Stereopticon Rotation Yozora Jakuin part à l’aventure (2)
- Pfff.
Yozora jeta sa boisson énergisante dans une poubelle en plastique et soupira.
La jeune fille était dans le hall du cinéma, un endroit nostalgique pour elle.
Les posters des films diffusés en ce moment étaient alignés en face d'elle.
Elle posa les yeux sur celui d'un nouveau film de SF. Le slogan était "Je suis enfermée dans cette ville." Quelle coïncidence. Elle se demanda si sa situation actuelle n'était pas quelque chose du même type aussi, la frontière entre la réalité et la fiction était fragile. Rien d'étonnant à ce que ce film fasse pleurer tous les Américains. Du moins, elle-même était prête à fondre en larme d'un moment à l'autre face à sa propre situation.
Je fais quoi, maintenant, se demanda Yozora.
Elle s'était laissée guider par son étrange conviction, et n'avait fait que courir après toute la journée. Néanmoins, ce sentiment disparut avant qu'elle ne puisse trouver Yumetarou.
Trouver des indices et jouer avec son (supposé) superpouvoir était inutile s'il n'y avait pas de conclusion. Yozora déprimait. Elle a même été jusqu'à sécher les cours aujourd'hui afin de pouvoir se concentrer pleinement dessus, mais ça n'aura servi à rien.
◇
Elle se remémora une anecdote.
Un souvenir de ce qui aurait dû être son premier rencard.
Le commencement n'avait rien d’exceptionnel.
Elle avait entendu dire que la suite d'un film d'action qu'elle aimait allait sortir au cinéma. Elle était motivée pour aller le voir, mais personne parmi ses amis ne partageait sa joie.
Elle s'était presque résolue à aller voir le film seule, quand soudain, un jeune garçon également fan du même titre apparut devant elle. Plutôt que d'y aller chacun de notre côté, pourquoi ne pas y aller ensemble ? Proposa-t-il.
---Attends, ça serait pas un rencard !?
Le même jour qu'ils se donnèrent rendez-vous, durant la nuit.
Presque au même moment que le jeune garçon, la jeune fille, elle aussi, arriva à cette même conclusion.
Tous les deux des idiots.
Bien sûr, la jeune fille prenait aussi ce rencard au sérieux. Ce n'est pas qu'elle n'avait jamais réfléchit aux relations amoureuses entre garçons et filles, mais elle ne voulait pas s’occuper de ça et trop s'imaginer ces choses. Du moins, elle ne voyait pas le jeune garçon sous cet œil.
Elle se demanda ce que le garçon pensait de ce rendez-vous. Elle ne voulait pas lui faire espérer à tort qu'il pourrait se passer quelque chose, mais s'il voulait simplement voir le film sans arrière-pensée, ce serait impoli de la part de la jeune fille de prendre ce rendez-vous à cœur.
Elle réfléchit, et en déduit qu'elle ne connaissait rien aux garçons de son âge.
Elle décida juste de ne pas lui porter la honte. Elle demanda à un de ses amis connaisseurs dans ce domaine comment bien s'habiller, mais sans attirer l'attention. Habile toi bien et ne laisse pas paraitre que tu t'es mise sur ton 31, mais s'il remarque pas que tu t'es fait belle, ça fait mal au moral, alors essaye d'attirer un peu son attention, lui dit son amie le visage sérieux et saisissant. La jeune fille acquiesça à de nombreuses reprises.
Le jour venu, sa voisine, Morimoto, tomba dans les escaliers.
Les Morimoto étaient constitués du père, travaillant dans une société de courtage, d'une mère au foyer, de 2 petits garçons, et d’un gros chien. Ils vivaient à 4.
La mère était tombée, et le père était encore au travail. Les garçons de 2 et 4 ans n'allaient pas aider, et encore moins le chien. Il n'y avait personne capable de gérer les urgences, comme appeler une ambulance, contacter le mari, et calmer les petits.
La jeune fille découvrit la scène juste avant de partir pour son rendez-vous.
- Aaaaaaaaaaah !
Elle paniqua.
Elle avait beau paraitre calme et mature d'ordinaire devant les plus jeunes du bahut, elle n'avait que 16 ans. Les problèmes soudains étaient difficiles à gérer pour des enfants peu expérimentés dans la vie.
