Goodbye to Multiverse Youth, Connect to the Only You : Tome 1 Chapitre 3 : La peur est le vertige de la liberté

From Baka-Tsuki
Revision as of 17:13, 10 July 2024 by Meltaplane (talk | contribs) (Created page with "1<br/> <br/>Un mois s'était écoulé depuis que le monde était revenu à la normale. <br/>Pour les univers parallèles, c’était comme si les évènements du monde unifié...")
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to navigation Jump to search

1

Un mois s'était écoulé depuis que le monde était revenu à la normale.
Pour les univers parallèles, c’était comme si les évènements du monde unifié n'avaient jamais existé. Les souvenirs de tous les mondes avaient été réécrits de façon bien arrangeante. Personne ne se souvenait de quoi que ce soit. Évidemment, j’étais une exception. Vu que j’étais un Jaunter, ça expliquait peut-être pourquoi mes souvenirs étaient intacts. Dans la même veine, la Asami du monde avancé s'en souvenait probablement aussi.
Dans la majorité des univers, les humains continuaient de vivre comme s’il ne s’était rien passé.
Sur ce point, j'étais pareil.
Je faisais la même chose qu’avant, je me baladais d’un univers à l’autre, et profitais de toutes ces adolescences différentes que j’avais.
Toutefois, j'avais un peu peur de me réveiller le matin. J'étais effrayé à l’idée de me retrouver une fois de plus dans un monde fusionné avec les autres. Peut-être que j’allais me réveiller un matin, et je serais dans un moi que je ne connaitrais pas du tout.
Comme l'avait dit la Asami du monde avancé, la prochaine fois que le monde sera réellement unifié en 1, je n'allais probablement plus être moi-même. Je ne pourrais même plus avoir peur de me faire absorber.
En ce sens, avoir peur à mon réveil était la preuve que rien ne s’était encore produit, mais ça ne rendait pas celui-ci plus agréable pour autant.
J'étais inquiet d'avoir tout relégué à l’autre Asami.
Il était évident qu’elle ne serait pas capable de changer les ambitions de son monde toute seule. Fallait-il que je me charge des négociations personnellement ?
Ou devrais-je me tenir tranquille afin de ne pas les provoquer ?
Je réfléchissais à beaucoup de choses, mais au final, j'étais incapable d'entreprendre la moindre action. Pour le moment, j'étais dans la salle du conseil des étudiants, seul avec Hinano, et on s'occupait de nos tâches respectives.
J’appelais ça la salle du conseil des étudiants, alors qu’en réalité, l’endroit ressemblait plutôt à un entrepôt pour y stocker des documents. Il y avait juste au centre des bureaux bon marché collés par leur coin pour former un rectangle, et des étagères qui donnaient l’impression de nous surveiller. Il n'y avait pas de bureau en acajou dédié à la présidence du conseil des étudiants, comme on en voyait dans les mangas.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu viens de dire ?
Après les cours, pendant que je m’occupais de mon travail au conseil des étudiants, je lançai un certain sujet. Hinano était surprise.
- Je veux dire, avec ta famille. Ça va ? Tu serais pas dans les vapes, là ?
Elle m’a répondu normalement jusqu’à maintenant. Je ne pensais pas qu’elle aurait un moment d’absence.
- Euh, oui. Désolée, j’étais peut-être à moitié endormie.
Elle se frotta les yeux.
- T'es fatiguée ? Dans ce cas, je vais m'occuper de ton boulot pour aujourd'hui.
- ...Non, t'en fais pas. Ça m’arrive un peu ses derniers temps aussi. Ça devrait me réveiller si je te parle. ...Donc, euh...pourquoi tu me poses cette question sur ma famille, soudain ?
Nous n'étions que tous les deux dans la salle aujourd’hui, alors je me suis dit que c'était le bon moment pour discuter de choses plus privées.
- Tu t'entends bien avec tes parents ?
- Hi...Hideto... Tu trouves pas que c'est rapide ? Venir te présenter à mes parents pour notre mariage aussi tôt…
Hinano posa les mains sur ces joues comme si elle prenait sa tête en sandwich, et tourna doucement la tête.
- Mais non, pas ça, arrête de faire semblant de rougir.
- T'es pas drôle.
À ma remarque, elle se retourna vers moi avec un visage posé.
- Et donc ? Pourquoi tu me parles d'histoire de famille ? Tu as des soucis ?
- Euuuh, je me suis un peu engueulé avec mes parents au sujet de mes études plus tard. Je me demandais comment ça se passait chez toi, si tu pouvais juste m'en parler un peu. Ça m’aiderait peut-être un peu.
Je mentais.
Je repensai à cette Hinano rencontrée dans le monde unifié. Elle faisait une fixation sur moi et avait tenté de m'emprisonner. Dans son univers, elle avait réellement enfermé Hideto chez elle.
Cette Hinano qui avait perdu la tête... Pour faire simple, je vais l’appeler l'Hinano folle. Quelles ont été les circonstances qui l’ont poussé au meurtre ? Elle m’en avait parlé brièvement, alors j’avais une petite idée de ce qui lui était arrivé. Si la Hinano que je connaissais bien, celle en face de moi, a aussi eu une enfance similaire, il était possible qu'elle suive le même chemin.
- Hmmm. Mes relations familiales, tu dis... Honnêtement, je pense pas que ça va trop te servir mon histoire. J'aime pas trop le dire moi-même, mais j'ai une famille assez bizarre.
- ...Parle-m’en quand même, s'il te plait.
Au contraire, c’est ce que je voulais entendre. Je voulais chercher les différences entre cette Hinano et la Hinano folle.
- Si…si tu y tiens tant, comment je pourrais refuser alors ?
Hinano rougit réellement cette fois, et tourna la tête.
- D'a...d'accord. Vois ça comme une anecdote amusante et écoute.
Hinano commença à me raconter quasiment la même chose que l’autre Hinano.
Des parents riches pour qui leur enfant était un produit financier, comme des stocks en bourse ou une assurance. Une famille étrange pour qui la relation parent-enfant était un contrat. Ses parents calculaient les dépenses que leur coutait l'éducation de leur fille et lui demandaient de les rembourser quand elle sera plus grande, et avec des intérêts.
Cette façon calme de me raconter cette histoire aberrante était effrayante. Le rouge sombre donné à cette salle par les rayons du soleil couchant la rendait étrangement sinistre.
Je me levai légèrement de ma chaise, afin de pouvoir m'enfuir à tout moment.
- Euh...et donc, ça te va d’avoir une famille comme ça ?
- Hm ? Bah, je sais qu’ils sont différents des autres parents, mais petite, je pensais que c'était normal. Il est trop tard pour me plaindre, maintenant.
Répondit-elle avec indifférence. Je ne voyais aucun changement sur son visage.
- ...Euh...par exemple...tu t'es déjà dit que l'amour que te donnaient tes parents n'était pas suffisant ?
- ...Haha, quoi ? Tu t’inquiètes pour moi ?
Elle se tint l'estomac pour rigoler, et m'ébouriffa les cheveux.
Je ne voyais vraiment pas comment cette Hinano pouvait perdre la tête. Pourtant, la Hinano folle était bel et bien une possibilité aussi, aussi surprenant que cela puisse être.
- Attends, je suis sérieux, tu sais ?
- OK, j'ai compris, j'ai compris. C'est ça que tu veux me dire, non ? Que les enfants qui n'ont pas reçu l'amour de leur parent sortent du droit chemin en grandissant, quelque chose comme ça ? T'as lu un livre de psychologie, il n’y a pas longtemps ? Honnêtement, je suis contente que tu t'en fasses pour moi. Merci. Oui, j'ai grandi dans une famille bizarre. Je ne le nie pas. Quand j’étais plus petite, moi aussi, je trouvais notre relation triste, c’est vrai.
Après avoir temporairement coupé ses mots, elle regarda le soleil couchant par la fenêtre. Elle semblait se remémorer de lointains souvenirs.
Le coucher du soleil provoquait un sentiment de nostalgie dans le cœur de tous. Et Hinano n’était pas une exception.
- Mais en grandissant, je me suis mis à penser que cette relation était une forme d’amour pour mes parents.
Dit-elle en regardant le soleil au loin.
- Comment ça, une forme d’amour ?
- J’ai une famille compliquée, on est lié par un contrat, en quelques sortes. Mais tu penses pas que c'est le cas de notre société aussi ? On est aussi limité dans ce qu’on fait par des contrats, et le monde est rempli de personnes prêtes à nous dévorer au moindre signe de faiblesse qu’on leur montrerait. M’enseigner cet aspect sévère de la société, c'est surement leur façon à eux de me montrer leur amour.
- ...
Elle n'avait pas l'air de dire ça juste pour me rassurer.
- J'ai l'impression que t'arrives pas à comprendre. C'est pas grave. C'est une famille spéciale, après tout. ...Mais je suis quand même reconnaissante envers mes parents, et je crois fermement que c'est leur façon à eux de me montrer leur amour. Alors un jour, je leur rembourserais leurs frais d'éducation, avec les intérêts...Non, je gagnerais encore plus que les intérêts qu’ils m’ont fixés, et leur rendraient en leur jetant à la figure. J'ai hâte de voir quelle tête ils feront, haha.
Hinano rigola avec affront. Elle semblait ne pas avoir peur de se confronter à elle-même et à ses parents, contrairement à la Hinano folle. Du moins, je ne pensais pas qu'elle irait jusqu'à commettre un meurtre. Toutefois, j'avais l'impression que cette Hinano avait aussi des boulons en moins, comme la Hinano folle, mais dans un vecteur différent.
- Je...je vois. J'espère que ça se passera bien pour toi.
- Merci. ...ah, j'oubliais. Si on se marie, je te ferais pas prendre en charge mes frais d'éducations. Je les rembourserais toute seule. Alors, ne t’en fais pas, tu peux me demander en mariage le cœur tranquille.
- Tu peux rêver.
- Rooh, t'es pas sympa. Je ne ressers pas de thé noir aux enfants vilains.
Elle bouda comme une gamine, et se dirigea vers la bouilloire.
Hinano était bien celle que je connaissais. J'étais rassuré.
Mais alors, qu'est-ce qui séparait cette Hinano de la folle.
Même en vivant la même vie, les choix que l'on faisait par la suite n'étaient pas forcément les mêmes. En y repensant, c'est lorsque j'étais allé au bahut le matin que j'avais croisé la Hinano folle pour la première fois.
À ce moment-là, je pensais qu’elle n’avait pas changé, par rapport à d'habitude. Je n'ai pas pu voir qu'elle était différente. C'était dire à quel point la Hinano folle était à la fois loin, mais aussi proche de la Hinano que je connaissais.
Mais alors quelle était la différence entre les 2 ?
Et de base, qu'étaient les mondes parallèles ? Que signifiait choisir ? Qu’était vraiment une possibilité ?
Même en faisant travailler dur les insignifiantes cellules grises de mon cerveau, ce n'était pas comme ça que j'allais pouvoir trouver une réponse à cette question philosophique.

