quâelle pensait. AprĂšs quelques secondes, elle sâest mordu la lĂšvre dâun air vexĂ© et a filĂ© comme un liĂšvre. « Attends, attends, attends ! Tu veux que je fasse quoi de ce kitsune-udon !? » HĂ©las, ma voix ne lâa pas atteinte. Bon, dans une situation pareille, il nây avait quâune chose Ă dire. « Foutu slime mĂ©tallique⊠Bon, je suppose que je mange du kitsune-udon ce midi. » <!-- un slime est un monstre de jeu vidĂ©o, je crois...--> Jâai payĂ© lâudon et ai quittĂ© la queue. Il y avait un certain nombre de longues tables recyclĂ©es pour servir de siĂšges de bar, ainsi que quelques isoloirs pour deux ou quatre personnes. Jâai rapidement inspectĂ© la cafĂ©tĂ©ria, et ai aperçu la personne que je cherchais dans lâun des isoloirs pour quatre personnes. « En quel honneur mâas-tu demandĂ© de venir ? On ne se voit pas Ă la cafĂ©tĂ©ria, dâhabitude. » « On dirait que tu sous-entends que je passe dâordinaire ma pause du dĂ©jeuner terrĂ©e dans la salle de club. » « Nâest-ce pas le cas ? » Je me suis assis en face de Mitsuki. Elle avait un plat de spaghetti aglio e olio et une salade sur son plateau. Apparemment, la taille de poitrine nâĂ©tait pas directement proportionnelle Ă lâapport de calories. Elle mâa regardĂ© dâun air triste. « Je comprends. Je ne le nierai pas. Ma vie est pathĂ©tique. Je nâai personne Ă tyranniser Ă part toi, Ă Akihito, lâhomme qui mange son dĂ©jeuner sur les toilettes. » <!--page 41--> « Attends un peu ! La personne la plus pathĂ©tique lĂ -dedans, câest moi ! Et câest quoi, ce qualificatif, "lâhomme qui mange son dĂ©jeuner sur les toilettes" ! Je nâai jamais Ă©tĂ© saluĂ© avec autant de condescendance auparavant ! » « "Auparavant" ? Ăa donne presque lâimpression que tu as des amis. » Ouaip. Câest un dĂ©mon. Elle ressemble presquâĂ une fille aux cheveux noirs ordinaire, mais câest un dĂ©mon. « ⊠Ne sommes-nous pas amis, Mitsuki ? » « Je nâai pas entendu. Parle un peu plus fort, sâil te plaĂźt. » « Ne sommes-nous pas amis, Mitsuki !? » « Quoi quâil en soit, calme-toi, Akihito. ContrĂŽle-toi. Les conversations bruyantes ne sont pas apprĂ©ciĂ©es Ă la cafĂ©tĂ©ria. » Jâai regardĂ© autour de nous. Tous les autres Ă©taient absorbĂ©s par leurs propres conversations. Il ne semblait pas que nous ayons attirĂ© la moindre attention ; nĂ©anmoins, jâaurais probablement dĂ» ĂȘtre un peu plus silencieux, nous nâĂ©tions pas dans la salle de club. Attendez. CâĂ©tait une question affreusement embarrassante quâelle mâavait fait hurler. Et elle nâallait mĂȘme pas y rĂ©pondre ? « Si tu nâes pas sĂ»r dâĂȘtre ami avec quelqu'un, est-ce que ça ne veut pas dire en soi quâil nâest pas vraiment ton ami ? Par consĂ©quent, je devrais avoir un milliard dâamis. » La premiĂšre partie faisait sens. Pas la seconde. « Eh bien, en matiĂšre dâamis, je prĂ©fĂšre la qualitĂ© Ă la quantitĂ©. » « Câest une expression bateau parmi les personnes qui manquent dâamis. » « Le S. S. Akihito vient de mettre ses canots de sauvetage Ă la mer ! Ne les coule pas, eux aussi ! Quoi quâil en soit, arrĂȘtons-nous lĂ . » « TrĂšs bien. Nous ne faisons que nous blesser lâun lâautre. » « Alors câĂ©tait prĂ©mĂ©ditĂ© !? » Elle est vraiment difficile Ă gĂ©rer. Je parie quâelle porte une Ă©pĂ©e Ă double tranchant sur elle. Jâai pris une gorgĂ©e dâeau et ai parsemĂ© un mĂ©lange de sept dĂ©licieuses herbes et Ă©pices sur mon udon. Les nouilles dessĂ©chĂ©es ne sont pas drĂŽles Ă manger, aprĂšs tout. « Akihito, » a dit Mitsuki, me sortant de ma rĂȘverie. « Ouais ? » « Ăa mâembĂȘte de te le dire, mais câest le rĂ©cipient de poivre noir, malgrĂ© ce que dit lâĂ©tiquette. » « PurĂ©e, tu as raison. » Le tofu dans mon udon Ă©tait couvert de grains noirs. Quoique ce ne soit pas la mer Ă boire. « Eh bien, les gens mangent aussi de lâudon au poivre noir. » Jâai mĂ©langĂ© le poivre noir dans lâudon avec mes baguettes et ai portĂ© le bol Ă mes lĂšvres. Jâai bu le bouillon. CâĂ©tait bon --- pas trop poivrĂ©. En tombant sur Kuriyama-san, je pense que jâavais dĂ©couvert mon nouveau plat prĂ©fĂ©rĂ©. « Oh. Tu es plus sage que tu nây parais, Akihito. Je mâattendais complĂštement Ă ce quâun pitre sorte quelque chose de grossier du genre : "Ouah ! Il y a du poivre noir dans le rĂ©cipient de lâassortiment dâĂ©pices ! Ce doit ĂȘtre lâĆuvre de cette maudite Mitsuki !" » « Tu mâimaginais certainement Ă la place de ce "pitre", pas vrai. » <!--page 43--> « Bah, ça nâa pas vraiment dâimportance de toute façon. » Mitsuki a rejetĂ© mon accusation comme GalilĂ©e a rejetĂ© lâhĂ©liocentrisme. Cela arrive tout le temps, en fait, alors je mâen fichais un peu. Jâai bu une gorgĂ©e de mon kitsune-udon au poivre noir en attendant quâelle en vienne au sujet principal. Jâai supposĂ© quâil devait y avoir une raison pour quâelle veuille me parler dans la cafĂ©tĂ©ria bruyante. CâĂ©tait sans doute quelque chose quâelle ne pouvait pas me dire dans la salle de club. « Je dois assister Ă quelque chose aprĂšs lâĂ©cole, alors je ne viens pas au club aujourd'hui. » Je me suis figĂ©, un morceau de tofu entre mes baguettes. La raison pour laquelle elle ne venait pas Ă©tait Ă©vidente. AprĂšs tout, hier Ă peine, elle mâavait parlĂ© de lâaffluence des ikaishis dans la rĂ©gion. Pour couronner le tout, Kuriyama-san Ă©tait lâune de ces ikaishis. Tout bien considĂ©rĂ©, il nâĂ©tait pas Ă©tonnant quâelle ne puisse pas se reposer tranquillement. « Est-ce que câest liĂ© Ă ce dont nous avons parlĂ© hier ? » « Jâimagine. Sâil te plaĂźt, continue Ă Ă©tudier les vieilles histoires, Akihito. » « Est-ce que tu es sĂ»re quâil nây a rien que tu veuilles me dire ? »" « Est-ce que je ne viens pas ''juste'' de te le dire ? » Un air hĂ©sitant sur le visage, Mitsuki a fait tourner sa fourchette dans ses spaghettis. Une fois quâelle en a eu adroitement enfilĂ© assez, elle lâa portĂ©e Ă sa bouche. CâĂ©tait la mĂȘme façon de manger que nâimporte qui, mais il y avait une certaine Ă©lĂ©gance dans la maniĂšre dont elle le faisait. Jâai insistĂ©, espĂ©rant continuer notre conversation. « Tu ne mâas certainement pas demandĂ© de dĂ©jeuner avec toi ici juste pour me dire que tu ne seras pas lĂ aprĂšs les cours ? » « Je nâai pas de trĂšs hautes opinions de tes demandes indiscrĂštes de renseignements. Mais tu as raison. Jâai quelque chose Ă te dire. » <!--page 44--> Son expression a changĂ© brutalement. Le reste de la cafĂ©tĂ©ria Ă©tait aussi animĂ© que dâhabitude, mais lâisoloir dans lequel nous nous trouvions y semblait quelque peu Ă©tranger. « Ă partir de maintenant, je ne fais que penser Ă voix haute. » « D'accord. » « Pourrais-tu ne pas intervenir que je pense Ă voix haute ? » « ⊠» « Alors ? Quâas-tu Ă rĂ©pondre ? » Choisis ce que tu veux, bon sang. « Compris. » « Jâai mentionnĂ© le fait quâil y avait un certain nombre dâikaishis voyageant ici, nâest-ce pas ? Il est clairement excĂ©dentaire au besoin actuel dâikaishis. Ce nâest pas normal quâil y en ait autant Ă venir ici en mĂȘme temps. » Jâai rĂ©flĂ©chi fort en mangeant mon kitsune-udon au poivre noir. Elle avait dĂ» commencer par cette prĂ©face Ă©laborĂ©e pour se donner le temps de prĂ©parer ce quâelle allait dire ensuite. Ou peut-ĂȘtre quâelle ne faisait quâexposer ce quâelle allait dire. Il ne pouvait y avoir quâune seule explication Ă ses paroles. « Tu ne devrais pas fourrer ton nez lĂ -dedans, Akihito. » ===Partie 4=== AprĂšs lâĂ©cole ; devant la salle du club de littĂ©rature. <!