Stereopticon Rotation Un court rêve

From Baka-Tsuki
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J'ai ressenti plusieurs choses étranges depuis que l'on est arrivée ici.
Takumu réfléchit au plus récent d'entre eux, l'attaque qu’il a reçu un peu plus tôt.

Ce lézard est apparu dans notre dos quand on a attaqué le mur.
Ce lézard était seul. Après m'être battu contre lui un moment, aucun renfort n'est venu pour l’aider. On n'a pas non plus été attaqués de nouveau après être partis.
Ce lézard en voulait à nos vies, et n'en avait que faire d'endommager les bâtiments autour.
Ce lézard est apparemment un robot autonome. Autrement dit, s’il a pris action, c’est parce que quelqu’un lui a donné l’ordre de le faire.

En y réfléchissant simplement, il s'agissait surement d'une force de défense déployée pour protéger le mur extérieur de la cabine. Voilà pourquoi il a attaqué ceux qui ont essayé de détruire le mur.
Toutefois, cette conjecture présentait des failles.
Il n'était pas venu depuis le mur, mais depuis la ville. Et seul. Ce n'était pas du tout normal. De plus, le périmètre de la ville dépassait facilement les 30 kilomètres. Si ce lézard servait à la protéger, alors il devrait être déployé à l'échelle de centaine. Donc pourquoi est-il apparu seul, et pourquoi aucun renfort n'est venu ?
C’était pas le chien de garde ?
Imaginons qu’il servait de garde... Cela voudrait dire qu’il a été envoyé depuis quelque part pour nous suivre et nous surveiller en permanence. Ensuite, il nous a attaqués à un endroit propice à un assaut. Quelque chose comme ça ? Ça semble cohérent, mais si l'on se pose la question de par qui et à quel moment il a été envoyé, alors je n'ai pas de réponse adéquate.

