Goodbye to Multiverse Youth, Connect to the Only You : Tome 1 Chapitre final : Au bout d’un voyage sans fin

From Baka-Tsuki
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1

Une odeur de désinfectant me piqua le nez.
J'ouvris doucement les paupières, et un plafond couleur crème m'attendait. Je regardai autour de moi, et aperçus une fenêtre couverte par un rideau blanc propre, une petite table, ainsi qu’une intraveineuse. J'étais allongé sur le dos sur un lit, surement dans un hôpital.
J'essayai de me lever, mais échouai. Tous mes muscles étaient contractés. Je tentai de sortir ma voix.
- ...
Mais seul un bruit d'air sortit de ma bouche. Ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait considérer comme une voix.
Si j'étais bel et bien dans un hôpital, quelqu'un allait surement venir ici pour vérifier que tout allait bien. Je pouvais attendre ce moment, mais autant essayer de faire quelque chose. Je voulais choisir moi-même mes possibilités désormais, c’était ma petite fierté, en quelque sorte.
Je forçai donc mes muscles devenus fainéants, et bougeai le bras droit. Ma main droite rampa au-dessus des draps telle une limace, et arriva au bouton à mon chevet. Il servait à appeler l’infirmière. J’appuyai dessus.
Je ne fis rien de plus, et pourtant, mon corps était aussi fatigué qu’après avoir couru un marathon. Rien d’étonnant. De la réhabilitation s’imposait.
J'écoutais tranquillement les bruits de pas des infirmières courant jusqu’à ma chambre.

2

Bien. À partir de là, ce fut difficile.
Tout juste après avoir eu des retrouvailles émouvantes avec mes parents, de nombreux examens complets de mon médecin en charge m'attendaient. Apparemment, suite à une commotion cérébrale causée par mon accident, j'étais resté dans un état inconscient. Le médecin ne savait pas non plus du tout pourquoi je ne me réveillais pas, et ne savait pas non plus pourquoi j'avais repris connaissance.
Heureusement, à l'exception de quelques muscles qui s'étaient affaiblis suite à tout ce temps passé allongé, je n'avais à première vue pas d'autres problèmes particuliers.
- J'ai vu les résultats de l’URM, et il n’y a rien d’anormal. La dernière fois, il y avait un petit hématome proche du néocortex cérébral, mais on dirait qu'il a guéri naturellement. C'était très rare, vous savez ?
M’a dit le médecin qui s’occupait de moi.
Ensuite, la réhabilitation m'attendait. Toutefois, les infirmières et mes parents m'avaient massé le corps pendant que j'étais inconscient, alors il me restait le strict minimum en force. De plus, ma tête n'avait pas oublié comment bouger.
Environ un mois après avoir repris connaissance, mon hospitalisation prit fin. Toutefois, j'avais encore besoin d'aller à l'hôpital pour des examens réguliers. Malgré ça, on m'autorisa quand même à rentrer chez moi.
Je me remémorai ce que j'ai vécu pendant mon sommeil. Néanmoins, les détails étaient entourés de brouillard. Je me disais juste ah oui, j'ai vécu ça, comme si ça n’avait été qu’un rêve.
Même en fermant les yeux, je ne parvenais plus à accéder au monde des portes. Je voyais juste le fond de mes paupières. Les mondes parallèles avaient surement tous disparu, et été absorbés dans le monde originel.
Concernant mon cerveau, celui-ci guérit naturellement, et ma faculté de contraction des possibilités refonctionnait. Je ne pouvais désormais plus observer les possibilités, et les mondes parallèles ne pouvaient plus naitre.
Maintenant, je n'avais plus aucun moyen de vérifier si tout ce qui s’était passé dans les mondes parallèles avait vraiment eu lieu, ou s’il ne s’agissait que d’un rêve.
Bon, c'est pas tout ça, mais je fais quoi, maintenant ? Actuellement, je passais mon temps chez moi, sans aller à l’école ou autres.
Officiellement, j'avais plus ou moins compléter le cursus du collège, mais évidemment, je n'avais pas passé d'examen pour quel lycée que ce soit. Même si ce n'était pas encore pressant, j'allais tôt ou tard devoir choisir ma voie.
Dans ce monde, en cas d’échec, je ne pouvais plus changer de vie. J’allais devoir porter mes responsabilités quant au chemin que je choisirais. Il n'y avait rien de plus effrayant. J'en avais eu l'expérience dans le monde unifié aussi, mais m'habituer à cette sensation allait prendre du temps. C'était une réhabilitation bien plus impitoyable, pour moi.
En regardant les infos, je fus témoin, contre mon gré, de plein d’erreurs dans les choix de l’humanité. On ne pouvait ni repartir de zéro ni changer de choix, alors pourquoi les humains étaient-ils aussi irresponsables ? Et en plus, les choix qu’ils faisaient étaient dangereux.
Que je le veuille ou non, les mots de l’Hideto du monde avancé me revenaient à l'esprit.
La diversité des histoires. En réalité, n'avait-il pas raison ? Est-ce qu'un monde sans discrimination, préjugé, guerres, et dans lequel l'humanité cherchait juste à aller de l'avant, n'était-ce pas ça, un monde bien ?
C'était trop tard désormais, mais j’y repensais de temps en temps.
- Sur ce, notre invité aujourd'hui est Asami Tomonaga, la leader des Supest, un groupe d’idol très en vogue en ce moment. Vas-y, entre, je te prie.
- Saluuut, c'est moi, Asami ! Dans deux semaines, notre nouvel album, « Toi qui regardes ailleurs » sort, alors je suis venue pour en faire la promo.
- Hahaha, toujours franche, n'est-ce pas ? J'ai entendu dire qu'apparemment, tu te serais chargée d'une partie des paroles ?
Quelque temps après être sorti de l'hôpital, pendant que je zappais sur les chaines chez moi, dans un programme d'information de la journée, je tombai sur une jeune fille que je connaissais. Des cheveux mi-longs et bouclés aux pointes, de grands yeux vifs, et un éclatant costume de scène. Même à la télévision, elle ne cessait de dégager une certaine aura. Elle était vraiment faite pour être idol. L’éternel numéro 1 de son groupe.
Pendant que je dormais comme un loir, Asami avait pleinement réalisé son rêve dans ce monde.
En la voyant, quelque chose en moi s’enflamma. De toute façon, ce n’est pas le temps qui me manquait, alors bougeons un peu. Je vais chercher quelque chose qui pourrait me servir pour mes futurs choix.

