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Tabi ni Deyou:Voyage (FR)
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== Chapitre 3 : Voyage == <br /> â ... Ăa craint, ronchonna-t-elle, assise sur le siĂšge passager tout en regardant par la fenĂȘtre de devant les nuages qui recouvraient tout le ciel telle une couverture en vieille laine sale.<br /> â Ouais... Peut-ĂȘtre que le soleil a fini par tâabandonner ? dit-il en plaisantant alors quâil essorait ses chaussettes mouillĂ©es dans lâentrebĂąillement de la porte.<br /> La pluie ininterrompue dehors semblait ne pas ĂȘtre prĂȘte de sâarrĂȘter, tout comme les vĂȘtements quâils avaient enlevĂ©s Ă©taient loin dâĂȘtre secs.<br /> <br /> Plusieurs jours sâĂ©taient Ă©coulĂ©s depuis quâils avaient quittĂ© lâentrepĂŽt du boss. Ils avaient suivi la route dĂ©sormais vide en direction de la ville voisine, comme ils lâavaient prĂ©vu. Bien quâils aient fait un petit dĂ©tour en se trompant de chemin, ils avaient fini â avec plus ou moins dâefforts â Ă rĂ©duire la durĂ©e du contretemps Ă une journĂ©e.<br /> HĂ©las, Ă la fin de cette journĂ©e, ils sâĂ©taient retrouvĂ©s assaillis par la pluie.<br /> Peu de temps aprĂšs quâil se soit mis Ă pleuvoir des cordes, ils se retrouvaient dĂ©jĂ trempĂ©s jusquâaux os.<br /> Bien entendu, ils nâĂ©taient pas fous. Ils avaient toujours des K-way avec eux, et ils avaient une toile bleue qui pouvait faire office de tente â ils avaient dĂ©jĂ dĂ» faire face Ă plusieurs orages depuis trois mois.<br /> Cela dit, ces objets ne leur furent dâaucune utilitĂ© cette fois-ci.<br /> Il Ă©tait peu raisonnable de conduire Cubby tout en tenant un parapluie en plastique, et leurs K-ways bon marchĂ©, achetĂ©s dans une supĂ©rette, ne faisaient pas le poids face Ă cette pluie. En plus de ça, la force du vent les empĂȘchait dâinstaller leur tente.<br /> Ils nâeurent donc pas dâautres choix que de partir en quĂȘte dâun abri vĂȘtus de leurs inutiles K-ways tout en priant ciel et terre.<br /> Il Ă©tait difficile de dire si câĂ©taient les dieux qui avaient entendu leurs priĂšres, ou si câĂ©tait un dĂ©mon qui avait eu pitiĂ© dâeux, mais aprĂšs plusieurs heures, quand la pluie avait pĂ©nĂ©trĂ© chaque millimĂštre de leur corps frissonnant de la tĂȘte aux pieds, le garçon Ă©tait tombĂ© sur une voiture â un break â abandonnĂ©e sur le cĂŽtĂ© de la rue.<br /> <br /> Comme les siĂšges arriĂšre pouvaient se rabattre, ils scindĂšrent le break en deux en installant un drap en vinyle au milieu et dĂ©cidĂšrent de se changer. Ils nâen Ă©taient pas Ă leur premier coup dâessai, ils savaient donc exactement comment sâorganiser. Heureusement, la voiture semblait ĂȘtre parfaitement Ă©tanche : il ne semblait y avoir aucune fuite ni moisissure.<br /> Ils enlevĂšrent chaque vĂȘtement un Ă un, entrouvrirent la porte chacun de leur cĂŽtĂ© et lâessorĂšrent tant bien que mal avant de passer au suivant. Leurs vĂȘtements nâallaient pas sĂ©cher si facilement, mais sans ça, ils allaient moisir. Le temps quâils enlĂšvent tous leurs vĂȘtements, changent de sous-vĂȘtements et se soient enveloppĂ©s dans des serviettes, ils se sentaient complĂštement secs.<br /> â Mh, il est quelle heure ?<br /> â Euh... Presque vingt-deux heures. On est bien en retard pour le dĂźner !<br /> â Aah... Alors câest pour ça que je crĂšve la dalle... dit-elle en se frottant lâestomac.<br /> Le garçon Ă©tait parfaitement dâaccord avec elle.<br /> â JâĂ©tais sur le point de nous prĂ©parer un peu de thĂ©, tu veux manger quelque chose de lĂ©ger avec ça ?<br /> â Avec joie. Ăa fera office de dĂźner.<br /> Le garçon ouvrit leurs bagages et sortit un rĂ©chaud de camping et une petite bouilloire. Comme il nâavait pas vraiment envie de se retrouver Ă court dâoxygĂšne, il laissa la porte entrouverte. La pluie qui pĂ©nĂ©trait par lâouverture Ă©tait supportable tant que cela ne durerait pas trop longtemps.<br /> Il posa une planche en bois quâil avait trouvĂ©e dans le coffre sur le siĂšge du milieu et commença Ă faire bouillir lâeau. Avec le cliquetis de la pluie qui sâajoutait Ă lâambiance silencieuse, leur conversation sâĂ©tait finalement complĂštement arrĂȘtĂ©e. JusquâĂ ce que lâeau commence Ă bouillir, lâintĂ©rieur du break nâĂ©tait animĂ© que par le son des gouttes de pluie.<br /> <br /> DĂšs que lâeau bouillit, le garçon Ă©teignit immĂ©diatement le rĂ©chaud et referma la porte pour Ă©viter que lâair chaud ne sâĂ©chappe. Il versa ensuite lâeau dans leurs tasses et glissa un sachet de thĂ© dans chacune dâelles.<br /> Le silence qui sâĂ©tait de nouveau installĂ© fut rapidement rompu par lâĂ©ternuement de la fille.<br /> â Tâas froid ?<br /> â Nan, ça va. Et toi ? La pluie a dĂ» te toucher plus que moi, aprĂšs tout, demanda-t-elle avec un sourire en coin.<br /> Le garçon rĂ©pondit en riant :<br /> â Vous en faites pas, Madame ! Je ne tombe pas malade si facilement, vu que je suis un homme ! Mais vous ĂȘtes une dame, alors vous devriez vous installer confortablement et bien vous couvrir.<br /> Aussi Ă©trange que cela puisse paraĂźtre, la couverture marron avec laquelle la fille sâĂ©tait enveloppĂ©e ressemblait Ă une Ă©lĂ©gante robe quand il parlait de cette façon.<br /> â Madame, votre thĂ©.<br /> Il lui tendit sa tasse bleue.<br /> â Hm, pas mal. Je te fĂ©licite.<br /> Elle se saisit de la tasse et contempla le liquide brunĂątre quâelle contenait. Un fort parfum sâen dĂ©gageait en mĂȘme temps quâune vapeur aussi chaude quâun ĂȘtre vivant, et chatouilla le nez de la fille. ''Câest beaucoup trop fort ! Mais bon, il lâa fait pour moi, alors jâai pas Ă me plaindre''<br /> Le garçon lui tendit quelques carrĂ©s de sucre, quâelle plongea dans sa tasse et remua le tout. Un arĂŽme quelque peu amer mais parfumĂ© la rĂ©chauffa de lâintĂ©rieur aprĂšs quâelle eut avalĂ© une gorgĂ©e.<br /> â ... Câest chaud...<br /> â Faut dire que ça sort tout juste de la bouilloire...<br /> â ... et super amer...<br /> â DĂ©solĂ©...<br /> Ils Ă©clatĂšrent de rire ensemble.<br /> AprĂšs avoir terminĂ© leur simple repas consistant en quelques biscuits et du thĂ© noir, ils sâattelĂšrent Ă quelques tĂąches telles que ranger leurs bagages et vĂ©rifier leurs provisions, et se couchĂšrent aussitĂŽt aprĂšs avoir terminĂ©.<br /> [[Image:Tabi_ni_Deyou_P0210.jpg|thumb| Elle se saisit de la tasse et contempla le liquide brunĂątre quâelle contenait.]] <br /> Au final, ils se rĂ©veillĂšrent quand la montre indiqua sept heures du matin â il pleuvait toujours dehors. MalgrĂ© lâimpression que la pluie sâĂ©tait un peu calmĂ©e, les nuages Ă©taient aussi Ă©pais que la veille et ne laissaient passer aucun rayon de soleil.<br /> Le garçon tortilla son corps et essaya de sâĂ©tirer dans lâĂ©troit siĂšge passager. Il avait dormi plus longtemps que prĂ©vu, il en conclut alors quâil devait ĂȘtre apparemment trĂšs fatiguĂ©. Il Ă©tait pour ainsi dire courbaturĂ©, et Ă chaque fois quâil se tordait tel un poisson rĂ©sistant Ă un pĂȘcheur, un craquement rĂ©sonnait de quelque part dans son corps.<br /> AgacĂ©e par ses mouvements Ă©tranges â ou peut-ĂȘtre simplement en train de se rĂ©veiller â la boule sur le siĂšge arriĂšre, câest-Ă -dire la fille, commença Ă remuer.<br /> Sa tĂȘte sortit de la boule, examina la situation dehors et replongea sous la couverture. Tout en poussant un soupir dĂ©primĂ©, la boule finit par sâasseoir.<br /> â Salut...<br /> â Mh, salut.<br /> Comparativement Ă ses difficultĂ©s rĂ©currentes le matin, elle sâĂ©tait levĂ© assez rapidement pour une fois, ce qui pouvait sĂ»rement ĂȘtre attribuĂ© au fait quâelle avait dormi comme un loir. Ils avaient rĂ©cupĂ©rĂ© de la majoritĂ© de la fatigue liĂ©e au trajet de la veille.<br /> Maintenant que leur besoin de dormir Ă©tait satisfait, lâarrivĂ©e du besoin suivant Ă©tait imminente. Lâestomac du garçon manifesta son dĂ©plaisir par un bruyant gargouillement.<br /> â Je crois que je vais manger maintenant â tu veux quelque chose, toi aussi ?<br /> â ... Nan merci.<br /> Le garçon Ă©tait estomaquĂ©.<br /> CâĂ©tait la premiĂšre fois en trois mois de voyage que ce nâĂ©tait pas elle qui se plaignait dâavoir le ventre vide.<br /> â Tu te sens bien ?<br /> â HĂ© lĂ ... Tu me prends pour une morfale ou quoi ?<br /> â Bah ouais.<br /> Se prĂ©parant Ă recevoir un coup aussitĂŽt aprĂšs, il se protĂ©gea la tĂȘte.<br /> Cependant, il nây eut rien de tout cela. Quelque chose clochait, aucun doute lĂ -dessus.<br /> â Laisse-moi prendre ta tempĂ©rature.<br /> â Non, vraiment, je vais bien...<br /> â Non. Objection rejetĂ©e.<br /> Ă bien y regarder, la couleur de sa peau nâĂ©tait pas du tout normale. Sa peau bronzĂ©e Ă©tait devenue bien pĂąle.<br /> Le garçon se glissa entre le siĂšge passager et le siĂšge conducteur, toujours emmitouflĂ© dans sa couverture, et sâaccroupit au niveau de la fille. Dans sa main droite, il tenait un thermomĂštre quâil avait pris dans leurs bagages.<br /> â Tu te sens mal, pas vrai ? Yâa pas de honte Ă avoir devant moi, alors prends ta tempĂ©rature.<br /> â ... Ok.<br /> Ayant fini par cĂ©der, elle se saisit sans discuter du thermomĂštre et le bloqua sous son aisselle tant bien que mal. Comme elle ne portait rien dâautre que ses sous-vĂȘtements sous la couverture, le garçon sâĂ©tait retournĂ© juste pour ĂȘtre sĂ»r.<br /> Pendant ce temps, il ouvrit leur trousse de premiers secours et regarda combien de mĂ©dicaments il leur restait.<br /> â Je me demande ce que câest. Tâas pris froid ou quoi ?<br /> La fille dĂ©tourna la tĂȘte sans lui rĂ©pondre.<br /> â ... La pluie, jâimagine. Mais câest bizarre, jâai eu aucun problĂšme, moi...<br /> Le moment dâaprĂšs, la fille lâagrippa par le col et le fusilla du regard.<br /> â Il y a ce moment vraiment pĂ©nible que toutes les filles connaissent une fois par mois !! sâĂ©cria-t-elle, ce aprĂšs quoi il battit en retraite et sâagenouilla.<br /> â V-Veuillez pardonner mon manque de tact, Madame...<br /> â ... On dirait que tâas compris. Je crois que ça va durer un moment, mais bon, de toute façon, on est coincĂ©s ici vu quâon pourra pas repartir avant que la pluie sâarrĂȘte.<br /> â ... Franchement, jâai aucune idĂ©e de ce que ça fait, vu que je suis un garçon, alors... Ăa va aller ?<br /> â Hm... Dâhabitude, les miennes sont assez lĂ©gĂšres... mais on dirait que câest pas le cas cette fois-ci... expliqua-t-elle tout en se recroquevillant, en serrant son ventre.<br /> â Tu veux un peu dâaspirine ?<br /> â En fait, jâen ai dĂ©jĂ pris avant de dormir. Lâeffet sâest dĂ©jĂ estompĂ©...?<br /> Les hommes ne sont pas dâune grande utilitĂ© dans ces moments-lĂ . Bien quâils gĂ©raient les mĂ©dicaments ensemble, le garçon nâavait aucun contrĂŽle sur ses affaires hygiĂ©niques, alors il prit simplement un cachet dâune boĂźte qui prĂ©tendait ĂȘtre efficace contre les maux de tĂȘte et les douleurs menstruelles.<br /> â Tiens, et un peu dâeau.<br /> La fille sâassit pĂ©niblement et se saisit de lâeau et du cachet.<br /> â ... En fait, je voulais refaire nos stocks quand on Ă©tait Ă lâentrepĂŽt. Enfin, jâaurais dĂ» en emprunter un peu Ă la secrĂ©taire, mais ça mâĂ©tait complĂštement sorti de la tĂȘte.<br /> â Alors câest ça que tu cherchais ?<br /> â Ouais.<br /> Elle avala le cachet avec un peu dâeau et lui rendit le verre. Habituellement, elle lâaurait vidĂ© de son contenu, mais cette fois-ci, il en restait encore. SĂ»rement que son estomac Ă©tait lui aussi affectĂ©.<br /> Il ingurgita le contenu restant et sâessuya la bouche.<br /> â Tu veux manger quelque chose ?<br /> â ... Non merci.<br /> Il aurait sĂ»rement Ă©tĂ© plus sage de lui faire manger quelque chose, mais il nâavait pas envie de la forcer. Ă la place, il lui tendit de la gelĂ©e vitaminĂ©e quâil avait trouvĂ©e.<br /> Sa tempĂ©rature Ă©tait de 37,9°C. PlutĂŽt Ă©levĂ©e.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Il Ă©tait quatorze heures.<br /> Il pleuvait toujours et lâĂ©tat de la fille avait radicalement empirĂ©.<br /> Au dĂ©but, elle sâasseyait pour se changer par exemple, mais dans lâaprĂšs-midi, elle avait arrĂȘtĂ© de bouger et alternait lĂ©ger sommeil et Ă©veil.<br /> MalgrĂ© lâutilisation de leur dernier antifĂ©brile, sa fiĂšvre avait dĂ©passĂ© la barre des 38°C. MĂȘme le garçon avait rĂ©alisĂ© que ça ne pouvait pas ĂȘtre simplement dĂ» Ă cette chose mensuelle. Il suspectait quâelle avait attrapĂ© un rhume en plus de ça. Ătant donnĂ© quâelle avait Ă©tĂ© exposĂ©e pendant un long moment Ă une Ă©norme quantitĂ© de pluie, il ne pouvait pas Ă©carter la possibilitĂ© dâune inflammation pulmonaire.