- ... Je suis pas bon à ce genre de trucs.
Takumu s'assit sur le banc d'un parc.
Il ouvrit l'emballage du repas léger qu'il avait pris à transporter à un fastfood, et se plaignit.
- Trouver la vraie identité de l'ennemi, c'est le boulot du bureau principal des élaborations de plans. C'est pas à ceux sur le terrain de décider à l'aveugle. On est pas des héros de tokusatsu.
- Mais t'es ici justement parce qu’on attend de toi que tu le fasses, non ?
Dit Merino assise à côté de lui en mangeant un donut couvert de sucre en poudre.
- On te balance tout seul en territoire ennemi inconnu.
Miam miam.
- Et ta mission c'est de régler le problème.
Miam miam.
- Ils pourraient pas te demander ça s’ils ne prenaient pas compte que tu prendrais des décisions à l'aveugle sur le terrain, tu sais ?
- Je sais. C'est pour ça que je me plains.
Si je ne le savais pas, j'aurais déjà abandonné depuis longtemps — grommela-t-il avant de commencer à manger son chimaki . Le gout était relevé, mais cela faisait du bien à son corps fatigué.
- C'est le moment de montrer de quoi tu es capable.
Haha, rigola Merinoa en prenant un deuxième donut, avant d'ouvrir grand la bouche, et de planter ses dents dedans.
- De quoi tu parles ?
- Peu importe les circonstances, tu es toujours implacable face à ces situations.
Miam miam.
- Tu te plains justement quand tu mets toute ton énergie à résoudre le problème devant toi.
- ...Ts.
C'est dans ce genre de moment que les partenaires de longue date sont embêtants. Pensa-t-il. Il ne pouvait pas répliquer.
- Tu manges ou tu parles. Choisis. C'est mal élevé de faire les deux.
La gronda-t-il en guise de petite contre-attaque.
- Oui, tu as raison.
Merinoe acquiesça docilement, et mordit son donut à pleine dent en silence.
- Mais t'es sérieuse à choisir de manger.
Pas de réponse. Comme elle l'a annoncé, elle renonça à la parole pour se concentrer sur son donut.
La montagne de donuts qui donneraient presque des brulures d'estomac à ceux qui la regardent disparaissait rapidement.
S’il était en face d’une vraie jeune fille, il la sermonnerait sur l'importance des calories ou d'une alimentation équilibrée, mais elle venait d'une autre planète, alors s'inquiéter de la santé de quelqu'un dont la constitution était différente de celle des humains était peine perdue.
Takumu termina son repas sans dire un mot.
- Tu en as parlé à Hiiragi du combat de tout à l'heure ?
- Ouais.
Il tapota légèrement la poche dans laquelle il avait rangé le PHS.
- Il m'a dit que c'était peut-être un soldat mécanique de la sphère culturelle de Kavaido, même si on en voit rarement, ça arrive parfois que les Visiteurs en ramènent sur Terre.
Autrement dit, presque les mêmes suppositions que Takumu et Merinoe. Quasiment aucune information sur ce robot.
- Il va aller examiner le lieu. Il m'a aussi dit de pas trop espérer de nouvelles infos.
- Il a surement raison. C'est difficile pour les enquêteurs ordinaires de s'approcher du mur extérieur.
Ils discutaient sur un ton tranquille.
Le ciel était bleu, et la végétation éclatante. Ce genre d'endroit ne changeait pas, que ce soit maintenant ou autrefois. Une atmosphère de pique-nique insouciant régnait.
- Ahou...
Merinoe bâilla.
- Envie de dormir ?
- Oui...
Maintenant qu’il y repensait, leur notion du temps avait été complètement déréglée. Depuis qu'ils étaient entrés dans cette ville isolée, plus de 20 heures s’étaient écoulées du point de vue de Takumu.
Il était suffisamment endurci pour ne pas avoir à se plaindre de bouger sans s'arrêter pendant autant de temps. Néanmoins, ce n'était que dans le cas de Takumu. Merinoe quant à elle, pour des raisons qui lui étaient propres, était surement très fatiguée.
- On n’a rien de pressant. Dors un peu.
Dit Takumu avant de tapoter un peu le banc.
- Je peux ? Tu sais que si je ne suis pas consciente...
- T'en fais pas, comme tu le vois, je porte que des trucs qu'on a pris sur place.
L'équipement que sortait Merinoe disparaissait lorsqu'elle dormait. Voilà le risque. En d'autres termes, s’ils avaient gardé leur tenue de combat (qu'elle avait sorti) qu'ils portaient quand ils sont entrés, il y aurait surement eu bien des problèmes.
- Dormir fait partie du boulot aussi. S'il se passe quelque chose, je te réveillerais sans hésiter.
- ...OK. Désolée, je t'emprunte tes cuisses.
Elle poussa le dernier donut dans sa bouche, essuya proprement ses mains sales avec une serviette, et posa la tête sur les genoux de Takumu.
Elle se tourna légèrement, et chercha la meilleure position pour mettre sa tempe.
- Toujours les muscles raides, ça change pas.
Murmura-t-elle avec nonchalance, comme si elle était déjà dans un rêve.
- J'y peux rien, je dois garder le physique pour ce boulot.
- Je n’ai pas dit que c’était une mauvaise chose. Cette rigidité est la marque de ton obstination et de ta détermination. J’aime beaucoup, tu…sais…
Dans la seconde moitié, ses mots étaient quasiment devenus de la respiration.
Et à peine quelques secondes après, elle commença à réellement dormir.
Les nombreux vêtements de rechange qui étaient dans le sac perdirent leur forme pour se transformer en d’innombrables pétales de fleurs, et disparurent. En voyant ça, Takumu comprit qu’elle s’était bel et bien endormie.