- Oui. En fait, les paroles de notre nouvelle chanson ont pour thème un rêve que j'ai eu récemment...

3

Quelques jours après m'être décidé, j'ignorai les inquiétudes de mes parents et me rendis à un certain endroit. Ce souvenir commençait à disparaitre, alors en cours de route, je me trompai de gare à descendre, je perdis mon chemin, mais je finis par arriver devant une maison.
Si mes souvenirs sont exacts, c’était une propriété louée. Cependant, le nom Miyazawa était inscrit sur la plaque d’entrée. Il s’agissait du nom de jeune fille de ma mère, et le nom de famille de mon oncle.
- Euh, c’est pour nous ?
Je me retournai sur le champ. Une jeune collégienne avec des couettes sur le côté me regardait avec méfiance.
- ...Pardon. Je cherchais la maison d'un ami qui habite dans le coin, il a le même nom de famille, Miyazawa, alors je croyais que c'était ici.
Je trouvai une excuse au pif. Jiyuri se montra un peu plus détendue.
- Ah, c’est pour ça. Désolée de vous demander, mais, c'est un garçon, cet ami ?
- Euh, oui. Du même âge que moi.
- C'est pas chez nous alors. Il y a juste mes parents et moi qui habitons ici. ....Euh, est-ce qu’il y avait quelqu’un avec le même nom de famille dans le coin ? Hmm.
- Ah, non, c'est bon. Je vais chercher moi-même. Merci, c'est gentil.
- Vous êtes sur ? Désolée de ne pas pouvoir vous aider plus.
Elle baissa la tête. Ses chouchous bougèrent comme des pendules.
Je souris en silence, et partis.
J'étais rassurée. Jiyuri avait l'air de vivre avec ses parents, et d'être heureuse. Je dois avouer que je me sentais un peu abandonné, mais normal, nous étions dans le monde originel.
Le dos tourné à ma demi-sœur d’autrefois, je m'apprêtais à partir quand soudain.
- Euh, on ne s’est pas déjà vu quelque part ?
Je m'arrêtai et me retournai hâtivement. Jiyuri me regardait avec les sourcils froncés et le visage très sérieux.
- Désolée de vous arrêter, c'est juste que, je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression qu’on s’est déjà croisé avant... C'est bizarre ce que je dis, pas vrai ? Je sais, mais vraiment, ça m'interpelle.
L'espoir qu'elle se rappelle gonfla d’un coup en moi, comme un ballon dans lequel on met de l'hélium.
- ...Probablement...à l'enterrement...de mon grand-père, je crois...
Cette réponse explosa brutalement ce ballon d'espoir qui avait grossi dans mon cœur.
Elle avait raison. J’ai aussi rencontré Jiyuri dans le monde originel, mais une seule fois. La famille de mon oncle a aussi participé à l'enterrement de mon grand-père. Sa famille et la mienne avaient juste discuté un peu, rien de plus.
- ...Ah bon ? Je me souviens plus.
Dis-je en cachant ma solitude.
Même si je lui révélais qu'on était cousins, ça ne changerait rien à notre relation actuelle. Peut-être qu'on se verrait de temps en temps, mais ça n’en valait pas la peine. La jeune fille devant moi n'était pas ma demi-sœur. Cette Jiyuri avait sa propre famille. Sa propre vie.
Je préfère mettre discrètement fin à ce qui nous liait, plutôt que l’on ait une relation superficielle.
- Je...me souviens plus trop, mais...pendant un instant, j’ai cru que vous étiez quelqu’un de ma famille. ...Haha, désolée, oubliez ce que j’ai dit. Je rentre de mon club de volley, alors je dois juste être fatiguée.
Jiyuri rougit, et prit un sourire embarrassé.
- ...Quand t’es fatiguée, tu devrais te préparer des laits chauds.
- Ça se dit pas « préparer » des laits chauds !
Répondit-elle comme par réflexe.
Juste à cet instant, pendant une fraction de seconde, plus rapide encore qu'un clignement des yeux, Jiyuri prit le même visage que la demi-sœur que je connaissais bien.
On dirait qu’une des possibilités de Jiyuri, celle que je connaissais, contenue à l'intérieur de cette Jiyuri, avait refait surface.
Mais elle disparut immédiatement derrière le visage de la Jiyuri actuelle, comme si elle n’avait été qu’une illusion.
- ...Hé ?
Jiyuri était confuse de ce qu'elle venait de dire.
- ...Bon, je te laisse. Au revoir. ...Prends soin de toi.
Lui annonçai-je avant de partir en courant. Cette fois-ci, Jiyuri ne m'arrêta pas.
On ne se reverra peut-être plus jamais, mais c'était mieux ainsi.