2

- Woow, regarde ! C'est trop beau !
Asami se rapprocha d'un bassin illuminé d'une petite lumière bleue, et regarda les poissons-tropiques dansant au fond. C'était plutôt amusant de la voir enthousiaste comme une enfant visitant pour la première fois l'aquarium.
- Ne cours pas trop. Il fait sombre à l'intérieur.
- Haha, pardon.
Asami se retourna, secouant ses cheveux mi-longs. Ses cheveux rouge clair flottèrent, chacun individuellement éparpillé, et dispersèrent l'odeur de son shampoing.
- Je suis contente d'avoir pu venir avec toi. D’ailleurs, c'est pas la première fois qu'on fait une vraie sortie ensemble ?
Elle portait un chapeau de chasse jusqu'aux yeux et des lunettes aux bordures métalliques. Asami était parfaitement déguisée, et montrait un sourire différent de celui qu'elle avait quand elle jouait l’idol. C’est moi qui l’ai invité, mais je rougis en entendant ses mots de remerciements sincères. Heureusement que l'aquarium était sombre.
- C’était des représentations publiques dans tout le pays cette fois, pour chaque scène différente, il y avait des arrangements à faire sur la chorégraphie. C'était VRAIMENT dur, et crevant. À l'hôtel, on nous montrait en boucle des vidéos de danse pour le prochain concert, et même pendant le transport.
Asami était affalée contre le dossier de sa chaise, fatiguée, et contemplait devant elle un Parfait extra large posé sur cette table en terrasse et équipé d’un parasol. Elle ne pouvait absolument pas montrer ce visage à ses fans, elle ressemblait à un vieux qui se détendait sur son canapé après avoir terminé ses heures supplémentaires.
- Ça fait 10 fois que tu me racontes ça, aujourd'hui. Dépêche-toi de manger, sinon ta glace va fondre.
- Ah, elle a déjà commencé. Tiens, aide-moi un peu.
Elle me mit dans la bouche une cuillère avec de la glace au chocolat qu'elle avait raclé. Une froideur et un gout légèrement amer me piquèrent la langue.
- Hm, c'est broid.
Mais délicieux. Le chocolat épais n'était pas trop sucré, et allait pile bien avec le petit gout amer. Un Parfait qui méritait sa réputation. J'avais bien fait d'inviter Asami à ce café.
- Kyaaaaaaaa.
Assise à côté de moi, Asami criait avec amusement. Elle semblait passer un bon moment. Quant à moi, je donnais tout pour endurer la gravité qui pesait sur moi. Je ne parvenais même pas à lever la voix. J'avais sous-estimé les parcs d'attractions pour enfant. Je ne me doutais pas qu'il y avait une machine à cri si effroyable dans ces parcs.
Mais Asami s’amusait, et c’est ce qui comptait.
Aujourd’hui, j'étais en sortie un peu partout avec Asami.
Elle avait terminé sa tournée nationale sans encombre, et bien évidemment, elle n'a pas abandonné à cause d'une fracture de stress de la cheville droite. Elle a obtenu du temps libre pour la première fois depuis un moment, alors j'ai pris mon courage à deux mains pour l’inviter.
Et je ne dis pas ça parce que l’autre Asami m’a dit de le faire. ...Non, vraiment. Ça fait un moment que je réfléchissais à faire une sortie ensemble.
En revanche, il m’était difficile de choisir un endroit. Il y avait beaucoup trop de choix pour quelqu'un comme moi, sans expérience en amour. J'hésitais sur notre destination, mais heureusement, j'avais quelqu'un sur qui je pouvais compter.
- Hé ? Tu veux savoir dans quel genre d’endroits les couples vont ? Oh, oh, ça y est, tu profites enfin de ton adolescence ? Maman ! Hideto a une... Aie.
Je donnai instantanément une pichenette sur le front de Jiruyi. Elle s'apprêtait à aller voir ma mère dans la cuisine.
- ...OK, OK, j'ai compris, je dirais pas un mot. Euh, c’est pour une première sortie, c'est ça ? Les endroits sérieux, je passerais si j’étais toi. C'est cliché, mais l’aquarium, t'en penses quoi ? Masuda, une copine de ma classe, m'a dit que les nouveaux Parfaits du café du coin étaient délicieux. Après, si tu pousses un peu, le parc d'attraction, peut-être ?
Ma demi-sœur me proposait des plans de sortie avec les larmes aux yeux. Malheureusement, ce n'est pas ce moi qui allait sortir.
Je voulais lui dire que la personne avec qui j'allais me promener était la numéro 1 du clip des Supest qu'elle regardait avec enthousiaste sur son smartphone actuellement. Enfin, même si je lui disais, elle penserait juste que je suis fou.
Bien, plus j'avais de choix, mieux c'était. Quelqu'un d'ordinaire se casserait la tête pour n'en prendre qu'un, mais dans mon cas, je n'en avais pas besoin. Dans mon dictionnaire, le mot "choisir" n’existait pas.
J'avais juste à essayer toutes les possibilités qui se présentaient à moi.
Et donc, j’enchainais les pas de côté, chacun me menant à chaque fois dans un nouveau monde parallèle. Au passage, en dehors des lieux potentiels de Jiyuri, j'avais aussi sélectionné la sortie au cinéma, aller faire du shopping et d’autres encore.
Tout à fait. Il était impossible que mes plans infinis de sortie échouent.
- On s'est bien amusé, tu trouves pas ?
Après être sorti des montagnes russes, Asami se recoiffa ses cheveux en bataille avec un sourire radieux.
- Ouais, sérieux, c'était dingue, j'ai encore le cœur qui bat à toute vitesse.
- Vraiment ? Laisse-moi écouter.
Elle tendit soudain sa main gauche vers moi. Elle poussa doucement la paume froide de sa main contre mon torse. Elle écouta les battements de mon cœur.
- Wouah, il bat super fort, haha. Tu flippes trop !
Je me retins tout de suite de lui dire que son geste sans prévenir avait provoqué cette réaction.
- C'est...c'est bon, maintenant.
J'étais sur le point de retirer la main d'Asami en secouant avec un léger sourire, quand soudain, j’entendis un cri.
- Hé ? Regarde, c'est Asami Tomonaga là-bas !
Je me figeai.
Je regardai là où venait la voix, et il y avait un couple d'étudiants. Le garçon à la tête d'idiot dégaina rapidement son portable comme un cowboy de film de western.
Il était déjà trop tard quand on paniqua, les voix avaient attiré le regard.
- Wow, sérieux, c'est Asami !
- Tu déconnes ? Et c'est son copain avec elle, pas vrai ?
- Trop dingue. Ça va faire les news cette affaire.
- Tu penses que je peux revendre cette photo chère aux journaux du net ?
L'agitation s'étendit comme les flammes d'un champ incendié. Asami avait retiré son chapeau et ses lunettes de déguisement afin de pouvoir monter dans les montagnes russes, et à cause de ça, maintenant qu'elle avait attiré l'attention, elle ne pouvait plus sortir de cette situation. Dans cette société internet de notre époque, il était impossible d'empêcher les ragots et les photos.
Les curieux se rassemblaient les uns après les autres autour de nous, et se groupaient tel un gâteau à la broche, nous bloquant la fuite en un rien de temps.
- On...on...on...on fait quoi ?
Visiblement, le parc d'attractions n’était pas une bonne idée, comme je l’avais imaginé. Et en plus, monter dans les montagnes russes n’avait pas aidé. Si au moins on avait choisi la grande roue et qu'elle avait gardé son déguisement... Je n'avais vraiment pas réfléchi. On ne pouvait plus continuer notre sortie désormais.
Dommage. Ce monde de test est un échec.
Je fermai les paupières, ainsi que la porte menant à ce monde. Je ne l'ouvrirais surement plus jamais.
Bon, continuons la sortie.

