Stereopticon Rotation En mangeant une tarte aux pommes

From Baka-Tsuki
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Merinoe sirota son milkshake. Susususu.
Takumu prit une bouchée de son hamburger.
Une question insignifiante lui vint à l'esprit. D’ailleurs, que se passe-t-il pour les choses qu’on a mangées quand une boucle se produit ? Nos affaires redeviennent celles que l'on avait lorsqu’on est entrée, alors c’est le cas aussi pour notre estomac ?
- ...
Merinoe prit une bouchée de tarte aux pommes.
Takumu versa du whitener dans son café.
Il n'y a pas que notre équipement qui est rembobiné quand une boucle se produit. Je crois que notre corps entier est rembobiné, ne laissant que nos souvenirs, pensa-t-il. Ce qui voudrait dire que même en cas de petites blessures, elles se guérissaient tout seul. Aucun doute que ça semblait pratique. Cependant, ce n'était pas quelque chose de réjouissant pour autant. Ça signifiait aussi que son corps était déjà pris au piège dans cette prison du temps.
- ...
Merinoe prit une bouchée de sa glace à l'italienne.
- Nan, mais, c’est bon là ?
Incapable de tenir plus longtemps, il prit la parole.
- Ça te dit pas qu'on commence ? T'as appris plein de choses en piratant cette cabine, non ?
Voilà où ils en étaient.
Après avoir réussi leur 3e atterrissage dans Tokyo, ils s'étaient dirigés sans plus tarder vers un célèbre fastfood ouvert dès le matin, et prirent leur petit déjeuner là-bas. Comme Merinoe l'avait annoncé (et comme d'habitude), elle acheta une quantité énorme de douceurs. Takumu en avait presque des brulures d'estomac, alors qu'il ne faisait que de la regarder. Quant à lui, Il commanda juste un léger repas.
Voilà pourquoi Takumu portait sa tenue tactique qu'il avait en entrant dans la cabine. Il attirait aussi beaucoup l'attention.
Et de plus, il n'avait évidemment pas contacté Hiiragi. Ils n'avaient tout naturellement pas reçu de fonds, et donc leur situation financière était toujours au stade initial.
La raison à tout ça était parce que Takumu avait décidé il y a quelques instants qu'il pouvait de toute façon le faire en prenant le petit déjeuner, et après avoir écouté ce que Merinoe avait à dire. Et maintenant, il regrettait un peu cette décision.
Merinoe ne faisait clairement aucun effort pour parler.
- ...Cette boucle se rembobine quand le protagoniste s'endort.
- Hein ?
Qu’est-ce qu’elle raconte, soudain ? Pensa-t-il.
- Tu vois pas ? Imagine les histoires où les personnages rembobinent quand ils meurent. Il y en a beaucoup ces dernières années. Ces histoires et notre situation actuelle sont en quelques sortes des variations de l'une et de l'autre. La différence se joue entre soit le déclencheur doit être la mort, soit perdre connaissance suffit.
- C'est pas ça que je comprends pas. De quoi tu parles avec ton protagoniste ?
- Il y a un protagoniste dans cette boucle sortie tout droit de science-fiction, et ce n’est pas nous. Bref, je parle du maitre de cette cabine.
- OK.
T'aurais dû commencer par ça.
Takumu se rappela des informations qu'on lui avait données au préalable au sujet du constructeur de cette cabine. Son nom était...Baa Byoeru Baa. Son ID de Visiteur était le 372. Sur sa planète natale, c’était un criminel de renom recherché, mort ou vif.
- Je comprends qu'on soit pas côté protagoniste, nous, on s'est introduit ici en cours de route. Et en plus, c'est pas notre genre de rôle.
Dit-il en haussant les épaules. Il ne savait pas pourquoi, mais Merinoe le regarda avec exaspération. Il voyait où elle voulait en venir, mais il n'y prêta pas attention.
- Et donc, cette ville n'existe que quand il est réveillé. À chaque fois qu'il ferme les yeux, cette ville recommence le même jour depuis le début. C'est ça ?
- Pour ce qui est du principe de fonctionnement, c'est à peu près ça. Le temps que la reconstruction met — c'est bizarre de parler du temps que le temps met à se rembobiner, mais selon les standards à l'extérieur de la cabine — est de quelques minutes. C’est un sacré petit dormeur.