Sortir des rêves toute une multitude d’objets.
Tel était la faculté dépassant les connaissances humaines, ou presque, que montrait la partenaire de Takumu. Elle provoquait des phénomènes paranormaux qui restaient à peine compréhensibles par l'homme. C’était le pouvoir de la Visiteuse Merinoe.
Bien sûr, le rêve dont il était question ici n'était, strictement parlant, pas du même type que celui des terriens. Néanmoins, il apparaissait que les deux avaient beaucoup de points communs.
Les choses que l'on voit quand on dort. Les choses irréelles.
Les rêves étaient une sensation cryptique que l'on décrivait comme étant un motif marbré fait de souvenirs et de sensations, où tout ce qui concernait le temps et l'espace sont mélangés. Quelque chose d'étrange qui ne pouvait être observé qu'à travers cette sensation.
C'était peut-être pour ça que Merinoe dormait beaucoup.
Elle se battait toujours contre le sommeil, et parfois, y succombait, comme si elle essayait de restocker dans ses rêves la force qu'elle en avait sortie.
Sortir un petit objet fragile n'était pas une charge lourde pour elle. Juste sortir des balles spéciales à mettre dans un revolver n'allait pas plus loin que la faire bâiller. Cependant, si elle devait sortir un objet hors normes et puissant, son envie de dormir grandissait. Et cette envie s'accumulait encore plus si elle devait garder ces choses actives pendant longtemps.
Takumu regarda son visage endormi.
Si elle ne parlait pas et ne bougeait pas, elle était très belle.
Les expressions du visage qu'elle changeait constamment ne bougeaient pas d'un pouce. Elle était si reposée qu'on pourrait presque en faire un tableau religieux. On voyait qu'elle faisait complètement confiance à son oreiller. Elle l’énervait, mais en la voyant comme ça, Takumu ne pouvait que répondre aux attentes de sa partenaire, et lui servir d'oreilles jusqu'à ce qu'elle se réveille.
Le vent souffla un peu, décoiffant les franges de Merinoe. Il lui remit correctement du bout des doigts.
Et.
- Ahou...ah...
Soudain, Takumu laissa s'échapper un gros bâillement. Il se retint en panique avec sa main.
(...Merde.)
Il comptait rester éveillé. Il comptait continuer de rester sur ses gardes.
Takumu était plutôt fatigué. Le sommeil de Merinoe l'avait contaminé. De plus, ce temps calme et cette atmosphère tranquille n’aidaient pas.
Presque au même moment qu'il prit conscience de sa forte envie de dormir, Takumu aussi fut entrainé dans un léger sommeil, comme s’il chutait.

Il vit un rêve nostalgique.
Un souvenir du jour qui aurait dû être pour lui, celui de son premier rencard.

Le commencement était le même que beaucoup d'autre commencement.
Le jeune Takumu était enthousiaste. Il avait appris que la suite d'un film d'action qu'il aimait allait arriver au ciné. Toutefois, aucun de ses amis ne partageait sa joie.
Il commença à se résigner à aller le voir seul, quand soudain, une fille qui elle aussi était impatiente de voir le film, apparue devant lui. Plutôt que d'y aller seul chacun de son côté, pourquoi ne pas y aller ensemble plutôt, se dirent-ils.
Dans la soirée qui suivit, Takumu réalisa.
— Attends, ça serait pas un rencard ?
Il était idiot.
Il aurait dû le remarquer plutôt.
Cependant, il était tout à fait sérieux. Il frémit quand il comprit que c'était une sortie entre garçon et fille. Il n'avait plus qu'une chose en tête, ne pas échouer, ne pas lui faire perdre son temps. Il donna son maximum. Il choisit ses meilleurs vêtements et peigna sa meilleure coupe le jour venu.