3

- Il était vraiment trop mignon le spectacle de dauphins ! Tous les aquariums devraient en faire ! On a bien fait de venir !
- ...Tant mieux si ça t'as plu, mais t'es surexcitée là. Range ta peluche dans ton sac.
Après avoir quitté le show de dauphins qui a eu lieu à la piscine extérieure, on trainait dans le coin souvenir de l'aquarium.
Asami tenait dans ses bras une peluche de dauphin, mascotte de l'aquarium, et s'amusait comme une enfant. Elle semblait avoir beaucoup apprécié le spectacle de dauphin, alors je lui ai acheté cette peluche en cadeau.
- Hors de question ! Tu m'as fait ce cadeau exprès pour moi. Je vais le montrer à tout le monde ! Regardez ! Mon copain m’a offert un cadeau pour notre première sortie ensemble !
Asami tendit les bras au-dessus de sa tête avec le dauphin toujours dans ses mains, comme si elle s'en vantait aux passants.
- Arrête, c’est gênant.
- Noooop.
- Alors rends-la-moi.
Je tendis la main vers la peluche, mais Asami m'esquiva en toute beauté avec un jeu de jambes digne de la danseuse qu’elle était.
- Je te le rends paaaas. Hahaha.
Asami la serra fort dans ses bras en rigolant, comme si elle était plus précieuse que son micro lors d'un concert.
...Bon, je peux laisser passer, j'imagine. Jouer ensemble comme on le faisait actuellement était bien plus embarrassant que de laisser s’amuser avec sa peluche. Pour ceux qui nous regardaient, on avait l'air d'un couple d'idiots sans retenues. De plus, il ne faudrait pas que l'on attire trop l'attention.
- OK, OK, j'ai compris. Fais comme tu veux.
- Oh. Tu baisses enfin les bras.
Après un sourire triomphant, elle approcha la tête du dauphin vers moi. Tout en bougeant en haut et en bas le dauphin, elle le doubla avec une voix aiguë forcée.
- ...Désolé, Hideto, mais, je suis content qu'on me sorte dehors.
- Ouais… tant mieux pour toi. Mais tu sais qu'un dauphin qui vivait tranquillement dans l'aquarium ne peut pas redevenir sauvage pour autant si on le remet en mer. Il va juste servir de repas pour les orques.
- Mais wouah, t'es horrible.
Asami gonfla les joues et tourna la peluche vers elle.
- Tu as vu comment il est méchant Hideto ?
- Boude pas, Asami.
Elle continua son one man show embarrassant.
- T'as pas l'impression de perdre ton temps ?
- ...C'est devenu un peu gênant là, quand même.
Elle semblait avoir enfin pris conscience du malaise qu'elle donnait aux autres, et rougit légèrement. Elle arrêta finalement de donner vie à son dauphin, et le prit tranquillement dans ses bras. J'avais le sentiment que c'était aussi bien embarrassant de le tenir comme ça.
- Enfin, si ça t'a autant plu, alors je suis content de t'avoir invité. Merci d’avoir accepté.
- Non, non, c'est moi qui te remercie. C'est rare qu'on aille s’amuser rien que tous les deux comme ça. C'était super, j'espère que tu me réinviteras, ça me ferait plaisir.
- Ouais, on en refera.
Ce monde était une réussite.
Asami et moi nous étions bien amusés. L'aquarium était d'ordinaire sombre, et de plus, elle n'avait pas non plus besoin de retirer son déguisement non, alors personne ne remarquait Asami. Dans un jeu de simulation de romance, c'était comme si j'avais splendidement réussi un évènement montant de beaucoup la barre d'affection.
- Ça m'a donné soif tout ça. Dis, je veux boire ce café liégeois.
Asami pointa du doigt le coin boisson situé à côté de la boutique de souvenir de l'aquarium.
Bien sûr, je n'allais pas lui dire de payer elle-même puisqu’elle en avait les moyens. Même moi, j’avais quand même de bonnes manières.
- OK, alors attendez-moi sagement ici, Princesse.
- Très bien, je n'ai pas d'objection.
Je me séparai d'Asami et me dirigeai vers les boissons. Tous les produits du menu étaient aux prix que l'on retrouvait dans les endroits touristiques. Je savais pertinemment qu’on s’enrichissait sur mon dos, mais j'achetai le café liégeois d'Asami et le mien. Je retournai aux côtés de la Princesse avec nos deux boissons dans les mains.
- Asami, ton café. Et n’oublie pas les remerciements.
Je lui tendis un gobelet en plastique qui avait un dôme blanc de glace vanille par-dessus.
- ...
Cependant, Asami était dans les vapes. Ses yeux regardaient le vide. Elle ne prenait pas son gobelet. Peut-être était-ce dû à la fatigue de la journée.
- Aaaaaaasaaaamiiii ? Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai les mains prises alors dépêche-toi de prendre ton café.
- H ? Ah.
Après avoir appuyé le gobelet contre ses joues, elle reprit enfin ses esprits et me regarda. Elle ouvrit grand les yeux de surprise.
- Yu...Yugami...?
- Ça fait longtemps que tu m'as pas appelé par mon nom de famille. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as l’air toute réservée soudain ?
J'esquissai un léger sourire à cette blague pas drôle.
- Comment ça, qu’est ce qu’il y a ? Tu veux dire qu’on soit tous les deux ici ? C'est...un hasard, pas vrai ?
Elle afficha un sourire tendu, comme si ses muscles facials étaient devenus une douleur musculaire. C'était peut-être la première fois que je voyais ce sourire chez elle.
- Qu'est-ce que tu racontes ? C'est à la mode chez les étudiantes en ce moment de jouer les inconnus ? Ça m’étonnerait. T'as de la fièvre à cause de la fatigue ? C'est vrai qu'on a pas mal marché aujourd’hui.
Inquiet, je m'avançai d'un pas, mais Asami recula de deux pas en lâchant un petit cri. Nous avions un écart d'un pas désormais.
- Euh, qu'est-ce qui t'arrive ? Là quand même tu me blesses.
- Pourquoi t'es ici ? On s’était mis d’accord que tu ne t'approcherais plus de moi, non ?
- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu sais qu’on est en plein rencard, non ? C'est quoi un rencard dans lequel on se rapproche pas ?
- Un rencard ? Nous deux ? Hahaha. C’est juste dans ta tête.
Elle montra un regard froid, et juste après, prit un visage sérieux, comme si elle s’était résolue à quelque chose.
- Jamais on pourrait avoir de rencard ensemble. Tu sais que je suis idol, non ? Même si j'en ai pas l'air.
....Était-ce une blague sophistiquée, sauce Asami ? Je ne pouvais vraiment pas en rire. De base, elle n'était pas bonne en blague, mais là, je comprenais encore moins ce qu’Asami racontait.
- Calme-toi, t'es bizarre, là.
J'avais de violentes émotions en moi.
- C'est toi qui dois te calmer. Tu m'as promis de ne plus t'approcher, non ? Je sais pas comment tu t'es introduit ici, mais si tu te dépêches pas de partir... Hé ?
Asami regarda autour d’elle et se figea.
- …Un aquarium ? Hé ? Pourquoi ? J'étais au bureau juste...à l'instant pourtant...
Asami devint pâle en un instant. Elle me regarda avec de la peur dans son visage. Et c’était envers moi qu’elle affichait un tel visage.
- Qu'est-ce que t'as fait ?! Pourquoi je suis ici ?!
Sa voix était colérique. Même dans les dramas dans lesquelles elle apparaissait, je ne l’avais jamais entendu. Sa soudaine fureur m’intimida, mais je remarquai qu'on attirait l'attention autour de nous, et reprit me calma.
- Attends, garde ton sang-froid. On risque de remarquer qui tu es.
Je m'approchai en panique d'Asami, mais j’avais oublié que j'avais les mains prises par les boissons. Je tendis mon bras droit pour lui caresser les épaules tremblantes, mais…
- Non ! Ne me frappe pas !
Elle cria soudainement et poussa mon bras. Le gobelet que je tenais me passa entre les doigts, et l'intérieur du café liégeois se renversa partout. La demi-boule de glace vanille s'écrasa au sol.
...La frapper ? Moi ? Frapper Asami ? Je m'apprêtais simplement à lui toucher l'épaule. A-t-elle pris mon geste pour un malentendu ?
Asami ignora ma confusion et haussa la voix.
- Désolée de ne pas avoir répondu à tes sentiments ! Mais…mais si encore maintenant, tu penses à moi, alors je voudrais plutôt que tu m'encourages pour l'idol que je suis ! Arrête avec le harcèlement ! Ne refais pas la même erreur !
Asami m'a mis un râteau à l’époque ? Attendez, normalement, dans ce monde, on sort bien ensemble, non ? Et comment ça, du harcèlement ?
J'étais perdu.
- Sacrée dispute. On dirait une scène de drama. Première fois que j'en vois une en vrai.
- Ça serait pas Asami Tomonaga, là-bas ?
Quelqu'un devinant la vraie identité d'Asami se manifesta parmi les personnes qui nous regardaient discrètement.
Bon sang, la situation était déjà suffisamment compliquée comme ça.
- Tomonaga ? C'est qui ça, déjà ?
- Comment tu peux ne pas connaitre Asami Tomonaga ? Elle fait partie des Supest !
- Euh, non, j’en ai jamais entendu parlé.
- Hein ? Il serait peut-être temps de sortir de ta grotte, tu sais ?
- Il me semble que c'est celle qui juste avant ses débuts, a eu des problèmes avec un harceleur et n’a pas pu continuer, c’est ça ?
- Quoi ? J'ai jamais entendu parler de cette histoire.
Les gossips des curieux qui me venaient aux oreilles étaient tous incohérents. Et pire encore.
- Mais attends, on a rompu nous non ?
- Hein ? Mais non, qu’est ce que tu racontes ?
Des disputes ne concernant même pas Asami avaient lieu.
Je reconnaissais ce genre d’incohérences.
Il s’agissait du même problème qui est apparu quand les mondes parallèles ont été mélangés.
Une fois de plus, j’étais face à ce phénomène.
Dès l'instant où je pris conscience de ce qu’il se passait, des souvenirs affluèrent dans mon cerveau. Je me synchronisais avec le moi que connaissait cette Asami.
- Mais…Jamais je ne ferais ça...
J'avais couvert mes yeux avec mes mains, mais je n'avais pas pu empêcher ces souvenirs d'affluer dans ma tête.
Je revoyais de force des images à la première personne.
Asami avait bel et bien mis un râteau à un Hideto lors de sa déclaration d’amour sur le toit.
Cependant, les choses ne se sont pas arrêtées là.
Vu que j’étais son ami d’enfance, j'avais pris la grosse tête. Je ne pensais pas du tout qu'elle me rejetterait, alors je n’arrivais pas à croire son refus, et à l'accepter.
J’étais devenu collant avec elle, avant qu’elle ne débute sur scène en tant qu’idol. Après tout, je savais où elle habitait. La prendre en filature était un jeu d’enfant, et même si je la perdais de vue, il me suffisait d’attendre devant chez elle pour être certain de la croiser quand elle revenait de son travail. À chaque fois qu'on se voyait, je lui répétais mon amour. Au début, Asami continuait de refuser gentiment, mais il fallut peu de temps avant qu'elle ne montre dans son attitude que je la dérangeais.
- ..Je suis vraiment heureuse que tu aies des sentiments pour moi. Tu es un ami qui compte beaucoup pour moi, mais je veux quand même devenir idol. Pour le moment, je ne peux pas envisager une relation amoureuse avec toi. ...Désolée, tous ces entrainements à la suite m'ont fatigué, j'y vais, d'accord ?
Asami s'apprêta à rentrer chez elle en forçant son passage.
Tandis qu'elle passait rapidement à côté de moi, j'ai...je veux dire, cet Hideto a… Fais pas l'idiot. Je cachais un cutter dans ma poche. Réfléchis encore une fois. Clic. Clic. J'allongeai la lame. Arrête ! J'étais dans une colère noire. J'étais devenu impulsif, et succombai à la rage. Fais pas ça ! Stop ! Je donnai un coup de cutter sur le visage d'Asami. Elle qui était sur le point de faire ses débuts. Elle était à un pas de réaliser son rêve. Je donnai un coup de lame légèrement brillante sur le visage déformé par la peur de mon ami d'enfance.
J'ai même ressenti la sensation du coup dans ma main droite. Je n’avais pas fait que voir ces images, je sentais la rigidité de ma main qui tenait de cutter, et la vive résistance d’une lame qu’on appuie contre de la peau et de la chair.
- C'est...c'est pas moi !
Je détournai les yeux de la réalité, et m’enfuis vers le monde des portes.
Cet univers blanc où le temps était arrêté.
Par le passé, lors de l’unification, il n'y avait qu'une seule porte. C'était surement encore le cas. Le plan du monde avancé était de nouveau en marche.
Mais contrairement à ce à quoi je m'attendais, je m'étais splendidement trompé.
- Quoi ? C’est une blague ? Il y a d'autres portes ?
A droite et à gauche de la porte de laquelle je venais de sortir, des portes menant au moi des mondes parallèles continuaient. Il y avait, comme d'habitude, un nombre incalculable de portes.
Cependant, ce n'était pas pour autant qu'il n'y avait rien d'anormal.
D'ordinaire, les portes n'avaient qu'une seule couleur. Du moins, je n'avais vu aucune autre porte avec plusieurs couleurs jusqu'à maintenant, à l’exception de celle du monde unifié.
Néanmoins, les portes présentes devant moi étaient maintenant peintes avec différentes couleurs. Par exemple, il y avait une porte dont la partie droite était en cobalt bleu, et la partie gauche en vert brillant. Je regardai les autres portes. Certaines avaient 2 couleurs, d'autres 3, voire plus. Il y avait même des portes peintes d'un grand nombre de couleurs, comme le vitrail d'une église.
Beaucoup de portes avaient au moins 2 couleurs. Je n’en voyais quasiment aucune avec juste une couleur.
- Cette porte ne change pas, par contre.
Une porte noire. Elle n'avait pas reçu d'autres couleurs. Elle conservait son teint unique. Je l'ouvris, mais au fond, il n'y avait que l'obscurité, comme je le pensais. Même si j'entrais, ça ne servirait à rien.
Pour le moment, je compris qu’énormément de portes avaient au moins 2 couleurs mélangées.
Je me posais beaucoup de questions, mais afin de comprendre la situation dans laquelle j'étais, je fuis dans une autre porte à côté.
- Woa, qu'est ce qu'il y a ? T'es trempé de sueur.
Devant moi, le visage inquiet d'Asami.
Je me connectai immédiatement aux souvenirs de ce moi. C'était un univers où Asami et moi avions mangé ce fameux Parfait à la terrasse d'un café. Après ça, Asami fit le tour des selects shop qu'elle aimait, et s’amusa à faire du shopping, et là, on rentrait. On attendait au quai le train qui allait à la gare la plus proche de chez nous.
Je fixais attentivement Asami et lui posai une question. J'étais un peu effrayé.
- ...Dis, on sort bien ensemble toi et moi, non ?