--page 45--> Jusque lĂ , nous sommes passĂ©s sans arrĂȘt de la pause dĂ©jeuner Ă la fin des cours. Dans la mesure oĂč les Ă©lĂšves sont restreins par les cours, qui sont, aprĂšs tout, le but principal de lâĂ©cole, il ne restait quâun petit peu de temps pendant lequel lâhistoire de nos vies pouvait avancer. Cela devait expliquer pourquoi les romans de vie scolaire qui avaient pour personnage principal un lycĂ©en se dĂ©roulaient gĂ©nĂ©ralement pendant lâĂ©tĂ©, ou pendant dâautres longues vacances, ou sur des jours de repos, ou aprĂšs que lâĂ©cole est terminĂ©e pour la journĂ©e. Pendant que jâĂ©tais occupĂ© Ă rĂ©flĂ©chir Ă ces questions de structure narrative, jâai entendu quelqu'un derriĂšre moi. « Kanbara-senpai. » « ...... » Je venais juste de la rencontrer pendant le dĂ©jeuner ! Alors que je la regardais, jâai essuyĂ© mon front. Mitsuki avait dĂ» prĂ©voir que cela arriverait, dâoĂč son avertissement. Elle sâest tenue lĂ , la tĂȘte inclinĂ©e, comme si elle ne savait pas ce que je faisais. Naturellement, les lunettes lui allaient bien pendant tout ce temps. De mon point de vue, celui de quelqu'un nâĂ©tant pas familier avec les habitudes des ikaishis, il semblait impensable que Kuriyama vienne mettre le bazar dans la cour de la famille Nase, pour ainsi dire. LĂ encore, mĂȘme si Kuriyama ''Ă©tait'' lĂ pour faire quelque chose de mal, elle nâarrĂȘtait pas de rater. Elle Ă©tait inoffensive, un peu comme un personnage mascotte chevelu. « Senpai ? » « Kuriyama-san, est-ce que tu as une minute ? » ai-je demandĂ© en pointant la porte de la salle de club du doigt. Un point dâinterrogation est apparu au-dessus de sa tĂȘte. Si elle Ă©tait curieuse Ă propos de quelque chose, jâai compris que je devais lâaider. Jâai fait un tour dans la salle de club, ai posĂ© mon sac sur la table, et me suis laissĂ© tomber sur ma chaise habituelle. Kuriyama a semblĂ© submergĂ©e par les hautes bibliothĂšques alignĂ©es le long du mur â qui Ă©taient incidemment les seuls biens possĂ©dĂ©s par le club de littĂ©rature. Peut-ĂȘtre quâelle nâĂ©tait pas habituĂ©e Ă voir des bibliothĂšques de cette taille. Les Ă©tagĂšres Ă©taient remplies de toutes sortes de livres rĂ©cupĂ©rĂ©s par les membres du club de littĂ©rature au fil des ans, allant des Ćuvres classiques de littĂ©rature aux Ćuvres de fiction pour jeunes adultes et mĂȘme quelque romans graphiques. Ils Ă©taient rangĂ©s serrĂ©s, apparemment au hasard, avec des livres aux mĂ©rites acadĂ©miques variĂ©s. Bien sĂ»r, nous avions quelques collections dâessais ; des guides pratiques ; et mĂȘme des documents techniques â une trĂšs large variĂ©tĂ©. <!--page 46--> Les gens de type A<ref>[http://fr.wikipedia.org/wiki/Personnalit%C3%A9_de_type_A PersonnalitĂ© de type A]</ref> de part le monde deviendraient probablement fous en voyant notre collection de livres. Kuriyama, dâun autre cĂŽtĂ©, lâa juste regardĂ©e, silencieusement. Vous savez, avec sa petite carrure et la façon dont elle paraĂźt formidable avec des lunettes, elle pouvait parfaitement passer pour un rat de bibliothĂšque. Tout du moins, elle ne semblait pas ĂȘtre une ikaishi qui combattait les Youmus avec une Ă©pĂ©e faite Ă lâaide de son propre sang. Non pas que jâaimerais une fille qui ressemblait ''vraiment'' Ă une ikaishi. CâĂ©tait la premiĂšre fois que jâĂ©tais seul avec une fille dans la salle de club, Mitsuki exclue. Elle a continuĂ© Ă fixer les Ă©tagĂšres, mais jâai compris que je devais en venir aux faits. « Kuriyama-san. » « Quây a-t-il ? » Tout en rĂ©pondant, Kuriyama-san a retirĂ© un petit livre de poche dâune Ă©tagĂšre. CâĂ©tait un roman policier, un roman qui avait aidĂ© son auteur Ă percer dans le monde de la littĂ©rature. Il serait mieux de ne pas laisser ce livre lâemporter sur la conversation, par contre. HĂ©las, dans la vraie vie, on ne pouvait pas revenir Ă une conversation avec lâexpression magique : "Pour en revenir au sujetâŠ". « Quelqu'un tâa-t-il demandĂ© de venir ici ? » « ⊠Quâest-ce que câest censĂ© vouloir dire ? » a-t-elle rĂ©pliquĂ©, suspicieuse. « Quelqu'un mâa dit implicitement que je devrais Ă©viter dâavoir affaire Ă toi, tu vois. » Peut-ĂȘtre cela a-t-il fait dĂ©railler le train de ses pensĂ©es. Elle a lĂąchĂ© le livre quâelle tenait. « Kuriyama-san ? » « De toute façon, je sais que tu me trouve dĂ©sagrĂ©able. Mais bon, les gens ont inondĂ© mon blog et mon compte Twitter de commentaires dĂ©plaisants, alors voilĂ . » « Ressaisis-toi, Kuriyama-san ! Je te suivrai sur Twitter, » ai-je dit, essayant de mon mieux de lâapaiser. <!--page 47--> Elle passait son index le long des rangĂ©es de livres. On ne croirait pas quâelle savait mĂȘme ce quâĂ©tait un double-clique, mais regardez-la ! Quelle enfant moderne ! Je devais me demander ''pourquoi'' des gens inonderaient de commentaires son blog ou son compte Twitter, mais⊠Bon, Ă©tant donnĂ©e la maniĂšre dont agit Kuriyama-san, je suppose que ça ne devrait pas me surprendre. Câest une gentille fille, et elle nâest pas impolie ou quoique ce soit, mais il lui manque terriblement la qualitĂ© la plus importante : le bon sens. « Enfin bref, peut-on en revenir au sujet ? » « MĂȘ-MĂȘme si tu ''es'' mon aĂźnĂ©, je ne vais pas te donner lâadresse de mon blog comme ça. » « Je nâen ai absolument rien Ă faire, de lâadresse de ton blog ! Ce que je veux savoir, câest qui tâa demandĂ© de venir ici ! » Mordant sa lĂšvre, elle a vacillĂ© comme une gelĂ©e gĂ©ante. « Tu mens tu mens tu mens ! Tu vas regarder mon blog plus tard ! » a-t-elle dit. Elle ajouta ensuite dâun ton monotone : « oh, ça va ĂȘtre tellement drĂŽle. » Enfin bref, pour en revenir au sujet⊠« Mais encore, peut-ĂȘtre que tu es venue ici de ton plein grĂ© ? » « MĂȘme si jâĂ©tais ici Ă la demande de quelqu'un⊠Penses-tu que je te dirais qui ils sont aussi facilement ? » Il y avait quelque chose de dangereux Ă©manant de Kuriyama-san, tout dâun coup. Comme si une fille ordinaire sâĂ©tait changĂ©e en ikaishi en un instant. Papoter Ă©tait une chose, mais ce ne serait pas un mince exploit que de lui arracher des informations sur les youmus. « Si tu as une dette envers moi, je peux tâoffrir de nouvelles lunettes au cas oĂč celles que tu portes se cassent. » <!--page 48--> « Jâai des lunettes de rechange Ă la maison. » Par les Ă©toiles ! Elle a des lunettes que je nâai jamais vues !? Jâai rĂ©primĂ© en moi lâenvie soudaine et irrĂ©pressible qui montait en moi. « Kuriyama-san, pourrais-tu mâen dire un peu plus Ă propos de ces lunettes ? » « Pardon ? » « Tout ce que je demande, câest une explication en 400 mots de la beautĂ© des lunettes que tu gardes chez toi. Non, tu as raison⊠mĂȘme si ce ne sont que des paires de rechange, tu auras besoin de plus de mots que ça pour vraiment faire passer leur beautĂ©. Un gros roman devrait faire lâaffaire. Essaye juste de lâĂ©crire en moins de 10 000 mots. » « ⊠Ce sont juste des lunettes ordinaires de sĂ©rie. » « MĂȘme des lunettes de sĂ©ries gagnent leur propre personnalitĂ© individuelle au fur et Ă mesure que tu les utilises, pas vrai ? En dâautres termes, ce que je veux ''vraiment'' connaĂźtre, câest ta vie, telle quâelle est vue Ă travers tes lunettes. » « Câest dĂ©plaisant. » Elle arborait vraiment une expression troublante. On n'aurait pas vraiment dit que mes singeries lâennuyaient, mais plutĂŽt quâil y avait quelque chose dans son passĂ© quâelle ne voulait pas que je sache. Je nâai plus eu envie de la chahuter. Comme câest moi qui Ă©tais en tort, jâai compris que je devais aborder un nouveau sujet de conversation. « En tout cas, tu nâes pas lĂ pour mâabattre, nâest-ce pas ? » « Exact. On ne mâa pas demandĂ© une telle chose. Je ne mâattendais pas Ă ce que quelqu'un comme toi soit ici, aprĂšs tout. » « Pourrais-tu peut-ĂȘtre ne pas essayer de tuer quelqu'un que tu ne tâattendais pas Ă rencontrer ? » <!--page 49--> Non mais vraiment⊠mets-toi Ă ma place de presque-macchabĂ©e, veux-tu ? Mais quoi quâil en soit, si jâinterprĂ©tais correctement la rĂ©ponse de Kuriyama-san, est-ce que ça ne voulait pas dire quâon lui avait demandĂ© de faire ''quelque chose'' ? Elle a superbement ignorĂ© ma rĂ©ponse et est retournĂ© parcourir les Ă©tagĂšres. Cherchait-elle quelque chose en particulier ? En tout cas, jâai entretenu la conversation. « Puis-je te poser une autre question ? » « Vas-y. » « As-tu lâintention dâaider les autres ikaishis ? » « D'autres ikaishis sont-ils venus ici ? » Kuriyama-san a semblĂ© surprise. Ătant donnĂ©e la confusion sur son visage, elle ne semblait pas mentir. Bon sang, comment peut-on ĂȘtre aussi mauvais pour poser les questions principales ? Jâai haussĂ© les Ă©paules et ai marmonnĂ© quelque chose de vague pour rĂ©pondre. Elle a semblĂ© rĂ©flĂ©chir Ă quelque chose pendant un moment, puis a fini par rĂ©pondre. « Est-ce que ça ne pourrait pas n'ĂȘtre qu'une coĂŻncidence ? » « D'aprĂšs quelqu'un de bien informĂ©, ça fait quelques semaines maintenant que des ikaishis arrivent dans cette zone. Et apparemment, ils sont tous ici parce que trop dâentre eux ont rĂ©pondu Ă la demande de quelqu'un. » Elle mâa regardĂ© dâun air absent. Je devais vĂ©rifier deux fois avec elle, quoique le faire me rendait mal-Ă -lâaise. « Tu ne sais vraiment rien Ă ce sujet ? » « Je ne mentirais pas Ă propos de quelque chose comme ça, » a-t-elle immĂ©diatement rĂ©pondu. <!