Et la conclusion fut celle déjà racontée auparavant. On lui posa un splendide lapin. Même à l'heure venue, elle ne se montra pas. Même à l'heure du début du film, même à l'heure de fin du film, elle ne se montra pas.
Il se tenait immobile dans le hall. Juste à côté de lui, il y avait des distributeurs automatiques de fabricants qu’il n’avait pas trop l'habitude de voir, alors il commença à boire un par un en partant du début, les boissons rafraichissantes, énergisantes, et les cafés. Ils avaient tous un gout horrible, mais il but quand même tous ceux de la ligne de distributeur.
Le jeune garçon ne possédait pas de téléphone portable, tout comme la jeune fille. Alors il n'avait aucun moyen de savoir ce qui lui était arrivé. Il continua de juste rester debout à l'endroit où ils devaient se voir, canette ou petite bouteille à la main.
Presque 6 heures plus tard, la jeune fille arriva.
Elle avait surement couru à toute vitesse. Elle avait les cheveux ébouriffés, et le visage tout rouge. Les vêtements qu'elle avait probablement mis pour bien s'habiller étaient chiffonnés.
- Dé...déso...lée...
Elle essayait probablement de s'excuser, mais après avoir couru à toute vitesse, sa gorge était sèche, et elle ne parvenait pas à sortir une voix correcte. Elle essayait tant bien que mal de sortir de l'air, mais n'y arrivait pas et grimaça de douleur.
Takumu lui tendit sa boisson énergisante à 110 yens. Parmi celles qui étaient vendues au distributeur automatique à côté, elle avait relativement bon gout par rapport aux autres.
Et— il lui dit quelque chose. Takumu lui-même ne se rappelait pas quoi.
La jeune fille se reprochait d’être arrivée en retard. Et couplée avec sa culpabilité, c’était suffisant pour la faire paniquer, mais en écoutant les mots de Takumu, elle sourit. Elle sourit à Takumu. Et Takumu s'en souvenait bien.
Il savait qu'elle était belle, et comprenait qu'elle était une personne formidable. Il était conscient d'être attiré par elle. Il la respectait, et elle était quelqu’un d’important pour lui. Tout ça, il le savait déjà.
Mais tout s'envola.
— Et bien,
Depuis des temps immémoriaux, on dit souvent, comme dans les vieux manga shoujo par exemple, que l'amour change notre vision du monde. À cet instant, Takumu réalisa pour la première fois que c'était vrai.
— Je suis vraiment amoureux de cette fille, pas vrai ?

Voilà quasiment tout ce qui s'était produit ce jour-là au cinéma.
C’est pas une anecdote particulièrement importante, raconta Takumu plus tard, et c’était un fait. Du moins, pour Takumu, il ne s’était passé que ça ce jour-là.

Il ouvrit les yeux.
Bon sang, je l'ai fait, pensa-t-il.
Il comptait simplement laisser Merinoe se reposer, et rester vigilant avec les alentours. Toutefois, il semblerait qu’il était plus fatigué qu’il ne pensait. Sans s'en rendre compte, il s'était complètement endormi.
(Mais quand même, ce rêve remonte à loin.)
- Merinoe.
Il secoua ses genoux. La petite tête posée dessus bougea aussi.
- Réveille-toi, il va pleuvoir.
- Hm ? Uuuh...
Merinoe se tourna un peu.
- Hum...
Elle regarda autour d'elles avec des yeux à moitié ouverts, puis elle regarda un peu en diagonale vers le haut, la tête dans les vapes.
- ...Ah. Je vois. Je suis là.
Elle n'avait pas l'air d'être complètement réveillée.
- Quoi, t'as rêvé de papillons ?
- Non.
Elle se leva lentement avec un gros bâillement. Elle se frotta les paupières.
- Ça, c'est ce que je vois en ce moment.
C’est bizarre comme façon de dire, pensa Takumu.
Elle n'était pas genre à se réveiller facilement. À moitié endormie, elle déblatérait toujours des choses qu’il ne comprenait pas. Et comme d'habitude, après quelques minutes, elle allait surement avoir l'esprit clair, et redevenir la Merinoe qu’elle était d’ordinaire.

Ils marchèrent un peu.
Ils n’avaient pas spécialement obtenu de nouvelles pistes.