<br /> MĂȘme sans aller jusquâĂ une pneumonie, comment Ă©tait-il censĂ© gĂ©rer ce type de maladie ? Les seuls mĂ©dicaments quâils avaient se rĂ©sumaient Ă quelques cachets dâaspirines, des mĂ©dicaments contre le rhume et un peu de pommade. Il nâavait rien pour traiter des maladies plus sĂ©rieuses quâun banal rhume. Tout ce quâil pouvait faire, câĂ©tait mettre un tissu gorgĂ© dâeau de pluie sur son front.<br /> Sa vie Ă©tait en danger.<br /> Il ne pouvait quâadmettre son manque de discernement en nâayant pas considĂ©rĂ© pareille Ă©ventualitĂ© durant les trois mois de voyage. Il Ă©tait en fait surprenant que ça ne leur fusse pas arrivĂ© plus tĂŽt, ce qui pouvait ĂȘtre mis sur le compte dâune forte chance et dâun heureux concours de circonstances.<br /> HĂ©las, il nâavait pas le temps de se morfondre sur son erreur. Le garçon se retrouvait confrontĂ© Ă un choix bien plus difficile que tous les examens quâil avait pu passer durant ces neuf annĂ©es passĂ©es Ă lâĂ©cole.<br /> <br /> Rester ici et tout miser sur le systĂšme immunitaire de la fille ?<br /> Ou se rendre seul Ă la ville voisine Ă la recherche dâun docteur ?<br /> <br /> Les deux solutions comportaient des dĂ©fauts qui sâaccumulaient pour atteindre une hauteur digne du Mont Everest.<br /> o Il ignorait certes si son systĂšme immunitaire pouvait venir Ă bout de cette maladie, mais dâun autre cĂŽtĂ© la situation en Ă©tait arrivĂ©e lĂ justement parce que ce mĂȘme systĂšme immunitaire Ă©tait affaibli. Et si jamais câĂ©tait une maladie qui ne pouvait ĂȘtre guĂ©rie sans un traitement particulier nĂ©cessitant le concours dâun mĂ©decin ?<br /> o Si jamais il partait chercher un docteur, quelle Ă©tait la probabilitĂ© pour que ce dernier accepte de le suivre ? Et sâil nâen trouvait pas ? Qui allait sâoccuper de la fille pendant son absence ? Avait-il assez dâessence pour lâaller-retour ?<br /> Quel que soit le choix, câĂ©tait du quitte-ou-double â et il nâĂ©tait mĂȘme pas sĂ»r que ses efforts servent au final Ă quelque chose. Tous les risques Ă©taient portĂ©s par la fille.<br /> Devant son impuissance, le garçon serra les dents, puis jeta un Ćil vers le ciel et la pluie incessante.<br /> Le temps passa, il changea la serviette mouillĂ©e sur son front et prit la main de la fille dans la sienne.<br /> Tout en continuant de regarder en direction des nuages dehors, câest alors quâune idĂ©e saugrenue lui vint Ă lâesprit.<br /> <br /> Se frayer un chemin jusquâĂ la ville voisine en emmenant la fille avec lui.<br /> <br /> Comme la ville Ă©tait censĂ©e ĂȘtre assez peuplĂ©e, il devait bien y avoir un ou deux docteurs, et si jamais ce dernier refusait de lâexaminer, le garçon pouvait toujours le menacer.<br /> De cette façon, il nâavait seulement besoin dâessence que pour un voyage, et le docteur pouvait lâexaminer deux fois plus rapidement que sâil partait seul pour le ramener avec lui. MĂȘme sâil allait ĂȘtre dans lâincapacitĂ© de sâoccuper dâelle tout en conduisant, il pouvait toujours sâarrĂȘter de temps Ă autre pour surveiller son Ă©tat.<br /> Cependant, cette solution comportait encore plus de risques que les deux prĂ©cĂ©dentes. Transporter une personne trĂšs malade sur une Super Cub sous une pluie battante tenait du suicide quoi quâon en dise. MĂȘme le garçon, instigateur et exĂ©cuteur de lâidĂ©e, Ă©tait sur le point dâabandonner cette solution.<br /> Mais. Mais pendant quâil rĂ©flĂ©chissait, elle souffrait â affaiblie par la maladie, malgrĂ© quâelle pesait six kilos de moins que lui pour la mĂȘme taille.<br /> Dans lâincapacitĂ© mĂȘme de pouvoir crier Ă lâaide, sa chĂšre compagne de voyage souffrait.<br /> Il ne pouvait ni ne voulait ignorer ces faits.<br /> Le temps Ă©tait comptĂ©.<br /> <br /> Le garçon commença Ă plier bagages plus rapidement et efficacement que jamais.<br /> Il savait quâil ne pouvait partir dans leur position assise habituelle. Porter quelquâun dont les forces avaient Ă©tĂ© complĂštement drainĂ©es est une tĂąche des plus difficile â pire encore quâun mannequin rempli dâeau. MĂȘme en lâattachant Ă lui, la mettre sur le siĂšge passager faisait courir le risque que ses jambes se fassent prendre dans la roue arriĂšre.<br /> Il nây avait quâune seule solution possible : lâattacher Ă lui face Ă face et conduire tout en la maintenant contre lui avec un bras. Hasard heureux peut-ĂȘtre, la Super Cub Ă©tait conçue pour pouvoir faire autre chose en mĂȘme temps, et donc pouvait ĂȘtre conduite dâune main. Sâil Ă©tait en mesure de supporter pareille situation, câest-Ă -dire rouler Ă pleine vitesse dâune main, restait encore Ă prouver, mais il nâavait pas la moindre intention de se laisser intimider par des problĂšmes qui ne demandaient que des efforts de sa part.<br /> Pour ce qui Ă©tait de ses vĂȘtements, une jupe aurait Ă©tĂ© peu appropriĂ©e vu que cela ferait diminuer la tempĂ©rature de son corps. Il lui enfila deux vestes quâils avaient en rĂ©serve et lâenroula dans un K-way aprĂšs lâavoir recouverte avec une fine couverture.<br /> Changer les vĂȘtements de la fille inconsciente dans lâĂ©troite voiture demandait de contorsionner son corps tel un casse-tĂȘte chinois, mais la pression mentale liĂ©e au fait de la voir Ă moitiĂ© nue dans toutes ces positions nâĂ©tait rien comparĂ© Ă ce quâon ressent enfermĂ© dans un labyrinthe.<br /> Tout en luttant contre la tentation de cĂ©der Ă ses dĂ©sirs primaires, il lui enfila un pantalon. Il Ă©tait trop large pour elle, mais il rĂ©solut le problĂšme en serrant la ceinture.<br /> Il avait un temps envisagĂ© abandonner leurs bagages, mais il renonça Ă cette idĂ©e.<br /> Sâil ne trouvait pas de docteur rapidement, il allait devoir continuer ses recherches tout en manquant de nourriture, et si jamais il venait Ă en trouver un, il Ă©tait possible que ce dernier demande compensation. Cela allait certes le ralentir, mais il nâavait pas le choix. Il devait faire confiance Ă la vitalitĂ© de la fille.<br /> Il lâattacha Ă lui avec le filet du hamac et la corde Ă linge et sâassura de pouvoir se dĂ©placer correctement avec elle accrochĂ©e Ă lui. La fille lui aurait fait passer un sale quart dâheure si elle avait pu voir la scĂšne.<br /> Mais il Ă©tait prĂȘt Ă tout pour quâelle guĂ©risse.<br /> Il enfila Ă son tour un K-way et sa veste Ă moitiĂ© trempĂ©e. La fibre synthĂ©tique mouillĂ©e qui la composait Ă©tait lourde, mais câĂ©tait sa tenue de combat.<br /> AprĂšs avoir dit adieu Ă la voiture qui leur avait servi dâabri temporaire, il sâaventura sous la pluie battante.<br /> Accessoirement, il ferma la porte derriĂšre lui.<br /> La derniĂšre inconnue Ă©tait de savoir si la Super Cub fonctionnait toujours aprĂšs avoir Ă©tĂ© exposĂ©e Ă tant dâeau.<br /> Le rĂ©servoir dâessence Ă©tait plein. HĂ©las, mĂȘme sâil avait protĂ©gĂ© la moto avec un drap en vinyle, elle avait tout de mĂȘme Ă©tĂ© exposĂ©e Ă la pluie. Il restait maintenant Ă voir si elle pouvait dĂ©marrer correctement.<br /> Mais pour le moment, le garçon nâavait pas la tĂȘte Ă sâinquiĂ©ter pour lâĂ©tat de Cubby.<br /> Il sauta en selle et vĂ©rifia que la fille Ă©tait fermement assise. Il accrocha tous leurs bagages sur le siĂšge passager pour maintenir lâĂ©quilibre de lâensemble.<br /> Tout en Ă©coutant le son de la pluie tombant sur leurs K-ways, il mit son casque.<br /> <br /> ''Super Cub ! Montre-moi ce que tâas dans le ventre !''<br /> <br /> Il actionna violemment la pĂ©dale de dĂ©marrage.<br /> Il ignorait si sa Super Cub lui avait rĂ©pondu « Fais-moi confiance ! », mais le puissant rugissement Ă©mis par le moteur uni-cylindrique Ă quatre temps lui parut plus rassurant que nâimporte quelle autre forme de rĂ©ponse.<br /> <br /> La Super Cub roulait le long de la longue route en ligne droite sous une pluie battante.<br /> Le compteur de vitesse oscillait juste aprĂšs lâindicateur maximal et les gouttes de pluie qui auraient Ă©tĂ© en temps normal inoffensives sâabattaient sur lui telles des billes de plomb. Sa poigne sur le guidon, elle, ne montrait nĂ©anmoins aucun signe de faiblesse.<br /> Tout en Ă©tant enlacĂ©e dans ses bras, la fille Ă©tait Ă la frontiĂšre entre conscience et inconscience.<br /> Bien quâelle apprĂ©cie les bons soins du garçon, elle ne pouvait en fait rien se rappeler de ce qui sâĂ©tait passĂ© lâaprĂšs-midi.<br /> Son champ de vision tremblait comme sâil y avait un tremblement de terre â elle se disait que cela devait venir de la fiĂšvre.<br /> Le ronronnement bruyant de Cubby juste Ă cĂŽtĂ© de ses oreilles Ă©tait insupportable. Elle pouvait sentir le garçon et son K-way agrĂ©ablement frais, elle se demandait du coup si par hasard, elle ne se trouvait pas dans les bras du garçon.<br /> Elle avait du mal Ă apprĂ©hender la position dans laquelle elle se trouvait du fait du lĂ©ger sentiment de vertige dont elle souffrait depuis la matinĂ©e qui avait empirĂ©. Elle avait lâimpression dâavoir la tĂȘte dans le tambour dâun lave-linge.<br /> Pour ne pas arranger les choses, câĂ©tait comme si une rĂ©volution se prĂ©parait dans son estomac. Un mĂ©lange horrible de nausĂ©e et de douleurs au ventre la faisait souffrir le martyr. Ăa lui faisait mal comme si quelque chose dâaussi pointu quâun crocodile ou une chĂątaigne Ă©tait Ă lâintĂ©rieur de son ventre.<br /> Mais bizarrement, on garde la tĂȘte froide dans ces moments-lĂ ; malgrĂ© le fait quâelle tremblait dans ses bras, elle pouvait toujours imaginer la scĂšne quelque part dans un coin de sa tĂȘte.<br /> Elle peinait Ă comprendre ce qui se passait, car non seulement sa vue et son ouĂŻe avaient Ă©tĂ© rĂ©duits Ă nĂ©ant, mais Ă©galement son odorat et son sens du goĂ»t. Peut-ĂȘtre quâelle dĂ©lirait Ă cause de la fiĂšvre, mais quelque part, elle nây prĂȘtait aucune espĂšce dâattention.<br /> ''NâempĂȘche'', pensa-t-elle, ''est-ce que tous les garçons ont le corps aussi froid ?<br /> ''Il Ă©tait vrai quâil pleuvait des cordes, mais câĂ©tait toujours lâĂ©tĂ©. Et pourtant, le garçon Ă©tait gelĂ©.<br /> â Ah, rĂ©alisa-t-elle dâun coup.<br /> Elle Ă©tait brĂ»lante. LâĂ©cart de tempĂ©rature en Ă©tait donc la cause.<br /> ''Mais...'' pensa-t-elle Ă nouveau, ''depuis quand mes rĂšgles sont devenues aussi violentes ? Jâai trop honte !<br /> ''Bien entendu, elle se doutait quâelles Ă©taient sur le point dâarriver depuis quelques jours, mais elle ne sâattendait pas Ă ce quâelle se retrouve dans un Ă©tat pareil. ''Rah, ce que ça peut ĂȘtre vraiment nul dâĂȘtre une fille des fois.''<br /> Quand elle sâendormait dans ces moments-lĂ , elle nâavait jamais de beaux rĂȘves.<br /> ''Mais bon, si câest pour quâil sâoccupe de moi comme ça'', se dit-elle, ''câest pas si mal dâavoir de la fiĂšvre de temps Ă autre.''<br /> AprĂšs tout, de cette façon, elle pouvait ĂȘtre enlacĂ©e sans vraiment lâĂȘtre et surtout sans avoir Ă se sentir gĂȘnĂ©e !<br /> Mais pour une raison ou une autre, elle ne fut pas sujette au moindre cauchemar pendant le temps quâelle passa dans ses bras.<br /> <br /> â Ăa craint... Sa fiĂšvre a encore empirĂ©... marmonna-t-il en posant sa main sur son front.<br /> Tout en tenant la fille dans ses bras, il avait arrĂȘtĂ© la moto et se tenait debout sur ses jambes.<br /> Comme elle nâarrĂȘtait pas de trembler, il ne lui avait donnĂ© quâun chauffe-main jetable, mais il nây avait aucune chance que cela suffise. Elle nâĂ©tait plus pĂąle comme un linge, mais dĂ©sormais rouge comme une tomate et elle respirait pĂ©niblement.<br /> Peut-ĂȘtre quâil devait sâestimer heureux dans pareilles circonstances que la pluie se soit calmĂ©e aprĂšs deux heures de route, mais il nây avait toujours aucun signe de ciel bleu. Il avait Ă©galement utilisĂ© leur derniĂšre lingette rafraĂźchissante sur elle, mais il restait Ă dĂ©terminer si cela avait Ă©tĂ© dâune quelconque utilitĂ©...<br /> Il avait fait tout ce quâil avait pu. Tout ce qui lui restait Ă faire, câĂ©tait se diriger tout droit vers la ville voisine, tout en faisant confiance au mĂ©tabolisme de la fille.<br /> Rassemblant ses forces dans son bras gauche engourdi pour la maintenir contre lui, il la serra plus fort encore contre lui.<br /> Le moteur de Cubby qui Ă©tait bien chaud maintenant ronronnait sans faillir.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Il Ă©tait dix-huit heures passĂ©es quand la « ville voisine » dont le boss leur avait parlĂ©e Ă©tait enfin en vue. Comme il lâavait dit, elle semblait ĂȘtre une ville portuaire : derriĂšre le brumeux paysage urbain se dessinait une vaste mer bleue. Ils approchaient du port.