--page 50--> Je lui ai posĂ© une derniĂšre question, en utilisant un ton plus gentil. « Dans ce cas, jâai juste une derniĂšre question. Pourquoi nâarrĂȘtes-tu pas de me suivre ? » « Il y a quelque chose dâintĂ©ressant chez toi, Senpai. » « IntĂ©ressant ? Chez moi ? » Ma voix a craquĂ©. CâĂ©tait la premiĂšre fois quâune fille plus jeune Ă qui les lunettes allaient Ă ravir me disait quelque chose comme ça. Bon, la façon dont je le dis suggĂšre que câĂ©tait la premiĂšre fois que quelqu'un de sexe fĂ©minin ; plus jeune que moi ; et ''en plus'' splendide avec des lunettes me disait quelque chose comme ça. Câest une tournure de phrase pouvant un peu induire en erreur. Permettez-moi de me corriger. CâĂ©tait la premiĂšre fois que jâentendais quelque chose comme ça venant dâune file Ă qui les lunettes allaient bien, ou venant dâune fille plus jeune que moi, ou venant dâune fille ikaishi. Sapristi, aucune fille ne sâĂ©tait intĂ©ressĂ©e Ă moi, dâaussi loin que je pouvais mâen souvenir. Oh zut, maintenant, je me sens un peu triste. « Quâest-ce qui ne va pas, Senpai ? » « Ne tâen fais pas, ce nâest rien. Enfin bref, quâest-ce qui est intĂ©ressant chez moi ? » « Je pensais te lâavoir dĂ©jĂ dit⊠Je nâavais jamais vu de personne immortelle avant. » Ah⊠Elle avait bel et bien mentionnĂ© ça. Jâai un peu boudĂ©. « Mâas-tu agressĂ© pour voir si jâĂ©tais ''vraiment'' immortel ? » « AgressĂ© ? » Il y avait Ă nouveau un air bizarre sur son visage. Je devais la gronder, mĂȘme si elle Ă©tait Ă©blouissante avec des lunettes. Parce que, vraiment, jâĂ©tais Ă court dâidĂ©es quant Ă la façon de l'aborder. <!--page 51--> « Est-ce que tu mâagressais inconsciemment ou quelque chose comme ça ? » « Non, je testais juste lâeffet de simple exposition<ref>[http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_simple_exposition Effet de simple exposition]</ref>, » a-t-elle dĂ©clarĂ©. Elle Ă©tait assez claire Ă ce sujet. Jâai fouillĂ© mon cerveau Ă la recherche dâune dĂ©finition de ce concept. Lâeffet de simple exposition. Un phĂ©nomĂšne psychologique selon lequel une exposition rĂ©pĂ©tĂ©e Ă quelque chose permet de dĂ©velopper une opinion plus favorable envers la chose en question. Cela sâapplique mĂȘme quand la premiĂšre exposition Ă la chose Ă©tait dĂ©favorable. « Pourquoi ne tâexposes-tu pas ''simplement'' Ă moi, dans ce cas ! Tu nâas pas besoin de mâagresser pour ça ! » Elle a penchĂ© la tĂȘte et mâa regardĂ© avec un air interrogateur. Hm⊠Une camarade de lycĂ©e qui me tourmente mentalement en toute connaissance de cause, et une cadette qui me blesse physiquement sans en avoir particuliĂšrement lâintention⊠quelle Ă©quipe. Aucun bien ne peut ressortir de ça. Je suppose quâun peu de mal le peut, par contre â elles ont accompli un travail dâenfer Ă faire de moi leur victime ! Enfin bref. Avec ça, je comprenais pourquoi Kuriyama-san mâattaquait. Elle nâavait jamais donnĂ© lâimpression de vraiment essayer de mâexterminer. Si elle avait utilisĂ© toute sa force formidable dĂšs le dĂ©part, ma tĂȘte aurait roulĂ© dans un coin ou lâautre. Non pas que ça mâaurait tuĂ© non plus. « Alors⊠tu sais, peut-ĂȘtre que ce serait mieux si nous ne faisions quâune simulation de combat. » Kuriyama-san mâa regardĂ© dâun air dubitatif, comme si elle disait "Choisis ce que tu veux, la fin." « Ăcoute, jâai mes raisons. Si tu veux en savoir plus Ă propos de mon immortalitĂ©, tu vas devoir travailler avec moi ici. » « Ah. D'accord. » Je devais lâavertir dâune autre chose. MĂȘme si jâĂ©tais unique en mon genre, je nâĂ©tais pas exactement fils de millionnaire. <!--page 52--> « Si tu finis par abĂźmer mon uniforme, mon retour sur investissement de toute cette affaire ne va pas ĂȘtre vraiment gĂ©nial. As-tu des vestes chez toi dont tu ne veux pas ? » « Non, je nâen ai pas. Ne peux-tu pas juste enlever ton uniforme avant que nous ne commencions ? » « Un type courant nu dans toute lâĂ©cole. Jâaime cette idĂ©e ! » « Pourquoi devrais-tu ĂȘtre nu ? » Ok, pas faux, je nâaurais pas Ă lâĂȘtre. Elle mâa regardĂ© bizarrement et a penchĂ© la tĂȘte. Jâai essuyĂ© la sueur qui perlait sur mon front tout en essayant de chercher comment me sortir de la position dĂ©licate dans laquelle jâĂ©tais fourrĂ©. MĂȘme si, vraiment, au moment oĂč jâai mentionnĂ© la nuditĂ©, jâai eu lâimpression que mon destin Ă©tait scellĂ©. Je sais â Je vais changer de sujet. « Dis, Kuriyama-san, nous cherchons de nouveaux membres pour le club de littĂ©rature. Veux-tu nous rejoindre ? » « Afin que nous puissions nous voir plus souvent ? » « Eh bien, je suppose, mais le club est en gros la taniĂšre des ikaishis, » ai-je rĂ©pondu en montrant la salle de club. Tout le monde au club avait une sorte de situation unique. Jâavais Ă©tĂ© trĂšs ferme en ce qui Ă©tait de refuser aux gens ordinaires lâentrĂ©e dans le club, et pas seulement parce que je ne voulais pas que dâautres garçons sâapprochent de Mitsuki. Ce qui Ă©tait leur but dans ''presque'' tous les cas. Disons, 90% environ. <!--page 53--> « Regarde les choses de cette façon : tu as plus de chances dâĂȘtre exposĂ©e Ă moi de cette façon. Câest tout bĂ©nefâ pour toi, non ? » « Câest vrai. Mais je nâai pas lâintention de me faire des amis. » « Mais moi, ça ne te dĂ©range pas ? » « Tu mâas traitĂ©e normalement mĂȘme aprĂšs avoir vu mes pouvoirs dâikaishi, alors non. » Jâaurais pu lui dire essentiellement la mĂȘme chose. Beaucoup, beaucoup de personnes cessaient de me traiter normalement une fois quâils connaissaient ma particularitĂ©. Si Kuriyama-san nâavait pas eu peur de moi quand elle avait appris que jâĂ©tais immortel, ce devait ĂȘtre parce quâelle avait fait les frais de ce genre de traitement auparavant. Kuriyama-san savait Ă quel point il Ă©tait effrayant dâĂȘtre complĂštement rejetĂ©. Alors quâelle se tenait lĂ , la tĂȘte tournĂ©e, sa silhouette dĂ©licate paraissait vraiment pitoyable. Et pas parce quâelle avait enfin rencontrĂ© quelqu'un qui pouvait la comprendre. Non, câĂ©tait comme si elle disait que câĂ©tait la fin pour elle. Quelle tragĂ©die. « Pourquoi ne te jettes-tu pas Ă lâeau et ne nous rejoins-tu pas ? » ai-je demandĂ©, de la façon la plus ridicule que je pouvais. « Tu peux juste dire que je tâai dupĂ©e pour que tu le fasses. » « Non merci, » a-t-elle rĂ©pondu immĂ©diatement. « Comme je lâai dĂ©jĂ dit, je nâai pas lâintention de me faire des amis. » Il y avait un cĂŽtĂ© tranchant dans sa voix. CâĂ©tait un tranchant sombre et inamical, un tranchant qui signifiait son rejet de toute forme de relation avec dâautres personnes. Je nâai rien pu faire dâautre que hausser les Ă©paules et lâaccepter. « Eh bien, si jamais ça te disait un jour, nâhĂ©site pas Ă passer. » ===Partie 5=== <!--page 54--> Mon studio glauque. Il nây avait personne Ă lâintĂ©rieur. Personne pour dire "Bon retour !" ou demander "Comment sâest passĂ©e ta journĂ©e ?". Jâai dĂ©verrouillĂ© la porte et suis rentrĂ©. Par habitude, jâai allumĂ© la tĂ©lĂ©. Des rires bruyants sont sortis de lâĂ©cran. CâĂ©tait probablement une Ă©mission de variĂ©tĂ© quelconque. Le son sâĂ©chappait de la tĂ©lĂ© derriĂšre moi alors que jâenlevais mon uniforme. Jâai posĂ© mon sac Ă sa place habituelle, ai commencĂ© Ă prĂ©parer le dĂźner et me suis fait couler un bain. Au menu aujourd'hui : une omelette mousseuse sur du riz, avec une salade Ă cĂŽtĂ©. CâĂ©tait un dĂźner parfait pour un lycĂ©en. Une fois que le bain fut assez rempli, jâai fermĂ© le robinet et ai commencĂ© Ă manger. Jâai laissĂ© la tĂ©lĂ© allumĂ©e pour Ă©chapper Ă la solitude. Au final, je ne mâen suis senti que plus isolĂ©. Quoique jây fus habituĂ©. Jâai passĂ© trente minutes Ă manger ce que jâaurais pu avoir avalĂ© en quinze. Jâai fait la vaisselle et me suis dĂ©shabillĂ©. Il y avait des moments aprĂšs que jâavais commencĂ© Ă vivre ici oĂč jâavais Ă©tĂ© mĂȘlĂ© Ă divers conflits. NĂ©anmoins, comparĂ©e aux annĂ©es de ma vie que jâavais passĂ©es en nomade, ma situation actuelle Ă©tait totalement paisible. « Pfiou. » Je me suis laissĂ© tremper jusqu'Ă la taille pendant un bon moment avant de sortir. AprĂšs mâĂȘtre essuyĂ©, jâai rassemblĂ© les vĂȘtements que jâavais enlevĂ©s. Je dormais avec les vĂȘtements que je portais Ă la maison, mâĂ©pargnant donc la peine dâavoir une autre tenue prĂȘte. Câest un bon truc Ă retenir si vous voulez rĂ©duire la quantitĂ© de lessive Ă faire. Je me suis assis sur mon lit, ne portant que mon caleçon. Pendant que je sĂ©chais mes cheveux, jâai regardĂ© les informations. Apparemment, lâĂ©quipe locale de ligue mineure de baseball avait perdu les dix premiers matchs de la saison. <!