Sa tête se vida, et elle agit sans réfléchir. Elle appela une ambulance, contacta le mari, calma les petits, donna à manger au chien inquiet qui aboyait, garda la maison pendant que le mari partit en urgence à l'hôpital, et elle s’occupa des enfants surexcités s’amusant à lui rentrer dedans.
Elle n'avait pas oublié son rendez-vous.
Cependant, la pression était telle qu'elle l'avait poussé dans un coin de sa tête.
La jeune fille pria.
Elle pria en courant.
Elle espérait qu'il soit exaspéré, en colère. Bref, rentré chez lui.
Déjà plus de 6 heures s'étaient écoulées depuis l'heure prévue. Normalement, personne n'attend aussi longtemps. Logiquement, il devrait être reparti depuis un bail.
(Mais Yume serait capable de rester... !)
La jeune fille savait que le jeune garçon n'hésiterait pas à attendre.
Alors elle courut. Elle pria en courant.
Et bien sûr, sa prière ne fut pas entendue. Lorsqu'elle arriva sur place, le jeune garçon était là, et il n'était ni exaspéré ni en colère.
- Dé...déso...lée...
Elle était à bout de souffle, mais surtout, elle ne savait pas quoi dire, que ce soit des excuses ou des prétextes.
Le jeune garçon lui tendit une boisson énergisante, et lui dit.
- Beau boulot, Yozora.
...Bien.
La jeune fille était déconcertée, elle ne comprenait pas.
Dans ce genre de situations, la réponse standard n'était-elle pas "Ça va ?", "Je me suis fait du souci, tu sais ?", ou quelque chose comme ça ? Un homme cool ne ferait pas de reproches à la personne, et au contraire, s'inquiéterait pour elle. "Il y a quelque chose qui ne va pas ?" était aussi une bonne réponse. Après tout, elle était si désolée qu'elle avait besoin d'un support mental. Si on lui avait répondu ça, elle serait peut-être tombée sous son charme en un clin d'œil.
Alors pourquoi avait-il dit "Beau boulot, Yozora" ?
- Hé ? Euh... Moi non plus, je sais pas trop pourquoi je t’ai dit ça.
Questionné, le jeune garçon répondit en se grattant la joue.
- J'ai aucune idée de ce que t'as fait, mais je sais que tu t’es vraiment battue aujourd'hui.
Il afficha un grand sourire.
- T'es cool quand tu fais de ton mieux, et aujourd'hui, t'as l'air vraiment super cool. Donc c'est sûr à 200% que t'as dû te surpasser. C'est du syllogisme.
Je vois. Dans ce cas, je comprends que tu m'ais dit beau boulot alors. Logique.
Nan, mais attends, tu déconnes ?
Je me suis démenée pour paraitre mignonne, tu sais ? J'ai mis méga longtemps à choisir mes fringues et j'ai même changé mon maquillage, tu sais ? Enfin, j'ai gâché tous mes efforts en courant à fond pour venir, mais je vois pas pourquoi tu me dis que je suis cool ? La jeune fille aurait pu l'accepter s'il lui avait reproché d'être arrivée en retard. Cependant, ces louanges étaient incompréhensibles.
Elle était complètement perdue.
- ...Haha.
Tellement, qu'à l'inverse, elle en rigola.
Ça va pas, pensa-t-elle.
Elle croyait qu'il s'agissait d'un rencard, mais au final, leur relation n'était pas amoureuse. La jeune fille était incapable de considérer ce garçon incapable de sortir une phrase de tombeur dans cette situation comme un possible prétendant.
La relation entre Yozora Jakuin et Takumu Azekura était surement un peu plus compliquée, et très simple à la fois.
Pour Takumu, Yozora était une ainée cool, et il ne souhaitait pas plus.
Et donc Yozora, quant à elle, le voyait comme un adorable junior qui comptait beaucoup pour elle. C'était pour le mieux.
Un jour, cette relation changera surement, mais elle souhaitait la garder en attendant. Et pour cela, elle se devait d'être quelqu'un de super à ses yeux.
Elle en prit la résolution.