- Ça compte comme dormir, ça ?
Grommela-t-il, même si ça ne servait à rien de présumer de la physiologie terrestre et Visiteur sur les mêmes critères.
- Et donc, quoi ? Je vois rien de particulièrement choquant là-dedans.
- Il y avait une autre fonction incorporée dans la cabine. Elle n'est pas directement liée au mécanisme de boucle, mais elle fonctionne dans le même système, et à un même niveau de priorité.
- Je vois.
Il attendit la suite.
Après une petite hésitation, Merino continua.
- La mort des humains.
Dit-elle en chuchotant.
- Hein ?
- La mort n'est pas limitée à juste Yozora. À peu près 1000 personnes vivantes ici sont marquées, et constamment surveillées par la cabine. Il suffit juste qu'une seule personne marquée meure à cause d'un accident ou autres, pour qu'un signal informant de cette mort soit envoyé au maitre de la cabine. Yozora faisait partie de ses 1000 personnes.
-...Hein ?
- À en juger par le timing, à chaque fois que le maitre reçoit un signal, il ferme surement lui-même les yeux pour terminer ce jour. Il voit une boucle comme un game over et abandonne. Ensuite, il recommence une nouvelle partie avec la boucle suivante.
Takumu ne comprenait pas bien.
- C'est qui ces 1000 personnes ? Ils sont pris aléatoirement ? Ils n'ont pas de points communs ? Sexe, âge, environnement ou autres ?
- La majorité est des mineurs proches dans la même tranche d’âge que Yozora, mais il y a des exceptions. Quasiment moitié femmes, moitié hommes. Même si l'on se démenait pour trouver une règle, je ne pense pas que ça nous aiderait.
- À quoi ça sert de les marquer et de s’envoyer un signal ?
- Je ne sais pas, mais le concerné doit avoir ses raisons.
Takumu soupira.
- ...Enfin, mettons ça de côté pour le moment.
Takumu tapota légèrement le bord de sa tasse en papier.
- OK, oui, cette histoire est surprenante, mais c'est pas tout, pas vrai ? Qu'est-ce que t'as récupéré d'autres ? Pourquoi t'as l'air hésitante à m’en parler ?
Quelques instants de silence.
- Tu sais, je...
Merinoe murmura quelques mots.
- J'aime te voir te galérer pour résoudre des problèmes.
- Tu me cherches ?
Qu'est-ce qu'elle me raconte, soudain.
- J'aime aussi te voir perdu face à l'adversité, et courir partout le visage tout pâle.
- Tu me cherches vraiment là ?
Qu'est-ce qu'elle est en train de dire ?, pensa-t-il.
- ...Dans tous les cas, tu continues de courir avec un but en tête. Tu débordes d’envie d'accomplir quelque chose. Tu as la tête levée et regardes vers l’avenir. C'est quelque chose que je chéris chez toi. C'est pour ça que je te regarde au premier siège, en tant que partenaire.
- Mer...ci ?
Il ne savait honnêtement pas comment réagir.
C'était quelque chose qu'elle ne cessait de lui répéter. Il savait qu'elle voyait la vie très turbulente que menait Takumu comme splendide, car très humaine.
Mais pourquoi lui redire maintenant, dans un tel endroit ?
- Donc j'hésite. Si tu l'apprends, tu vas peut-être arrêter d’aller de l’avant.
- Quoi ?
- Je ne vais peut-être plus avoir de raison d'être à tes côtés.
- OK...
Il n’était pas sûr de comprendre.
- En gros, t'as une très mauvaise nouvelle à m'annoncer, c'est ça ?
- Oui.
- Quoi, genre détruire le mur est impossible et on devrait abandonner ?
- Non. Juste le détruire est largement possible. J'ai même découvert la méthode pour le faire. Si on s'y prend bien, juste avec la puissance de feu que l'on a, ça sera suffisant.
- Sérieux ?
Ça avait tout l’air d'être une bonne nouvelle. Tellement qu’il siffla un peu.
- C'est bien qu'on n’ait pas à dépendre d’Hiiragi. Après tout, la durée pour charger le laser n'était pas faisable pour nous.
- En revanche.
Merinoe secoua légèrement la tête.
- Le mur et tout ce qu'il protège retourneront à l'état de poussière.