--page 55--> Dieu merci, Mitsuki se fichait du baseball. Si elle avait Ă©tĂ© fan dâune des Ă©quipes locales, Dieu seul savait sur quel genre de choses elle se serait s'Ă©nervĂ©e. Mais si cela peut paraĂźtre difficile Ă comprendre pour un dĂ©mĂ©nageur rĂ©gulier comme moi, beaucoup de gens ressentent un profond attachement pour lâendroit oĂč ils sont nĂ©s et ont grandi. Tout dâun coup, le visage de Kuriyama-san a surgi dans mon esprit. « Je ne sais pas vraiment. D'aussi loin que je me souvienne, je pense que jâai Ă©tĂ© capable de le manipuler, alors --- » Pour monsieur Tout-le-monde, ça nâaurait pas vraiment paru ĂȘtre une explication. En revanche, moi, je nâĂ©tais pas comme tout le monde. Ce quâelle avait dit Ă©tait trĂšs juste. Je nâavais rien Ă rĂ©pondre. D'aussi loin quâelle pouvait se souvenir, elle avait Ă©tĂ© capable de le manipuler⊠Je suppose quâelle voit ça comme quelque chose de parfaitement normal Ă faire. Pourquoi ne serait-ce pas le cas ? La mĂȘme chose valait pour moi. JâĂ©tais immortel depuis ma naissance, et je mâĂ©tais convaincu quâil nây avait rien dâinhabituel Ă cela. RĂ©flĂ©chissez. MĂȘme le plus grand des non-conformistes est normal sâil nâa personne Ă qui se comparer. Ce nâĂ©tait que plus tard que jâavais rencontrĂ© des personnes qui Ă©taient ''vraiment'' normales, et avais Ă©tĂ© obligĂ© dâaccepter le fait que câĂ©tait ''moi'' qui Ă©tait atypique. Ăa avait Ă©tĂ© une prise de conscience soudaine. Un jour, mon monde sâĂ©tait effondrĂ© autour de moi, ne me laissant rien en quoi croire. Je nâai pas encore oubliĂ© lâangoisse que jâavais ressentie Ă ce moment-lĂ . Jâai arrĂȘtĂ© de me sĂ©cher les cheveux un moment. « Que faire, que faire, » me suis-je dit. Kuriyama Mirai⊠Ce nâĂ©tait pas ''juste'' une fille Ă qui les lunettes allaient bien. Je lâavais su depuis le dĂ©but. Quand nous nous Ă©tions rencontrĂ©s sur le toit ce jour-lĂ , jâavais pu le voir dans ses yeux : elle voulait vraiment me tuer. « Tu mâas traitĂ©e normalement mĂȘme aprĂšs avoir vu mes pouvoirs dâikaishi, alors non. » Elle paraissait si seule quand elle mâavait dit ça. CâĂ©tait une raison suffisante pour que je veuille la protĂ©ger. <!--page 56--> Je ne voudrais pas que Kuriyama-san disparaisse juste comme ça un jour. En plus, avec Mitsuki qui me tenait Ă distance, ce nâĂ©tait probablement quâune question de temps avant que ma relation avec elle ne devienne aigre. Je devais faire quelque chose. Mais⊠cela compterait-il comme une rupture de ma promesse Ă Mitsuki ? Je nâen suis pas sĂ»r. Je suis sĂ»r dâune chose, par contre : jâai la mauvaise habitude de fourrer mon nez lĂ oĂč il ne faut pas. Ce nâest pas lâaltruisme qui motive ce comportement. Au contraire, en me rendant indispensable aux autres, je prĂ©serve mon sentiment dâidentitĂ©. Et câest un sentiment dont je manque pas mal, nâĂ©tant ni humain, ni youmu â nâĂ©tant absolument personne, en effet. Quand dâautres personnes sentent quâelles ont besoin de moi, j'Ă©prouve un sentiment de salut. MĂȘme ''moi'', je peux mâavĂ©rer utile pour eux ? Cette seule pensĂ©e est suffisante pour me donner la sensation que ma vie a un sens. ===Partie 6=== Vendredi 13 avril - pause dĂ©jeuner. Je me serais dirigĂ© droit vers la salle de club, mais jâavais quelque chose Ă faire avant. Je nâen avais pas envie, mais je suis allĂ© vers le toit. Permettez-moi de faire une petite digression. Comme les scĂšnes sur le toit sont des passages quasi-indispensables des romans de vie scolaire, il doit sĂ»rement y avoir quelques auteurs qui refusent absolument dâinclure des scĂšnes sur le toit dans leur Ćuvre. Si vous y rĂ©flĂ©chissez sous le bon angle, cela semble indiquer que le toit exerce un certain attrait â on ne peut pas sâempĂȘcher de vouloir placer une scĂšne dessus. CâĂ©tait un bavardage futile, mais câest ce qui mâest venu Ă lâesprit quand je montais les escaliers vers le toit. Passons. Le toit Ă©tait, en thĂ©orie, hors limites, la porte y menant Ă©tant maintenue fermĂ©e par un cadenas Ă combinaison, mais la sĂ©quence de dĂ©verrouillage Ă©tait apparemment connue de quelques Ă©lĂšves plus ĂągĂ©s, et cette connaissance sâĂ©tait rĂ©pandue Ă partir de lĂ . Il apparut que quelquâun Ă©tait dĂ©jĂ sur le toit â le cadenas se balançait Ă la porte en mode dĂ©verrouillĂ©. Il y avait un risque que quelquâun verrouille Ă nouveau la porte, mais si cela arrivait, lâadministration de lâĂ©cole ferait probablement plus dâadministration, et je ne pouvais mâimaginer un Ă©lĂšve qui le souhaiterait. Ceci Ă©tant le cas, jâai enfreint les rĂšgles et suis allĂ© sur le toit afin de rencontrer une certaine personne. Si je ne me trouvais pas dans cette situation extraordinaire, je nâaurais pas eu Ă prendre la peine dâaller le voir. Permettez-moi dâĂȘtre clair sur un point dĂšs maintenant. Quelle que soit la force dâun sens de la moralitĂ© ou de la justice que je pourrais avoir, je suis fondamentalement le genre de personnes qui nâaiment pas les ennuis. Que je lui rende visite pourrait trĂšs bien avoir Ă©tĂ© calculĂ© afin de frapper le premier coup. Quelle galĂšre. Alors que je questionnais encore et encore la sagesse de mes actions, jâai aperçu ma cible du coin de lâĆil. CâĂ©tait la mi-avril, et pourtant, il avait une Ă©charpe fantaisiste enroulĂ©e autour du coup alors quâil gisait Ă un bout du toit. Jâai rassemblĂ© mon courage et lâai appelĂ©. « Hiromi. » « Câest Hiromi''-senpai'' pour toi, » a-t-il rĂ©pondu, soulevant le haut de son corps. Il Ă©tait en derniĂšre annĂ©e, et en tant que tel, se tenait au sommet du corps Ă©tudiant. Il mâa regardĂ©. Je ne voulais pas le regarder. Mais jâavais un message Ă transmettre, et je le transmettrais coĂ»te que coĂ»te. Nase Hiromi, aussi pimpant que dâhabitude. Rien ne mâoblige Ă dĂ©crire en de plus fins dĂ©tails le physique de Hiromi, cependant, alors je mâarrĂȘterai lĂ . La vĂ©ritĂ© est une maĂźtresse sĂ©vĂšre, particuliĂšrement en ce qui concerne Hiromi. Comme vous pourriez en faire la conjecture dâaprĂšs son nom de famille, la vĂ©ritĂ©, câest quâil est, malheureusement, le grand-frĂšre de Mitsuki. Dame Chance, femme cruelle. « Nâas-tu pas Ă Ă©tudier pour tes examens dâentrĂ©e ? Ne devrais-tu pas faire autre chose que somnoler lĂ -haut ? » « Les ikaishis nâont aucun besoin dâaller Ă lâuniversitĂ©. Dâailleurs, il y a une tonne dâendroits qui mâaccepteraient uniquement sur recommandation. » Oui, peut-ĂȘtre, mais ce nâest pas ce que je veux dire. Peu importe. Je ne suis pas venu ici pour mĂ©priser Hiromi. Pas cette fois, en tout cas. Il valait mieux ne pas sâattarder sur le futile et passer en vitesse sur lâimportant. « Jâai une question Ă te poser, » ai-je dit, annonçant la raison de ma prĂ©sence. « Je mâen doutais. Câest Ă peu prĂšs la seule raison pour laquelle tu me rendrais visite, Akky. » « Ouais, et tu veux savoir pourquoi ? » « Pourquoi ? Parce que les ikaishis et les youmus sont de parfaits opposĂ©s, » a-t-il brusquement rĂ©pondu. « Faux ! » ai-je ripostĂ©, Ă©levant la voix. « Câest parce que tu mâas donnĂ© ce stupide surnom passĂ© de mode ! » « Akky, vilain petit garçon. Sous lâagrĂ©able chaleur du soleil de dĂ©but dâaprĂšs-midi, la plupart des gens seraient submergĂ©s par la somnolence. Tu es le seul type qui serait dâassez bon poil pour envoyer ces rĂ©pliques pleines dâesprit Ă un moment pareil. Moi, câest sĂ»r que je ne pourrais pas y arriver. » « Nous nâavons parlĂ© que pendant 30 secondes et je regrette dĂ©jĂ dâĂȘtre ici. Rends-moi le temps que jâai perdu ! » « Ah, on dirait quâon est hors-sujet, lĂ . » Hiromi a tapĂ© dans ses mains et a soupirĂ© laborieusement. « Laisse-moi deviner. Tu veux fourrer ton nez lĂ oĂč il ne faut pas. » « Et si câĂ©tait le cas ? » Il Ă©tait inutile que je lui cache mes intentions, mais jâai tout de mĂȘme rĂ©pondu de façon ambiguĂ«, pour lâirriter. Hiromi sâest levĂ© avec lassitude. Il nâavait pas ''lâair'' de quelquâun taillĂ© pour se battre. On nâaurait pas dit quâil sâen tirait bien en combat. Mais je savais mieux que quiconque quâil Ă©tait un excellent ikaishi. Nos yeux se sont rencontrĂ©s. « Je ne poserai pas la main sur toi, » a-t-il dit sĂšchement, Ă©bouriffant sa frange. « En Ă©change, tu ne tâallieras Ă personne. » Je nâoublierais jamais ces mots. Un ikaishi et un hanyou sâĂ©taient rencontrĂ©s en bataille rangĂ©e. Hiromi et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s pour la premiĂšre fois de la mĂȘme façon. Pas mĂȘme le plus puissant des ikaishi pouvait espĂ©rer battre un immortel comme moi. Nous nous Ă©tions combattus pendant trĂšs, trĂšs longtemps. Notre bataille sâĂ©tait finalement achevĂ©e sur un cessez-le-feu de durĂ©e indĂ©terminĂ©e â un dĂ©nouement ambigu. Ă ce moment-lĂ , nous en Ă©tions arrivĂ©s Ă un accord, dont les termes Ă©taient ce que Hiromi venait dâĂ©noncer. « Oh, quâil fait froid. Mes membres sont en train de geler. » Hiromi a soufflĂ© de lâair chaud sur ses mains. Quoique câĂ©tait juste une distraction. « Nous nous sommes bien entendus