<br /> Environ quatre Ă cinq kilomĂštres les sĂ©paraient encore, alors il Ă©tait difficile pour lui de discerner prĂ©cisĂ©ment quoi que ce soit.<br /> Il enleva alors ses lunettes de protection et jeta un Ćil au travers des jumelles, mais en vain, Ă©tant donnĂ© la mĂ©tĂ©o exĂ©crable et le faible grossissement.<br /> Il nây avait pas Ă sâinquiĂ©ter si câĂ©tait une ville paisible. HĂ©las, dans ces temps de chaos, ce genre de villes nâĂ©tait pas lĂ©gion. Il y en avait mĂȘme qui avaient Ă©tĂ© laissĂ©es Ă lâabandon Ă cause de pillages et autres Ă©meutes.<br /> Les pires dâentre elles Ă©taient celles qui avaient dĂ©cidĂ© de vivre en autarcie et qui Ă©taient prĂȘtes Ă tout pour protĂ©ger leurs habitants, nâhĂ©sitant pas Ă Ă©liminer le moindre intrus sans exception.<br /> Il ignorait Ă quelle catĂ©gorie cette ville appartenait.<br /> Il chassa lâanxiĂ©tĂ© qui avait soudainement pris forme dans son cĆur.<br /> Il ne pouvait plus faire marche arriĂšre. Il allait devoir prendre les mots du boss pour argent comptant et croire que câĂ©tait une ville animĂ©e.<br /> Il posa sa main sur la joue de la fille, qui se trouva ĂȘtre extrĂȘmement brĂ»lante. La lingette rafraĂźchissante nâavait pas eu lâeffet escomptĂ©. Il lui fallait impĂ©rativement trouver un docteur, ou au moins mettre la main sur des mĂ©dicaments.<br /> Il allait atteindre lâentrĂ©e de la ville dâici quelques minutes aprĂšs avoir redĂ©marrĂ© le moteur.<br /> <br /> Malheureusement, il fut accueilli Ă lâentrĂ©e par un obstacle auquel il ne sâattendait pas... Ou pour ĂȘtre plus prĂ©cis, des « obstacles ».<br /> â ... Câest quoi ce bordel... murmura-t-il, abasourdi.<br /> Et câĂ©tait Ă raison ! Le nombre de bĂątiments avait fini par sâaccroĂźtre Ă mesure quâil pĂ©nĂ©trait dans la ville. Mais, au milieu de la route, il tomba sur un minibus renversĂ© au milieu de la route. Et mĂȘme deux.<br /> Quoi quâon en dise, cela ne semblait pas naturel. Les deux bus barraient complĂštement les deux voies de la route, et dans le petit espace entre eux et le trottoir Ă©taient parquĂ©es des camionnettes, bloquant ainsi complĂštement le passage.<br /> Tous les espaces entre les vĂ©hicules Ă©taient comblĂ©s par des sacs de sable et les bus en Ă©taient eux-mĂȘmes remplis. CâĂ©tait manifestement une barricade pour Ă©loigner les intrus.<br /> Le fait que câĂ©tait une barricade â un moyen de repousser les plus violentes des invasions â signifiait quâils nâĂ©taient pas particuliĂšrement accueillants envers les Ă©trangers.<br /> â ... Merde...!<br /> Il y avait de grandes chances pour quâelle ait Ă©tĂ© construite par crainte des pilleurs. Il nâĂ©tait pas si difficile de traverser la barricade Ă partir du moment oĂč lâon avait quelque chose pour monter dessus, mais lâobjectif Ă©tait dâempĂȘcher les vĂ©hicules de pĂ©nĂ©trer dans la ville. Les pilleurs nâattaquent gĂ©nĂ©ralement que quand ils se savent nettement avantagĂ©s. Les habitants se sont sĂ»rement dit que de tels hors-la-loi nâoseraient pas sâaventurer dans une ville qui semblait ĂȘtre bien gardĂ©e.<br /> HĂ©las, cela signifiait quâil ne pouvait pas aller plus loin avec Cubby. Aussi gĂ©niale que pouvait ĂȘtre leur moto, elle nâaurait jamais pu sauter par-dessus un minibus. Il nây avait donc pas dâautre choix qui dây aller Ă pied. Il allait devoir escalader cette maudite barricade et partir Ă la recherche dâun docteur.<br /> Ayant pris sa dĂ©cision, il nây avait pas de raison de reculer. Il dĂ©fit la corde qui lâattachait Ă la fille et la porta sur son dos.<br /> Il Ă©tait assez difficile de monter sur un de ces bus avec une seule main, mais ce fut la bonne dĂ©cision. Du fait quâil se trouvait en hauteur, il pouvait facilement voir les piĂšges qui avaient Ă©tĂ© installĂ©s ici et lĂ . On pouvait voir un champ de trous et autres piĂšges Ă loup disposĂ©s pour empĂȘcher les gens de contourner les bĂątiments. Qui plus est, dans le cas improbable oĂč quelquâun rĂ©ussissait Ă percer la barricade, il y avait une Ă©norme tranchĂ©e derriĂšre qui pouvait contenir plusieurs voitures.<br /> Les intrus Ă©taient censĂ©s tomber dedans sâils dĂ©cidaient de passer en force. CâĂ©tait Ă©galement efficace contre ceux qui tentaient dâescalader la barricade un peu trop rapidement â et ils pouvaient sâestimer heureux sâils sâen sortaient avec quelques os cassĂ©s. Les habitants nâavaient pas fait les choses Ă moitiĂ©.<br /> Plus il avançait vers ce qui lui semblait ĂȘtre le centre-ville, moins il y avait de voitures. « Semblait », parce quâil se basait sur la largeur des routes et sur le paysage pour progresser dans la ville, vu que le nom des rues avait entiĂšrement disparu des plaques.<br /> Le nombre de voitures illĂ©galement garĂ©es, non, « abandonnĂ©es », dans la rue frĂŽlait dĂ©sormais le zĂ©ro aprĂšs quâil eut dĂ©passĂ© un feu tricolore.<br /> Il ignorait si elles avaient Ă©tĂ© transportĂ©es ailleurs parce quâelles gĂȘnaient ou si câĂ©tait parce quâelles Ă©taient utilisĂ©es Ă dâautres fins, mais il semblait Ă©vident que cette ville Ă©tait dirigĂ©e par des hommes. Et apparemment, plutĂŽt organisĂ©s : quand il jeta un Ćil aux comptoirs des boutiques, il remarqua que tout avait Ă©tĂ© transportĂ© ailleurs. Sans aucun signe apparent de pillage avec ça. Vraisemblablement, quelquâun les avait mĂ©thodiquement dĂ©placĂ©s.<br /> Il nây avait pas Ăąme qui vive, mais porter quelquâun sur son dos consommait plus dâĂ©nergie quâon ne pourrait le penser. Leur diffĂ©rence de poids Ă©tait dâenviron six kilogrammes, ce qui signifiait que ses jambes devaient supporter environ le double de poids quâen temps normal.<br /> AprĂšs avoir conduit sa moto pendant un long moment sous une pluie battante, ses pas devenaient de plus en plus lourds.<br /> En plus de ça, ses bras et ses jambes Ă©taient de plus en plus engourdis au niveau des coudes et des genoux du fait de la basse tempĂ©rature de son corps. De ce fait, les ampoules Ă ses pieds ne se manifestaient plus que par une douleur sourde. Le fait que son sens de lâĂ©quilibre commençait Ă flĂ©chir nâĂ©tait par contre pas bon signe. Si jamais il tombait maintenant, il aurait Ă©tĂ© incapable de se relever.<br /> Tout en accĂ©lĂ©rant le pas aprĂšs avoir rassemblĂ© son courage, son champ de vision sâĂ©claircit et il put apercevoir une grande Ă©cole.<br /> <br /> CâĂ©tait sĂ»rement un lycĂ©e. Cela faisait des mois quâil nâavait pas vu ce genre de bĂątiments si particuliers.<br /> Comme dâhabitude dans les Ă©coles avec trop de terrains, la cour Ă©tait vraiment immense. Il ne pouvait voir personne dehors, mais les lumiĂšres Ă©taient allumĂ©es dans plusieurs salles de lâĂ©cole.<br /> Peut-ĂȘtre que des rĂ©fugiĂ©s vivaient ici. Les Ă©coles Ă©taient des lieux habituels de refuge. Et puis, ces lumiĂšres Ă©taient sans aucun doute de nature Ă©lectrique.<br /> â Mh ?<br /> Il y avait quelquâun. Ă lâentrĂ©e du gymnase Ă cĂŽtĂ© du bĂątiment principal se trouvait un homme.<br /> Il plissa les yeux afin de dĂ©terminer sâil Ă©tait amical ou hostile.<br /> Il devait probablement ĂȘtre proche de la trentaine. VĂȘtu dâun costume, il se tenait droit comme un i sous la corniche du gymnase.<br /> Il ne semblait pas porter dâarme et du moins, avait lâair normal.<br /> RĂ©solu Ă lui demander oĂč il pouvait trouver un mĂ©decin, le garçon sâapprocha du portail de lâĂ©cole.<br /> Mais au moment oĂč il Ă©tait sur le point de traverser ce dernier, le doute sâinstalla dans son esprit.<br /> Ătait-ce vraiment sans danger dâentrer comme ça ? Ne valait-il pas mieux la cacher quelque part avant dâaller nĂ©gocier seul ?<br /> Il secoua la tĂȘte et chassa ces soudaines pensĂ©es nĂ©gatives.<br /> Cela ne servait Ă rien de se mettre Ă douter maintenant. Sâil Ă©tait attaquĂ©, il nâavait aucune chance de toute façon, mĂȘme sâil arrivait Ă se dĂ©barrasser dâun ou deux dâentre eux. Se frayer un chemin Ă travers une barricade tout en portant une fille malade sur le dos Ă©tait mission impossible. Et puis, il ne pourrait mĂȘme pas revenir jusquâĂ lâentrepĂŽt avec lâessence qui lui restait.<br /> Cette fois-ci, il nâavait pas dâautre choix que de compter sur sa poisse Ă lui et sa bonne Ă©toile Ă elle.<br /> <br /> AprĂšs sâĂȘtre assurĂ© quâelle tenait fermement sur son dos, il franchit le portail et traversa la cour en direction du gymnase.<br /> â HĂ© ho ! Excusez-moi !<br /> En lâentendant crier, lâhomme regarda immĂ©diatement dans sa direction. De plus prĂšs, le garçon remarqua quâil Ă©tait face Ă quelquâun de plutĂŽt grand, il faisait bien vingt centimĂštres de plus que lui. Lâhomme portait un costume bien taillĂ© avec une cravate parfaitement nouĂ©e. Il Ă©tait plutĂŽt bel homme pour ainsi dire, sa coupe de cheveux courte lui allait bien. Son instinct avait tiquĂ© Ă la vue de son apparence assez tape-Ă -lâĆil, mais il Ă©tait trop tard pour faire marche arriĂšre.<br /> Quant Ă lui, lâhomme ne bougea pas dâun iota, tout en Ă©carquillant les yeux.<br /> AprĂšs avoir claquĂ© sa langue dans sa tĂȘte, il se remit Ă sâavancer en direction de lâhomme.<br /> AprĂšs dix secondes de perplexitĂ©, lâhomme finit par rĂ©aliser la situation dans laquelle les deux se trouvaient et trottina jusquâĂ eux. Il semblait ne pas prĂȘter attention Ă la pluie.<br /> â Que se passe-t-il ?<br /> â Hum... Cette fille se sent mal... Y aurait-il un mĂ©decin dans les parages ?<br /> Tout en serrant un peu plus sa poigne sur la fille qui Ă©tait en train de glisser de son dos, il pria pour quâil y en ait un.<br /> â Alors tu voudrais quâun mĂ©decin lâexamine ? JâespĂšre que tu as apportĂ© ta carte dâassurance avec toi.<br /> â Quoi ?<br /> â Ne te mĂ©prends pas. Je ne parle pas dâune carte qui atteste que tu sois affiliĂ© Ă une assurance maladie, mais plutĂŽt de quelque chose qui prouve que tu dĂ©tiens suffisamment sur toi pour payer les frais mĂ©dicaux.<br /> Les muscles des joues du garçon eurent presque un mouvement convulsif.<br /> â ... Autrement dit, je dois offrir quelque chose de valeur Ă©quivalente ?<br /> â Tu nâespĂ©rais tout de mĂȘme pas pouvoir tâoffrir les services dâun docteur contre rien, nâest-ce pas ?<br /> La voix indiffĂ©rente de lâhomme fit hĂ©risser les poils du garçon. La seule raison pour laquelle il ne lui assĂ©na pas de coup Ă ce moment-lĂ Ă©tait parce quâil ne pouvait pas utiliser ses mains qui tenaient la fille.<br /> â ... Une Super Cub en bon Ă©tat, des provisions pour une semaine, et deux sacs contenant divers objets. Prenez ce que vous voudrez !<br /> â Eh bien, voilĂ qui me paraĂźt excessif. Mais ce sont tes jambes et ta nourriture, nâest-ce pas ? Comment as-tu lâintention de tâen sortir sans eux ?<br /> â Je trouverai bien quelque chose quand elle ira mieux, dit-il en dĂ©visageant lâhomme.<br /> Lâhomme nonchalant esquissa un sourire puis le regarda de haut :<br /> â Et si cela sâavĂ©rait insuffisant ?<br /> â Je prendrai sur moi et, aprĂšs lâavoir guĂ©rie, je me vengerai.<br /> â Oh lĂ ! Tu es vraiment prĂȘt Ă te mettre toute la ville Ă dos ? dit-il avec un rire perplexe.<br /> Mais le garçon rĂ©pondit Ă ce rire avec un regard noir.<br /> â Si besoin, oui.<br /> â ... Oh ?<br /> Lâhomme esquissa un sourire. Non pas un de ces sourires ridicules comme prĂ©cĂ©demment, mais un petit sourire intĂ©ressĂ©.<br /> â Je suis peut-ĂȘtre pas Superman, mais pour elle, je suis prĂȘt Ă vendre mon Ăąme au diable sâil le faut.<br /> â ... Je vois. TrĂšs bien !<br /> Lâhomme avait un grand sourire sur son visage. MĂȘme si la forme de son sourire nâavait pas changĂ©, le garçon ne pouvait nĂ©anmoins pas sentir la moindre mauvaise intention ni le moindre sarcasme.<br /> â Pour commencer, emmenons-la dans lâĂ©cole.<br /> â Hein ? ... Non, jâai besoin dâun mĂ©decin lĂ ...<br /> â Je suis en charge de lâĂ©ducation sanitaire ici, tu sais. Alors je suis plus ou moins docteur. Suis-moi, je vais te montrer oĂč est lâinfirmerie.<br /> Le garçon Ă©tait complĂštement interloquĂ© par ce quâil venait de dire.<br /> â Mais et lâhistoire de la compensation et tout...<br /> â CâĂ©tait juste pour discuter. Je voulais voir ce que tu allais me rĂ©pondre. Allez, viens par ici.<br /> AprĂšs ĂȘtre restĂ© abasourdi quelques instants, il suivit lâhomme avec beaucoup de difficultĂ© du fait de la pluie, en direction de lâĂ©cole.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Plusieurs minutes plus tard et aprĂšs les habiles soins de lâhomme, la fille Ă©tait couchĂ©e dans un lit dans lâinfirmerie de lâĂ©cole. Elle avait bien meilleure mine quâavant, ce qui Ă©tait sĂ»rement dĂ» Ă lâinjection dâanti-inflammatoire quâil lui avait donnĂ©e.