- Hé ? Qu'est-ce qui t'arrive soudain ?
- Réponds-moi s'il te plait. On avait un rencard là, je me trompe pas, pas vrai  ?
- Ou...oui. ...Nan, vraiment, qu'est ce qu'il y a ? T'as de la fièvre ?
Le visage de surprise d'Asami se changea en inquiétude. Elle m'essuya le front avec un mouchoir.
...Ouf.
Inconsciemment, je pris son petit corps dans mes bras.
- Ooooh ! Euh...
Je serrai fort mon ami d'enfance. Elle était surprise et confuse, mais ne semblait pas fuir. Au contraire, elle posa ses mains sur mon dos.
- Qu'est...qu'est ce qu'il y a ? Ça va ? Tu m’inquiètes vraiment…
Elle était pleine d'attention pour moi.
Elle était chère à mes yeux. Sentir sa douceur et sa chaleur me ramena à la normale.
- Désolé, je réfléchissais un peu.
Enfin calmé, je m’éloignai.
À en voir sa réaction, ce monde n’avait pas l’air d’être affecté par les autres univers parallèles. Ou alors, peut-être que seule Asami n'avait pas changé, et les autres endroits et personnes étaient quant à eux différents.
Tandis que je réfléchissais, l'annonce de la gare résonna, et le train arriva. La pression du vent caressa nos cheveux et nos joues.
Le train s'arrêta sans encombre, et la porte s'ouvrit sur les côtés.
Inconsciemment, je montai à bord. Cependant, il se passait quelque chose d’étrange.
- Hm ? Qu'est-ce qu'il y a ? Dépêche-toi de monter.
Asami se tenait immobile sur le quai et fixait la porte du train.
Juste avant, c’était moi qui étais dans les vapes. C'était comme si nos rôles s'étaient inversés.
- Hideto !
Le cri d'Asami me frappa les tympans. Ses yeux vides reprirent de la lumière, elle les ouvrit grand. Elle avait les lèvres bleues et tremblantes.
- Écoute-moi ! Le monde avancé est encore passé à l’action ! Mais cette fois, ce n'est pas une unification ! C'est vous, la cible ! Fuis ! Moi, je vais protéger le corps de cette Asami !
- ...Quoi ?
Dès l'instant où elle finit de parler, la porte du train se referma cruellement. Une très fine plaque de métal nous isola l’un de l’autre.
Tandis que la boite de fer partait, je réalisai enfin les mots d'Asami.
Il s’agissait de la Asami Jaunter que j'ai rencontrée dans le monde unifié. L’agent du monde avancé, l’univers qui planifiait d'unifier les mondes parallèles. Elle avait pris le contrôle de la Asami du monde dans lequel j’étais.
Elle est venue m'informer d'un danger, mais que voulait-elle dire par « ce n'est pas une unification » ?
Elle a parlé d’un nouveau plan. Elle veut dire qu’une fois de plus, le monde est en train d'être unifié ? Dans ce cas, je pouvais comprendre l'étrange comportement d'Asami à l'aquarium tout à l'heure.
J'appelai immédiatement Asami avec mon téléphone.
- Qu'est-ce que tu viens dire ? T'es bien la Asami du monde avancé, c'est ça ?
J'ignorai les regards de réprimande autour de moi et levai la voix. Ce n'était pas le moment de garder mes bonnes manières dans le train.
- Bonne réponse. Ça fait un bail qu’on ne s’est pas vu. Désolée de t'embêter pendant ton rencard avec l’autre moi. Alors, ça s’est passé comment ? Vous vous êtes embrassé, au moins ?... AH, mais même pas ! Faut être plus entreprenant, tu sais ?
Bien que la voix qui m'était parvenue était blagueuse, je sentais aussi de la fatigue dedans.
- Dis-moi vite. C’est encore le bordel, pas vrai ? C'est vous qui avez fait ça ?
- C’est le même chaos, oui, tu as déjà eu l'expérience, pas vraie ? Ça me fait gagner du temps, ça va aller vite alors. Comme tu l'as deviné, une fois de plus, les mondes parallèles ont commencé leur unification. Contrairement à la dernière fois, ils ne fusionnent pas d'un coup soudainement, mais petit à petit. Cet univers a l'air encore en sécurité, mais ce phénomène est en cours de propagation, alors je pense que tôt ou tard, il sera touché aussi.
- Pourquoi cette fois-ci vous prenez du temps ? C’est pas votre objectif, ça, de fusionner tous les mondes ? C'est pas juste chiant de le faire petit à petit ?
- La réponse est simple. Ce n'est pas le monde avancé qui a provoqué ça.
- ...Pardon ?
Je mis un instant à comprendre.
- Alors c'est quel monde qui fait ce truc stupide ?
- Il n'y a pas de coupable. Ce n’est personne. C'est une sorte de phénomène naturel.
- Attends, attends, je comprends pas, là. C'est un phénomène naturel que les mondes parallèles se mélangent ?
- Oui. ...En réalité, il n'y avait qu'un seul monde à l’origine. Donc là, il essaye de reprendre sa forme naturelle. Quand on donne un coup sur les cordes tendues d'une guitare, elles vibrent un peu, mais elles finissent par s'arrêter. Bah, c'est pareil. C'est un phénomène normal.
- Comment ça, un seul monde à l'origine ? Pourtant les mondes parallèles existent bel et bien là, non ? Ou alors t'es en train de me dire que quelqu’un a créé des mondes parallèles qui n’existaient pas au départ ?
Je posai mes questions les unes après les autres, mais elle ne me répondait pas.
- Allo ? Asami, tu m'entends ?
Lui demandai-je. Une voix agitée me parvint enfin.
- Désolée, je vais pas tarder à fuir. Mon monde n’est pas à l’origine de cette fusion, mais à cause d’elle, c’est certain que le monde avancé t'a pris pour cible, fais attention à toi.
Après une petite pause, Asami continua.
- ...Je t'ai promis d'empêcher leur plan d'unification, alors j'ai fait tout mon possible, mais ça n'a pas suffi. Maintenant que le phénomène de fusion naturel a commencé, je ne peux plus changer les directives du monde avancé... Ça ne sert plus à grand-chose de m'excuser maintenant, mais je te le dis quand même. Désolée.
Elle s’excusa en vitesse, et coupa soudainement notre conversation. J'essayai de la rappeler, mais rien.
Elle était très pressée. Peut-être que le danger se rapprochait vraiment. J'avais encore beaucoup de choses à lui demander. Il fallait que je la rejoigne, d'une façon ou d'une autre.
Après que le train se soit arrêté à la station suivante, je descendis immédiatement et attendis le train de l'autre côté du quai. Bref, j’allais retourner à l'arrêt précédent.
Le train du côté opposé arriva. Je montai en panique, et attendis le départ. Cependant, j'avais beau patienter, le train ne démarrait pas. Les portes ne se refermaient pas. Les passagers commencèrent à s’agiter, quand soudain, une annonce retentit.
- ...Information à l’attention des passages. Suite à un accident humain à la station suivante, le départ de ce train est suspendu. Nous sommes en train d’examiner la situation, veuillez patienter, je vous prie. Nous nous excusons sincèrement pour les passagers pressés. Je répète...
Une annonce que cette personne semblait habituée à dire. Elle était indifférente, comme un robot.
Un frisson me parcourut la moelle épinière.
Je ne transpirais pas, et pourtant, ma respiration devenait de plus en plus difficile. Mon cœur battait comme s'il m’urgeait de faire quelque chose. Je ne pouvais pas rester en place.
Je sortis du train arrêté en courant, passai le portique, et courus la distance jusqu'à l'arrêt où je m'étais séparé d'Asami. Étrangement, je ne ressentais pas de fatigue. Une impulsion avait gagné tout mon corps. Ce qui faisait avancer mes jambes n'était ni mes muscles ni mon sang, mais une peur infondée.
Je sprintai tout en gardant la ligne de chemin de fer dans un coin de mon champ de vision, et j'aperçus enfin la station.
Je pouvais voir quelque peu l'intérieur du quai depuis l’extérieur. Le train était arrêté à un endroit anormal. Il y avait une curieuse agitation, et de la peur. Les curieux rassemblés se poussaient les uns et les autres pour combler leur fantasme glauque, et le personnel de la gare essayait de les en éloigner.
Je poussai les personnes énervées par cet arrêt soudain des transports et franchis le portique avant de descendre au quai.
Un train était arrêté et une bâche bleue le recouvrait.
Une réalité intangible se montra à moi. Un accident humain. C’était des mots sinistres que l'on entendait presque tous les jours à la télévision ou à la radio, et devenus bien trop normaux dans ce pays.
J'avançais avec un pas tremblant. Je m'approchai de la scène de l'accident, le premier wagon, celui qui était au bout du quai.
- Non, elle a pas vraiment sauté, on dirait qu’on l’a poussé. En même temps, elle est tombée sur le dos. Si elle avait sauté, normalement, on regarde devant soi, non ? Hé ? Qui l'a poussé ? Il y avait du monde, alors j’ai pas bien vu...
Un membre du personnel de la gare posait des questions à un témoin. J'entendis la conversation.
Je me moquais des circonstances. La question était de savoir qui était la victime.
Soudain, un souffle de vent se perdit dans la gare, et décala un peu la bâche. Si le dieu du vent existait réellement, c'était surement quelqu'un au mauvais caractère, et de mauvais gout.
Après tout, c’est lui qui me montra cette tragique scène de crime.
Ce ne dura qu'un instant, mais ce fut suffisant pour voir ce qui se cachait derrière la bâche.
Il y avait du sang séché sur le parebrise brisé du wagon, comme si on avait renversé un pot de peinture rouge. Je baissai les yeux, et remarquai quelque chose entre la ligne de chemin de fer et le train. Elle a surement été réduite en viande hachée bien soigneusement par les roues après avoir percuté de face le train et avoir été envoyée voler. Elle n'avait quasiment plus de forme humaine, mais le peu de vêtements qui lui restaient, bien que couvert de chair, étaient ceux...
....
- Wa ! Qu'est...qu'est ce qui t’arrive ?
Appuyée contre mon torse, Asami poussa un cri.
Nous étions en train de rentrer chez nous à pied après avoir fini notre rencard.
- ...C'est rien, désolé.
Je m’excusai, mais je ne comptais pas arrêter de la serrer contre moi pour autant. Au contraire, j’y mis encore plus de force. Elle était si fragile et douce que je pouvais même la prendre entièrement dans mes bras.
- ...Je m’y attendais pas...c’est un peu gênant... Dis-le-moi avant la prochaine fois…
- ...Désolé...vraiment désolé...
Sentir la chaleur d'Asami contre moi réchauffait mon cœur glacé. Une nouvelle fois, je me réapprovisionnai en Asamiom.
Tout allait bien, elle était ici. Elle était en vie. Elle avait un pouls. Elle respirait. Ses vêtements chics n'étaient pas non plus couverts de sang. Ils étaient propres.
C'est bon, je suis calmé. Enfin, je vais prétendre être calmé.
Je relâchai doucement Asami.
- Il s'est passé quelque chose ?
Asami me regardait, inquiète.
- ...Non, c'est rien. Désolé, ça n’a pas dû être agréable pour toi.
- C'était...pas si désagréable...que ça…
Elle était un peu agitée, et croisait les mains.
- Si tu le dis. Bon, rentrons.
Je tendis doucement la main.
Asami était surprise.
- ...Hé ?
- Hm ?
- Ah, euh, non, c’est rien. Je...je m’y connais pas trop dans ce domaine, mais je compte sur toi…pour m’apprendre.
Elle posa timidement la paume de sa main sur la mienne. Je sentis une jeune peau douce m'envelopper fébrilement la main. Sa main tremblait un peu, mais je ne comptais plus la lâcher.
- ...
Je repris enfin mon sang-froid en voyant que l’Asami de ce monde allait bien, me permettant ainsi de faire travailler mes méninges.
Si le message que m’a donné l’autre Asami est vrai, alors cela signifiait que le monde avancé était encore à l’œuvre. Et cette fois-ci, leur but n’était pas l’unification. Ils semblaient avoir un objectif bien différent.
Qu'est-ce qu'avait dit cette Asami déjà ? Que c'est vous qui êtes visé ou quelque chose du genre, je crois ?
Par nous, voulait-elle dire Asami et moi ? Des Jaunters nous ont pris pour cible ?
Je pouvais comprendre pourquoi j’étais une cible. J'étais comme eux, capable de saut temporel. De plus, je ne comprenais pas la logique, mais apparemment j'étais un obstacle à leur plan d’unification. Pas étonnant s'ils essayaient de m'éliminer.
Mais pourquoi en vouloir aussi à Asami ?
Et d'abord, quelle Asami était visée ? La Asami du monde précédent est morte pour de bon. Donc cette Asami à qui je tenais la main actuellement était hors de danger ? Ou alors toutes les Asami sont visées.
...Ça n'allait pas, je ne comprenais rien. Je manquais d'information. Était-il possible de contacter, d'une façon ou d'une autre, la Asami du monde avancé ?
Je jetai un léger coup d'œil à l’amie d’enfance à côté de moi.
Elle regardait par terre, embarrassée, et se laissait tirer. L’autre Asami n'avait pas l'air de venir.
Dans tous les cas, peu importe l’Asami, je devais me concentrer sur sa protection.
...Soudain, juste après m’être juré de la protéger.
Asami s’écroula en se vidant de ses boyaux par le trou dans son estomac et en crachant du sang.
- ...Hé ?
Ni la victime ni moi n’avions anticipé cette situation.
Un passant devant nous, portant un chapeau cachant ses yeux, sortit un couteau de son sac, et planta Asami avec sans aucune hésitation au même de nous croiser. L’asphalte du trottoir se garnit de fleurs de sangs venant d’éclore, et Asami s’effondra en leur centre.
La main que je venais tout juste de jurer ne jamais lâcher s’éloigna fébrilement.
- ...A...sami ?
Seuls les bruits de pas du slasher en train de courir résonnaient à mes oreilles. Je n'entendais pas les cris d'agonies d'Asami. La dague de l'assassin ne lui permit pas ce luxe.
Par réflexe, j'appuyai sur sa blessure au ventre. Cependant, le sang poussé par la pompe qu’était le cœur débordait à flots depuis le trou ouvert dans le sac de caoutchouc qu'étaient les humains. Stopper la blessure avec mes deux mains revenait à mettre une passoire sur une fontaine pour la fermer.
Le carburant de la vie fuitait. Cette chaleur dans mes mains était signe que la température d'Asami la quittait.
Ses pupilles s'ouvrirent, et son âme s’évapora.
Elle se transforma en un simple tas de chair. Un vulgaire morceau de viande.
- Ha...ha...aaaa.
Je serrai fort les molaires pour retenir mes sanglots, et les ravalai.
Ne désespère pas. J'ai déjà vu Asami mourir auparavant, ce n'est pas la première fois.
Voilà comment je m’encourageai.
Peut-être que je me mentis à moi-même.