jusque lĂ , nâest-ce pas ? » a-t-il demandĂ©, prĂ©parant le coup de grĂące. « ...... » Je nâavais pas de rĂ©ponse. Il insinuait que nous devions pouvoir bien nous entendre par la suite aussi. « Nous nâavons jamais placĂ© de date dâexpiration Ă notre accord, nâest-ce pas ? » a demandĂ© Hiromi avec lassitude. « Bien sĂ»r que non. Comme si jâallais te ''laisser'' y mettre une date dâexpiration, Hiromi. » Ce nâĂ©tait pas un mensonge ; câĂ©tait vraiment ce que je ressentais. Sâil nâavait pas fait cette proposition totalement inattendue, je ne serais pas ici aujourdâhui, Ă bavarder avec lui. CâĂ©taient les Nase, pas moi, qui avaient proposĂ© un marchĂ©, marchĂ© dans lequel ils accepteraient quâun hanyou unique en son genre vive sur leurs terres. Ătant les dĂ©fenseurs de la paix et de lâordre dans cette rĂ©gion, il Ă©tait incroyable quâils autorisent un Ă©lĂ©ment aussi dangereux que moi Ă rester ici. Probablement sans prĂ©cĂ©dent. Le moment oĂč nous avions fait cet accord Ă©tait celui oĂč jâavais enfin trouvĂ© un endroit oĂč je pouvais mener une vie calme ; le moment oĂč jâavais cessĂ© dâĂȘtre un nomade, transfĂ©rĂ© dâune Ă©cole Ă lâautre. « Hmm. » Jamais je nâaurais imaginĂ© que les quelques secondes que jâavais passĂ©es Ă me remĂ©morer ces souvenirs se montrerait fatales. Le temps que je le rĂ©alise, il avait fourrĂ© ses bras sous mes aisselles. Par rĂ©flexe, jâai tournĂ© la tĂȘte pour regarder derriĂšre moi. Hiromi avait un air nonchalant au visage, un peu comme un vieux shnock sirotant du thĂ© pour passer le temps sur une vĂ©randa. Mon Dieu, que ça me rendait furieux. « Tu as des aisselles spĂ©ciales, Akky. » « Quâest-ce que tu fiches ! » Hiromi mâa regardĂ© avec amusement alors que je me dĂ©battais, essayant de dĂ©gager ses mains. « Allons, en quoi un homme enfonçant ses mains sous les aisselles dâun autre homme est-il surprenant ? » « ''Tout'' est surprenant lĂ -dedans ! » « Tu sais, la propretĂ© et la chaleur de tes aisselles est la seule chose que jâapprouve chez toi. » « Suis-je censĂ© en ĂȘtre heureux !? Et si la seule chose que tu apprĂ©cies chez moi sont mes aisselles, pourquoi te gĂȘner ? Dis tout de suite que tu me tiens complĂštement en horreur ! Ce serait un peu rafraĂźchissant, au moins ! » « Je prendrai tes aisselles par la force sâil le faut. » « Tu es fou ! » Ce nâĂ©tait pas matiĂšre Ă rire â il avait vraiment lâair quelque peu sĂ©rieux alors quâil se rapprochait de moi. Une magnifique petite sĆur qui me bombarde dâinsultes et un grand frĂšre qui attaque mes aisselles⊠Que suis-je censĂ© faire de ça ? Et une fois de plus, je perds et personne ne gagne. « Quoi quâil en soit, est-ce que ce nâest pas un peu Ă©trange pour un gars dâĂȘtre sensible au froid ? » ai-je signalĂ©, essayant de le faire sâarrĂȘter. « Je ne souffre pas d'une sensibilitĂ© au froid habituelle, » a-t-il rĂ©pondu, fourrant ses mains dans ses poches. Il y avait une signification cachĂ©e dans ce quâil disait. Un genre de sensibilitĂ© extraordinaire au froid â ce devait ĂȘtre un problĂšme rencontrĂ© uniquement par les ikaishi ; peut-ĂȘtre seulement par Hiromi. « Alors les remĂšdes habituels ne fonctionnent pas ? » « En effet. Akky, ta chaleur est la seule chose qui puisse me sauver, maintenant. » « ArrĂȘte tes sous-entendus ! » Quelle terrible façon de prĂ©senter les choses. Il aurait au moins pu prĂ©ciser que câĂ©tait de la chaleur de mes ''aisselles'' quâil parlait. La conversation tournait vite mal. Je devais y mettre un terme aussi vite que possible. « Quoi quâil en soit, pouvons-nous en revenir au sujet ? » « Mm ? Quoi, tu veux savoir pourquoi la sensibilitĂ© au froid est plus commune chez les femmes ? » « Un petit peu, oui, mais ce nâest pas ce dont je parlais ! » « Dâaccord, dâaccord. Je suppose que je me suis assez amusĂ© avec tes rĂ©pliques pleines dâesprit pour le moment. » Au moment oĂč le dernier mot passait ses lĂšvres, son expression a changĂ©. Puis, comme une condition prĂ©alable Ă la conversation qui sâensuivait, il a posĂ© une question : « Est-ce Mitsuki qui tâa demandĂ© de faire ça ? » « Pas du tout. Câest de mon propre fait. » « Dans ce cas, je nâai rien Ă te dire. » Il mâa regardĂ© dâun air entendu. Il se montrait sans doute distant parce quâil avait un secret Ă garder. « Allez, tu ne peux pas mâaider ? Tu as quelques informations, pas vrai ? » lâai-je pressĂ©, alors mĂȘme que je savais ma requĂȘte dĂ©raisonnable. « Tu ne comprends vraiment pas. Laisse-moi ĂȘtre franc avec toi. Toi et moi ne sommes ni amis, ni alliĂ©s. Nous sommes juste deux partis dâun cessez-le-feu. Je prĂ©fĂ©rerais que tu ne te montres pas si familier avec moi. Ce privilĂšge est rĂ©servĂ© aux ikaishi avec qui nous nous sommes alliĂ©s. » On nâaurait pas dit quâil se montrait mĂ©chant. CâĂ©tait juste ce quâil ressentait vraiment, probablement. Câest pourquoi je nâai rien eu Ă rĂ©pondre. Une crĂ©ature comme moi ne pourrait jamais se fondre parmi les humains, et en particulier parmi les ikaishi. Il Ă©tait inutile ne serait-ce que dâespĂ©rer quâil puisse en ĂȘtre autrement. Pour commencer, le simple fait que je sois un monstre Ă©trange â un hanyou â est une raison suffisante pour quâils me haĂŻssent. Bien sĂ»r, un mĂ©lange bĂątard dâhumain et de youmu rendrait les gens mal-Ă -lâaise. En tant que hanyou, je me tenais sur la frontiĂšre sĂ©parant les hommes et les youmus. En tant que membre dâaucun des deux groupes, il nây avait nulle part oĂč je puisse me reposer. ===Partie 7=== AprĂšs que les cours Ă©taient finis, Mitsuki et moi sommes retournĂ©s dans la chambre de torture, oĂč nous avons Ă nouveau Ă©tĂ© soumis Ă la tache cruelle et inhabituelle qui consistait en la sĂ©lection dâhistoires pour "Dame de la Nuit". Je nâavais pas croisĂ© Kuriyama-san. Il Ă©tait huit heures passĂ©es quand nous avons rangĂ© et sommes rentrĂ©s chez nous. Ă propos, je louais un appartement en ville. Je vivais seul. MĂȘme si le complexe immobilier nâĂ©tait pas exclusivement pour les femmes, la sĂ©curitĂ© Ă©tait Ă©troite. Les portes ne sâouvraient pas sans clĂ© magnĂ©tique, et les boĂźtes aux lettres Ă©taient verrouillĂ©es solidement et fermement. Cela Ă©tant le cas, je nâavais pas Ă mâinquiĂ©ter de rĂ©cupĂ©rer le courrier Ă intervalles rĂ©guliers. Jâattendais que la boĂźte aux lettres soit pleine Ă craquer, puis je sortais tout le lourd amas dâun coup. Alors, aujourdâhui. Jâai eu envie de jeter un Ćil au courrier â peut-ĂȘtre parce que jâai Ă©tĂ© tentĂ© par un dĂ©mon-lettre â alors je me suis arrĂȘtĂ© devant les boĂźtes aux lettres sur le chemin de ma chambre, et jâai jetĂ© un coup dâĆil dans la mienne. Les factures pour mon Ă©lectricitĂ©, le gaz, les factures dâeau Ă©taient mĂ©langĂ©es Ă un paquet de courrier direct. Pour information, toutes mes factures sont programmĂ©es pour ĂȘtre dĂ©bitĂ©es automatiquement sur mon compte, alors je nâai pas besoin de les payer moi-mĂȘme. Jâai commencĂ© Ă jeter tout le courrier indĂ©sirable dans la poubelle que je tenais sous mon bras. Ce faisant, jâai remarquĂ© une carte postale dans la montagne de papier. Mise Ă part mon adresse, elle Ă©tait blanche. « ------- » Jâai tressautĂ©. Ăa venait de mes parents. Ils envoyaient lâune de ces cartes postales de temps en temps pour me faire savoir quâils Ă©taient toujours en vie. Le cachet de la poste indiquait fin mars. Aujourdâhui, câĂ©tait le 13 avril. Ăa voulait dire que jâavais laissĂ© une carte postale dans la boĂźte aux lettres pendant presque deux semaines. CâĂ©tait ma faute parce que jâĂ©tais paresseux, oui, mais mes parents pouvaient certainement se permettre dâĂȘtre un petit peu moins nĂ©gligents Ă propos de ce genre de choses. La façon dont ils envoyaient ces cartes postales on-est-toujours-vivants Ă©tait tout simplement bizarre. Quelquefois, jâen recevais trois en un mois, et dâautres fois, il sâĂ©coulait presquâun an sans que je reçoive la moindre nouvelle. Elles arrivaient dâordinaire juste au moment oĂč jâĂ©tais sur le point de les oublier totalement, ce qui signifiait quâelles ne faisaient pas un super boulot pour ce qui Ă©tait de me faire savoir que mes parents Ă©taient vivants. MalgrĂ© tout, ce nâĂ©tait que les jours oĂč je recevais ces cartes postales que je me sentais vraiment Ă lâaise. Assez bizarre. Jâai glissĂ© la carte dans mon sac. « Toujours vivants, hein. » JâĂ©tais tellement soulagĂ© que ces mots mâont juste glissĂ© des lĂšvres. Je suis sorti de lâappartement et ai regardĂ© le ciel. Un croissant de lune et un vaste champ dâĂ©toiles emplissaient les cieux. Par une nuit pareille, ce nâĂ©tait pas correct