4

Sur le chemin du retour, je pris un petit détour.
Je passai par le lycée que j’aurais dû fréquenter. Le soleil se couchait déjà. Parmi les élèves en train de pratiquer leur activité de club, certains étaient en train de se préparer à rentrer.
J'étais un intrus, je ne pouvais pas entrer dans l'école. J'observais juste depuis le grillage qui entourait la cour, telle une personne louche. Si un policier en patrouille passait, il s'arrêterait tout de suite pour me poser des questions.
Parmi les élèves sortant depuis l'entrée, j’en reconnaissais quelques-uns. La fille qui était avec moi au club d'athlétisme, mes anciens camarades de classe, les membres de l’équipe avec lesquels on avait goutté à l'ivresse de la victoire lors du tournoi de la préfecture, et la professeure en charge. Ils passaient tous à côté de moi sans me remarquer.
Je me sentais seul. Je jetai un œil sur une certaine fenêtre du bâtiment. D'ici, je ne pouvais pas voir l'intérieur de la pièce, mais je n'avais aucun problème à me l'imaginer. De longs bureaux alignés au centre de cette étroite pièce, et les étagères pleines à craquer de documents. L'odeur de thé noir.
Tandis que j’avais le regard fixé à cette fenêtre, soudain, quelqu'un apparut. Non, pas quelqu'un, je la connaissais. Cette personne ouvrit la fenêtre pour prendre l'air, et s'étira. Elle regarda les rues teintées par le coucher de soleil, puis semblait m'avoir remarqué.
- ...?
Au loin, Hinano me regardait avec beaucoup d’attention. Depuis cette distance, je ne pouvais pas voir son regard. Il n'avait probablement rien de particulièrement profond. Elle avait juste croisé les yeux avec un passant en regardant dehors pendant sa pause, pas plus. Elle m'a peut-être pris pour un étudiant de l'école sans son uniforme.
Hinano posa ses deux mains à ses lèvres en guise de mégaphone, et s'apprêta à crier quelque chose.
Toutefois, avant qu'elle n'ait le temps de dire quelque chose, une étudiante, probablement un membre du conseil des élèves, lui tapota l'épaule et Hinano se retourna. Puis, elle se gratta la tête comme pour s'excuser, et s’éloigna de la fenêtre. Hinano disparut au fond de la salle, là où mon regard ne pourra jamais l’atteindre.
Qu’était-elle sur le point de dire ?
Avait-elle l'intention de me dire de me dépêcher de rentrer chez moi, en me confondant avec un étudiant d’ici ?
Ou peut-être, comme autrefois, comptait-elle m'inviter à rejoindre le conseil des étudiants ? Qu'importe, je n’aurais jamais la réponse.
- Merci pour tout.
Je m’inclinai en guise de salut.
Après avoir remercié, je ne sais trop quelle Hinano, je partis du bahut.