<br /> â ... Vous nous avez vraiment sauvĂ©s... Merci du fond du cĆur, dit le garçon en courbant la tĂȘte.<br /> Mais lâhomme rigola en rĂ©ponse :<br /> â Mais de rien, mon garçon. Et tu me dĂ©sespĂšres en te montrant aussi poli juste aprĂšs ton discours de tout Ă lâheure.<br /> Il avait enfilĂ© une blouse blanche et des lunettes Ă monture argentĂ©e. Sans cet accoutrement, jamais on aurait pu croire quâil Ă©tait responsable de lâinfirmerie. Ă lâexception faite de sa stature de professeur de sport.<br /> â Comment va ''Fille'' ?<br /> Lâhomme fronça lĂ©gĂšrement les sourcils, visiblement intriguĂ© par la façon dont le garçon avait appelĂ© la fille, avant de sâasseoir sur une chaise.<br /> â Hm... Elle est probablement tombĂ©e malade Ă cause de ses rĂšgles qui ont affaibli son mĂ©tabolisme. Ă en juger par les symptĂŽmes, ce nâest quâun simple rhume. Enfin, tu tâen es bien sorti avec tes premiers soins, alors elle devrait ĂȘtre remise sur pied aprĂšs un peu de repos.<br /> â ... Je ne sais pas si on peut qualifier ça de « soin ». Je nâai fait que refroidir son front et bien la couvrir, aprĂšs tout. Pire, je lâai emmenĂ©e avec moi sous une pluie battante.<br /> â Ce nâest pas bien grave, tu sais. Certaines personnes, quand elles sont face Ă des personnes malades, se contentent de leur donner des anti-inflammatoires, puis des anti-diarrhĂ©iques, puis de lâaspirine et ainsi de suite. Dâailleurs, sa fiĂšvre Ă©tait assez Ă©levĂ©e. Si tu Ă©tais restĂ© sur place, elle aurait pu contracter une pneumonie. Tu as fait le bon choix en lâemmenant avec toi.<br /> Sur ces mots, lâhomme se leva.<br /> â Bon, je vais aller chercher de la glace. Tu peux tâoccuper de la serviette humide pendant mon absence ?<br /> â Oui. Je vous remercie infiniment.<br /> â ... Franchement, pas la peine dâĂȘtre aussi poli, dit-il avec un sourire en coin avant de sortir de lâinfirmerie par la porte coulissante.<br /> <br /> AprĂšs avoir fait quelques pas dans le couloir vide, il se retourna en direction de la lumiĂšre qui sâĂ©chappait de lâinfirmerie.<br /> â ... Eh bien. Tester un patient. On dirait que ces derniers jours ont fait de moi une bien pire personne que je ne lâaurais pensĂ©.<br /> Sans ĂȘtre entendu par qui que ce soit, son lĂ©ger murmure disparut dans le sombre couloir dĂ©sert.<br /> <br /> Il essora fortement la petite serviette et posa cette derniĂšre sur le front de la fille.<br /> Il y avait de la glace dans le seau, ce qui, malgrĂ© la faible quantitĂ©, Ă©tait bien plus efficace que lâeau de pluie. Son visage avait repris des couleurs, et sa respiration sâĂ©tait Ă©galement calmĂ©e.<br /> Reprenant enfin son souffle, il jeta un Ćil autour delui, et sâassit Ă cĂŽtĂ© du lit oĂč Ă©tait allongĂ©e la fille.<br /> La piĂšce avait tout dâune infirmerie. Vu de lâintĂ©rieur, il pouvait en juger quâelle fonctionnait toujours et quâelle Ă©tait toujours utilisĂ©e comme telle.<br /> Il y avait un bureau et une Ă©tagĂšre remplie de mĂ©dicaments et trois lits Ă©quipĂ©s de rideaux. Sur les deux lits restants, un Ă©tait jonchĂ© de boĂźtes en carton, et lâautre avait ses rideaux fermĂ©s. Peut-ĂȘtre quâil y avait un autre patient.<br /> Ils avaient pris lâentrĂ©e principale pour arriver dans cette salle. Cependant, Ă sa surprise, les couloirs nâĂ©taient pas du tout poussiĂ©reux.<br /> LâĂ©tagĂšre ici Ă©tait dans la mĂȘme situation : mĂȘme sâil semblait apparent que le stock de mĂ©dicaments avait diminuĂ©, il nây avait aucun signe dâabandon.<br /> Il nâavait pas la moindre idĂ©e de combien dâĂ©lĂšves frĂ©quentaient cette Ă©cole, mais il y avait peu de chances quâils soient assez nombreux pour que les cours aient toujours lieu. Ainsi, la situation la plus probable Ă©tait que le bĂątiment Ă©tait utilisĂ© comme abri pour les rĂ©fugiĂ©s.<br /> Pour ĂȘtre honnĂȘte, le garçon ne faisait pas entiĂšrement confiance Ă lâhomme.<br /> Non pas quâil doutait du fait quâil soit en charge de lâinfirmerie ou non, Ă©tant donnĂ© que ses soins avaient lâair appropriĂ©s et son utilisation des Ă©quipements naturelle et habile, mais il se demandait si sa sortie nâĂ©tait pas un prĂ©texte.<br /> Peut-ĂȘtre quâil avait simplement prĂ©tendu aller chercher de la glace et allait en fait revenir avec un groupe de brutes armĂ©es jusquâaux dents.<br /> Ce qui lui avait paru le plus suspect Ă©taient les questions Ă leur rencontre. Un mĂ©decin dans son Ă©tat mental normal nâaurait jamais fait une chose pareille â et encore moins quand il Ă©tait clair que le garçon portait quelquâun de malade sur le dos.<br /> En tous les cas, le garçon Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă rester sur ses gardes.<br /> Durant les dix premiĂšres minutes, du moins.<br /> <br /> â Oh...? sâexclama lâhomme avec les yeux Ă©carquillĂ©s en revenant avec une glaciĂšre Ă la main.<br /> Durant son absence, le garçon avait apparemment nĂ©gligĂ© la tĂąche qui lui avait Ă©tĂ© assignĂ©e, câest-Ă -dire sâoccuper de la fille, et sâĂ©tait assoupi sur sa chaise tout en ayant la tĂȘte posĂ©e sur le lit de la fille.<br /> Il posa la glaciĂšre sur le sol et tenta de secouer lĂ©gĂšrement le garçon par les Ă©paules. Cependant, mĂȘme aprĂšs avoir essayĂ© de le secouer plus fort, le garçon ne semblait toujours pas vouloir se rĂ©veiller.<br /> Lâhomme ne pouvait pas le laisser comme ça ou il risquait de tomber malade Ă son tour. Cela dit, toujours Ă©tait-il que le garçon avait dĂ» se plier en quatre pour transporter la fille jusquâici. Il Ă©tait tout Ă fait naturel quâil soit fatiguĂ©. Lâhomme ne pouvait se rĂ©soudre Ă le rĂ©veiller.<br /> Il essaya de lâextirper de la chaise.<br /> â Euh, et maintenant ? se demanda-t-il.<br /> Il pouvait difficilement le laisser lĂ telle la victime dâun meurtre.<br /> â Hmm, murmura-t-il avant de diriger son regard vers le lit voisin, oĂč il put apercevoir ce Ă quoi il sâattendait : une pile de cartons qui ressemblait Ă la Tour de Babel, tous remplis de mĂ©dicaments quâil avait rĂ©cupĂ©rĂ©s dans lâhĂŽpital du coin.<br /> Tout dâabord, il se servait plus ou moins de cette infirmerie comme dâune clinique et il restait lĂ quand il Ă©tait de garde la nuit, ainsi, le lit oĂč la fille dormait Ă©tait vide uniquement parce quâil sâen servait pour faire ses siestes.<br /> Tout en mĂ©ditant sur son style de vie des plus nĂ©gligĂ©s, il poussa un soupir.<br /> De toute façon, il lui Ă©tait impossible de dĂ©placer tous ces cartons pour lâinstant. Et donc, il nâavait guĂšre dâautres choix.<br /> â ... Ho... hisse...!<br /> Lâhomme attrapa le garçon par les bras et le souleva sur le lit de la fille. Il lâallongea ensuite Ă cĂŽtĂ© dâelle et tira la couverture sur les deux â quand il se souvint soudainement quâelle Ă©tait en sous-vĂȘtements, vu quâil lâavait dĂ©shabillĂ©e parce que ses vĂȘtements Ă©taient trempĂ©s.<br /> Mais, il se dit que ce nâĂ©tait pas grave, vu quâils devaient sĂ»rement ĂȘtre en couple de toute façon.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Elle se rĂ©veilla en sursaut.<br /> AprĂšs avoir apparemment suffisamment dormi, elle nâĂ©tait pas somnolente du tout.<br /> Comme elle nâavait pas rĂȘvĂ© non plus, elle avait lâimpression de sâĂȘtre assoupie la seconde dâavant. Le fait que ses souvenirs peu avant de sâendormir Ă©taient flous la mettait dans un Ă©tat de confusion sur la situation dans laquelle elle se trouvait.<br /> Dans son champ de vision, elle pouvait apercevoir la lumiĂšre blanche dâune lampe fluorescente â la premiĂšre depuis un moment â et un plafond blanc qui ne lui Ă©tait pas familier. Ă moins que son cerveau ait pourri du fait dâavoir trop dormi, elle nâavait jamais vu ce plafond avant.<br /> « ... Hum... oĂč... on est ? », Ă©tait-elle sur le point de demander au garçon, mais qui ne semblait pas ĂȘtre lĂ .<br /> Elle Ă©tait partie du principe quâil Ă©tait toujours Ă ses cĂŽtĂ©s, mais malheureusement, le lit Ă cĂŽtĂ© du sien Ă©tait jonchĂ© de cartons et pas de garçon en vue.<br /> AprĂšs un lĂ©ger soupir, elle se retourna.<br /> <br /> Et vit le garçon.<br /> Son visage endormi occupait tout son champ de vision, et sans quâelle ne sâen rende compte, elle le fixait longuement du regard depuis quelques secondes.<br /> ''Aaah... il a de longs cils pour un garçon ! Il a toujours lâair un peu terne comme mec, mais maintenant quâil dort et vu de prĂšs, il a vraiment un visage dâange ; rah, pourquoi est-ce quâil a les lĂšvres aussi pulpeuses ?! Jâaimerais bien lui demander le secret de sa beautĂ©, mais dâun autre cĂŽtĂ©, je me dis que ça le fait pas pour une fille, et de toute façon, jâespĂšre sincĂšrement quâil mâa rien fait''â<br /> Pendant lâespace dâune seconde, elle avait oubliĂ© sa situation et Ă©tait tout prĂšs de tomber sous le charme de la scĂšne. Reprenant ses esprits, qui sâĂ©taient perdus dans les limbes du monde dâOrphĂ©e, elle commença Ă calmement analyser la situation.<br /> Selon toute vraisemblance, elle se trouvait dans un bĂątiment. Le garçon lâavait sĂ»rement transportĂ©e Ă lâhĂŽpital parce quâil sâinquiĂ©tait pour elle. Il Ă©tait fort probable quâil sâĂ©tait dirigĂ© vers la « ville voisine ».<br /> DâoĂč le fait quâelle Ă©tait allongĂ©e dans un lit. Elle pouvait comprendre cette partie.<br /> Mais ça nâexpliquait pas ce quâil faisait lĂ Ă cĂŽtĂ© dâelle.<br /> Elle ne pouvait pas sâempĂȘcher de rougir en pensant Ă la situation. Ils dormaient ensemble. Dans le mĂȘme lit ! Dit de façon plus neutre, ils partageaient un lit. Mais le problĂšme nâĂ©tait pas dans la façon de le dĂ©crire.<br /> Ătant donnĂ© quâil Ă©tait encore tout habillĂ©, elle savait trĂšs bien quâil ne sâĂ©tait pas « glissĂ© » lĂ , mais il nâempĂȘche quâils dormaient ensemble !<br /> En plus de ça, elle se trouvait pour une raison quâelle ignorait en sous-vĂȘtements, laissant sa chair nue sans dĂ©fense, mais avait toujours ses chaussettes malgrĂ© tout, ce qui faisait trĂšs fĂ©tichiste.<br /> Ă cet instant prĂ©cis, la fille se retrouva confrontĂ©e Ă deux choix. Soit elle approuvait la situation et continuait Ă dormir avec lui, soit elle la refusait et poussait un cri.<br /> ''Que faire ? Que faire, ''Fille'' ? Une telle occasion ne se prĂ©sentera pas de sitĂŽt. Mais câest encore trop tĂŽt ! Que faire ? Est-ce que je suis censĂ©e au moins lâembrasser, en prĂ©paration pour le futur ? Ou devrais-je aller plus loin''â<br /> Elle Ă©tait sur le point de retrouver sa fiĂšvre Ă force de tergiverser encore et encore, quand soudain, le garçon bougea de façon apathique.<br /> â Mh... Oh...? ''Fille''...?<br /> Ă son plus grand regret, son poing fut plus prompt que sa tĂȘte. ''Pardonne-moi, ''Garçon''.''<br /> â Phgh !!<br /> â Whoa ?!<br /> Pris de surprise par le garçon qui avait volĂ© du lit tel un avion, lâhomme faillit faire tomber la bassine quâil tenait dans les mains. Il manqua de peu de faire tomber lâeau gelĂ©e sur la fille tout juste requinquĂ©e.<br /> â Tu es encore souffrante bon sang de bonsoir ! Reste allongĂ©e !<br /> â O-Oui !<br /> Elle nâavait pas la moindre idĂ©e de qui il Ă©tait, mais la fille obtempĂ©ra tout de mĂȘme par rĂ©flexe en voyant sa blouse blanche.<br /> AprĂšs avoir posĂ© sa tĂȘte sur lâoreiller et sâĂȘtre cachĂ© la moitiĂ© du visage sous sa couverture, elle jeta timidement un regard en direction de lâhomme en blouse blanche.<br /> â Hum... Puis-je savoir oĂč je me trouve ?<br /> Lâhomme posa la bassine sur le lavabo et lui esquissa un sourire.<br /> â Tu es dans lâinfirmerie dont est en charge un mĂ©decin sans nom dâun lycĂ©e sans nom dâune ville sans nom.<br /> â ... Alors il mâa vraiment transportĂ©e jusquâici...<br /> â On dirait bien. Tu tâes dĂ©gottĂ© un petit ami digne de confiance : on dirait quâil a fait des pieds et des mains pour tâemmener jusquâici.<br /> â Câest pas mon petit ami !!<br /> Lâobjection de la fille rouge tomate fit sâĂ©carquiller les yeux de lâhomme.<br /> â Ah bon ?<br /> â Il nâest pas mon petit ami !<br /> Voyant sa rĂ©ponse du tac au tac, il posa son regard sur la fille sur le lit, puis sur le garçon qui Ă©tait par terre.<br /> â ... Oh, toutes mes excuses alors. Vous aviez tellement lâair dâun couple dâamoureux, jâĂ©tais persuadĂ© que vous Ă©tiez ensemble. Alors jâimagine que ce nâĂ©tait pas une bonne idĂ©e de vous faire dormir dans le mĂȘme lit.<br /> â ... Je pense quâil est surtout Ă©tonnant de faire dormir une personne en bonne santĂ© Ă cĂŽtĂ© dâune autre qui est malade, lui reprocha-t-elle avec les joues rouges.