de broyer du noir. Avec la bĂ©nĂ©diction de la lune et des Ă©toiles, je suis sorti pour une promenade sous le ciel nocturne. CâĂ©tait une expĂ©rience qui m'Ă©tait Ă©trangĂšre. ===Partie 8=== Une confiserie assez ancienne, situĂ©e dans un certain quartier rĂ©sidentiel tranquille, se dressait devant moi. On aurait dit le genre dâendroit qui serait cher mĂȘme Ă raser, presque comme sâil avait Ă©tĂ© laissĂ© lĂ dans un Ă©tat proche de lâabandon jusquâĂ ce que quelquâun ait une idĂ©e de quoi faire avec. Quoiquâil ne soit pas tard au point que les gens dĂ©sertent les rues, il nây avait personne aux alentours. Je savais pourquoi. Jâai pĂ©nĂ©trĂ© dans la confiserie, qui suintait vraiment la dĂ©crĂ©pitude. Elle Ă©tait ouverte aujourdâhui, bien quâelle ne fasse pas dâaffaires, comme dâhabitude. LâintĂ©rieur Ă©tait couvert dâun papier-peint Ă motif de bois. Ceci, ainsi que les portes en cloison, donnait une atmosphĂšre trĂšs Japonaise traditionnelle Ă lâendroit. Une cloche Ă©tait installĂ©e sur la caisse bien tenue, de mĂȘme quâun certain nombre de produits Ă vendre. LâidĂ©e Ă©tait vraisemblablement que les clients examinent avec attention les biens eux-mĂȘmes avant dâappeler le commerçant. Jâai fait sonner la cloche deux fois. Peu aprĂšs, la commerçante â une femme dans sa prime jeunesse â est sortie de la piĂšce du fond. Elle portait un kimono noir soignĂ© ornĂ© de motifs de fleurs. Ses cheveux brun roux Ă©taient nouĂ©s derriĂšre sa tĂȘte et tenus en place avec une pince Ă cheveux pourpre dĂ©corative. MĂȘme si elle Ă©tait trĂšs attirante, elle nâĂ©tait pas seulement lĂ pour lâeffet. Vue la façon dont elle se tenait, il semblait quâelle pourrait faire les gens affluer vers elle si elle le dĂ©sirait. Et pourtant, elle ne vendait rien. Admettons, sa boutique nâĂ©tait pas au meilleur des endroits, mais il y avait une raison complĂštement diffĂ©rente Ă son impopularitĂ©. Bon, pour ĂȘtre prĂ©cis, ce nâĂ©tait pas que la boutique ''nâĂ©tait pas'' populaire â elle ''ne voulait pas'' quâelle le soit. Les apparences peuvent ĂȘtre trompeuses. Elle aussi Ă©tait une ikaishi : Shindo Ayaka. « Est-ce que tu as Ă©rigĂ© une nouvelle barriĂšre rĂ©pulsive ? Il nây a personne dans le coin. » « Maintânant quâtu lâdis, oui. Lâancienne devânait rouillĂ©e et jârecevais plus de clients. JâprĂ©fĂšre vivre seule. Je nâveux pas ĂȘtre mĂȘlĂ©e Ă la vie citadine. Tu comprends câque jâveux dire, Kanbara-kun ? » Implicitement, il y avait dans sa rĂ©ponse le sentiment quâelle nâĂ©tait pas heureuse de ma visite. « Eh bien dĂ©solĂ©. Ce nâĂ©tait pas mon ''intention'' dâamener la vie citadine avec moi. » « TâinquiĂšte pas. Dâailleurs, câest moi qui tâai dit de vânir me voir si tu voulais parler. Et puis, tu es un jeune homme. Je nâsuis pas surprise. « Quâest-ce que tu veux dire par lĂ ? » Tout ça me donnait un mauvais pressentiment. « Tu es tellement pris par tes fantasmes sur moi quâtu nâpouvais tâempĂȘcher dâvenir me voir en chair et en os, hein ? » a-t-elle dit en levant la tĂȘte. « Comme si jâallais fantasmer sur toi nue ! » « Alors tu fantasmais sur ââquelquâchoseââ de nu, pas vrai ? » Silence. CâĂ©tait une question piĂšge sacrĂ©ment empotĂ©e. « Dans "pervers", il y a "vert". En gros, je suis pour la sauvegarde de lâenvironnement. » « Tu sais, Kanbara-kun, tâes probablement lâseul homme dans câmonde Ă mâdonner une excuse aussi stupide. Ou tâas quâque chose dâmieux en rĂ©serve ? » La fin approchait. Jâai Ă©tĂ© saisi de lâenvie de retourner dâoĂč je venais, de prendre de la distance tout en sifflotant. Ă ce moment, quand jâĂ©tais sur le point de mourir dâhumiliation, Ayaka mâa lancĂ© un regard impitoyable entendu. « Alors, quâest-câqui tâamĂšne ici ? » CâĂ©tait comme si elle Ă©tait une personne complĂštement diffĂ©rente, maintenant, et non plus la commerçante nonchalante quâelle Ă©tait avant. Et si je devais choisir, je dirais que cette version Ă©tait plus proche de la vĂ©ritable Ayaka. En tant quâikaishi, elle voulait savoir ce qui pouvait bien amener un hanyou comme moi au pas de sa porte. « Jâai une question pour toi, » ai-je dit, exposant ma requĂȘte. « Eh bien, inutile dârester dâbout ici. Entrons nous asseoir. » Elle mâa conduit dans une petite piĂšce de style japonais, dâune superficie suffisante pour contenir quatre tatamis et demi. Il nây avait rien de charmant dans sa literie â elle ne sâĂ©tait pas embĂȘtĂ©e Ă la ranger. Ayaka a amenĂ© une thĂ©iĂšre et une tasse de thĂ© et sâest assise en face de moi Ă la table basse. De la vapeur sâest Ă©levĂ©e du thĂ© vert fraichement versĂ©. Tout en mâoffrant une tasse de thĂ©, Ayaka a Ă©tĂ© la premiĂšre Ă briser le silence. « JâprĂ©sume que jâsais pourquoi tâes lĂ , mais vas-y, dis-moi. Fais court, sâil tâplaĂźt. Tes exposĂ©s sont toujours trop mous. » « ArrĂȘte ça. » Enfin bref. Je lui ai parlĂ© du certain nombre dâikaishi qui arrivaient ici depuis un moment. Au passage, je lui ai aussi parlĂ© de Kuriyama Mirai. Ă la fin de mon explication, elle a acquiescĂ© calmement. « Kanbara-kun, ça tâdĂ©range quâje tâdemande queâquâchose ? » « Non ? » « Vu quâtu as fait tout câchemin pour vânir me voir, jâsuppose quâil est inutile quâje dâmande, mais tes copains ikaishi nâsavent rien lĂ -dâssus ? » « Ils mâont juste averti de ne pas fourrer mon nez lĂ -dedans. » « Jâvois⊠Sâils veulent ton bien, on nây peut rien, hein ? » a-t-elle dit, souriant dâun air glacial. Il semblait quâelle avait compris ce que Mitsuki et Hiromi me cachait, quoi que ce fusse. Si je pouvais dĂ©couvrir ce dont il sâagissait exactement, je pourrais probablement comprendre aussi ce pour quoi Kuriyama-san Ă©tait lĂ . « Sais-tu pourquoi les ikaishi se rassemblent ici ? » « Une accalmie arrive. » « Une accalmie ? Comme lorsque le vent sâarrĂȘte et que la mer est calme ? » « Tâas tout bon. MĂȘme chose, sauf quâcâest pour les youmu. Les youmu dâviennent moins actifs pâdant une courte pĂ©riode. » Je comprenais ce quâelle me disait, mais ça nâavait toujours pas de sens. « Est-ce que ce nâest pas une bonne chose ? Est-ce quâil ne serait pas ''souhaitable'' que les youmu soient moins actifs ? » « Les gens ordinaires lâsouhaiteraient, ouais. Et câest pour ça quâça met certaines personnes dans la panade. » Je me suis tu. Bien sĂ»r quâil y avait des gens qui ne voudraient pas que les youmu soient moins actifs. Comme, par exemple, lâikaishi se tenant droit devant moi : Shindo Ayaka, exterminatrice de youmu professionnelle. La confiserie nâĂ©tait quâune façade pour cacher sa vĂ©ritable identitĂ©. Elle nâen tirait probablement aucun bĂ©nĂ©fice profitable. Si le besoin en ikaishi diminuait Ă cause de lâaccalmie, alors elle se retrouverait trĂšs certainement fauchĂ©e. « Lâaccalmie va-t-elle durer longtemps ? » « Nan, pas plus dâun mois, environ. » « Est-ce que tu vas tâen sortir, Ayaka ? » « Jâdevrais pas ĂȘtre embĂȘtĂ©e par une accalmie ou deux, pâtit. » a-t-elle rĂ©pondu. Elle a ensuite sorti une pipe de son kimono et lâa portĂ©e Ă ses lĂšvres. Son apparence, avec le kimono et la pipe sur laquelle elle tirait, avait un petit quelque chose. Elle avait lâair dĂ©tendu face Ă lâaccalmie qui sâapprochait et le manque de travail quâelle affronterait ; Et ce Ă un tel point quâil Ă©tait clair quâelle Ă©tait une ikaishi de forte stature. Je ressentais quâelle dĂ©gageait une atmosphĂšre particuliĂšre ; une atmosphĂšre qui me donnait un aperçu de son caractĂšre incroyable, avec ses barriĂšres rĂ©pulsives et tout le reste. Son rĂŽle en tant que propriĂ©taire dâune confiserie en faillite nâĂ©tait vraiment quâune façade. « Jâsais pas si tâas remarquĂ©, mais les bonbons japonais durent longtemps. Si jâles rationne correctâment, jâdevrais tânir Ă peu prĂšs jusquâĂ lâheure dâla rĂ©colte. » « Ok, temps mort. Tu avais lâintention de subsister avec des bonbons Ă la gelĂ©e et des confiseries gelĂ©es !? Je nâarrive pas Ă croire que jâai gaspillĂ© mon admiration sur toi ! » « Kanbara-kun, tâoublierais pas pourquoi tâes lĂ ? » mâa-t-elle averti. Elle a ensuite fermĂ© lâĆil gauche. Elle peut voir la vĂ©ritable forme des youmu quand elle se concentre, mais seulement Ă travers son Ćil droit, je crois. Si câĂ©tait le cas, alors le fait quâelle me regarde ainsi nâavait pas vraiment de sens. Elle savait dĂ©jĂ qui jâĂ©tais. Je suppose que ça devait ĂȘtre utile pour identifier les youmu dĂ©guisĂ©s en humains, par contre. Ou bien peut-ĂȘtre pouvait-elle faire autre chose avec son Ćil droit ? Tout dâun coup, jâai pensĂ© Ă quelque chose. « Est-ce que mes pouvoirs de youmu vont faiblir pendant lâaccalmie ? » « Probablement