4

Pour l’heure, je manquais cruellement d’information.
La Asami du monde avancé était mon seul repère, et elle ne montrait aucun signe de se manifester devant moi une nouvelle fois. Était-elle aussi en train de fuir ? Je ne pouvais pas me permettre d'attendre quelqu'un sans savoir quand il viendrait.
Je cherchai une autre façon de me renseigner sur ce qu’il se passait.
Je me dirigeai vers le monde des portes, afin d'aller dans un certain type de monde parallèle. Je remarquai en regardant autour de moi les innombrables portes qui décoraient ce monde blanc.
- ...Je m'en doutais, le nombre de portes a baissé, non ?
Il y en avait tellement que je n'avais vraiment pas l'intention de les compter une par une, mais intuitivement, je sentais que le nombre avait diminué. Les couleurs sur la surface des portes aussi semblaient être plus que 2 désormais.
L'unification gagnait du terrain.
Je ne savais pas ce qu'il se passait, mais je devais trouver quel était l’objectif du monde avancé le plus vite que possible.
Déterminé, je franchis une porte.
Le moi de ce monde était dans sa chambre. Il avait dans ses mains une console portable. À en voir les manuels scolaires et les cahiers laissés ouverts sur le bureau, j’étais surement fatigué d'étudier et jouais pour me changer les idées. Sauf qu’involontairement, j’étais maintenant trop occupé par le jeu pour recommencer à étudier. Le Hideto de ce monde me ressemblait bien aussi.
Je posai la console et sortis mon portable. J’ouvris l'historique des messages et des appels.
Le nom Asami Tomonaga n’était pas présent. Je ne la trouvais pas non plus dans les souvenirs de cet Hideto. Je vois. J’étais donc dans ce genre de monde. Celui où je n'étais pas l'ami d'enfance Asami. Elle était la numéro 1 des Supest, mais nous n’avions aucun lien en commun.
Dans ce type de cas, comment allait agir le monde avancé ? Allaient-ils ne rien faire ? Ou alors, peut-être qu'à la place d'Asami, ils allaient prendre pour cible les personnes qui comptent aux yeux du moi de ce monde.
Je m'inquiétais pour ma famille.
Je sortis de ma chambre en courant, et me dirigeai vers le salon au rez-de-chaussée. Jiyuri buvait un lait chaud, assise sur le canapé. Peut-être était-ce parce qu’elle avait retiré ses nattes, mais sa marque de fabrique qui faisait son charme, et avec une tenue décontractée, elle paraissait plus adulte qu'ordinaire.
Il s’agissait d’un monde où Asami ne faisait pas partie de ma vie, et où Jiyuri était ma demi-sœur.
- Hé ? Tu dors pas encore ?
Elle leva juste un instant sa tête de son portable, avant de retourner immédiatement dessus.
- Euh...non, pas pour l’instant. Où sont les parents ?
- Ils dorment déjà.
- Je vois.
Je passai à côté d’elle, et me dépêchait d’aller vérifier que la porte d’entrée était bien fermée à clé.
Elle est fermée. Et cette fenêtre ?
- Qu'est-ce qu'il y a ? T'es étrangement nerveux aujourd'hui, tu sais ?
Jiyuri s'interrogeait sur mon comportement étrange.
- C'est dangereux dans le coin, ces derniers temps. Ferme bien la porte de ta chambre aussi quand tu iras dormir.
- Euh, oui. Je ferais attention...
Elle me trouvait très louche alors que je m'inquiétais juste pour elle.
- Si t'as rien à faire, dépêche-toi d'aller dormir.
- ...Tu vas bien ? T'as une tête qui fait peur. T'as l'air en colère. Il t'est arrivé quelque chose de douloureux ? Si tu veux m'en parler, tu peux, tu sais ?
Jiyuri me regarda en levant les yeux. Elle faisait de son mieux pour se donner l’air d'une personne sur qui l’on pouvait compter, malgré son visage enfantin.
D'ordinaire, elle était toujours désagréable avec moi. Aujourd'hui, elle était plutôt gentille. Même si elle ne pouvait rien faire pour m’aider.
- ...Ça te concerne pas. Va dormir. T'en fais pas pour moi.
- Évidemment que je m'en fais. On est une famille, non ?
Objecta-t-elle nonchalamment en entendant mon avertissement.
- Ah, je sais, je vais te préparer un lait chaud. Ça te calmera.
Jiyuri se leva avec un saut et partit dans la cuisine sans attendre ma réponse.
- Préparer ? C'est juste faire chauffer du lait, tu sais ?
- Hahaha. T'as raison, mais c'est pas ça qui compte.
Qu'est-ce qui comptait alors ?
Jiyuri sortit un pack de lait du réfrigérateur, et le versa dans un verre tout en humant quelque chose.
Encore maintenant, le cadavre d'Asami était encore frais dans mon esprit. C’était comme s’il me tourmentait. Me blâmait.
À cause de ça, j'avais les nerfs constamment à vif, et mon attention se portait sur ce qui m'entourait. Je réagissais nerveusement même au simple petit bruit, me demandant s’il ne s’agissait pas d'un malfrat du monde avancé.
Comme si Jiyuri voulait m’énerver encore plus, sa voix résonna une nouvelle fois depuis la cuisine.
- Dis, tu te souviens ?
- Me souvenir de quoi ?
- La première fois que je suis venue ici, je n’arrivais pas à dormir. Tu m'as fait un lait chaud comme ce que je suis en train de faire. T'as oublié ? J'avais dit la même chose que tu viens de me dire à l’instant ? Préparer ? C’est juste faire chauffer du lait, tu sais ?
Ah bon ? J’ai dit ça ? Et alors ? Je m’en moque éperdument d’avoir dit la même chose.
Plus précisément, ce n’est même pas moi qui aie fait ça, mais surement le Hideto de ce monde. J’avais beau chercher dans ses souvenirs, je ne trouvais pas la scène dont Jiyuri parlait. Ce n’était probablement pas un évènement marquant pour lui.
- Tu m'avais forcé, allez, bois, ça te détendra. J'ai bu à contrecœur et je me suis brulé la langue. Je m'en souviens encore.
- Et donc ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est trop tard pour te plaindre du passé, maintenant.
- Haha. Je me plains pas, je te suis reconnaissante.
- ...Hein ?
- Tu te souviens pas ? À l’époque, j'étais énervé, comme toi maintenant. Ça te concerne pas. T'inquiètes pas pour moi, ça sert à rien. J'avais dit quelque chose du genre, et j’avais rajouté Jamais tu ne comprendras ce que je ressens, je crois ?
Jiyuri avait une voix un peu gênée. Elle déterrait d’elle-même son passé embarrassant.
Ces souvenirs étaient aussi présents dans la tête du Hideto de cet univers.
Jiyuri venait d’entrer au collège et perdre ses deux parents, avant que ma famille ne l’adopte. C'était une sacrée délinquante. Elle ne rentrait pas après les cours, elle répétait les fugues, elle restait éveillée jusqu’à tard dans la nuit. Son comportement n'avait rien de surprenant pour une fille de son âge qui venait de perdre soudainement ses parents et d’être prise en charge chez de la famille qu'elle voyait quasiment pour la première fois.
Le moi de ce monde n'en pouvait plus de la voir comme ça, et s’est occupé d’elle de bien des façons. Le lait chaud dont elle parlait en faisait surement partie.
- C’est grâce à toi que je me suis ouverte. Tu t'es occupé de moi alors que j’étais vraiment pas adorable.
Sa voix était un peu aiguë, comme si elle était tendue.
- ...À l'époque, j’étais complètement perdu, et tu m'as dit On est une famille, alors c'est normal de s'inquiéter, non ?, merci.
Je ne pensais pas que Jiyuri me remercierait de face.
Je tournai la tête et regardai soudain en direction de la cuisine. Jiyuri avait le dos tourné et se servait du micro-ondes dans lequel elle avait mis le verre de lait. Je ne pouvais pas voir son visage, mais elle avait les oreilles toutes rouges.
- Alors moi aussi, je m'inquiète pour toi. On est une famille.
Dit-elle, toujours le dos tourné.
Toutefois, ces mots me touchèrent. Ils étaient vifs.
- Il s'est passé quelque chose, non ?
J'avais l'impression que mes muscules tendus se relâchèrent. Je n'arrivais plus à tenir debout. Je m'assois sur le canapé.
...Bon sang, qu'est-ce qui m’a pris. Causer du souci à ma sœur des mondes parallèles. Et en plus, passer ma colère dessus. J'étais un gros idiot. Je voulais tabasser le moi d'il y a 10 secondes. Arrête de jouer les héros tragiques, Hideto Yugami.
Je savais que ça n'allait rien résoudre, mais peut être qu'en lui parlant, quelque chose allait changer. Du moins, que je pouvais un peu relâcher le fardeau bien trop lourd pour moi que je portais.
La sonnerie du micro-ondes retentit. Le lait chaud semblait être prêt.
Assis sur le canapé, j'expirai lentement un profond soupir.
- Merci. Je peux pas t'en parler trop en détail, et probablement que même si je t'en parlais, tu pourrais pas comprendre, mais ça te dérange pas si je te raconte mon histoire ? Ça va être un peu long, par contre.
- ...Hé ? Euh, oui. Pas de soucis. J'arrive.
Il se faisait déjà tard.
Avait-elle envie de dormir ? Sa réponse arriva un peu en retard.
Ça serait mieux demain peut-être. Oui, faisons comme ça.
- Si t'as sommeil, demain ça me dérange p...
Dis-je avant de me retourner. Quasiment au même moment, Jiyuri s’était rapproché discrètement et tenait un couteau très haut dans les mains.
...Oui, un couteau. Un deba bocho , pour être plus exact. D’ordinaire, ma mère l’utilisait pour la cuisine. Ses derniers temps, elle lamentait que la lame soit entaillée.