<br /> Lâhomme, quant Ă lui, ne semblait pas du tout se considĂ©rer en tort.<br /> â ... Ma foi, il semblerait que tu sois en pleine forme, alors ce nâest pas bien grave. Par contre, le garçon par terre ne bouge plus.<br /> â ... Hein ? Est-ce que jây suis allĂ©e un peu trop fort ?<br /> Elle descendit du lit et se tourna en direction du garçon qui avait Ă©tĂ© envoyĂ© au sol quelques minutes auparavant.<br /> AprĂšs avoir reçu un coup de poing en plein visage, il avait Ă©tĂ© mis KO en un seul coup et Ă©tait allongĂ© par terre, inconscient et le nez en sang.<br /> La seule et unique chose pour laquelle il pouvait sâestimer heureux Ă©tait le fait quâil se trouvait dĂ©jĂ Ă lâinfirmerie.<br /> <br /> Le rĂ©sultat de lâexamen indiqua une contusion et une commotion cĂ©rĂ©brale. DâaprĂšs ce quâon avait expliquĂ© au garçon, lâhomme les aurait pris pour des amoureux et lâavait allongĂ© sur le lit Ă cĂŽtĂ© de la fille, lui donnant ainsi le plaisir de faire connaissance avec son poing de fer. Quelle catastrophe. Vraiment horrible. Pourquoi, oui, pourquoi ne sâĂ©tait-il pas rĂ©veillĂ© avant elle ?<br /> â ... Eh bien, content de voir que tu vas mieux. Vraiment.<br /> â Hum, euh, dĂ©solĂ©e...<br /> Le garçon, qui avait lâair de mauvaise humeur, jeta le mouchoir quâil avait dans le nez dans la poubelle.<br /> Au dĂ©but, les mouchoirs Ă©taient ensanglantĂ©s, mais lâhĂ©morragie semblait sâĂȘtre calmĂ©e Ă mesure quâil en changeait.<br /> â Pas la peine dâen faire tout un plat. Prends ça comme une expĂ©rience enrichissante, dit lâhomme en ricanant.<br /> Le garçon le fusilla du regard.<br /> â Vous pouvez parler, câest de votre faute tout ça... Mais je vais bien, vraiment. Jâai lâhabitude de ses coups.<br /> â J-Je suis pas toujours aussi violente !<br /> â Mais oui, mais oui.<br /> Il nâavait ni affirmĂ© ni infirmĂ© sa dĂ©claration. Ce genre de choses marque trĂšs souvent les victimes alors quâelles sont rapidement oubliĂ©es par leurs auteurs.<br /> â Enfin bref, petite princesse ?<br /> â Oui ?!<br /> Elle sâĂ©tait redressĂ©e quand il se tourna vers elle. « Petite princesse » ne lui allait pas du tout, pensa-t-elle, mais elle choisit dĂ©libĂ©rĂ©ment de garder le silence.<br /> â Ta fiĂšvre est presque tombĂ©e et tes douleurs menstruelles devraient avoir disparu Ă©galement, alors tu peux te dĂ©tendre maintenant. Par contre, il y a des risques de rechute, alors tu vas devoir rester ici jusquâĂ demain.<br /> â Dâaccord. Est-ce quâil peut rester, lui aussi ?<br /> â Je nây vois aucun inconvĂ©nient. Mais le lit dâĂ cĂŽtĂ© est encombrĂ©, alors aidez-moi Ă ranger ça, vous voulez ? dit lâhomme avec un grand sourire.<br /> Le garçon regarda en direction de la montagne de cartons qui recouvrait le lit voisin et poussa un soupir.<br /> â Une compensation de valeur Ă©gale, jâimagine...? murmura le garçon.<br /> Ă sa surprise cependant, la rĂ©ponse ne fut pas affirmative.<br /> â Tu plaisantes ? Vous allez devoir me payer un jour ou lâautre. Ce petit coup de main suffira Ă peine pour la location de la salle.<br /> Les deux voyageurs sâĂ©changĂšrent un regard.<br /> â Je vous prĂ©viens : ça ne va pas ĂȘtre gratuit. Il y a relativement beaucoup de mĂ©decins dans cette ville, mais malheureusement, mes tarifs sont particuliĂšrement Ă©levĂ©s.<br /> Les deux poussĂšrent un cri perçant dans leur esprit.<br /> â Ah, et appelez-moi « Doc », dâaccord ? Dâabord, il vaudrait mieux vous changer. Je vous ai apportĂ© des vĂȘtements qui devraient ĂȘtre Ă votre taille.<br /> Un pyjama pour femme, et un T-shirt et un jean pour homme avaient Ă©tĂ© posĂ©s sur le lit.<br /> <br /> â Tâas fini de te changer ?<br /> â Ouais.<br /> DerriĂšre les rideaux qui avaient Ă©tĂ© fermĂ©s se trouvait la fille, qui portait dĂ©sormais un pyjama blanc Ă rayures bleues.<br /> Maintenant quâelle sâĂ©tait calmĂ©e, elle avait lâair un peu plus malade quâavant.<br /> Comme la plupart de leurs vĂȘtements nâĂ©taient plus en Ă©tat dâĂȘtre portĂ©s, le garçon nâavait pas dâautre choix que dâaccepter lâoffre de Doc, et avait pris Ă contrecĆur les vĂȘtements quâil lui avait prĂȘtĂ©s. Le jean avait lâair tout neuf, alors il Ă©tait pas mal, mais le T-shirt noir avec son Ă©norme inscription en blanc posait un peu plus problĂšme. Sur le devant, il Ă©tait Ă©crit « Sortis tout droit de lâenfer » et sur le dos « Enfants de lâanarchie ». Il ne sâestimait pas faire partie dâun gang de motards dĂ©biles, aprĂšs tout. Il pouvait sans peine sentir la malice de lâignoble mĂ©decin, mais il nâĂ©tait pas en position de faire le difficile.<br /> â Reste au lit jusquâĂ ce que tu te sentes mieux. On dirait quâon va avoir un peu de provisions et dâeau, alors tâen fais pas pour ça.<br /> â Ok, merci.<br /> La fille sâallongea sur le lit et tira la couverture sur elle jusquâau niveau de sa bouche. En la voyant faire quelque chose dâaussi mignon, il ne pouvait sâempĂȘcher de sourire. Comme elle avait semblĂ© percevoir que ça lui faisait plaisir, ses joues virĂšrent au rouge.<br /> â ''Garçon''...?<br /> â Hm ?<br /> La fille tourna la tĂȘte Ă lâopposĂ© de lui.<br /> â ... Merci pour tout.<br /> Il tendit la main et lui caressa la tĂȘte.<br /> â ... Yâa pas de quoi...<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> AprĂšs avoir pris un petit dĂ©jeuner tardif avec la fille et sâĂȘtre un peu calmĂ©, le garçon commença Ă dĂ©placer les cartons avec le docteur.<br /> Apparemment, ils Ă©taient remplis de mĂ©dicaments provenant dâun hĂŽpital. Mais le Mont Everest nâĂ©tait pas Ă©vident Ă dĂ©monter.<br /> Pour commencer, il fallait un escabeau pour pouvoir prendre les cartons du haut ! Le numĂ©ro dâĂ©quilibriste que cela imposait lâempĂȘchait en plus de faire attention Ă leur contenu.<br /> Soudain, un objet pointu transperça le carton que le garçon Ă©tait en train de porter.<br /> â Whoa, ''Doc'' ! Câest quoi ça ?! Câest une aiguille ! Yâa une aiguille !<br /> â Ah, en effet, il y a des seringues dans ce carton. Des dĂ©chets provenant de lâhĂŽpital. Je ferais mieux de mâen dĂ©barrasser la prochaine fois.<br /> â Si vous pouviez Ă©viter de laisser traĂźner ce genre de choses ! Quâest-ce que vous feriez si je venais Ă me piquer avec lâune dâentre elles ?!<br /> â Ne tâen fais pas. Jâai des tonnes de dĂ©sinfectants.<br /> â Câest pas le problĂšme ! rĂ©torqua-t-il dĂ©sespĂ©rĂ©ment avant de poser le carton qui contenait les seringues usagĂ©es par terre.<br /> Maintenant, il nây avait plus le moindre espace libre sur le sol de lâinfirmerie. Ils Ă©taient dĂ©sormais obligĂ©s de mettre en ordre les cartons. Ils avaient dĂ©jĂ tentĂ© de les empiler dans le couloir, ce qui donnait par contre lâimpression quâils Ă©taient perquisitionnĂ©s par la police.<br /> Dans lâimpossibilitĂ© de supporter la situation plus longtemps, la fille sortit la tĂȘte de son lit et demanda :<br /> â HĂ©, vous avez besoin dâun coup de main ?<br /> HĂ©las, sa bonne volontĂ© fut immĂ©diatement balayĂ©e du revers de la main.<br /> â Sois sage et tais-toi ! Tu ne ferais que nous gĂȘner. Tu me sembles ĂȘtre quelquâun de maladroit, qui plus est.<br /> â Que...?! Quâest-ce que vous venez de dire ?! Ne jugez pas les gens sur leur apparence ! Je suis Ă mĂȘme de faire de simples tĂąches mĂ©nagĂšresâ sâĂ©cria-t-elle avant de passer sa main Ă toute vitesse dans la bassine posĂ©e sur le lavabo.<br /> Lâeau Ă lâintĂ©rieur, qui Ă©tait particuliĂšrement gelĂ©e du fait de la glace qui sây trouvait, atterrit avec une prĂ©cision incroyable sur le garçon.<br /> <br /> â Euh... CâĂ©tait trĂšs bien, ouais. Tu peux te reposer maintenant. Le reste ne peut ĂȘtre fait que par un mĂ©decin de toute façon.<br /> <br /> Toujours trempĂ©, le garçon avait Ă©tĂ© chassĂ© de la salle comme un malpropre.<br /> Il faisait tellement beau dehors quâon aurait cru que la pluie battante de la veille nâavait Ă©tĂ© quâun mauvais rĂȘve. Le ciel dĂ©gagĂ©, maintenant libĂ©rĂ© de toute pollution, Ă©tait dâun bleu Ă©clatant et il nây avait pas le moindre nuage Ă lâhorizon. Il apprĂ©ciait regarder cette scĂšne â mis-Ă -part le fait quâil Ă©tait trempĂ© jusquâaux os.<br /> â Jâimagine que ça nâaurait pas changĂ© grand-chose si jâavais attendu le lendemain avant de lâemmener ici... murmura-t-il inconsciemment Ă lui-mĂȘme tout en souriant.<br /> Enfin, dans ce cas, il aurait eu le plaisir de la porter tout le long sous un soleil de plomb. Ăa aurait Ă©tĂ© tout aussi pĂ©nible, ou du moins il tenta de sâen convaincre.<br /> Le soleil brĂ»lait sa peau avec ses chauds rayons et commença Ă sĂ©cher ses vĂȘtements trempĂ©s. Au final et avec lâaide de sa propre tempĂ©rature corporelle, ses vĂȘtements furent presque secs en moins de temps quâil nâen fallait pour quâon puisse appeler ça une pause.<br /> Soudain, un objet familier derriĂšre lui attira son regard.<br /> CâĂ©tait leur Super Cub argentĂ©e, celle-lĂ mĂȘme quâil avait dĂ» abandonner devant la barricade la veille.<br /> â Quâest-ce quâelle fait lĂ ...? Il est allĂ© la chercher pour nous ?<br /> Il nây avait aucune chance pour que Cubby se soit dĂ©placĂ©e jusquâici dâelle-mĂȘme. MĂȘme sâil Ă©tait amusant dâimaginer une scĂšne pareille, il Ă©tait hautement improbable que leur excellente mais banale Super Cub fusse dotĂ©e dâune telle fonctionnalitĂ© dâautopilotage.<br /> â HĂ©, gamin.<br /> â Oui ?<br /> Il se tourna en direction de Doc en entendant sa voix. ''Pas que ça me dĂ©range, mais câest mon nouveau nom ou quoi ?'' Le mĂ©decin ne semblait pas ĂȘtre un mauvais bougre, mais il ne pouvait sâempĂȘchait de se sentir un peu offensĂ©.<br /> â Jâai presque terminĂ© de prĂ©parer ton lit. Tu peux aller chercher ton futon maintenant. Il est dans le vestiaire au deuxiĂšme. Pour tây rendre... Eh bien, tu verras bien par toi-mĂȘme. Tu devrais le trouver sans problĂšme.<br /> â Dâaccord. OĂč sont les...<br /> « ClĂ©s », voulait-il dire, mais ces derniĂšres volĂšrent dans sa direction avant quâil eut le temps de finir. Un petit bout de plastique Ă©tait attachĂ© au porte-clĂ©s.<br /> â Quand tu auras fini, ce sera lâheure de dĂ©jeuner. ... Enfin, ne tâattends pas Ă quelque chose dâincroyable, par contre.<br /> â Hein, vous ĂȘtes sĂ©rieux ?<br /> â Ăvidemment. AprĂšs tout, de cette façon, ta dette ne fait que sâagrandir Ă longueur de journĂ©e, nâest-ce pas ? dit-il en ricanant.<br /> Le garçon avait des frissons dans le dos.<br /> â Pour ta gouverne, câest moi qui me suis arrangĂ© pour que ta moto soit rĂ©cupĂ©rĂ©e, et je nâai pas encore reçu le paiement pour le traitement de ton amie... Oh, voyons voir â quâest-ce que je vais bien pouvoir te demander en Ă©change...<br /> Pour le garçon, câĂ©tait comme si le grand sourire de Doc avait atteint ses oreilles. Une queue de dĂ©mon poussant dans son dos Ă©tait Ă©galement inclue dans lâimage.<br /> <br /> â Ghwaa... aahm...<br /> Ă ce moment prĂ©cis, la bouche de la fille sâouvrit Ă plus de 45° sous la puissance du bĂąillement. Tout en ouvrant la bouche si largement sans se soucier dâune possible dislocation de la mĂąchoire, bailler est un phĂ©nomĂšne physiologique qui peut ĂȘtre observĂ© chez la plupart des mammifĂšres. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale loin dâĂȘtre la grĂące incarnĂ©e, il ne fallait pas sâattendre Ă ce quâelle se retienne.<br /> Autrement dit, la fille sâennuyait.<br /> Tous ceux qui ont dĂ©jĂ dĂ» rester enfermĂ©s chez eux Ă cause dâun rhume devraient comprendre ce quâelle ressentait. Plus on approche de la guĂ©rison totale, et plus on sâennuie. MalgrĂ© le fait quâon est sur le point de retrouver la santĂ©, le mĂ©decin ne nous permet quâen de rares occasions de sortir du lit â et du fait de la nature de lâhomme, il est inĂ©vitable que notre esprit rebelle ne finisse par Ă©merger et nous donner envie de filer Ă lâanglaise dĂšs que le docteur a le dos tournĂ©.<br /> Elle se glissa dans ses baskets et sâenfuit.<br /> Bien entendu, elle nâavait pas lâintention de quitter la ville. Tout ce quâelle voulait, câĂ©tait respirer un peu dâair fraisâ<br /> <br /> â Excusez-moi...<br /> <br /> La fille put littĂ©ralement sentir son cĆur sortir de sa poitrine en entendant cette soudaine voix inconnue qui provenait de la piĂšce oĂč elle Ă©tait censĂ©e ĂȘtre seule.<br /> Ătait-elle malade au point dâentendre des voix ? Tout en cherchant un endroit dans lâinfirmerie oĂč quelquâun pouvait se cacher... elle en trouva un : le troisiĂšme lit, sous ses yeux Ă cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre.<br /> La fille leva la tĂȘte avec hĂ©sitation.