- ...

Il réfléchit.
Il assimila le sens des mots de Merinoe.
- Je...vois ?
Il pencha la tête.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Littéralement ce que j'ai dit. Si je devais expliquer, voyons voir...
Merinoe prit dans ses doigts une buchette de sucre en poudre qui se trouvait sur la table.
- La machine à remonter le temps n'existe pas. On ne peut pas remonter dans le temps. Tu connais ce grand principe, non ?
- Attends deux secondes !
Comment était-il censé faire si on lui sortait de nulle part que sa situation actuelle n’était en réalité pas celle qu’il pensait ?
- Nous, on remonte le temps, non ? C'est bien réel ?
- J'avais dit la première fois, artificiellement. On ne remonte pas réellement le temps lui-même. Je t'ai dit qu’on a enregistré un état physique à un certain point dans le temps, et qu'après on réécrivait juste par-dessus.
Effectivement, il se souvenait de quelque chose comme ça.
- En quoi c'est différent ?
- ...Hmm, imagine que tu es face à un action-RPG super hardcore.
Mais qu'est-ce que tu me racontes depuis tout à l'heure, toi ?
Il se retint fort de lui dire.
- Je m'y connais pas trop en jeux récents.
- On s'en fout qu'ils soient rétro ou récents. Imagine-toi juste un truc que tu connais.
Il se remémora. Cet action-fantasy célèbre pour avoir plein de boss féroces qui tue toujours lors de la première rencontre. Une arme forte, considérée comme une aide, qui avait été nerf lors de la première mise à jour, et résultat, beaucoup de joueurs — dont Takumu — s'étaient plaints. Il lui fallut plus d'un mois pour terminer le jeu. C'était un souvenir amusant, mais aussi désagréable.
- Je me suis imaginé le jeu.
- T'as surmonté le début difficile, tu t'es habitué aux contrôles, amélioré ton personnage, réussi à passer des situations où une seule erreur et c'était le game over direct, et tu es enfin arrivé juste avant le boss.
- OK, je suis juste avant le boss.
Elle était étrangement détaillée dans sa description, mais il ne voulait arrêter la conversation là, alors il s'abstint de faire une remarque.
- À cet endroit, il y a un point de sauvegarde. Bien sûr, tu sauvegardes ici.
- Je sauvegarde...
Cette histoire commençait à sentir mauvais.
- Le boss est trop fort. Tu n’es pas parvenu à le battre. Ton personnage s'est fait tuer. Tu vois l'écran de game over, tu fais quoi ?
Comment ça je fais quoi, c'est évident.
- Bah je recommence depuis ma sauvegarde, non ?
- ...Oui.
Il commença enfin à comprendre.
- Si on appuie sur le bouton reset, une fluctuation engloutit ce monde. Tout fond, et perd sa forme. Ensuite, ils reprennent l’apparence qui correspond aux données sauvegardées qui sont fournies. Comme la chenille verte dans sa chrysalide, qui après s'être transformée en liquide, prends la forme d'un papillon.
Triste, Merinoe prit une petite pause.
- Le temps lui-même ne se rembobine pas. Le temps de jeu de la console, et le temps que passe le joueur continuent d'augmenter. Mais pour les personnages à l'intérieur, il n'y a aucun doute que c'est une boucle.
- C'est pour ça que tu disais artificiellement.
- C'est ça.
Acquiesça Merinoe.
- Jusque-là, on le savait déjà le premier jour. Bien sûr, même ça, ce n'est pas quelque chose de faisable avec une technologie ordinaire. J'étais intéressée de voir comment il l'avait implémenté.
La jeune fille poussa un profond, et long soupire.
- Hier, j'ai vu le mécanisme de la cabine.
- Ouais.
Le point important était maintenant.
- Sa façon de faire était bien plus complexe que je ne l'avais imaginée. Si on réécrit à une fréquence aussi élevée, le phénomène ne s'ancre bien sûr pas dans la réalité. Je me demandais comment le maitre de la cabine résolvait ce problème, et je ne m'attendais pas à ce qu'il ne s'en occupe pas du tout.
- En bref ?
- Si l'on détruit cette cabine et que le mécanisme de boucle est encore fonctionnel, les données de jeux ne peuvent pas reprendre leur forme d'origine.
— D'accord.
Il voyait enfin ce dont elle voulait parler. C'était donc ça.
- Si on essaye de traiter la réalité de cette cabine comme un jeu, cela cause des distorsions. Une réalité qui existe pour se faire réécrire est si instable qu'elle pourrait s'évaporer d'un instant à l'autre.
- Tu veux dire que si le mur disparait, tout s'envole, c'est ça ?
C'était comme un château de sable blanc bâti sur la plage.
Si on lui retire ses murs, et l'expose aux vagues, il se dissout immédiatement et disparait.
- Il restera peut-être un désert, au moins.
- Je vois. Effectivement c'est...problématique.
Takumu croisa les bras et gémit.

Il s’était résolu.
Peu importe le champ de ruines auquel il ferait face, il ne flancherait pas. C'était avec cet esprit qu’il avait choisi de participer à cette opération.
Mais bien sûr, il ne s'était pas résolu à plus. Il ne pensait pas qu'après avoir revu Yozora saine et sauve à Tokyo, il devrait la faire disparaitre de ses propres mains.

- Compliqué, tout ça.
Il se répéta.
- Voilà pourquoi je ne voulais pas te le dire.
- Je comprends pourquoi, ouais.
Après avoir répondu, Takumu posa ses bras derrière sa tête, et regarda le plafond.
- ...On fait quoi maintenant...
En réalité, il n'était pas tant surpris que ça. Rien que pouvoir être dans ce Tokyo du passé était comme un rêve pour lui. Il avait un peu anticipé la possibilité de se le faire arracher, comme les rêves.
En plus, à l'instant, Merinoe s'inquiétait terriblement pour lui. Déprimer et s'arrêter comme elle s'y attendait était humiliant, en quelque sorte.
Alors il n'avait pas été affecté dans le sens où il n'arrivait plus à réfléchir à rien, ou plus envie de faire quoi que ce soit. Il avait encore envie d'agir, encore l'énergie de faire quelque chose.
Cependant, il était vrai qu’il s’était arrêté. C'était un fait.
- Nan...vraiment...
Il répéta une nouvelle fois, fébrilement.
- Compliquée, cette histoire...