5

- Hideto, t’es parti te promener où ? T'en as mis du temps.
À peine rentrer que ma mère m'engueula. Quoi de plus normal, son fils est tombé dans le coma suite à un accident, et après avoir récupéré, voilà qu’il part encore flâner quelque part. Évidemment qu’elle allait s'inquiéter de ne pas me voir revenir alors qu’il commence à se faire tard.
- Dé...désolé. J'étais un peu nostalgique du coin, j’étais parti trainer.
Après m'être sincèrement excusé, je m'apprêtai à retirer mes chaussures.
- Asami était tout spécialement venu te voir, je suis triste pour elle. J'aurais dû lui dire d'attendre.
La main posée sur mes chaussures s'arrêta.
- ...Asami est venue ?
- Oui, il y a 5 minutes. Regarde, elle a rapporté un souvenir. C’est un chou à la crème qui vient de la boutique de confiserie occidentale devant la gare.
Ma mère souleva la boite posée au-dessus du meuble à chaussure.
- Asami n'a pas arrêté de se faire du souci pour toi, tu sais ? Elle prenait le peu de temps qu'elle avait de disponible pour venir te voir quand tu étais à l'hôpital. Tu lui diras merci, la prochaine fois.
- Ouais.
J’étais sur le point de retirer mes chaussures pour la journée, mais mon corps se figea.
Était-ce vraiment une bonne idée de laisser les choses comme elles le sont actuellement ?
Oui, je sais, depuis que je me suis réveillé, je ne fais qu'éviter Asami. Je redoutais ce moment. J'avais peur de voir la vérité en face. Tant que je n'en étais pas certain, je pouvais continuer de garder de fins espoirs qu'elle se souvienne des mondes parallèles. J’étais égoïste.
Si jamais je me rendais compte qu’elle ne se souvient plus de rien, alors je... Cette peur m’empêchait de la confronter.
Mais était-ce vraiment la bonne chose à faire, que de continuer de fermer les yeux sur ces possibilités ? Je comptais continuer de choisir de ne pas choisir ?
Était-ce vraiment ça, prendre mes responsabilités envers les autres Hideto ?
- Désolé, maman. Je ressors un peu.
Je remis mes sneakers que j'avais commencé à retirer.
J'ouvris la porte d'entrée, et marchai sur le chemin menant à la maison d'Asami. Ma réhabilitation était terminée, mais mes muscles étaient encore trop faibles pour me permettre de courir à toute vitesse. Cependant, je m’en moquais. J’allais à une vitesse maximum bien loin de celle de mon âge d'or. Je surmenai mes poumons et mon cœur, et courus.
Après avoir tout donné sur une distance de même pas 5 minutes à pied, il me restait autant d'énergie qu'un coureur qui s'apprêtait à franchir la ligne d'arrivée d'un marathon.
Cependant, j’aperçus enfin son dos.
- ...A..sa...mi !
Essoufflé, je criai son nom.
Lorsqu'elle se retourna, ses cheveux clairs s’agitèrent au vent. Avec le coucher du soleil derrière elle, ils brillaient d'un rouge garance.
- Yu..gami ?
Elle était surprise de me voir.
Elle portait sa tenue incognito. Elle cachait son visage avec de fausses lunettes et portait un chapeau de chasse bien baissé.
- Ça...ça va ? Tu viens de sortir de l'hôpital, faut pas courir comme ça ! ...Hé ? Tu m'as couru après ? Uuuh, désolée. Attends, je vais t'essuyer.
Asami appuya un mouchoir sur mon visage.
- C'est moi qui suis...désolé. T'es venue...spécialement pour moi... En plus, j'ai entendu dire que tu venais souvent me voir pendant que je dormais à l'hôpital. ...Normalement, t’aurais dû être la première personne que j'aurais dû remercier.
- Mais non, pas du tout. T’en fais pas pour ça. Désolée de t’avoir tracassé. ...Mais je suis contente que t’ailles mieux, tu sais. ...Uuh...encore désolée...
Son visage se distordit et elle sourit en pleurant. Elle s'inquiétait pour moi, et était heureuse de ma récupération. Je lui étais reconnaissant pour ces larmes de joies qui coulaient sur ses joues.
En revanche...elle venait de m'appeler Yugami.