<br /> â Hum, excusez-moi, dit la voix, ce aprĂšs quoi le rideau fut tirĂ© sur le cĂŽtĂ©.<br /> La fille fit un bond en arriĂšre. Elle se cogna le mollet contre le coin du lit derriĂšre elle, ce qui lui fit perdre lâĂ©quilibre, avant de tomber de lâautre cĂŽtĂ© sans avoir le temps de se retourner.<br /> Un gros bruit rĂ©sonna comme si un catcheur venait de sâĂ©crouler, et lâinstant dâaprĂšs, la porte sâouvrit.<br /> Le mĂ©decin et le garçon entrĂšrent et Ă©carquillĂšrent les yeux, avant de les plisser dâun air perplexe.<br /> â ... Ă quoi tu joues ?<br /> â Euh... Eh bien... essaya-t-elle dâexpliquer, mais en vain.<br /> Mais il nây avait aucun mot pour dĂ©crire comment elle sâĂ©tait retrouvĂ©e Ă faire le poirier contre son lit en pyjama et baskets.<br /> [[Image:Tabi_ni_Deyou_P0250.jpg|thumb| Mais il nây avait aucun mot pour dĂ©crire comment elle sâĂ©tait retrouvĂ©e Ă faire le poirier contre son lit en pyjama et baskets.]] <br /> â Excusez-moi... Je dormais Ă poings fermĂ©s jusque-lĂ , dit une fille, qui devait avoir le mĂȘme Ăąge que la fille, tout en se courbant.<br /> â Non, câest Ă moi de mâexcuser dâavoir Ă©tĂ© aussi bruyante.<br /> La jeune inconnue dormait dans le lit aux rideaux fermĂ©s. Apparemment, elle nâĂ©tait pas au courant de leur arrivĂ©e, car elle avait dormi pendant tout ce temps.<br /> â Ce nâest rien, plus on est fou, plus on rit, dit-elle en rigolant.<!--[Hunk]Tentative d'adapter le "the livelier the better" (littĂ©ralement "plus c'est vivant, mieux c'est") de la version anglaise en jouant sur le proverbe français "plus on est de fous, plus on rit". Ă voir si ça ne prĂȘte pas Ă confusion.[/Hunk]--><br /> Elle Ă©tait en phase terminale.<br /> Sa peau et ses cheveux Ă©taient dâun blanc neige â plus encore que chez un albinos. Ătant donnĂ© que la « disparition » ne provoquait aucun problĂšme de santĂ© particulier, si ce nâest la perte totale de toute pigmentation, elle nâavait pas lâair en mauvaise santĂ©. Sa peau blanche la faisait presque ressembler Ă une fĂ©e.<br /> Vu quâelle Ă©tait japonaise, ses yeux auraient dĂ» ĂȘtre soit noirs soit marron foncĂ©, mais les siens Ă©tait dâun gris cendrĂ© clair. CâĂ©tait sans aucun doute les symptĂŽmes de la phase terminale de la « disparition ».<br /> <br /> Elle nâĂ©tait pas encore complĂštement monochrome, mais cela nâĂ©tait plus quâune question de temps. MĂȘme sâil Ă©tait vrai que la progression de la maladie nâĂ©tait pas nĂ©cessairement linĂ©aire et variait dâun individu Ă lâautre, il Ă©tait Ă©vident quâil ne lui restait que peu de temps.<br /> â Eh bien, je crois que je vais faire les prĂ©sentations, dit le mĂ©decin en se tenant Ă cĂŽtĂ© dâelle, cette petite beautĂ© fait ses Ă©tudes dans ce lycĂ©e. Elle vit principalement ici du fait de sa santĂ© fragile.<br /> La fille en question se courba de façon un peu gĂȘnĂ©e, ce qui, par contre, Ă©tait vraiment gracieux et collait parfaitement Ă lâimage de la beautĂ© malchanceuse.<br /> â Elle doit avoir Ă peu prĂšs le mĂȘme Ăąge que vous, câest-Ă -dire seize ans. On la surnomme...<br /> â ... ''Docteur''...!<br /> Elle tira sur sa blouse blanche et protesta tout en murmurant avec des joues rouges. En voyant son dĂ©sespoir, le garçon et la fille Ă©changĂšrent un regard.<br /> â ... Voyons, ce nâest pas quelque chose que tu peux cacher. Il nây a pas Ă sâen faire. Ok, hum... Son surnom est « Princesse ».<br /> â « Princesse » ? rĂ©pondit la fille, surprise.<br /> La fille qui venait dâĂȘtre surnommĂ©e « Princesse » baissa les yeux tout en rougissant comme une tomate. Effectivement, cela semblait ĂȘtre le surnom parfait pour elle. Elle ressemblait vraiment Ă une princesse.<br /> â ... J-Je nâaime pas ce nom parce que câest vraiment gĂȘnant Ă porter, mais le docteur refuse de mâĂ©couter et mâappelle tout le temps comme ça. Du coup, tout le monde en ville en fait de mĂȘme maintenant...<br /> â Mais il te va Ă merveille, dit le garçon.<br /> Avec un sourire naturel qui exaspĂ©ra la fille.<br /> ''JâespĂšre que tune la dragues pas, petit saligaud !''<br /> â Excuse-moi... murmura Princesse en direction de la fille.<br /> â Oui ? rĂ©pondit la fille en la regardant.<br /> â Excuse-moi... mais pouvez-vous me donner vos noms ? Ce nâest pas juste que je sois la seule...<br /> â Je vois. Tu as raison. Je suis « Fille » !<br /> â De la mĂȘme façon, je suis « Garçon ». EnchantĂ© de faire votre connaissance, votre majestĂ© !<br /> Une fois de plus, il esquissa un sourire mielleux. Cette fois-ci, la fille dĂ©cocha son attaque spĂ©ciale du coup de coude â droit dans ses cĂŽtes.<br /> <br /> Le temps que leur groupe, qui comptait dĂ©sormais quatre personnes, ait fini leur lĂ©ger repas qui consistait en quelques petits pains et de la salade dâalgues, la fille Ă©tait de nouveau en pleine forme. Il y avait juste au niveau des jambes oĂč elle nâĂ©tait pas complĂštement remise, du fait de son rhume.<br /> Mais il ne faut pas oublier que câĂ©tait une sportive et une battante mĂȘme si elle ressemblait encore Ă un cadavre la veille. Retrouver la pleine possession de ses moyens dâici le lendemain allait ĂȘtre un jeu dâenfant pour elle.<br /> â Ok, gamin. Il est temps pour toi de te mettre au travail, dit le mĂ©decin en se levant de son tabouret bon marchĂ©.<br /> Tout en posant lâassiette en aluminium qui Ă©tait la propriĂ©tĂ© de lâĂ©cole, le garçon poussa un soupir intĂ©rieur. Il commençait Ă sâhabituer peu Ă peu Ă son attitude suffisante.<br /> â ''Princesse'' a pour habitude de faire des balades en ville lâaprĂšs-midi, tu sais. Malheureusement, jâai un impĂ©ratif extrĂȘmement barbant mais Ă©galement trĂšs important, je dois me rendre Ă une rĂ©union Ă lâhĂŽpital.<br /> â ''D-Docteur''... rĂ©torqua la princesse dâun air confus, mais il lâignora.<br /> â Par consĂ©quent, ''Garçon'', tu seras son escorte aujourdâhui. Profites-en pour visiter la ville tant que tây es.<br /> â HĂ©, ''Doc'' ! Et moi alors ?! rĂ©pliqua la fille.<br /> Le mĂ©decin pointa son index devant elle et dit : <br /> â Je tâinterdis de mettre le nez dehors. Et donc, je confisque ça.<br /> Il tenait dans sa main un sac en papier qui contenait les vĂȘtements quâelle portait Ă son arrivĂ©e, ainsi que ses baskets.<br /> â Que-Quand est-ce que...?!<br /> Elle essaya immĂ©diatement de les rĂ©cupĂ©rer, mais il lâĂ©vita.<br /> â Bon, tu sais quoi faire. Ne tâen fais pas, je reviendrai tĂŽt dans la soirĂ©e.<br /> Il leur lança un bref signe de la main et disparut aussitĂŽt.<br /> Ne restaient dans la salle quâun garçon et une fille perplexes, et une princesse rouge comme une tomate le regard fixĂ© sur le sol.<br /> <br /> Au final, le garçon accepta dâescorter la princesse et partit avec elle en direction de la ville. La dĂ©licate princesse utilisait une chaise roulante pour se dĂ©placer, et donc, fort heureusement, il nâallait pas devoir marcher main dans la main avec elle. <br /> Mais ce nâĂ©tait pour le moins pas suffisant pour calmer la colĂšre de la fille, et elle le fusilla du regard tel un dĂ©mon Ă cornes tout droit sorti de lâenfer.<br /> â Hum... Je suis sincĂšrement dĂ©solĂ©e. On pourra revenir dĂšs que tu en auras marre...<br /> â Hm ? Tâen fais pas. Jâai une dette envers le docteur, et de toute façon, il est trop tard pour calmer la fille maintenant, rĂ©pondit-il avec conviction tout en poussant la chaise roulante.<br /> Un soleil radieux brillant toujours autant que dâhabitude les accueillit au moment oĂč ils sortirent du bĂątiment.<br /> Il la poussa le long de la rampe en bĂ©ton qui devait avoir Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e rĂ©cemment si on se fiait Ă son apparence et traversa lentement la cour boueuse de lâĂ©cole.<br /> â Tu veux une ombrelle ?<br /> â Pas encore, merci.<br /> â Dâaccord, dit-il sans insister.<br /> DâaprĂšs ce quâavait compris le garçon, les gens souffrant dâalbinisme â une maladie congĂ©nitale qui est le fruit de lâhĂ©ritage de gĂȘne allĂ©lomorphe rĂ©cessif â Ă©taient trĂšs sensibles aux rayons ultraviolets du fait du dĂ©ficit en mĂ©lanine dans la peau.<br /> Ă la diffĂ©rence que la perte de couleur dans le cas de la « disparition » nâĂ©tait pas due Ă un manque de cette mĂȘme mĂ©lanine. La mĂ©lanine en elle-mĂȘme devenait simplement incolore, et donc elle dĂ©fendait toujours aussi bien que dans le cas du garçon contre les rayons ultraviolets, malgrĂ© quâelle fĂ»t devenue complĂštement blanche.<br /> Mais, comme lâexposition directe au soleil nâĂ©tait pas bon pour elle, Ă©tant donnĂ© son cĆur fragile, il avait pris une ombrelle avec lui juste au cas oĂč.<br /> â Par oĂč commence-t-on, ''Princesse'' ?<br /> â J-Je nâai vraiment pas envie de te dĂ©ranger, alors on peut rentrer si tu...<br /> â Dis pas ça. Câest lâoccasion rĂȘvĂ©e pour moi de faire le tour de la ville, alors sois mon guide.<br /> Princesse leva les yeux jusquâau sourire sur son visage.<br /> â ... Oui ! Tu peux compter sur moi !<br /> Elle rayonnait de bonheur.<br /> â Haha ! Dire que mon guide touristique est une prince-, commença-t-il avant de sâarrĂȘter au milieu de sa phrase parce quâil pouvait sentir la colĂšre noire de quelquâun dans son dos.<br /> Pour une raison quâil ignorait, il avait lâimpression quâune sombre aura sâĂ©chappait Ă travers les espaces des rideaux dâune certaine piĂšce de lâĂ©cole derriĂšre eux.<br /> â E-Euh... Bon, allons-y maintenant !<br /> â H-Hein ?<br /> Le garçon commença Ă pousser la chaise roulante Ă une allure assez rapide, alors que Princesse, un peu Ă©tonnĂ©e, commença Ă lui parler de la ville.<br /> <br /> Pendant ce temps, Ă lâinfirmerie.<br /> â UGAAAA !!<br /> Sur cet Ă©trange cri, la fille sauta du lit.<br /> ''Scandaleux ! Câest un vĂ©ritable scandale ! Comment est-ce quâon a pu en arriver lĂ ?''<br /> Ătant donnĂ© le lĂ©ger cĂŽtĂ© tombeur des dames malgrĂ© lui du garçon, il devait dĂ©jĂ avoir charmĂ© Princesse un nombre incalculable de fois sans mĂȘme sâen rendre compte. Ce nâĂ©tait pas juste une hypothĂšse, câĂ©tait une caractĂ©ristique mĂȘme de son existence.<br /> ... Du moins, câĂ©tait lâeffet quâil avait sur elle.<br /> ''Une dĂ©licate princesse, hein'', pensa-t-elle''. Je lâavais pas vue venir, celle-lĂ ...!''<br /> Elle avait Ă©tĂ© complĂštement prise par surprise par lâapparence de sa nouvelle rivale qui avait de plus une personnalitĂ© extrĂȘmement fĂ©minine, ce quâelle ne pourrait jamais imaginer avoir, mĂȘme dans ses rĂȘves les plus fous.<br /> Enfin, bien entendu, rien de tout ça ne serait arrivĂ© si elle nâĂ©tait pas tombĂ©e dans les pommes aprĂšs avoir attrapĂ© un rhume.<br /> Tout en rĂ©alisant que la situation Ă©tait de sa faute, elle ne lui restait plus quâune option : empĂȘcher cette comĂ©die romantique dâaller plus loin. HĂ©las, elle avait Ă©tĂ© privĂ©e de ses vĂȘtements de tous les jours et de ses chaussures, tout ce quâelle avait Ă©tait le pyjama quâelle portait. MĂȘme dans les jeux de rĂŽle, le joueur commence gĂ©nĂ©ralement avec quelque chose qui ressemble plus ou moins Ă de simples vĂȘtements, un bĂąton en bois et une paire de sandales. Par ailleurs, aussi tĂ©mĂ©raire quâelle fĂ»t, sa pudeur lâempĂȘchait de sortir dehors avec juste un pyjama.<br /> â Arg... Il faut que jâarrĂȘte cette tournure comico-romantique que les choses sont en train de prendre...!<br /> Ă la recherche dâobjets utiles, elle fouilla la piĂšce.<br /> Elle tomba sur la blouse blanche de lâinfĂąme mĂ©decin scolaire sur le dossier de la chaise devant son bureau.<br /> â ... Bon, je vais tenter le coup, je crois.<br /> Elle lâenfila Ă contrecĆur, mais une fois revĂȘtue, elle lâaimait en fait plutĂŽt bien. Comme elle Ă©tait longue et avait des boutons, elle Ă©tait mille fois mieux quâun pyjama.<br /> â Ne reste plus que les chaussures...<br /> Malheureusement, il nâĂ©tait pas Ă©vident de trouver ce genre de choses. Il Ă©tait rare de retirer ses chaussures Ă lâĂ©cole, aprĂšs tout. DâaprĂšs le docteur, il y avait des gens dans les classes, mais en tant que fugitive, elle prĂ©fĂ©rait Ă©viter les zones peuplĂ©es. Dâun autre cĂŽtĂ©, mĂȘme si le sol en linolĂ©um de lâinfirmerie ne posait pas de problĂšme, elle nâavait pas non plus envie de marcher pieds nus sur le bitume.<br /> AprĂšs avoir errĂ© dans lâĂ©cole ici et lĂ , elle tomba sur une paire de sandales dans les toilettes du gymnase. Comme elle nâavait pas vraiment dâautre choix, elle choisit de les utiliser.<br /> En laissant de cĂŽtĂ© le bĂąton en bois, qui ne lui Ă©tait pas nĂ©cessaire, elle avait rĂ©ussi Ă sâĂ©quiper dâune blouse blanche sale, dâun pyjama et dâune paire de sandales.