Depuis le jour du rendez-vous, celui où Yozora Jakuin posa un lapin, elle se mis secrètement à prendre une petite habitude.
Les jours où elle donnait le paquet, où elle voulait se faire plaisir, elle allait au cinéma. Non pas pour regarder des films, elle se dirigeait vers le distributeur juste à côté de l'entrée, et buvait une boisson énergisante au gout pas terrible.
Elle s'était conditionnée, comme le chien de Pavlov. Lorsqu'elle se tenait à cet endroit, et sentait le gout de la boisson sur sa langue, elle parvenait toujours à se remémorer le visage du jeune garçon ce jour-là. À se remémorer ses mots stupides prononcés avec perplexité.
Cette routine lui donnait de l'énergie, la détermination d'en faire encore plus.
Cependant.
◇
Et, maintenant.
Je vais juste continuer encore un peu ma pause. Ensuite, je réfléchirais à la suite, pensa-t-elle.
Soudain, elle remarqua quelque chose.
D'ordinaire, le hall du cinéma était habité de pas mal de mondes. De ceux qui s'apprêtent à voir un film, à ceux qui viennent d'en voir un. Autrement dit, 2 types de flux, entrant et sortant. C'était la norme.
Toutefois, personne n'entrait. Tout le monde empruntait le flux sortant.
Les clients n'étaient pas les seuls à sortir. Les employés en uniforme également sortaient tout naturellement. Le nombre de personnes présentes diminuait rapidement. Yozora se demanda s'il n'y avait pas eu une annonce concernant la fermeture du cinéma, même si elle n'avait rien entendu...
- Hé ?
Ses jambes bougeaient toutes seules.
Une peur froide coula dans son dos.
Elle sortait du cinéma, comme les autres personnes, et se dirigeait quelque part. Elle n'avait rien ressenti d'étrange jusqu'à maintenant. Et même maintenant qu'elle avait remarqué cette anomalie, Yozora continuait de marcher.
- Mais...stop !
Elle donna des coups sur ses cuisses à maintes reprises.
Elle ne voulait vraiment pas aller de ce côté.
Elle donna son maximum, et mit de la force dans ses cuisses.
Ainsi, elle reprit le contrôle de son corps, tant bien que mal.
- Quoi ? Mais...
Tout le monde continuait de marcher naturellement dans la même direction. Certains en discutant, d'autres en fredonnant. La route qu’ils empruntaient était dans la même situation. Le trafic partait dans le même sens que la foule, les voies étaient remplies de voiture. Aucune n'allait dans l'autre sens.
Yozora était la seule à rester sur place.
Elle adressa la parole à plusieurs passants proches, mais ils lui jetèrent juste un regard et s'en allèrent. Ils réagissaient, mais ça n'allait pas plus loin. C'était assez étrange, encore plus qu'être ignorée.
Il s'agissait probablement du même phénomène qui a eu lieu proche de Shibuya.
Une sueur froide coula depuis ses joues.
( ---Ah.)
Soudain, elle retrouva son pressentiment. Comment je l'ai appelé déjà, ah oui, Piste de Miettes. Yumetarou n'était pas loin. Elle en était convaincue.
Et comme prévu, cette direction était à l'opposé de celle de la foule.
Un sentiment inconnu, celui de ne pas vouloir aller de ce côté, était né en elle.
Je veux m'éloigner d'ici. Je veux partir. Je veux aller loin. Je veux rentrer. Je veux m'enfuir. Je veux aller ailleurs. Tout plein d'émotions différentes grandissaient les unes après les autres en elle.
Elle n'arrêtait pas de transpirer. Cependant.
- Vendredi, notre relation changera peut-être, mais...
Je sais pas si je suis dans un film de SF, de catastrophe, ou d'horreur, mais je vais pas me laisser faire.
Je suis en pleine histoire sérieuse de jeunesse, vous savez ? On est pas dans une intrigue pleine de rires et de larmes, mais j'ai quand même réservé pour la voir, alors venez pas me casser les pieds, s'encouragea Yozora.
- Je suis encore une ainée cool pour Yume, pas vrai !?
Elle donna TOOUUUUT ce qu'elle a pour prendre son courage à deux mains, et marcha vers l'avant.