Malheureusement, c’était suffisant pour me faire comprendre une chose. C'était définitif. Elle était gentille avec moi, mais pas plus que ça. Il s’agissait d’une gentillesse en tant qu'ami d'enfance, en tant que vieille connaissance. Ce n'était que de l'attention envers une connaissance qui a été victime d’un accident. Elle n'avait aucun souvenir d'autrefois. Il n’y avait là qu’une gentille Asami Tomonaga me souriant.
Non, ce n’était pas étonnant. Voilà la norme. La possibilité qu’elle se souvienne de tous ces évènements aurait été beaucoup trop arrangeante pour moi.
Dans ce monde originel, j'ai passé mon temps dans le coma à cause de mon accident. Je n'étais pas spécialement ami avec Asami. Ma vie était la seule à s'être arrêtée, quant à celle d’Asami, elle n’a fait qu'accélérer. J’ai perdu tout plein de chances d’avoir une vie différente, tandis qu’elle a obtenu celle qu’elle désirait.
Ma déclaration d'amour sur le toit glacial du collège, nos nombreuses sorties ensemble. Plus rien n’existait.
Te décourage pas. Sois pas triste. Cette Asami n'y est pour rien.
- ...Je suis content que tu sois venu me voir à l'hôpital, même si je dormais. Mais Asa...
Je coupai mes mots.
À partir de maintenant, je ne pouvais plus l'appeler amicalement par son prénom.
- ...J'ai l'impression que c'est grâce à tes visites que j'ai pu me réveiller, Tomonaga. Vraiment, merci.
- Hé ? Mais non, j’ai rien pu faire pour toi, alors que t'avais tous ces soucis... Je pouvais que te regarder dormir. T’as pas à me remercier.
Elle baissa la tête, désolée.
- T'en fais pas pour ça, je voulais juste te remercier.
- A...ah bon ? Dans ce cas.. euh...merci ?
Sourit-elle, gênée. J’ai souvent vu ce sourire avant mon accident.
- ...D’ailleurs, j'ai entendu dire que t'étais devenu la numéro 1 des Supest, c'est ça ? C'est dingue, t'as réalisé ton rêve de gosse. T'es surement fatiguée de l'entendre, mais félicitations.
- Hé ? Haha, merci. Enfin, tu sais, c’est parce que tu m’as dit que j’étais naze que j’ai voulu devenir idol.
- Ugh. C'est vrai que j’ai dit ça. Oublie.
- Hahaha ! Mais vraiment, merci. Grâce à toi, je suis pas mal occupée maintenant, même si je suis un peu triste de ne pas trop pouvoir aller au bahut. Je suis dans la mouise avec toutes mes absences…
- Ça a l'air compliqué de faire idol et étudiante à la fois.
- Oui, trooop. Je regrette pas, c’est la voie que j’ai choisie, mais tous les jours je suis super occupée. Je veux vivre comme une étudiante ET une idol. Je suis avare, je veux les deux en même temps. Quand je serais adulte, ça sera fini tout ça, alors ça serait dommage de ne pas essayer d’en profiter pendant que je suis encore jeune.
Qu'une idol nationale aspire à une adolescence normale était amusant. Soudain, une pensée me traversa l’esprit.
- ...Je vais peut-être aller au lycée aussi.
- Hé ?
- Bah, là j’ai fini le collège et je fais plus rien. J'ai réfléchi à abandonner le lycée, et juste me concentrer sur comment passer les examens de qualification d'entrée à l'université, mais en t'écoutant en parler là, tu m’as donné envie d’aller au lycée aussi.
- Et t’as raison ! Je suis sûre que tu t'amuseras !
- Par contre, j'ai gaspillé un an, alors je vais entrer avec les petits. Je vais pas trop me sentir à ma place, mais bon.
Soudain, le visage d'Asami scintilla comme si elle venait d'avoir une super idée.
- Tu devrais venir à mon lycée ! En plus, je suis tellement mal avec mes absences, je vais peut-être redoubler. Comme ça, l'année prochaine, on sera tous les deux des premières années ! Tu te sentiras moins seul, comme ça !
- Un ancien déscolarisé et une redoublante, tous les deux en premières années, tu dis ? Haha.
Je rigolai en m'imaginant entrer dans la même lycée qu'Asami, et être étudiant là-bas. Elle aussi était morte de rire.
Si ça se concrétisait, ça serait surement amusant. J'étais mal à l'aise à l'idée d'être dans la même classe que des gens plus jeunes que moi, mais si Asami était dans le même cas, ça me gênerait peut-être un peu moins.
Je vois. J'ai aussi ce choix, maintenant. Je n'ai pas besoin de réduire dès maintenant les possibilités de futurs encore inconnus. J'eus l'impression que quelqu'un à l'intérieur de moi me souffla ces mots.