<br /> Elle trottina de bonne humeur et sortit de lâĂ©cole â oĂč elle tomba sur quelquâun quâelle ne connaissait que trop bien.<br /> â Oh, câest Cubby !<br /> CâĂ©tait sans lâombre dâun doute leur ange gardien argentĂ©, leur Super Cub.<br /> En considĂ©rant le timing, il y avait peu de chances que le garçon soit allĂ© la chercher, alors elle soupçonnait lâinfĂąme mĂ©decin scolaire dâĂȘtre derriĂšre ça.<br /> Les bagages trempĂ©s avaient Ă©tĂ© Ă©tendus sur le sol devant lâentrĂ©e et Ă©taient en train de sĂ©cher au soleil avec Cubby elle-mĂȘme.<br /> Maintenant quâelle y pensait, environ un quart de sa guĂ©rison Ă©tait grĂące Ă Cubby parce quâelle nâaurait jamais pu atteindre cette ville sans ses roues.<br /> Du fait dâavoir roulĂ© Ă pleine vitesse pendant une demi-journĂ©e tout en Ă©tant exposĂ©e Ă la pluie toute la journĂ©e, sa peinture argentĂ©e Ă©tait tĂąchĂ©e par des saletĂ©s et de la boue.<br /> Elle fut soudain submergĂ©e par une espĂšce de sentimentalitĂ© qui Ă©tait difficile Ă dĂ©crire avec des mots.<br /> â ... Bon, ok ! Tâas mĂ©ritĂ© un bon bain !<br /> Les rĂ©parations et la maintenance Ă©taient le travail du garçon, mais elle Ă©tait certaine de pouvoir laver une moto toute seule.<br /> Tout en respirant bruyamment par le nez, elle fouilla les parterres de fleurs et trouva un tuyau dâarrosage et un robinet. LâĂ©cole est une Ă©trange institution qui oblige ses utilisateurs et clients, Ă savoir les Ă©lĂšves, Ă faire le mĂ©nage, et donc, elle dĂ©nicha un seau et un chiffon en un rien de temps. Pour une raison inconnue, il y avait mĂȘme du cirage pour voiture.<br /> Son objectif principal, Ă savoir sâĂ©chapper, lui Ă©tait complĂštement sorti de lâesprit.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> â Salut ! Pas avec ''Doc'' aujourdâhui, ''Princesse'' ?<br /> â N-Non. Bonne journĂ©e Ă vous.<br /> â Ă toi aussi ! HĂ© le jeunot, occupe-toi bien dâelle, ok ?<br /> â Oui. Vous pouvez compter sur moi.<br /> Il y eut plusieurs salutations ici et lĂ pendant leur balade. La description du boss, Ă savoir « ville vivante », sâavĂ©rait ĂȘtre exacte, ou peut-ĂȘtre quâelle lâĂ©tait devenue encore plus que quand le boss Ă©tait lĂ .<br /> Les quartiers rĂ©sidentiels, les centres de loisirs et autres avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©s, et la plupart des habitants avaient dĂ©mĂ©nagĂ© dans lâĂ©cole et dâautres grands bĂątiments publics. Apparemment, il Ă©tait plus facile de cette façon de contrĂŽler combien de gens avaient disparu et ainsi garder la ville intacte.<br /> Incapables de continuer Ă fonctionner, la plupart des boutiques du centre-ville Ă©taient fermĂ©es. DâaprĂšs Princesse, les Ă©piceries et les poissonneries de la ville soit avaient Ă©galement fermĂ© boutique soit Ă©taient simplement utilisĂ©es pour leurs installations Ă©tant donnĂ© quâil nâĂ©tait plus nĂ©cessaire de passer par eux pour la distribution de nourriture. Les portes des papeteries et autres libraires Ă©taient grandes ouvertes, accueillant quiconque ayant besoin de quelque chose.<br /> â Mais nâempĂȘche... pensa le garçon avant de dire, tout le monde tâaime bien, pas vrai, ''Princesse'' ?<br /> â C-Ce nâest pas ce que tu crois, essaya-t-elle de nier tout en rougissant, mais du fait quâabsolument tous les gens quâils avaient rencontrĂ©s jusque-lĂ lâavaient saluĂ©e et taquinĂ©e, ces paroles ne pesaient pas bien lourd.<br /> â Câest juste que jâaime me balader...<br /> â Je vois. Autrement dit, tu es lâidole de cette ville.<br /> â Lâidole...<br /> Il pensa avoir perçu de la mĂ©lancolie dans sa voix pendant lâespace dâune seconde, mais quand il regarda dans sa direction, elle souriait comme lâinstant dâavant.<br /> Ils avaient descendu une longue pente raide et avaient atteint lâendroit qui Ă©tait en quelque sorte le marchĂ© de la ville, oĂč les objets de la colline et les prises de poissons de la mer Ă©taient Ă©changĂ©s ou distribuĂ©s. Comme lâheure dâouverture du marchĂ© de poissons, qui Ă©tait un entrepĂŽt portuaire retapĂ©, avait Ă©tĂ© lĂ©gĂšrement dĂ©calĂ©e, il y avait peu de monde. Mais il nâempĂȘche que cela faisait des mois quâil nâavait pas vu pareille densitĂ© de population.<br /> â Excuse-moi, ''Garçon'', est-ce que tu aimerais voir la mer ?<br /> â La mer ?<br /> â Oui. Comme câest une ville portuaire, on peut mĂȘme voir le littoral !<br /> â Bonne idĂ©e. Peut-ĂȘtre mĂȘme que je devrais me baigner tant que jây suis.<br /> â Tu ne devrais pas sous-estimer nos cĂŽtes, ou la prochaine fois que tu reviendras dans cette ville, ce sera en tant que noyĂ©.<br /> â Hein ? dit-il en tordant le visage.<br /> â Lâeau nâest pas si chaude que ça mĂȘme en Ă©tĂ©, et les vagues sont trĂšs fortes. Et il nây a pas de plages non plus.<br /> â ... Je vais tĂącher de ne pas oublier ça.<br /> Tout en poussant la chaise roulante, le garçon se jura de refuser catĂ©goriquement si jamais la fille lâimplorait dâaller se baigner dans la mer.<br /> AprĂšs avoir continuĂ© Ă travers la ville, puis une large colline, pendant une quinzaine de minutes tout en suivant ses indications, la mer bleu foncĂ© quâil pouvait jusquâici vaguement voir au loin se trouvait dĂ©sormais juste sous ses yeux.<br /> CâĂ©tait un port de pĂȘche pas si large que ça avec quelques bateaux de pĂȘche flottant sur lâeau et un imposant phare sur le cĂŽtĂ©. Une brise marine leur chatouilla les narines et firent voler leurs cheveux.<br /> Sous leurs yeux se trouvait la mer sans fin.<br /> â Elle est vraiment grande...<br /> â La mer ?<br /> â Non, cette Ăźle. Je suis nĂ© et jâai grandi dans la capitale, tu sais. Câest juste que je mây ferai jamais.<br /> â Hein...? Corrige-moi si je me trompe, mais vous avez fait tout ce chemin depuis la capitale ?<br /> â Ouais. Ăa nous a pris trois mois, par contre.<br /> â Avec la fille ?<br /> â Avec elle, ouais.<br /> Visiblement trĂšs surprise, Princesse Ă©carquilla les yeux.<br /> â Une telle distance... en trois mois...<br /> â Bah, si on nâavait pas eu notre moto, on aurait Ă©tĂ© en train de rĂŽtir dans un coin avant mĂȘme dâavoir pu quitter lâĂźle principale, dit-il en rigolant.<br /> â Vous avez mis toutes vos affaires sur la moto ?<br /> â Ouais. On a pris avec nous quelques couvertures pour dormir, de la nourriture et de lâeau. Et bien entendu, des vĂȘtements et quelques bricoles de tous les jours. On nâaurait vraiment jamais pu y arriver sans notre Super Cub.<br /> â Cub ?<br /> â Ah, jâimagine que ce nom ne te dit rien. Câest le nom dâune mobylette quâon utilise souvent pour les livraisons de journaux ou de pizzas.<br /> â Cubby-chan, nâest-ce pas ? Quel joli nom !<br /> Enfin, « Cubby » avait Ă©tĂ© promue en « Cubby-chan ». Mais ce nâĂ©tait que lui rendre justice, Ă©tant donnĂ©s les services rendus par cette derniĂšre.<!--[Hunk]vu avec Eust, il se trouve en fait que Princesse les appelle "-san", alors qu'entre eux, ils n'utilisent aucun suffixe il me semble. LittĂ©ralement, la phrase donnerait "Mais quoi de plus normal, Ă©tant donnĂ© qu'eux aussi avaient Ă©tĂ© promus" (en "san"). Pas rĂ©ussi Ă trouver de formulation sans que celle-ci ne demande une note explicative, ce que j'ai voulu Ă©viter Ă©tant donnĂ© que ce n'est pas un passage fondamental de l'histoire.[/Hunk]--> « LâĂ©tape suivante serait « Cubby-tan », jâimagine ? » rĂȘva-t-il futilement.<br /> â Je sais pas si on peut la qualifier de mignonne ou pas, mais je peux te garantir que câest du solide ! Comme elle a Ă©tĂ© conçue pour ça, elle est rĂ©sistante et peut supporter beaucoup de poids.<br /> â Une vraie bosseuse, hein ?<br /> â Exactement. Et elle tombe rarement en panne.<br /> â ... Est-ce que je pourrais monter dessus rien quâune fois ?<br /> La demande de Princesse lui avait ĂŽtĂ© les mots de la bouche.<br /> â Eh bien...<br /> â Hein ?<br /> Tout Ă coup, un fort coup de vent coupa le garçon. Ils avaient rapidement fermĂ© les yeux et regardaient le vent souffler.<br /> Cette soudaine bourrasque les dĂ©passa et laissa un silence entre eux.<br /> â ... On dirait que le vent sâest levĂ©. On rentre ?<br /> â ... Oui, câest une bonne idĂ©e.<br /> Sans rĂ©pondre Ă sa question prĂ©cĂ©dente, le garçon commença Ă pousser la chaise roulante.<br /> Tout en regardant la pente quâil venait de descendre, il aperçut un point qui Ă©tait lâĂ©cole oĂč se trouvait la fille.<br /> <br /> Pendant ce temps-lĂ , du cĂŽtĂ© de la fille.<br /> â Oooh, papy ! Drague pas une fille qui pourrait ĂȘtre ta petite-fille !<br /> â Non, non, mais tu es assez-ARG ?!<br /> â M-Ma petite demoiselle ! Si tu le frappes aussi fort dans le dos, il risque de refaire un arrĂȘt cardiaque !<br /> â Oh ? Vous inquiĂ©tez pas, je le ressusciterai si ça arrive, dit la fille.<br /> â Quoi ?! Tu vas avoir droit Ă un bouche-Ă -bouche de sa part ?! Vite, il faut que mon cĆur sâarrĂȘte maintenant !<br /> â Il vaudrait mieux pas, mon gars. Ă ton Ăąge, tu cannerais avant mĂȘme que ses lĂšvres atteignent les tiennes. Ă nous autres, il ne nous faut pas longtemps avant de passer lâarme Ă gauche. AprĂšs tout, il y a plus de vieillards ici que de secouristes.<br /> â Tss ! Jâen ai reçu des invitations pour lâenfer depuis la guerre, et je suis toujours lĂ . Alors sâaccrocher Ă la vie quelques secondes de plus, câest du pipi de chat pour moi !<br /> Avant mĂȘme quâelle ne sâen rende compte, la fille laveuse de moto sâĂ©tait transformĂ©e en idole des vieilles personnes vivant dans lâĂ©cole.<br /> Mais, soudain, en mĂȘme temps quâun bruit sourd, une bouteille frappa lâarriĂšre de sa tĂȘte.<br /> Comme elle ne sâattendait pas du tout Ă un coup pareil, elle sâĂ©tait accroupie et se frottait la tĂȘte. Tout en se tordant Ă cause de la douleur qui se propageait dans son crĂąne, la personne quâelle vit en se retournant Ă©tait, comme elle sây attendait, le grand mĂ©decin scolaire.<br /> â Ah !! Ă quoi vous jouez, saletĂ© de ''Doc'' ?!<br /> â La ferme ! Pourquoi tu nâes pas restĂ©e couchĂ©e comme je te lâavais dit ?! Tu nâes plus Ă la maternelle, tu sais ? Tâes si Ă©cervelĂ©e que ça ?! cria le docteur avec une bouteille dans sa main droite et une sacoche dans lâautre.<br /> Soit dit en passant, le contenu de la bouteille semblait ĂȘtre du vĂ©ritable sakĂ© japonais. MĂȘme sâil avait retenu ses coups, et si jamais elle sâĂ©tait cassĂ©e ?<br /> â Je suis pas Ă©cervelĂ©e ! Câest juste... Câest juste que je voulais remercier Cubby en... en la lavant...<br /> â Quoi...?<br /> Il regarda en direction de la Super Cub, qui brillait effectivement de mille feux. Contrairement Ă la moto sale quâil avait vue ce matin, elle ressemblait Ă une machine flambant neuve. Son corps avait Ă©tĂ© lustrĂ© et les piĂšces du moteur encrassĂ©es par lâhuile avaient Ă©galement Ă©tĂ© nettoyĂ©es. MĂȘme les roues avaient Ă©tĂ© polies, ce qui donnait vraiment lâimpression dâassister Ă une renaissance complĂšte.<br /> â Quâest-ce que... GĂ©nĂ©ralement, on ne se met pas Ă laver une voiture quand on est encore malade, non ? Et si jamais tu avais fait une rechute Ă cause de lâeau froide sur tes mains et tes pieds ?<br /> â Mais non. Je suis dĂ©jĂ guĂ©rie, et jâai pas envie de passer ma vie dans ce lit. Ăa me briserait le cĆur de gĂącher ma jeunesse comme ça !<br /> â ... Rah... Et vous aussi, les ancĂȘtres... Vous nâavez pas honte de vous ? Je pourrais ĂȘtre votre fils, bon sang de bonsoir... dit-il en lançant un regard plein de reproche au groupe de vieux hommes.<br /> Ces derniers, cependant, semblaient nâen avoir rien Ă faire.<br /> â Mmm ? Mais quâest-ce que tu racontes, le jeunot ? Malheureusement, on est tous de vieux schnocks. Impossible de me souvenir de quoi que ce soit. Et toi, mon gars, tu te souviens pourquoi on est sortis, dis ?<br /> â Aucune idĂ©e, je souffre dâAlzheimer, moi. Aux toilettes peut-ĂȘtre ?<br /> â Ah, je vois. HĂ©, toi lĂ , oĂč sont les toilettes dĂ©jĂ ?<br /> En quelques instants, ils avaient improvisĂ© et trouvĂ© un mensonge. Leur jeu dâacteur Ă©tait vraiment magistral.<br /> NĂ©anmoins, le mĂ©decin ne semblait pas dâhumeur Ă les fĂ©liciter, mais il nâavait plus envie dâaborder le sujet.<br /> â Peu importe, bande de vieux croĂ»tons ! DĂ©pĂȘchez-vous de retourner dans vos lits ! Pas la peine de venir se plaindre si vous vous faites maudire par les mamies !<br /> â Ouais, ouais. Ne jamais sâapprocher dâun vaurien qui gĂąche cette occasion en or de pouvoir discuter avec une petite jeunette. Ăa se fait pas de faire ça Ă un vieil homme. En plus, bobonne est dĂ©jĂ six pieds sous terre. Essaye de me maudire pour voir !