La couleur terne que ce couteau renvoyait était levée haut au-dessus de sa tête, telle la mâchoire supérieure d'un carnivore. À l'endroit où le coup tomba, il n'y avait pas de planche, juste mon corps.
Tout d'abord, je tiens à me féliciter d'avoir bougé inconsciemment. Si j'étais resté bouche bée sur place, j'aurais manqué ma dernière chance de pouvoir esquiver cette attaque-surprise.
Après être descendu du canapé en roulant sur le côté, je me tins face à Jiyuri. Le canapé nous séparait. Je réalisai enfin la situation.
- Mais...tu fous quoi là !? Arrête avec tes conneries ! C'est dangereux, alors dépêche-toi d’aller ranger ce couteau !
Jiyuri soupira comme si elle n'entendait pas mon cri de désespoir. Elle afficha un visage sans émotion.
- Mince alors, je t’ai manqué. Je suis un peu choquée que t'aies vu venir mon attaque-surprise.
Dit-elle comme si un employé à temps partiel s’était pris une remarque par son patron pour une gaffe qu’il avait caché.
- Tu voulais me faire une blague ? Haha, t'y vas fort, quand même. Maman va t'engueuler.
- ...Qu'est-ce que tu racontes ? Pfff, ce Yugami est long à la détente, c’est triste à voir.
Murmura-t-elle le visage languide.
Je n'avais jamais vu Jiyuri montrer un tel visage. Un regard glacial, celui de quelqu’un qui regardait tout le monde de haut. Envers moi, elle m’affichait une expression aussi froide que le zéro absolu.
...Qui est-elle ?
Ce n'était pas la même Jiyuri que tout à l'heure. Elle était différente.
Une autre personnalité avait forcément pris le contrôle pendant qu'elle préparait du lait chaud dans la cuisine.
J'avais un mauvais pressentiment.
Je demandai timidement.
- ...Tu serais pas la Jiyuri du monde avancée, par hasard ?
Ma gorge sèche était nouée, et une voix flétrie, comme celle d'un vieillard, sortit.
- Le monde avancé ? Mon monde, tu veux dire ? Appelle-le comme tu veux... Je m'appelle Jiyuri Miyazawa. Ah, dans ce monde, c'est Yugami mon nom de famille, je crois ? Bref, enchantée de te rencontrer.
Miyazawa était le nom de famille de mon oncle et sa femme.
Jiyuri jouait avec le couteau. Elle ne laissait aucunement paraitre ce qu’elle pouvait penser.
- ...T'allais me tuer là, non ? Je suis ton demi-frère, tu sais ? Tu pourrais hésiter un peu, quand même.
- Pardon ? J'en ai rien à taper que tu sois mon frère ou non. ...Tu pourrais arrêter de me parler de trucs gerbant avec cette apparence et cette tête ? Ça me donne des frissons.
- Je connais pas le moi de ton monde, mais si tu t'es synchronisée avec la Jiyuri de cet univers, alors...
- Les Jaunters reçoivent un entrainement spécial afin de pas se faire influencer par notre autre nous des mondes parallèles. Peu importe ce que la Jiyuri d’ici ressent, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, do-maaaage.
Se moqua-t-elle en tirant la langue rouge.
Je ne sentais aucun charme dans ce geste. C'était juste déplaisant, et avait le don de m’énerver. Qu'elle fasse ça avec la tête de Jiyuri rendait ça encore plus effrayant. J'en avais des frissons dans le dos.
- Ton monde veut encore fusionner les univers ?
- Qui sait ? Je sais pas ce qu’ont prévu mes supérieurs, je fais que remplir ma mission.
- Et ta mission est de me tuer ?
- Hmm, c'est un peu différent. Disons que c’est pas le but, mais un moyen. L’objectif ultime de la mission est de te ramener dans le monde avancé afin que l’on utilise ton pouvoir. Et pour se faire, on te menace, on tue ceux que tu aimes, tout simplement.
- ...Alors celle qui a planté Asami dans le monde précédent...
- Oui, c'est moi. À l'heure qu'il est, dans ce monde, j'ai dû me faire arrêter par la police et avoir la tête toute pâle, haha. Ça me fait marrer rien que d'imaginer la scène.
Jiyuri rigola en levant la voix comme une vilaine fille qui avait réussi sa farce.
- ...Même si c'est dans un monde parallèle, c'est toi qui t'es fait arrêter. T'as du cran d’être capable de faire ça à ton propre toi.
- Tu trouves ? Nos autres nous sont comme des inconnus, tu sais. En puis au final, tous les mondes seront unifiés en un seul, alors pourquoi ça poserait problème ce qu'il se passe durant le processus ? Qu’on se fasse arrêter pour un crime que l’on n’a pas commis, ou que l'on se fasse tuer sans prévenir, tout va disparaitre, tu sais ?
Elle n'était pas la Jiyuri que je connaissais. Elle était fondamentalement différente, comme la Hinano folle.
Toutefois, ça m'arrangeait. Même si elle avait le même visage que Jiyuri, je pouvais la voir comme quelqu'un d'autre. Je pouvais clairement l’identifier comme mon ennemi.
- Et donc, ça y est ? Tu abandonnes ? De toute façon, tu peux pas nous échapper. Je pense que ça serait plus paisible pour nous deux si tu te dépêchais de jeter toute envie de fuir et te contentes de juste nous écouter.
Elle me menaça en pointant le couteau dans ma direction.
- Tu blagues, j’espère ?
Je me moquai d’elle. C’était mon meilleur bluff.
- Au contraire, grâce à toi, je suis encore plus motivé que jamais. J’ai très envie de faire capoter votre plan.
- Ah ouais ? Alors tu veux continuer à jouer, c'est ça ? Bah bonne chance, écoute. Même si je pense que tes efforts vont servir à rien.
- C'est ce qu'on va voir. Dans ce monde, tu as échoué à m'attaquer par surprise. J'ai gagné.
Je levai le coin de ma bouche en guise de provocation.
- À moins que tu comptes brandir ce couteau de toutes tes forces ? En mettant de côté l’aspect mental, physiquement, le corps de Jiyuri est celui d'une fille. Je suis certain de pouvoir gagner en combat frontal, même si je ne suis pas vraiment sportif.
Toutefois, l'adversaire avait un couteau. Malgré tout, je devrais pouvoir m'en sortir. En termes de muscles, j'étais loin devant. J'allais devoir blesser le corps de la Jiyuri de ce monde, mais c'était surement possible de forcer cet agent à abandonner en la frappant avec des coups de poing ou pieds. Elle n'allait pas en mourir.
Je serrai mes 2 mains pour faire des poings, et me mis en garde en imitant un style de boxeur. Jiyuri se couvrit le visage de sa main droite en me voyant prêt à me battre, et regarda le plafond.
Un rire à haute voix commença à résonner. Ce rire glacial piétinait le salon, symbole de la chaleureuse harmonie de notre famille.
- Haha...hahahahaha. T'es sérieux ?
- ...Hé ?
- Au contraire, c'est rafraichissant de voir quelqu'un d'aussi idiot. Il est vraiment de ma famille, ce type ? Wouah, ça me rend malade d'y penser.
Après avoir bien rigolé, elle me dit au revoir avec un signe de la main.
- ...Allez, à la prochaine, Hideto.
Au dernier instant, elle rapprocha son timbre de voix de la Jiyuri que je connaissais.
Elle prit son couteau à l'envers, la pointe vers le bas, et se le planta dans le ventre. La lame terne du couteau pénétra profondément le ventre de Jiyuri, avant de disparaitre. Le couteau avait un comportement similaire aux couteaux-jouets avec lame rétractable. Cependant, ce n'était qu’une illusion mélangée à un souhait. Une fois dissipée, la réalité cruelle me blâma.
La réalité intangible selon laquelle cette lame était bel et bien plantée dans le corps de Jiyuri.
- Hé...?
Le visage de Jiyuri redevint celui de celle qu'elle était tout à l’heure. Elle était surprise, comme si elle venait de se réveiller d'un rêve. Elle me regarda, et tomba en arrière.
Des éclaboussures de sang jaillirent comme un geyser, et formèrent un motif de pluie sur le plancher en bois.
L’odeur de sang me piquait le nez.
- ...Hide...to...?
Il était déjà trop tard lorsque je courus pour à son chevet. La lueur dans ses yeux s'évaporait. Cette Jiruyi n'avait aucune idée des circonstances de sa mort. Elle a perdu conscience après être entrée dans la cuisine, et quand elle l’a repris enfin, elle était dans cet état. Elle mourra sans même pouvoir maudire son malheur, et comprendre la situation. Elle ne se doutait même pas un peu qu'elle s'était fait tuer par la Jiyuri d'un monde parallèle.
- Jiyuri ! Réponds-moi !
Peu importe à quel point je l'agitais, ses yeux ne regagneraient jamais leur brillance. Je sentais la lourdeur de son sang et de son âme quitter son corps depuis le corps fragile que je tenais dans mes bras.
Devant le cadavre de ma demi-sœur, je serrai fort les dents face à cette défaite.
Son gout était salé. C’était le gout de mes larmes.
Depuis le début, je partais perdant. Dès l'instant où on m'avait pris Jiruyi en otage, je n'avais plus rien me permettant de négocier.
J’aurais beau fuir encore et encore, les Jaunters me rattraperaient toujours. À en croire les mots de la Jiyuri agente, ils allaient continuer sans pitié de blesser ceux que j'aimais, et ce jusqu’à ce qu’ils me brisent.
J'entendis le bruit de mon cœur se fissurer.
...Non, tiens le coup ! Ce n'est pas le moment de lâcher. Il est encore trop tôt pour avoir le cœur brisé.
Je dois fuir.
Sans m’arrêter, et jusqu'à trouver un bon moment pour lancer une contre-attaque.
Me répétais-je incessamment afin de m’en persuader.
Je savais moi-même, et plus que quiconque, que ce n'était que de la simple autosuggestion.