pâtit. Mais câest pas ce dont jâparlais. » « Il y a quelque chose de plus important encore ? » Jâai dĂ©gluti. Je ne pouvais pas penser Ă quelque chose de pire que lâaffaiblissement de mes pouvoirs de youmu. « Bon, jâaimerais mâfaire un peu dâsous. Passons aux choses sĂ©rieuses. » Elle a sorti un tableau intitulĂ© "liste de prix" et lâa posĂ© sur la table. Il y avait toutes sortes de dĂ©tails dans le tableau â le prix dâune consultation ; une liste de prix pour des boulots dâextermination de youmu, ordonnĂ©e selon la difficultĂ© du travail en question ; et mĂȘme quelques complĂ©ments Ă la carte. « Tu vas me faire payer pour ça ? Est-ce vraiment le genre de relation que nous avons !? » « Le genre de râlation quânous avons est la ''façon'' dont jâgagne de lâargent, Kanbara-kun. » Silence. "Le genre de relation que nous avons" Ă©tait une relation dans laquelle elle mâavait presque chassĂ© pour une prime. « Si tu veux, tu peux tâallonger avec moi pendant quânous parlons. Tu veux ? » « Bien sĂ»r que non ! » Quoi quâil en soit, revenons-en au sujet⊠« Tâvois, jâai seulement mentionnĂ© quâcertaines personnes sâraient dans la panade pour tâfaire penser aux ikaishi. La vĂ©ritĂ©, câest quâaucun ikaishi nâserait Ă lâhospice des pauvres Ă cause dâune accalmie ou deux. Franchement, ça donne une bonne occasâ dâdĂ©penser le pognon quâtâas en trop. » Ayaka continuait Ă fumer sa pipe. Je suis restĂ© silencieux, attendant quâelle continue. « En apartĂ©, une accalmie offre dânouvelles opportunitĂ©s pour les ikaishi. Y a pas dâautre moment pour combattre des youmu qui sâraient trop puissants pour toi dâhabitude. Pour les jeunes ikaishi qui veulent dâvenir cĂ©lĂšbres, câest une opportunitĂ© en or. » Ayaka a serrĂ© les doigts de sa main droite en un poing. Apparemment, elle avait une tĂ©lĂ©vision. Son niveau de vie nâavait pas dâimportance, apparemment. Ce qui en ''avait'', câĂ©tait quâelle avait dit quâune accalmie Ă©tait une opportunitĂ© en or pour les jeunes ikaishi qui voulaient devenir cĂ©lĂšbres. « Alors tu veux dire⊠Tu veux dire quâil y a un youmu surpuissant dans le coin ? » « Tâes intelligent. Tous les ikaishi qui sont vânus par ici doivent avoir dans lâidĂ©e dâutiliser lâaccalmie pour combattre des youmu. » « Ce qui veut dire que Kuriyama-san est ici afin de combattre le youmu surpuissant, elle aussi ? » « Je sais pas. Elle nâsavait pas non plus quâdâautres ikaishi vânaient, non ? » « Câest vrai. » Ayaka a acquiescĂ©. « Jâpeux pas imaginer quâelle essaye dâcombattre un dâces gros youmu Ă elle toute seule. Lâappel dâikaishi et leur surabondance paraissent aussi importants. Tant que tâes pas absolument sĂ»r dâce pourquoi elle est lĂ , tu fârais bien dâĂȘtre prudent. » « Bon, je nây connais pas grand-chose Ă la maniĂšre de faire des ikaishi, alors ça pourrait ĂȘtre une question stupide. Est-ce que câest ''si'' honteux de se faire voler la vedette par dâautres ikaishi ? » « Câest pas ça, pâtit. Y a des gens qui utiliseront lâaccalmie pour faire le mal. Y en a toujours eu. » « Le mal⊠» Cela expliquerait le fait que le clan Nase sâoccupe du flux entrant dâikaishi avec force prudence. Il restait quelque chose qui nâĂ©tait pas clair pour moi, par contre. Pourquoi Kuriyama-san Ă©tait-elle venue ici ? QuâĂ©tait-elle venu accomplir ? « Y a de sales types dans le coin, » a-t-elle tout dâun coup mentionnĂ©. Il y avait clairement une signification profonde dans ce quâelle avait dit. Sur ce, elle a ouvert son Ćil gauche. Pour un observateur extĂ©rieur, cela aurait pu paraĂźtre hautain, mais elle Ă©tait trĂšs probablement juste en train dâattendre de voir comment je rĂ©agirais. « Quâest-ce que câest censĂ© vouloir dire ? » « Câque ça voulait dire. Câest tout, » a-t-elle rĂ©pondu, balayant ma question sans hĂ©siter une seconde. Bon, peu importe. Ă la longue, je finirais bien par obtenir une rĂ©ponse de Kuriyama-san elle-mĂȘme, et qui sait, peut-ĂȘtre Ă©tait-elle vraiment arrivĂ©e ici sans connaĂźtre la situation. Pour le moment, ce qui Ă©tait le plus important, câĂ©tait que je ne doute pas dâelle. Ăa suffirait. « Au fait, Ă quel point mon immortalitĂ© va-t-elle diminuer ? » Jâai enfin ramenĂ© sur le tapis le problĂšme qui avait Ă©tĂ© dans un coin de ma tĂȘte pendant toute la conversation : lâimmortalitĂ©. Je nâavais pas un corps Ă©lastique ou une quelconque capacitĂ© au combat. Mon immortalitĂ© Ă©tait vraiment la seule chose qui faisait de moi quelque chose dâautre quâhumain. « Jâpeux pas en ĂȘtre sĂ»re, petit. Pour tâdire la vĂ©ritĂ©, jâen ai pas la moindre idĂ©e. Y sâpourrait quâtu restes immortel tout du long, ou quâtu perdes complĂštement ta capacitĂ© dârĂ©gĂ©nĂ©ration. » « Je vois. » MĂȘme avec toute son expĂ©rience, elle nâavait pas dĂ» rencontrer de cas inhabituels comme le mien trĂšs souvent. CâĂ©tait Ă prĂ©voir. Je ne pouvais pas y faire grand-chose. Si le monde ''grouillait'' de youmu immortels, avoir des ikaishi dans le coin ne serait pas dâune grande utilitĂ© en premier lieu. Jâai sorti mon tĂ©lĂ©phone pour regarder lâheure. Il Ă©tait vingt-et-une heures cinq. Dâune maniĂšre ou dâune autre, nous avions rĂ©ussi Ă passer presquâune heure Ă discuter. Si elle nâavait pas dâautre information pour moi, il nâĂ©tait pas utile que je reste plus longtemps. JâĂ©tais sur le point de me lever pour partir quand Ayaka a dit : « Dis, Kanbara-kun, tâas eu des nouvelles dâta mĂšre et ton pĂšre ? » Elle mâavait percĂ© Ă jour. Elle Ă©tait vraiment quelque chose. La carte postale on-est-toujours-vivants mâest venue Ă lâesprit. Il ne serait cependant pas dans mon intĂ©rĂȘt de rĂ©pondre positivement tout de suite. « Pourquoi cette question ? Tu tâes souvenue de quelque chose ? » « Ni les youmu, ni les ikaishi nâpeuvent ignorer une accalmie, pâtit. » Ses soupçons semblaient ĂȘtre lĂ©gitimes. Je nâai pas pu mâempĂȘcher de soupirer bruyamment. Jâai sorti la carte postale de mon sac et lâai posĂ©e sur la table. « On dirait quây a queâquâchose de psychique incrustĂ© dâdans. Jâpeux te montrer câquâil y a Ă lâintĂ©rieur ? » CâĂ©tait une vĂ©ritable experte. Elle mâavait dĂ©jĂ parlĂ© des psyclones auparavant, mais une personne ordinaire regardant la carte postale nây verrait rien dâinhabituel. Ayaka, pourtant, lâavait reconnue Ă lâinstant oĂč elle avait posĂ© les yeux dessus â elle nâavait mĂȘme pas eu besoin de la manipuler physiquement. « Il pourrait y avoir des informations sur lâaccalmie lĂ -dedans. » « Jâsuppose, oui. » Ayaka semblait dâaccord avec ma supposition. Elle a retournĂ© la carte et lâa reposĂ©e sur la table. Un psyclone a Ă©mergĂ© du rectangle blanc et vierge. Quelques secondes plus tard, il Ă©tait entier. Lâimage dâune vraie personne Ă©tait clairement visible, quoiquâelle soit rĂ©duite Ă une hauteur de trente centimĂštres. Fait particulier, la personne en question avait des oreilles de chat lui sortant de la tĂȘte. CâĂ©tait aussi ma mĂšre. « YouhouâȘ Jâai un message impronrontant pour toi, alors Ă©coute bienâȘ » Jâai retournĂ© silencieusement la carte. Le cĂŽtĂ© avec mon adresse Ă©tait maintenant visible. Nous Ă©tions dans une petite piĂšce de style japonais, situĂ©e Ă lâarriĂšre dâune confiserie calme, localisĂ©e dans un certain quartier rĂ©sidentiel tranquille. Une ikaishi en kimono Ă©tait assise en face de moi Ă une table basse. Je nâavais quâune chose Ă dire. « Peut-on prĂ©tendre que ce nâest jamais arrivĂ© ? » Le monde est devenu silencieux. Si un mĂ©tĂ©ore tombait des cieux et dĂ©truisait la terre maintenant, je pense que ça ne me dĂ©rangerait pas. Jâai fait de mon mieux pour essuyer la sueur froide qui suintait de tout mon corps. Aucun de nous nâa parlĂ© pendant ce qui a paru une Ă©ternitĂ©. Finalement, Ayaka a solennellement brisĂ© le silence. « CâĂ©tait ta mĂšre ? » « Oui ! Elle a toujours Ă©tĂ© un peu bizarre ! Pendant une visite des parents Ă lâĂ©cole primaire, elle a Ă©tĂ© la seule Ă sâasseoir parmi les Ă©coliers. Elle a mĂȘme levĂ© la main pour poser des questions ! Elle a une personnalitĂ© absolument pas conventionnelle ! » « Allons bon, Kanbara-kun. Quâest-câqui tâmet dans cât Ă©tat ? » Impertinente, comme dâhabitude. Pour prĂ©server lâhonneur de la famille Kanbara, je devrais la faire disparaĂźtre⊠Mais il fallait garder cette conversation pour plus tard. Il est difficile de comprendre un rĂ©cit possĂ©dant trop de buts disparates, aprĂšs tout. Il Ă©tait important que jâextraie toute information utile Ă propos de Kuriyama-san et de lâaccalmie, etc. Sceller les lĂšvres dâAyaka Ă©tait une prĂ©occupation secondaire. Bon, en plus, ce nâĂ©tait pas le genre de choses