Stereopticon Rotation Des cheveux noirs, une peau blanche,

From Baka-Tsuki
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Le soleil s'était rapidement couché.
Il était déjà 19h.
- Bon. Il va falloir que l'on réfléchisse où trouver une chambre pour cette nuit.
Dit Meronie de bonne humeur, qui profitait pleinement de son tourisme.
- Ça aussi ouais. Mais c'est bientôt l'heure, tu sais ?
- Hm ? L'heure de quoi ?
- Les 50 000 secondes. N’oublie pas ton job.
- Hm ? Ah oui, c'est vrai qu'il y avait ça aussi.
Acquiesça-t-elle à plusieurs reprises, sans aucune honte.
- À peu près toutes les 50 000 secondes, une fluctuation a lieu dans cette cabine. On s'en est servi pour entrer, mais on ne sait pas précisément de quel genre de phénomène il s'agit.
- J'aime te voir loyal à ton travail.
Merinoe afficha un grand sourire.
- Mais comment veux-tu qu'on se prépare si on ne sait pas ce qu'il va se produire. Rester tout le temps sur le qui-vive ne va pas résoudre le problème.
- Je sais, mais...
- On verra bien le moment venu. Pour l’heure, j'aimerais plutôt aller voir d’autres...
Ploc.
Une petite goutte d'eau tomba sur le bout de son nez.
- Ah.
- On dirait que ça va tomber.
Le vent ne semblait pas fort que ça. Dans le ciel, les nuages passaient à une telle vitesse qu'on aurait dit une vidéo en avance rapide. Cependant, ce n'était pas le moment d'avoir la tête en l’air.
Il commença immédiatement à pleuvoir fort.
Le duo courra en panique sous l'avant-toit d'une boulangerie proche.
- C'est une averse passagère, elle va vite s'arrêter.
- J'espère.
Répondit Merinoe. Pendant ce temps, le ciel s'assombrissait de plus en plus, et l'averse gagnait en intensité.
Plof. Plof. De gros bruits résonnaient dans un rythme étrange autour d'eux.
- Plutôt que de s'abriter, on aurait dû acheter un parapluie et avancer, non !?
- Peut-être, oui !!
Cria Takumu. Le bruit fort de la pluie couvrait leur voix et les incitait à crier pour se faire entendre.



La pluie ne s'arrêtait pas.
L'intensité diminua au bout d'environ 5 minutes, mais l'averse en elle-même n'avait pas du tout stoppé.
Ils arrêtèrent d’attendre et coururent une petite distance pour acheter 2 parapluies en plastique dans un supermarché.
Autour d’eux, toutes sortes de parapluies tournoyants marchaient dans la rue. Des personnes se frayaient un chemin dans la pluie, comme le duo un peu plus tôt.
- ...On a perdu du temps.
Se plaignit Takumu en regardant sa montre.
- Miam. Oui.
Répondit Merinoe en croquant dans son cornet au chocolat (acheté à la boulangerie en guise de remerciement pour les avoir laissés s’abriter).
- Enfin, je suis plus trop d'humeur pour continuer la visite. En plus, aucun signe de cette fameuse fluctuation.
Merinoe avala ce qu'elle avait dans la bouche.
- Bon, on va chercher un endroit où se loger pour la nuit ?
- Faisons ça. On devrait trouver des cybercafés si on cherche.
- Pardon ? Ça te va de dormir dans quelque chose d'aussi simpliste ? C'est aux frais du gouvernement, alors ça ne te dit pas d'aller boire confortablement du vin dans un restaurant avec vue sur la ville plutôt ?
- On nous a pas donné autant de budgets, tu sais ?
Boire un verre en regardant Tokyo plongée dans la nuit. Effectivement, c'était tentant. En mettant de côté les questions d'argent et de débauche, il est vrai que pour ceux du monde extérieur, il n'était plus possible d'apprécier une vue sur ce Tokyo déjà disparu.
Cependant, le duo n’était pas en position de se permettre ce luxe, dans les deux sens du terme.
- On coupe la poire en deux alors, un hôtel pas cher, mais que…

Une jeune fille se tenait debout.