- Waa, j'ai trop hâte ! Si on est dans la même année, on pourra participer aux activités ensemble. La fête culturelle, le festival sportif. Ah, et rentrer avec nos camarades de classe, aller jouer quelque part en ville.
- ...C'est vrai. Aller à l'aquarium, au parc d'attractions, ou à un Café pour manger des Parfaits.
- Ah, c'est pas mal l'aquarium, je veux qu'on retourne voir ensemble le spectacle de dauphins ! Ils étaient trop mignons, j’ai trop envie de les revoir ! D’ailleurs, tu m’as acheté une peluche quand on y est allé. Ça me fait penser, où est-ce que je l'ai ran... Hé ?
Ses lèvres éloquentes s'arrêtèrent. Elle semblait avoir remarqué quelque chose d'étrange dans ce qu'elle venait de raconter.
- ...On a déjà été ensemble à l'aquarium ?
S'interrogea-t-elle.
On y a été, oui. Tu n'y croirais peut-être pas, mais un tel monde a existé.
Elle ne pouvait surement plus s'en souvenir. Ce qu'elle venait de dire n'était surement qu'une bulle de petits souvenirs qui a jailli du fond de son inconscience. Elle est montée à la surface de l'eau, et a immédiatement éclaté. Ce n’était que les restes d’une vie mémorisée par les quantums.
Une Asami cachée à l'intérieur de celle-ci a refait surface l’espace d’un instant, et s’est envolée aussi vite.
- ...Qui sait ? On n'y est peut-être allé en famille quand on était gosse.
Je mentis.
Ça m'allait. Les mondes parallèles étaient des possibilités qui auraient pu avoir lieu, mais au début, ils n’existaient pas. Au contraire, conserver des souvenirs de ces mondes était problématique.
Les humains vivaient en choisissant constamment quelque chose, et en tuant plein d'autres versions d’eux même délaissés.
Pour tous ceux que j’ai tués, et tous les autres Hideto que je tuerais à l’avenir, il fallait que je mène une vie sans regret.
Il fallait que je vive dans ce monde unique, où l’on ne peut ni repartir de 0 ni effacer ses erreurs.
Je pris une grande inspiration.
- ...Ça te dit d'aller à l'aquarium un de ces quatre ? Ça te rappellera peut-être des souvenirs, non ?
Le visage jusqu’à maintenant pensif d’Asami s'adoucit, et ses yeux scintillèrent.
- Bonne idée ! On en profitera pour fêter ta sortie d'hôpital ! Je pense que je devrais avoir un peu de temps libre le samedi dans deux semaines, et mes parents n’ont rien à faire non plus, je pense.
- Si possible, je préférais qu’on n’y aille rien que tous les deux.
Je me suis résolu.
Ça peut arriver de faire des erreurs, et évidemment que j’ai peur d’échouer. Si je me trompais, je ne pouvais plus fuir désormais.
Mes erreurs et mes regrets allaient me survivre tout au long de ma vie, comme une ombre. Après tout, je n’avais qu’une seule vie.
Mais justement. C’est ça, être humain. Choisir et ne pas choisir quelque chose était la seule façon pour le simple humain que je suis, de laisser profondément ma marque dans cette galaxie immense.
- Hé ? ...Euh...si ça te va, d'accord. ...Haha, on dirait un rencard.
Ses joues étaient quelque peu rouges.
- ...Pour moi, c'est un rencard.
Ma gorge était sèche à cause du stress.
Ma voix n'est pas bizarre ? J'arrive à bien m'exprimer ? J'avais le cœur qui allait exploser. J'avais la tête qui tournait.
- ...Ah...pour toi...c'est...
Toutefois, je n'étais pas le seul à être nerveux.
Baignée dans le soleil couchant, Asami comprit quelque chose, et attendait mes prochains mots, le visage encore plus rouge que le ciel. Elle avait croisé les doigts au niveau du ventre, hésitante.
Elle ne ressemblait pas à la top idol majestueuse en concert devant son public énorme, mais juste à une jeune fille très ordinaire, comme on en trouve partout ailleurs.
Soudain, je me remémorai les mots de la Asami du monde avancé.
- Bon, je te donne un conseil en guise d'adieu. Je me la raconte en faisant l'idol, mais je reste une fille normale, alors occupe-toi en bien, d'accord ?
T’avais raison, Asami.