5

Ainsi démarra une grande fuite de la réalité, mais à l’échelle des univers parallèles.
Je fuyais, et les Jaunters du monde avancé me suivaient.
Peu importe à quel point le monde pouvait être heureux, quand ils venaient, ils le mettaient immédiatement sans dessus-dessous. Les victimes ne se sont pas arrêtées à Asami et Jiyuri.
Lors d’un entrainement du club d'athlétisme en ville, un camion ignora les feux de signalements et écrasa Leona. Masuda est morte d’un incendie chez elle le jour où on aurait dû avoir un rencard ensemble. Madame Shouko est morte noyée dans la piscine de l'école durant la nuit, pendant ses heures supplémentaires. Elda est morte dans un crash d'avion qui devait la ramener chez elle en Allemagne, ce dernier ayant explosé pour des raisons encore inconnues. Hinano est parti aux toilettes pendant que l’on bossait en salle du conseil des élèves, et je l’ai retrouvée morte suite à une chute depuis le toit de l’école.
De nombreux malheurs et morts furent dispersés dans les mondes dans lesquels je fuyais.
Les Jaunters du monde avancé, en commençant par Jiyuri, ne ressentaient rien, peu importe ce qu'il se passait dans les univers parallèles. Ils provoquèrent les pires atrocités sans le moindre remords.
Jiyuri et les autres pensaient que les mondes n'allaient finir par faire qu'un. Ils ne souciaient pas de ce qui pouvait arriver. C'était similaire aux joueurs qui n'étaient pas choqués que dans un RPG, le personnage principal ou ses amis meurent à la chaine.
Sans m'en rendre compte, j'avais abandonné de me battre contre le monde avancé. J’accumulais les excuses, je prétendais attendre la bonne occasion pour contre-attaquer.
Après tout, peu importe les évènements, il me suffisait de fuir dans un autre monde. Je m'étais mis à être satisfait de ce petit moment de tranquillité avant l’arrivée des Jaunters.
Peu importe qui mourrait, il me suffisait d’ouvrir une autre porte pour revoir cette personne.
Je ne faisais qu’absorber un bonheur éphémère.
Une fois de plus, je me dirigeai vers une nouvelle porte. Je sortais volontairement de ma tête le fait que le nombre de portes diminuait.
De l'autre côté, les souvenirs d'un bonheur chaleureux m’étreignirent. Je vivais désormais le bonheur du moi de ce monde.
J'accueillis dans ma bouche sèche une félicitée semblable à une goutte de pluie tombée dans le désert.
L'eau de la vie, à la fois douce et froide.
Grâce à elle, il me restait encore la volonté de vivre, du moins, jusqu'à ce que les agents du monde avancé ne viennent ici.
- ...Hé ?
Soudain, je sentis un déjà-vu en voyant les souvenirs qui me traversèrent l'esprit.
Ce n'était pas la première fois que je venais dans ce monde. J’avais déjà vécu ici, et il s’agissait d’un monde dans lequel j'avais juré ne jamais revenir.
Ce fameux spectacle grava une profonde cicatrice dans ce monde.
Je me souvenais de la chute d’Asami pile sous les feux des projecteurs comme si c’était hier. On lui avait diagnostiqué une fracture de stress en cause, et elle fut forcée de définitivement abandonner sa tournée nationale. Asami s’était résolue à abandonner son rêve d’idol, et j’ai choisi de ne pas regarder cette réalité en face.
J'étais venu dans un monde que je n'aimais pas.
Quitte à fuir, j'aurais dû aller dans un monde plus joyeux.
Je fermai les yeux, souhaitant retourner dans le monde des portes.
Cependant, mes souvenirs se synchronisèrent à ceux de l’Hideto de cet univers. Je voyais les évènements qui s’étaient déroulés après ma fuite. Évidemment, ce monde aussi avait continué à aller de l’avant. Tout d'abord, je fus surpris de voir quelque chose auquel je ne m'attendais pas.
- ...Comment c’est possible ?
Afin de vérifier que mes souvenirs synchronisés étaient corrects, je remontai les news des sites d'informations.
« La numéro 1 renait de ses cendres ! » « L’étoile des Supest, mise hors-jeux pour la tournée, a repris les concerts sous une forme inattendue ! » « Malgré un mauvais départ, la tournée nationale des Supest s’est terminée sans incident. »
Des catchs-phrases en désordres félicitaient le succès de la tournée nationale des Supest.
Dans un des articles, il y avait une image d’Asami dansant sur scène. Elle était vêtue d'un costume de scène garni de froufrou ressemblant à des pétales, mais la différence par rapport à la Asami que je connaissais était qu'elle était assise sur un fauteuil roulant. Pas un fauteuil classique, mais le genre de fauteuil à qui on a réduit le poids et donné une grande mobilité, comme ceux que l’on voit dans les sports paralympiques.
« Des rumeurs courraient selon quoi Asami Tomonaga allait abandonner sa tournée nationale suite à une fracture de stress, mais au cours de sa période de récupération, elle apprit à danser avec un fauteuil roulant et marqua les concerts de la tournée, montrant aux fans pourquoi elle est la numéro 1 du groupe. Supest a fasciné les fans grâce à des performances incroyables à chaque concert, mais ils ne peuvent cacher leur surprise et leur joie de voir l’étoile du groupe danser malgré l’adversité. »
Sur la chaine officielle, un extrait du concert la montrant était disponible au public.
Il montrait Asami assise sur une chaise roulante, et faisant tourner fièrement ses roues pour bouger partout sur scène. Elle prenait la main des autres membres, telle une danse de bal, et tournoyait avec splendeur.
- ...Haha, sérieux, je pensais pas qu'elle irait jusque-là.
Je rigolai.
Elle qui avait autant déprimé, elle était parvenue à récupérer.
Cependant, au fur et à mesure que je lisais des articles, je compris que c'était bien plus qu’une simple récupération.
Sa danse en fauteuil roulant avait été acceptée par ses fans avec une fraiche surprise, mais elle avait aussi attiré l'attention d’un public qui n’était pas intéressé par les idols. Les personnes âgées en fauteuil roulant, et les personnes avec un handicap corporel.
Même une fois sa tournée nationale tranquillement terminée, Asami s’est engagée activement à échanger avec des organisations de soutiens de personnes vivant avec un handicap, et les établissements concernés. Des vidéos montrant Asami danser avec des personnes âgées en fauteuils roulants étaient diffusés sur de nombreux sites d'informations.
Ses efforts avaient dépassé le cadre du simple spectacle de divertissement. Asami passait maintenant sur de grandes chaines d’informations de société, ce qui lui permit de gagner de nouveaux fans.
Plusieurs établissements pour personnes âgées adoptèrent une version modifiée de sa danse en fauteuil roulant pour les moments de récréation. Et ce n'était pas tout, dans une chaine d'information publique passant le soir, une femme qui venait de fêter ses 88 ans a dit « Je resterais une fan d'Asami jusqu'à ma mort. » en tenant un éventail a été transformé en clip vidéo, et a fait un énorme buzz sur le net. À la fois parce que c’était marrant, mais aussi un peu beau.
Ainsi, mon amie d’enfance était devenue une idol nationale, dans tous les sens du terme.
...Voilà qui était Asami Tomonaga.
Elle qui était si déprimée suite à sa chute, au point de me dire qu'elle arrêtait d'être idol. Elle avait splendidement repris ses forces. Elle était devenue une top idol, encore plus que n’importe quels autres Asami.
Je ne pouvais pas m'empêcher de rire. J'avais l'impression d'avoir réussi à rire de bon cœur pour la première fois depuis longtemps.
Je ne faisais vraiment pas le poids face à elle. J’avais beau chercher toutes sortes de possibilités à mon sujet, je ne pouvais pas gagner contre la radiance de star qu'elle dégageait.
J'étais d'humeur légère, pour une fois. Soudain, je reçus un appel d'Asami sur le portable que je tenais dans ma main.
- C'est toi, Asami ?
- Hi...Hideto ?
- Ouf, tu as décroché...
La voix d'Asami pénétra mon cœur fissuré.
Mais après avoir entendu les mots suivants, je pris une douche froide.
- Dis, qu'est-ce qui est en train de se passer ?
Une voix confuse. Elle ne blaguait pas.
- Quoi ? Explique-moi.
- Tu...tu me dis d'expliquer, mais... tout est bizarre. Ça n'en finirait pas si j'en parlais un par un. On dirait qu'il m'arrive des trucs pas normaux...
Quelque chose de froid se faufila dans mon dos.
Ce n'était pas le moment d’avoir la tête dans les nuages. Évidemment que les Jaunters allaient venir ici. Ils étaient surement déjà en train de réfléchir à comment tuer Asami maintenant qu’elle était devenue une top idol.
C'était comme si le brouillard devant moi s'était dissipé. Je me repris. Je sentis la flamme de mon envie de se battre se rallumer.
Asami avait eu de la réussite dans un monde que j'ai abandonné. Je ne devais pas refaire la même erreur.
Cette fois-ci, je la protégerais coute que coute.
- D'abord, calme-toi. Il n'y a rien de dangereux à côté de toi ? Ou des gens louches ?
- Non...ça va. J'ai l'air d'être toute seule dans ma loge. Mais...mais qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi je suis ici ?
Elle ne semblait pas être en danger pour le moment. J'étais un peu rassuré, même si je ne comprenais toujours pas de quoi elle avait peur. Je n'allais pas pouvoir bien lui expliquer la situation par téléphone à cette Asami, même si j’avais tout le temps du monde.
Selon mes recherches, il y avait un concert de Supest dans la soirée, aujourd'hui. Asami se trouvait actuellement à l'endroit où allait avoir lieu de concert.
- Bon, je te rejoins tout de suite, alors reste tranquille. Tu m'as compris ?
- ...O...OK... Dépêche-toi de venir, d'accord ?
Je coupai mon appel avec un profond chagrin. Asami regretta que notre conversation prenne fin. Je partis sans tarder.
Je connaissais l'itinéraire à prendre jusqu'à la salle de concert. C'était une boite qui avait accueilli de nombreux concerts des Supest, et j'y étais déjà allé par le passé.
Je n'avais même pas besoin de réfléchir à ne pas me tromper de correspondance, mes jambes descendirent naturellement à l'arrêt le plus proche, et arrivèrent juste à côté de la salle. Il y avait déjà une file d'attente. Toutes sortes d’individus constituaient la file, des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes, et autres. On pouvait voir la diversité abondante parmi les fans d'Asami.
- Hé ? Pourquoi je suis là, moi ?
- Ça y est, t'es devenue sénile, mamie ? T'étais toute contente d'aller encourager Asami, non ?
- Asami ? C'est qui, déjà ?
Je jetai juste un léger coup d'œil à cet échange entre une jeune fille et sa grand-mère, et me dirigeai vers l'entrée réservée au personnel.
Ah, maintenant que j'y pense, j’ai pris mon laissez-passer ? ...OK, je l’ai pas.
Trop tard pour faire machine arrière, je tente ma chance. Je courus dans le couloir en tentant le tout pour le tout, et arrivai à l'entrée de derrière, mais je ne voyais de garde nulle part. C'était très imprudent de leur part.
Les Jaunters auraient déjà commencé à agir ?
Cette supposition sinistre donna de l’énergie à mes jambes. Je ne savais pas si je pouvais vraiment dire que j'étais chanceux, mais le personnel avait l'air d'avoir des problèmes. Ils n'avaient pas le temps de s'occuper de moi.
- Pourquoi Shoumei ne vient pas ?
- Hé ? C'est le concert des Supest aujourd'hui ?
- Merde, il manque du monde ! On va pas pouvoir démarrer à ce rythme. Asami n’a pas l'air dans son assiette non plus.
L'ambiance était inquiétante, mais cette confusion m’évita les ennuis, et j’atteignis la loge dans laquelle patientait Asami.
J'ouvris la porte violemment. Asami se faisait petite dans un coin de la pièce, comme un animal fragile. Ses yeux brillèrent en me voyant.
- AH ! Hidetooooooo ! Ouf, tu es venu.
Elle a dû se sentir vraiment seule. Elle courut vers moi comme un enfant perdu qui revoyait ses parents.
- Je suis content que tu ailles bien, mais il est encore trop tôt pour souffler. Il y a des soucis un peu partout, on dirait. Tu peux m'expliquer vite fait ce qu'il se passe ici ?
Asami secoua sa tête sur mon torse.
- Moi non plus, je ne comprends pas bien. Quand j'ai repris connaissance, j'étais ici, et ma manager m'a annoncé qu'il me restait qu'une heure avant le début du concert. Je m’y attendais pas.
- ...Et donc ?
- J'ai paniqué, alors je lui ai demandé de sortir pour le moment. Ensuite, je t'ai appelé, et j’ai pas bougé de cette pièce.
Hm ? Je ne voyais aucun signe d’interférence monde avancé.
- Attends. Personne ne veut te tuer ? T’as pas vu des gens louches dans le coin ?
- No...non ! Pourquoi tu penses à des trucs horribles comme ça ?
À l'inverse maintenant, c'était moi qui étais surpris.
- Alors pourquoi t'es autant effrayé ?

- Bah, ça fait un moment que j'ai arrêté d'être idol. Alors pourquoi tout le monde se comporte comme si j’en étais encore une ?