Takumu se figea. Plus rien chez lui ne bougeait, hormis son cœur qui battait la chamade. Le plus évident était ses yeux. Il était incapable de les retirer de la scène devant lui, comme s'ils avaient été cousus sur place.
- Oh ?
Merinoe suivit le regard de Takumu.
Il y avait une grande intersection.
Peut-être était-ce dû à l'heure, mais il n'y avait pas énormément de trafic. Il en allait de même pour les habitants. Merinoe prêta attention aux quelques personnes qui attendaient que le feu change de couleur. 2 hommes habillés en tailleur. Une étudiante. Une femme au foyer et son enfant qui semblaient tous deux revenir des courses.
- Oh oh.
Une voix obscène, comme pour dire qu'elle avait compris.
Takumu reprit la liberté de son corps, et prétendit être calme.
- Quoi ?
- Celle avec qui tu voulais être sérieux, c'est elle, pas vrai ?
- Co...
mment t’as su ? Takumu se retint de justesse de crier. Il était déjà trop tard. C'est bien elle, pensa Merinoe en prenant un grand sourire malicieux. Takumu avait creusé sa tombe, et tout donné pour qu’elle soit assez profonde.
Une jeune fille se tenait là où il regardait.
Grande et bien droite. Des cheveux noirs descendant dans le dos. Si on demandait à Takumu si elle était belle, il commencerait d'abord par dire qu'il ne pouvait pas être objectif, et déclarerait du fond du cœur. La plus belle au monde.
Il s’agissait bien évidemment de Yozora Jakuin.
Celle avec qui il avait échangé au matin, bien que quelques mots seulement, était là.
- Je vois, c'est donc elle, la vicieuse femme qui a su capturer ton cœur.
- Sois pas malpolie. Elle est pure et innocente.
- Elle n'a pas l'air d'être garnie au niveau de la poitrine. Elle n’est pas à ton gout pourtant, non ?
- Je t'ai dit pas la regarder avec ces yeux dégoutants. Tout est bien chez elle.
- ...Hmm.
Merinoe n'était pas convaincue. Puis elle pencha la tête, pensive.
- Mais tout de même, c'est étrange qu'elle soit ici, et à cette heure-là. Le lycée que tu fréquentais se trouve dans le coin ?
- Hein ?