qui devaient mâurger de commencer Ă rĂ©flĂ©chir Ă lâexĂ©cution dâun meurtre en chambre close. CâĂ©tait le genre de choses qui mâĂ©jecteraient dâun concours de nouveaux auteurs au premier tour. Il faudrait que je lave le nom de ma famille plus tard. « Ăcoutons-en un pâtit peu plus, pâtit. » « ⊠Attends, Ayaka. » Il semblait quâelle avait mal compris quelque chose. CâĂ©tait un point dâhonneur important pour la famille Kanbara. « Câest mon ''pĂšre'', le youmu. Ma mĂšre est une ikaishi, comme toi. » Ayaka a juste clignĂ© des yeux, la pipe toujours aux lĂšvres. AprĂšs un moment, elle a enfin posĂ© une question. « Alors pourquoi est-ce quâelle a ces oreilles dâchat ? » « Sans doute un accessoire. » « Et pourquoi on dirait des vraies ? » « Elle est pointilleuse sur les choses, bon sang ! En plus, en tant quâikaishi, elle a dĂ©jĂ dĂ» voir la vraie bestiole ! » « Vraiment ? » Je nâĂ©tais pas sĂ»r quâAyaka mâait vraiment cru ; dans tous les cas, elle a retournĂ© la carte avant que jâai eu la chance de dire non. Le psyclone a Ă©mergĂ© au-dessus de la table. Ma tĂȘte est tombĂ©e. MĂȘme si je nâĂ©tais pas conscient de ce dont jâavais lâair Ă ce moment-lĂ , je devais avoir le visage de quelquâun faisant face Ă la fin du monde. « YouhouâȘ Jâai un message impronrontant pour toi, alors Ă©coute bienâȘ » Sa premiĂšre phrase a de nouveau Ă©tĂ© jouĂ©e. Cela Ă©quivalait Ă une nouvelle forme de torture. « Ta mĂšre est sacrĂ©ment pas conventionnelle, hein ? Est-câquâelle a jamais pensĂ© Ă gagner un jeu dâcache-cache en remuant lâderriĂšre ? » « Alors quoi, le premier trouvĂ© gagne ? Attends, tu veux dire que ma mĂšre semble ''si peu'' conventionnelle !? » « Mais tâsais, jâsuis un tantinet jalouse. Elle a un fils au lycĂ©e, donc elle doit au moins avoir la trentaine, hein ? Elle a lâair bien plus jeune quâça. Ăa mâimpression quâles oreilles dâchat lui aille aussi bien. » « JâapprĂ©cie les compliments sur ma mĂšre, mais est-ce quâon pourrait revenir Ă ce quâelle disait ? » Ayaka a soufflĂ© un peu de fumĂ©e et a acquiescĂ©. Elle a posĂ© sa pipe, peut-ĂȘtre pour indiquer quâelle allait en finir avec les bavardages inutiles. Jâai mis mon embarras de cĂŽtĂ© et me suis concentrĂ© sur lâĂ©cran de pensĂ©es. « Tu manges bieeeeen ? JâespĂšre que tu ne manges pas des aliments emballĂ©s tout le temps, jeune homme. Si tu ne cuisines pas toi-mĂȘme de temps en temps, tu nâauras pas une alimentation Ă©quilibrĂ©e. Et je pense que tu le sais parfaitement, mais assure-toi de ne rien faire dâillĂ©gal. Ăa rendrait Ya-chan horonronblement tristeâȘ » La silhouette Ă oreilles de chat dans le psyclone a serrĂ© sa poitrine gĂ©nĂ©reuse entre ses bras. Je nâai aucune idĂ©e de ce qui avait bien pu la pousser Ă exhiber son dĂ©colletĂ© dans un message destinĂ© Ă son fils. Jâaurais aimĂ© avoir un trou dans lequel me cacher⊠ou, zut, jâen creuserais un moi-mĂȘme sâil le fallait. Ă propos, le nom de ma mĂšre est Yayoi. Kanbara Yayoi â aussi bizarre quâelle puisse ĂȘtre, elle Ă©tait quand mĂȘme une ikaishi de renom. « Tâas une sacrĂ©e maman. On dirait quâil lui manque une case, et elle a aussi une poitrine Ă©norme, hein ? » « Ne dis plus rien ! » Pendant la trentaine de minutes qui a suivi, jâai subi de la torture psychologique aux mains du psyclone. Jâai remerciĂ© le bannissement des armes Ă feu au Japon. Si jâavais un pistolet chargĂ© Ă la main, jâaurais appuyĂ© sur la dĂ©tente. Il nây avait aucun doute. Je suis sĂ»r quâelle sâinquiĂ©tait Ă sa façon pour son fils qui vivait seul. MalgrĂ© tout, la maniĂšre dont elle montrait son affection Ă©tait Ă cĂŽtĂ© de la plaque. ComplĂštement Ă cĂŽtĂ©. MĂȘme si les oreilles de chat lui allaient bel et bien, la regarder elle, câĂ©tait comme regarder une vidĂ©o-choc. Je voulais tellement dĂ©tourner le regard. Ăa nâavait rien de mignon du tout. Enfin bref. Elle a fini par parler de lâaccalmie. « ⊠Alors fais attentiooooon ! Nâen fais pas tronronâȘ » Elle nâavait passĂ© que cinq minutes dessus, bon sang. Le psyclone sâest Ă©vanoui. Le silence sâest Ă nouveau installĂ©. Ayaka a Ă©tĂ© la premiĂšre Ă parler. « On nâa pas tirĂ© grand-chose dâça. » « Ne dis pas ça ! Quel sens dois-je donner Ă toute cette souffrance, maintenant !? » « Eh ben, câest parcâque jâsuis une ikaishi. Elle a fait du bon boulot en rĂ©sumant toutes les choses importantes sur lâaccalmie en cinq minutes, hein ? MĂȘme un Ă©colo comme toi a pu lâcomprendre. » Ayaka a Ă©bouriffĂ© sa frange. « Les informations dâta mĂšre⊠dâYa-chan Ă©taient formidables, » a-t-elle continuĂ©. « Si tu nâme connaissais pas, tâen aurais eu bâsoin. » CâĂ©tait la vĂ©ritĂ©, purement et simplement. « Ouais, mais tout ce que jâen ai tirĂ©, câĂ©tait quelques trucs Ă propos de lâaccalmie. » « Lâaccalmie va bientĂŽt commencer. Une tripotĂ©e dâikaishi arrive ici pour chasser lâĂ©norme youmu. Et aussi, y en a dâautres que personne nâattendait. Maintenant quâtu sais tout ça, tu peux dĂ©cider par toi-mĂȘme câque tu dois faire, pas vrai ? » Elle nâavait pas tort. Jâavais maintenant des informations sur lâaccalmie, des informations que je nâavais pas pu obtenir des Nase. GrĂące à ça, jâavais une assez bonne idĂ©e de ce qui se passait (les ikaishi arrivaient ici) et de ce qui pouvait Ă©ventuellement arriver (les ikaishi allaient dĂ©truire le youmu surpuissant). « Ah, et puis, ça tâdĂ©rangerait quâje jette un Ćil Ă cette lettre ? Si jâprends un peu dâtemps, y sâpourrait quâjâarrive Ă en tirer un peu plus. » Jâai compris que je ne pouvais pas refuser. Sâil y avait la moindre chance quâelle puisse obtenir un peu plus dâinformations de la lettre, il serait mieux de la laisser lâexaminer plus attentivement. En ce qui concernait les informations, plus on en avait, mieux câĂ©tait. « Quand tu en auras fini avec, rends-la-moi, dâaccord ? Je prĂ©fĂ©rerais vraiment la dĂ©truire immĂ©diatement, mais, tu sais⊠» « Aucun problĂšme, p'tit. » Ayaka a acquiescĂ© tranquillement et a ramassĂ© la carte postale. Il valait mieux laisser les problĂšmes techniques aux techniciens, en quelque sorte. Je devais juste faire tout ce que je pouvais, et rien de plus. Jâai rĂ©cupĂ©rĂ© mon sac et me suis prĂ©parĂ© Ă partir. Juste Ă ce moment, quelque chose Ă laquelle Ayaka avait fait allusion mâest venu Ă lâesprit. « Au fait, tu as mentionnĂ© quelque chose Ă propos de "sales types", non ? » « Oui. Y a des types dans le coin qui sont assoiffĂ©s dâcĂ©lĂ©britĂ©, Ă tel point quâils laissaient dâautres types sâsacrifer. » « Ou des gens qui veulent devenir cĂ©lĂšbres sans salir leurs propres mains. » « Tâas compris, hein ? Pât-ĂȘtre que jâtâai un peu sous-estimĂ©, pâtit. » Ayaka a gloussĂ© et mâa souri froidement. Un ramassis de bons Ă rien, hein. « En tout cas, merci de mâavoir aidĂ©. » Je me suis inclinĂ© et me suis levĂ©. Ayaka sâest aussi levĂ©e, sans doute pour me raccompagner Ă la porte. Je nâĂ©tais pas sĂ»r de lâĂ©volution quâallait prendre les choses, mais jâĂ©tais sĂ»r de lâendroit oĂč je devais aller. Quây avait-il de mieux pour savoir comment pensaient les bons Ă rien que de demander Ă un bon Ă rien lui-mĂȘme ? Je connaissais quelquâun qui remplissait parfaitement les critĂšres. Me rĂ©tracter parce quâil mâavait menacĂ© Ă ce moment-lĂ nâavait pas de sens. JâĂ©tais sur le point de sortir quand Ayaka mâa appelĂ©. « Kanbara-kun, attends. » « Oui ? » Je me suis retournĂ© pour la regarder, et ai attendu quâelle poursuive. « Nan, peu importe, » a-t-elle dit, haussant ses Ă©paules recouvertes par le kimono et secouant la tĂȘte. « Si tu le dis. On aurait dit que tu allais dire quelque chose de sĂ©rieux, lĂ . Ăa nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă ĂȘtre tes derniers mots, ok ? » « Kanbara-kun, tu dois⊠non, tu nâdois pas tâinquiĂ©ter pour ça maintenant. » Tout va bien⊠pour le moment. Dâun autre cĂŽtĂ©, ça voulait dire quâil nây avait pas moyen de dire comment les choses allaient Ă©voluer Ă lâavenir. Jâai arrachĂ© mon regard dâAyaka et ai quittĂ© la confiserie. Il nây avait personne dans les environs, grĂące Ă la puissante barriĂšre rĂ©pulsive. Rien ne garantissait quâelle resterait mon alliĂ©e du dĂ©but Ă la fin. <references/> <noinclude> {| border="1" cellpadding="5" cellspacing="0" style="margin: 1em 1em 1em 0; background: #f9f9f9; border: 1px #aaaaaa solid; padding: 0.2em; border-collapse: collapse;" |- | Revenir au [[Kyoukai no Kanata:Tome 1 Prologue|Prologue]] | Retourner au [[Kyoukai no Kanata - Français|Sommaire]] | Passer au [[Kyoukai no Kanata:Tome 1 Chapitre 2|Chapitre 2]] |- |} </noinclude>
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