Ah. C'était donc ça, le problème.
Les pièces du puzzle en désordres s'assemblèrent parfaitement.
- Euh, je dois te demander un truc, d’abord. Après que tu sois tombée pendant ton concert, tu as arrêté d'être idol, pas vraie ? Et après, tu n'as pas participé aux concerts en fauteuil roulant ni dansé en chaise roulante avec des vieux dans des établissements de retraités, c'est ça ?
- En chaise roulante ? No...non, jamais.
Ses iris affichaient de la confusion. Je réalisai enfin.
La fusion des mondes parallèles avait bel et bien eu lieu ici aussi.
Il s'agissait du même phénomène que lorsque Asami s'est soudainement mise à me dire que j'étais un harceleur, à l'aquarium. Celle devant moi n'était pas la Asami de ce monde. C'était une Asami Tomonaga d'un monde qui s'était terminé sur sa décision d'arrêter sa carrière d'idol, et de ne pas reprendre. Une Asami qui avait pris un chemin complètement différent de celle de ce monde. Évidemment qu'elle prendrait peur si on l'amenait dans ce genre d’univers sans prévenir, alors qu'elle est redevenue une fille normale.
Les nombreux problèmes qui avaient eu lieu dehors et à l'intérieur du bâtiment étaient donc causés par la fusion des mondes parallèles.
- J'ai paniqué pour rien, c'était juste ça.
Dès l'instant où je compris que les griffes du monde avancé ne s’étaient pas rapprochées pour le moment, la fatigue gagna tout mon corps d'un coup, et je m'assis sur un tabouret à côté de moi.
- Hé ? Pourquoi t'es rassuré ?
- Désolé. Ça t'a surement surprise, mais ça dépend de comment on voit les choses. C'est peut-être l'occasion pour toi d'en apprendre plus sur une autre toi.
- Une autre moi ?
Asami était perplexe. Je lui racontai brièvement l'existence des mondes parallèles.
Elle ne semblait pas me croire complètement, mais je lui montrai sur mon portable des articles et les réactions sur le net des activités de la Asami de ce monde. Elle commença à comprendre petit à petit.
- Vrai...vraiment ? Moi ? J'ai fait ça ? J'arrive pas à y croire.
Elle fixait intensément sa performance en fauteuil roulant sur scène.
- Regarde sur ton téléphone.
Elle prit timidement son téléphone posé sur la table, ou plus précisément, le téléphone de la Asami de"ce monde. Elle ouvrit les données à l'intérieur, et les observa. L’autre Asami s'était enregistrée en privé, et il ne s’agissait pas d’images prises par les news ou des fans.
Il y avait des vidéos d’Asami en train de s'entrainer à danser en chaise roulante, de discuter avec les membres de Supest avant le concert, d’autres où elle a rendu visite à divers instituts contre le handicap après avoir terminé sa tournée nationale.
- Tu as peut-être arrêté d'être une idol, mais dans ce monde, tu t’es relevé. C'est dingue. Qui aurait pu croire à ce moment-là que cette chute te ferait monter encore plus haut dans le milieu.
Asami ouvrit grand les yeux, surprise.
- ...C’est vrai, la tournée a l'air super amusante. Que ce soit les fans ou les autres membres, tout le monde est heureux.
Je savais ce qui est arrivé à cette Asami quand elle a arrêté. Je ne venais que de remarquer, mais les souvenirs du moi du même monde que cette Asami semblait avoir été synchronisée aussi avec les miens.
Je regardai ces souvenirs qui avaient afflué dans ma tête.
Sa déclaration qu’elle se retirait de l'industrie de la musique a eu beaucoup de conséquences. Elle a subi pas mal, non, beaucoup, de diffamations pour avoir abandonné irresponsablement son travail d'idol. Toutefois, son agence a respecté sa volonté. Elle annonça publiquement que la fracture de stress d'Asami à l'origine de son arrêt était de la responsabilité de leur agence pour ne pas avoir pu ajuster son planning correctement.
Grâce à ça, les critiques violentes ont diminué. La deuxième plus populaire du groupe des Supests prit la place d’Asami au centre du groupe, et Supest prit un nouveau départ. Le groupe n'avait plus autant de succès qu'avant auprès du public, mais il conservait une popularité stable.
Asami quant à elle, était redevenue une jeune fille banale. Bien sûr, on l'a regardé bizarrement quand elle a mis fin à sa carrière. Les médias la suivaient partout, tout n'était pas rentré dans l'ordre. Le titre d'ancienne idol était gravé au fer rouge sur elle.
- ...Hahaha, ça me rassure un peu. Dans mon cas, j'ai embêté tout le monde jusqu’au bout. ...Ce monde était donc possible aussi. Je vois.
Asami regardait attentivement les articles et vidéos, comme si elle avait de la nostalgie pour son soi qui n’a pas arrêté d’être idol. Il y avait de petites larmes dans ses yeux, observant son portable.
- ...Euh, désolé.
- Hm ? Pourquoi tu t'excuses ?
Après s'être essuyée les yeux, elle se tourna vers moi.
- ...Je me disais que peut-être, il aurait mieux valu que tu ne saches pas au sujet de cette Asami. Celle qui a continué.
- Tu penses que je regrette ne plus être idol, maintenant ?
- Oui.
Être évasif ne fonctionnait surement pas sur une amie d'enfance.
- Désolé, si je t’ai fait penser que tu n'aurais pas dû abandonner d'être idol.
- Haha, t'es direct. Ça te ressemble bien.
Elle afficha un gentil sourire.
- Mais je n'ai aucun regret. Je pense du fond du cœur que j'ai bien fait d'arrêter, même maintenant.
Je m'apprêtais à lui dire « Tu n'as pas besoin de me mentir », mais je m'arrêtai.
Non pas parce que j’ai hésité. En fait, je ne la sentais pas du tout triste. Elle était claire et limpide dans son attitude, tel un ciel bleu dégagé. Elle ne jouait pas avec ses cheveux comme quand elle mentait.
...N'avait-elle pas de regret ? Réellement ?
- Ah, t'es surpris, pas vrai ? Hmm. Ça m'étonne pas. Après tout, tu sais mieux que quiconque que j'avais toujours voulu être idol.
- Et tu ne regrettes pas ne plus l’être ?
- Non. Pas du tout.
Répondit-elle fermement, comme si son rêve était si petit que ces simples mots suffisaient pour tourner la page.
Comment pouvait-elle être aussi sûre d’elle ? Elle s'est pourtant énormément entrainée à la danse et au chant, non ? Elle n'en avait que faire qu'on se moque de son rêve, elle avait du zèle, de l'énergie, et n'avait besoin de l'aide de personne... Tu brillais tellement que...tu m’aveuglais.
- Tu sais pourquoi je voulais être idol ?
- Depuis gosse t'aimais imiter les idols, non ?
- Oui, c’est vrai, j'aimais ça. Mais je ne cherchais pas sérieusement à le devenir, tu sais ? Jusqu'à ce qu'une certaine personne me dise « T'es naze. ».
- Ah.
Mes souvenirs d'enfance me revinrent à l'esprit. J’avais envie de fuir en courant. Je me redressai correctement sur le tabouret.
- Je suis vraiment désolé pour ce que j'ai dit à l’époque. Je sais que c'est une excuse, mais j'étais pas sérieux en disant ça. C'est juste que les gosses à cet âge ne disent pas ce qu’ils pensent vraiment…
Et tout particulièrement devant la fille qui nous intéresse.
- Haha.
Asami se remémora cette époque, et sourit.
- T'inquiète pas, je suis pas en colère. Moi aussi, j'étais une gamine à l'époque, alors je l'ai pris super sérieusement. Je voulais absolument te prouver que tu avais tort, et j'ai demandé à ma mère qu'elle m'aide pour mes chants. Et j'ai pris ma revanche à ta fête d'anniversaire.
Ce jour-là était encore engravé aujourd'hui dans les cellules de mon cerveau. C'était aussi le jour où l'idol Asami Tomonaga était née.
- Quand tu m'as dit que j'étais super, j'ai eu l'impression que mes efforts avaient été récompensés, je m’en souviens encore, j’étais trop contente.
- T'étais vraiment super. Maintenant je peux le dire. Sérieux, j'étais sur le cul. Tellement que le gosse que j’étais a dit sans faire gaffe ce qu'il pensait vraiment, et sans être gêné.
- Héhé, merci.
Elle montra un grand sourire, affichant ses dents blanches.
- J'ai gouté à la joie de rendre les gens heureux avec des chansons et de la danse en étant gosse, donc c'est pour ça que j'ai voulu devenir idol.
- ...Et pourtant, tu ne regrettes pas d’avoir arrêté ?
- Non, pas du tout. J'ai choisi cette voie de moi-même, alors je ne regrette rien. Ça m’a permis de prendre conscience que ce rêve était un malentendu.
- Hein ? Mais là, tu viens de dire que tu voulais faire plaisir aux gens en chansons, non ?
- Euh, oui. Et comment dire...en fait, je faisais fausse route...
Asami sourit, embarrassée, et se gratta ses joues rouges comme le soleil couchant.
- Après avoir arrêté ma carrière, je suis plus ou moins redevenue une fille normale, juste ta copine. Se marrer ensemble sans se soucier des autres, faire des sorties, se tenir par la main, puis se marrer encore pour pas grand-chose. Et en continuant ces choses-là, en me la coulant douce, j’ai enfin pris conscience de mon vrai rêve.
Asami me regarda avec des yeux innocents.
L'aura d'idol qu'elle avait autrefois s'était dissipée. C’était une fille ordinaire qui se tenait devant moi désormais, mais elle n’en restait pas moins une fille irremplaçable à mes yeux.

- Je ne voulais pas devenir l'idol de tout le monde, mais juste ton idol à toi.

Asami Tomonaga n’avait plus aucun titre. Elle n'était ni la numéro 1 des Supests, ni une idol nationale.
Elle ressemblait à une fille que l’on pouvait trouver partout ailleurs.
- Il n’y a qu’à toi que je veux faire écouter mes chansons. Que toi que je veux émerveiller avec mes danses. Que toi, que je veux rendre heureux. Il n’y a que ton sourire que je veux voir, et que toi à qui je veux montrer mon sourire. J'ai pris un très, trèèèèès long détour sans m’en rendre compte, mais après avoir arrêté ma carrière, j'ai fini par prendre conscience du rêve que je voulais vraiment réaliser.
Je ne reconnaissais pas cette Asami.
Était-ce vraiment mon amie d’enfance ? Où était passée la Asami qui ne pensait qu'à être idol, et qui était toujours très stricte avec elle-même ?
Son regard doux retourna une nouvelle fois sur la vidéo en cours sur son téléphone. On y voyait Asami, heureuse et souriante, entourée de tous ses fans.
- Je pense que cette moi est incroyable. Elle est super, vraiment. Moi-même, je pensais pas que je deviendrais une idol qui rendrait heureux autant de monde, et je ne compte pas faire comme si elle n'existait pas, mais j'ai quand même de la peine pour elle. Cette Asami dans la vidéo va surement continuer de prendre des détours, sans jamais s'arrêter. Je me demande si un jour, elle prendra conscience de ses véritables sentiments.
Elle afficha un regard compatissant.
Elle avait de la pitié pour l’autre Asami, celle devenue une top idol, comme si elle pensait que cette autre Asami était en tort.
- ...Enfin, elle a aussi fait son choix. Elle a décidé de poursuivre dans sa voie d’idol, alors elle ne n’a surement aucun regret non plus. Même si je lui parlais, elle me dirait que la voie qu'elle a choisie est forcément la bonne. Je le sais bien, je suis bornée, haha.
Asami rigolait, comme si elle parlait d’elle. Et c’était le cas.
....Avoir raison. Avoir tort. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
C’était quoi, une Asami Tomonaga qui a raison ? Qui pouvait décider si elle avait tort ou non ? Certainement pas moi. Elles avaient chacune fait leur choix, alors n'était-ce pas à chacune d'entre elles de décider si elles avaient tort ou non ?
Que ce soit la Asami encore idol, ou la Asami banale, aucune des deux ne regrettait leur choix. Elles accepteraient surement les échecs, les erreurs, les malheurs, tant qu’il s'agit des conséquences de leur décision.
Est-ce que je ne faisais pas fausse route depuis le début ?
Le bon monde, la mauvaise histoire de l’humanité et j’en passe. Ce n'était pas quelque chose que quelqu'un d'un autre monde pouvait classer à sa guise. Chacun de ces mondes n’était que le résultat des choix de leurs habitants. Moi qui allais et venais dans les univers parallèles tout en leur collant arbitrairement des étiquettes, quel monde est bien, lequel ne l’est pas, est-ce que je ne faisais pas la même chose que le monde avancé, au final ?
Je comprenais enfin.
Pourquoi n'avais-je pas remarqué jusqu'à maintenant quelque chose d’aussi simple et si important. J'étais vraiment un idiot.
...Je voulais le dire à Jiyuri, et à la Asami du monde avancé.
Soudain, le bruit fort d'une alarme me ramena à la réalité.
- Hé ? Il se passe quoi !?
Asami paniqua.
On sortit de la loge en courant. Le couloir était rempli d’une fumée blanche. On aurait dit un brouillard. Il n’était pas naturel.
- C'est...de la fumée de mise en scène ? Mais, pourquoi ici ?
Ce genre de fumée était souvent utilisé sur scène pendant des concerts. J'ai déjà vu de la fumée blanche sortir rapidement d’une machine posée dans un coin de la scène autrefois. L'alarme s'était surement déclenchée à cause de cette même fumée.
J'eus un mauvais pressentiment. Cette fumée ne semblait pas avoir été provoquée par quelqu’un du staff. J'avais l'impression qu’une sorte d’hostilité cachée se rapprochait de nous.
- Asami, me lâche pas !
Je serrai sa petite main dans la foule confuse, afin que l'on ne se perde pas.
- Dis, d'où vient cette fumée ? Je vois rien.
- Qui est l'abruti qui a démarré la machine à fumée dans le couloir ! Dépêche-toi de l'éteindre !
- Ne courez pas ! C'est dangereux !
C’était le chaos. Beaucoup de cris retentissaient. Le personnel était en colère à cause de l'alarme et de cette fumée soudaine.
La fumée gagnait peu à peu en densité. Normal dans un couloir étroit comme celui-ci. Au début, c'était comme avoir du brouillard dans le champ de vision, mais maintenant, il était tellement épais qu'on ne pouvait même pas voir devant nous. La seule chose que je ressentais était la douceur de la main d'Asami que je tenais.
Bref, il fallait trouver un endroit sûr.
- Hide…to… !
De l'autre côté de la main que je tenais, j'attendis un petit cri venant Asami.
Bam. Le bruit de quelque chose qui tombait au sol retentit.
Le bras que je tenais devint soudainement lourd. Tiré par ce dernier, je tombai aussi.
- Asa...mi...Asami !
Je criai son nom, mais pas de réponse. La fumée recouvrait ma vue. Je ne voyais pas bien Asami, elle aussi à terre.
- ...
Je plissai quand même les yeux dans l’espoir de la trouver, et la silhouette que j'aperçus enfin dans la fumée était celle de...
- ...Ji...yu...
Elle se tenait calmement devant moi, un léger sourire aux lèvres. La lame qu'elle tenait dans sa main droite donnait l’impression de briller dans la fumée blanche. Elle était couverte d'un rouge écarlate. Les gouttes qui coulaient de cette lame étaient du sang. Celui de qui ? Ça allait de soi.
Même dans ce monde, Jiyuri était une fan des Supest, et elle est donc venue au concert. La Jiyuri du monde avancé en a profité pour entrer son corps, voler la machine à fumée qui se trouvait quelque part dans le bâtiment et foutre le bordel. Dans la confusion, elle s’est cachée dans la fumée pour poignarder Asami dans le dos. Surement quelque chose du genre.
OK. Je le reconnais. Dans ce monde aussi, tu as gagné.
Mais tu ne me briseras plus. Je me battrais jusqu'à mon dernier souffle. Si tu veux me courir après, alors donne tout ce que tu as, ma grande.
Je continuerais de fuir, encore et encore et encore. Et à la fin, je sortirais vainqueur. J’espère que t'es prête.
Allez, je prends la fuite, une fois de plus.
Si tu comptes me suivre, alors moi aussi, je vais continuer de fuir.
Cependant, cela ne va plus être la seule chose que je vais faire.
Je vais te montrer que le désespoir peut aussi rendre les lâches courageux, tu vas voir.