Suite à ces mots, Takumu remarqua pour la première fois une anomalie.
Évidemment, Saihoku n'était pas ici. Du moins, cette intersection n'était pas sur le chemin par lequel passait habituellement Yozora pour se rendre au lycée.
Il était déjà 20 heures. Bien que l'ordre public du monde d'autrefois, celui avant que les Visiteurs n'y mettent le chaos, était relativement bon, il n'était pas prudent non plus qu'une jeune fille en uniforme scolaire s'y balade toute seule la nuit.
- En plus, elle n'est pas du tout du genre à sortir habillée comme ça le soir...
- C'est une surprenante facette d'elle que tu ne connaissais pas donc. Comment on appela ça déjà, cette façon de se faire de l'argent de poche en déjeunant avec des hommes plus âgés, que seules les belles étudiantes peuvent pratiquer.
- N’importe quoi, c'est pas ça.
Il démentit fort la supposition vulgaire de Merinoe.
- Elle avait probablement un truc important à faire dans le coin. C’est tout.
- Tu es vraiment confiant dans ta façon de déclarer que tu ne sais rien du tout.
- Chut.
Ils observèrent le quartier autour du centre-ville.
Parmi les immeubles, un immense hôpital à côté d’eux attira l’attention de Takumu. À en voir la position de l'entrée par rapport à l'intersection, Yozora venait probablement d’en sortir.
(Elle est venue voir quelqu'un ? Ou alors...)
Il se rappela qu’au lycée, elle semblait fragile.
Elle ne donnait pas du tout cette impression étant donné qu'elle était courageuse et ne montrait pas trop sa vulnérabilité. Cependant, il se souvenait l'avoir vu plusieurs fois être emmenée à l'infirmerie pour des malaises ou quelque chose de similaire.
- Tu es sûr que tu ne veux pas aller la voir ?
- Hm ?
- Tu as autrefois été séparé de ta bien-aimée, et maintenant tu as enfin pu t’en rapprocher jusqu’à cette distance, non ? Il est encore trop tôt pour être satisfait. Tu ne veux pas aller lui parler ?
- ...Je me suis PAS rapproché d'elle, tu sais.
Répondit-il sur un ton léger. Il esquissa un sourire d'autodérision.
Ils s’étaient déjà parlé.
Pendant qu'elle allait en cours ce matin, et de la façon la plus pathétique qui soit.
- On est beaucoup trop éloigné maintenant. La Yozora dans mon esprit est toujours la même qu'autrefois. Mais le Takumu de cette Yozora... le Takumu de 15 ans n'existe plus.
Merinoe inclina légèrement la tête, confuse.
Qui sait si elle comprenait ce qu’il essayait de lui dire.
Enfin, ça lui était égal. Il ne comptait pas lui demander de comprendre les subtilités du cœur sensible des humains. Pas à cette effrontée, cette insensible, cette sans retenue. Et en plus, une Visiteuse.
- Je comprends pas bien, mais en gros tu n'as plus l'intention de la revoir, c'est ça ?
- Oui.
Il acquiesça.
- Juste qu'elle soit en vie, d'avoir pu la voir, ça me suffit largement.
Il tourna le dos.
Il l'avait dit à l'oral pour paraitre fort. Il voulait la revoir, lui parler, lui faire comprendre qu’il était bien Takumu. Ces sentiments continuaient de fumer en lui, prêts à s'embraser à la moindre occasion qui se présenterait, alors il voulait partir d'ici rapidement.
- D'ailleurs, il n’y a pas que l'hôtel. Faut d'abord penser à ce qu'on va manger ce so…
Il jeta à un coup d'œil innocent à sa montre. L'heure actuelle de ce Tokyo y était affichée. 20 heures, 9 minutes, et 31 secondes.

Soudain, il entendit un cri.
- ...Quoi ?
Il se retourna.
Une balle d'environ 20 cm de diamètre roulait sur la route.
Un petit garçon avait sauté sur la route pour la récupérer. C'était sa mère qui avait crié. Elle s'était mise à terre et avait tendu le bras autant qu'elle le pouvait pour attraper l'enfant dans le dos, mais en vain. Sa main ne tenait que du vide.
(Sérieux là ?)
Une étincelle éclata dans la tête de Takumu.
Inconsciemment, il avait déjà commencé à courir. Pendant sa course, il réfléchit calmement. Je suis trop loin. Un gros bus est en train de tourner à l'intersection, dans ma direction. Depuis cet endroit et cet angle, l'enfant n'entre pas dans le champ de vision du conducteur. Autrement dit, je vais pas arriver à temps, quoi que je fasse.
Takumu envoya voler ce jugement de conscience, et courut.
Il tendit une main qui n'allait jamais atteindre l'enfant.
Puis... Non, il fut témoin de la scène.
Une autre main que celle de la mère et de Takumu avait atteint le col de l'enfant. Elle le ramena, sèchement, et le sauva du bus, tout en échangeant de place avec lui dans la foulée.
- Ah...
Pendant qu’il courait.
Pendant qu’il tendait la main.
Takumu avait tout vu.

Des cheveux noirs,
Une peau blanche,
L'uniforme qu’il avait l’habitude de voir,
...se couvrirent de sang.