- ...En fait, il y a quelque chose que j'ai toujours voulu te dire, avant mon accident. Je sais que ça va juste beaucoup t’embêter vu ton boulot maintenant, alors j'ai pas besoin de réponse. Je veux juste te le dire. Imagine que je dis ça juste pour fêter ma sortie d'hôpital, en quelques sortes.
Ça n'allait pas. Ma voix tremblait.
...Bon sang, qu'est-ce que tu fais, non, je fais.
J'entendis une voix me ressemblant beaucoup. Évidemment, c'était une hallucination.
Une infinité de mains me tapèrent dans le dos comme pour m'encourager. Ça aussi, c'était une hallucination.
Mais effectivement, il y a eu énormément d’Hideto. Ils n'étaient plus que de vagues souvenirs, mais ils étaient encore en moi, sous la forme de vies que j’aurais pu avoir. Je ne serais pas surpris s'ils me regardaient actuellement.
Je ne voulais pas avoir honte envers tous ces Hideto que j’ai tués. Ils me donnèrent un courage sans fond, que je pris avec mes deux mains.
Je ne sais pas ce que l’avenir a en réserve pour moi. Après tout, le futur est incertain.
Enfin, je frappai à la porte de son cœur.

- Je t’aime depuis qu’on est gosse. Est-ce que tu veux bien sortir avec moi ?