<br /> â JâespĂšre que tu ne regretteras pas tes paroles une fois que tu seras six pieds sous terre Ă ton tour, vieux schnock...<br /> Tout en Ă©chappant au regard perçant du mĂ©decin, les vieux hommes continuĂšrent Ă se plaindre.<br /> <br /> â Rah... Juste parce quâils nâont rien de mieux Ă faire...<br /> â Ahahaha ! Bah, grĂące à ça, vous avez eu lâoccasion de vous passer un peu les nerfs, pas vrai ? Et moi, jâai eu un peu dâaide.<br /> Il nâavait plus lâĂ©nergie de rĂ©pliquer.<br /> â Ah, ça me rappelle que jâavais pris ça au cas oĂč. On dirait que je ne vais pas en avoir besoin, dit-il en lançant Ă la fille un petit objet brillant.<br /> CâĂ©tait un porte-clĂ©s qui lui Ă©tait familier. Comme elle nâavait pas pu mettre la main dessus pendant quâelle lavait la moto, elle pensait que câĂ©tait le garçon qui lâavait pris avec lui.<br /> â Les clĂ©s de Cubby ? Pourquoi vous avez fait ça ?<br /> â Hein ? Bah, je me suis dit que tu risquais de partir Ă leur poursuite si je la laissais lĂ .<br /> â Ă la poursuite de qui ?<br /> â ... Ben, du gamin et de ''Princesse''.<br /> En une fraction de seconde, le teint hĂąle de son visage vira Ă un blanc du mĂȘme niveau que celui des craies de lâĂ©cole derriĂšre elle.<br /> <br /> â ARRĂTEZ CETTE COMĂDIE ROMANTIIIIIIQUE !!!<br /> Tel un Ă©clair, la fille sauta sur la Super Cub et insĂ©ra les clĂ©s, avant dâactionner la pĂ©dale de dĂ©marrage tellement fort que le vĂ©hicule pouvait presque rouler sans moteur.<br /> â ATTENDS VOIR, ''GARĂON'' !<br /> Tout en se mettant sur la roue arriĂšre comme dans un film dâaction, elle commença Ă avancer.<br /> â Hein ? Quâest-ce que tu me veux ?<br /> Lâinstant dâaprĂšs, elle entendit une rĂ©ponse Ă bout portant et la roue avant majestueuse de Cubby retomba sur le sol.<br /> DerriĂšre elle, elle aperçut une chaise roulante poussĂ©e par le garçon qui la regardait suspicieusement pendant que Princesse Ă©carquillait les yeux.<br /> â Hein, quoi ? ''Garçon'' ?! Quâest-ce que tu fais ici ?!<br /> â Ce que je fais lĂ ...? On revient de notre balade, câest tout. Mais et toi, Ă quoi tu joues, ''Fille'' ?<br /> Elle Ă©tait obligĂ©e de lui donner une rĂ©ponse.<br /> Mais dans son Ă©tat actuel â autrement dit, vĂȘtue dâune blouse blanche par-dessus son pyjama avec les manches retroussĂ©es et des sandales aux pieds, le tout sur une moto â il Ă©tait presque impossible de trouver une explication rationnelle Ă tout ça.<br /> AprĂšs avoir entendu Ă plusieurs reprises que le garçon nâavait fait quâaccompagner Princesse et rien de plus, la fille finit par accepter son excuse et sa colĂšre se dissipa. Pour commencer, mĂȘme si le garçon Ă©tait en pleine adolescence, il nâĂ©tait pas sournois au point de sauter sur une fille malade.<br /> ''Rah, elle ne me fait pas du tout confiance ou quoi ?''<br /> â Pourquoi tu soupires tout le temps, ''Garçon'' ?<br /> â Ah, non, pour rien.<br /> Ils se retrouvaient Ă nouveau dans lâinfirmerie, aprĂšs avoir mangĂ© le dĂźner. Pour ĂȘtre prĂ©cis, ils Ă©taient dans une zone sĂ©parĂ©e dans la salle, lĂ oĂč se trouvaient deux des trois lits ; ils avaient tirĂ© les rideaux de leurs lits de façon Ă sâisoler du reste de la piĂšce.<br /> Pendant ce temps-lĂ , Princesse Ă©tait en train dâĂȘtre examinĂ©e de lâautre cĂŽtĂ©.<br /> â Une seconde, me dis pas que tu regrettes de pas pouvoir mater ''Princesse'' pendant quâelle se fait examiner...<br /> â Non, rĂ©torqua-t-il dâune traite tout en continuant Ă ranger.<br /> Mettre de lâordre dans les affaires quâils avaient Ă©tendues pour quâelles sĂšchent demandait une approche bien planifiĂ©e. Ătant donnĂ© la quantitĂ© de bagages quâils avaient, il aurait Ă©tĂ© trĂšs compliquĂ© de tout ranger sans les disposer dâune certaine façon. <br /> Heureusement, ils avaient pu mettre la main sur quelques provisions en compensation pour lâaide apportĂ©e en cuisine et aux tĂąches mĂ©nagĂšres.<br /> Ils Ă©taient particuliĂšrement reconnaissants pour le rĂ©approvisionnement en mĂ©dicaments, mais aussi en essence, eau et nourriture.<br /> En termes dâessence, il ne leur restait que la moitiĂ© du rĂ©servoir.<br /> HĂ©las, mĂȘme cette ville active nâavait pas les moyens de produire de lâessence, câĂ©tait donc une denrĂ©e rare ici aussi, et la fille dut servir un peu de vin aux vieillards de lâassociation de pĂȘche pour mettre la main sur une petite quantitĂ©. Enfin, la fille sâĂ©tait bien prĂ©parĂ©e, et donc ce ne fut pas une si mauvaise affaire que ça.<br /> La fille rangea les affaires dont ils nâallaient pas se servir de sitĂŽt, puis mit ensemble celles dont ils se servaient tout le temps et leur Ă©quipement de couchage, et ferma la fermeture Ă©clair.<br /> â Bon ! On est parĂ©s pour demain.<br /> â Oh lĂ , minute papillon, vous voulez dĂ©jĂ vous en aller ? Vous ĂȘtes si pressĂ©s que ça ? demanda le docteur de lâautre cĂŽtĂ© du rideau.<br /> AprĂšs un petit rire Ă©touffĂ©, la fille rĂ©pondit :<br /> â Câest trop risquĂ© de rester ici ! Je veux pas quâil prenne le mauvais chemin, vous savez.<br /> â Quoi ?<br /> â Laissez tomber !<br /> Elle se saisit de la couverture et la plia.<br /> â Et voilĂ . Examen terminĂ©. On dirait que tout va bien.<br /> â Tout ça, câest grĂące Ă vous, ''Docteur''.<br /> Juste aprĂšs que Princesse eut prononcĂ© ces mots avec sa voix carillonnante, les rideaux qui sĂ©paraient les deux zones furent ouverts.<br /> â Allons, vous feriez mieux de vous prĂ©parer Ă aller dormir. LâĂ©lectricitĂ© est coupĂ©e Ă neuf heures.<br /> â SĂ©rieux ? demanda la fille en levant la tĂȘte.<br /> â Ăvidemment ! Notre seule source dâĂ©lectricitĂ© provient de la centrale hydroĂ©lectrique du barrage en amont de la riviĂšre, alors on ne peut pas se permettre de la gaspiller. Mis Ă part quelques lieux vitaux comme notre hĂŽpital, la ville nâa dâĂ©lectricitĂ© que la journĂ©e.<br /> â Mais et ''Princesse'' alors ? Elle va sâen sortir sans courant ? demanda le garçon avant de regarder en direction de Princesse, qui pour une raison ou une autre se mit Ă rougir et baisser les yeux.<br /> â Dans son cas, câest juste que son cĆur est fragile, alors elle nâa pas besoin de respirateur artificiel. Ce que jâai ici Ă lâinfirmerie est amplement suffisant pour lâinstant.<br /> â Je vois.<br /> â Des habitants du coin sâoccupent de la centrale. Enfin, en fait, ce ne sont que des amateurs, mais on a Ă©galement quelquâun qui a Ă©tĂ© employĂ© lĂ -bas. GrĂące Ă ses instructions, on a plus ou moins rĂ©ussi Ă tout garder en ordre. On pourrait croire que cette ville a de la rĂ©serve, mais ce nâest pas le cas.<br /> â ... Alors les temps sont durs pour tout le monde, hein.<br /> â On peut dire ça. Enfin bref ! DĂ©pĂȘchez-vous de vous prĂ©parer Ă dormir. Vous allez vous coucher tĂŽt et vous allez aussi devoir vous lever tĂŽt â si vous veniez Ă faire la grasse matinĂ©e, vous aurez droit Ă du dĂ©sinfectant droit dans les yeux.<br /> â Ouais, ouais, jâai compris ! Je vais aller me coucher.<br /> La fille ferma les rideaux et commença Ă se changer.<br /> â Toi aussi, ''Princesse''. La journĂ©e a dĂ» ĂȘtre Ă©puisante pour toi, nâest-ce pas ?<br /> â Oui.<br /> Elle retourna Ă©galement dans son lit, et se glissa sous sa couette.<br /> â Bon, gamin, bonne nuit. Je suis dans le bĂątiment ouest si besoin est.<br /> â Compris, dit-il en lui faisant un signe de la main.<br /> â Et petite, embraya le docteur.<br /> â Hm ?<br /> â Si jamais il touche Ă un cheveu de ''Princesse'', tue-le.<br /> â Ok, pas de problĂšme !<br /> ''RĂ©ponds pas ça du tac au tac...''<br /> â Et ''Garçon''.<br /> â Quây a-t-il encore ?<br /> â Je mâen fiche si tâas lâintention de lancer une attaque nocturne sur la petite, mais fais en sorte de pas rĂ©veiller ''Princesse''.<br /> â DĂ©gagez de lĂ , sale toubib de mes deux !!<br /> La fille, rouge comme une tomate jusquâaux oreilles, lui balança une bouteille de deux litres dâeau Ă la figure.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Quelques minutes plus tard, comme lâavait annoncĂ© le mĂ©decin, les lumiĂšres sâĂ©teignirent, marquant lâarrivĂ©e de la nuit pour les trois adolescents dans lâinfirmerie.<br /> La premiĂšre Ă sâendormir fut la fille. SĂ»rement quâelle sâĂ©tait beaucoup fatiguĂ©e sans sâen rendre compte. AprĂšs avoir racontĂ© au garçon deux ou trois choses qui lui Ă©tait arrivĂ©es pendant la journĂ©e, elle sâendormit.<br /> Environ une demi-heure sâĂ©tait Ă©coulĂ©e depuis que les lumiĂšres sâĂ©taient Ă©teintes, et le garçon dĂ©cida dâallumer discrĂštement une des bougies dont la piĂšce Ă©tait Ă©quipĂ©es. Tout en faisant attention Ă ce que le fin cierge ne sâĂ©teigne pas, il sortit leur journal de leurs bagages.<br /> â Tu es toujours debout...?<br /> â Hein...?!<br /> Ce soudain murmure avait fait lever le regard du garçon. Il tira les rideaux et aperçut Princesse, qui avait fait de mĂȘme avec les rideaux de son cĂŽtĂ©.<br /> â Ah, pardon. Je tâai rĂ©veillĂ©e ?<br /> â Non, ne tâen fais pas pour ça. Câest juste que je nâarrive pas Ă mâendormir vu que jâai dĂ©jĂ dormi pendant la moitiĂ© de la journĂ©e, dit-elle en riant et elle enfila ses chaussons en se levant de son lit.<br /> â Je peux venir de ton cĂŽtĂ©...?<br /> â Euh... Ah, oui, bien sĂ»r ! dit-il en hĂ©sitant un peu aprĂšs sâĂȘtre rappelĂ© de ce quâavait dit le docteur un peu plus tĂŽt.<br /> <br /> [[Image:Tabi_ni_Deyou_P0275.jpg|thumb| Le livre dont elle se saisit nâĂ©tait pas un fin livre, mais un splendide journal qui faisait dans les cinq centimĂštres dâĂ©paisseur et dont les bords Ă©taient protĂ©gĂ©s par du laiton.]] Ătant en pyjama vingt-quatre heures sur vingt-quatre, peut-ĂȘtre quâelle ne prĂȘtait que peu dâattention Ă son apparence, mais pour le garçon, un vigoureux mĂąle, ses yeux qui scintillaient Ă la lumiĂšre de la flamme produite par la bougie ou sa fragile clavicule qui dĂ©passait de ses vĂȘtements Ă©taient un spectacle envoĂ»tant.<br /> <br /> Quâelle fĂ»t consciente de son Ă©tat mental ou non, elle sâassit rapidement sur son lit Ă cĂŽtĂ© de lui. En plus de ça, ses joues Ă©taient rouges â ou du moins, elles semblaient lâĂȘtre pour le garçon.<br /> Tout en commençant Ă transpirer intĂ©rieurement, il ferma le journal.<br /> â Quâest-ce que tu fais Ă une heure aussi tardive ?<br /> â Hum, eh bien, jâĂ©cris dans notre journal... dit-il avant de lui tendre le livre. Regarde.<br /> Le livre dont elle se saisit nâĂ©tait pas un fin livre, mais un splendide journal qui faisait dans les cinq centimĂštres dâĂ©paisseur et dont les bords Ă©taient protĂ©gĂ©s par du laiton.<br /> â Waouh, il a lâair robuste...<br /> â On lâa trouvĂ© dans une librairie de la capitale. Jâaurais prĂ©fĂ©rĂ© quelque chose de plus petit et plus lĂ©ger, mais la fille a eu le coup de foudre pour celui-lĂ .<br /> Un sourire se dessina sur son visage alors quâil se remĂ©morait de cette page de leur histoire. Ils se dĂ©plaçaient encore Ă vĂ©lo Ă ce moment-lĂ ; il en avait des choses Ă dire sur le fait dâavoir Ă trimballer cet affreux poids mort inattendu.<br /> â Est-ce que tu parles dâaujourdâhui ?<br /> â Ouais. Il sâest passĂ© beaucoup de choses ces derniers temps. Câest clair que je ne manque pas de choses Ă Ă©crire.<br /> Il ouvrit le journal et commença Ă Ă©crire. Il se contenta dâĂ©crire la date dans un coin de la page, mais pas de nom.<br /> â Excuse-moi, mais pourquoi laisser la page blanche...? demanda Princesse en pointant du doigt la page prĂ©cĂ©dente.<br /> La page qui Ă©tait censĂ©e contenir les Ă©vĂšnements de la veille Ă©tait complĂštement blanche.<br /> â CâĂ©tait Ă la fille dâĂ©crire ! On fait ça Ă tour de rĂŽle, tu sais.<br /> â ... Mais nâĂ©tait-elle pas malade ce jour-lĂ ? Pourquoi ne pas Ă©crire Ă sa place ?<br /> â Non, on ne fait jamais ça. Ă grand jamais. Enfin, câest la fille qui a insistĂ© pour quâon fasse ça. Un jour, elle sâĂ©tait tordu le poignet droit et ne pouvait plus tenir le stylo, mais elle a rĂ©ussi Ă trouver le moyen de le faire quand mĂȘme.<br /> Le garçon tourna les pages du journal et sâarrĂȘta Ă une page du milieu du mois de mai. Et effectivement, une incroyable Ă©criture ressemblant Ă une limace dansant la samba leur sauta aux yeux.<br /> â MĂȘme elle-mĂȘme est incapable de lire ce quâil y a dâĂ©crit... et elle a dit quâelle a oubliĂ© aussi...<br /> Soudain, il remarqua que Princesse le dĂ©visageait. Au moment oĂč le garçon leva les yeux le cĆur tressaillant, elle ouvrit timidement la bouche.<br /> â Excuse-moi... mais pourrais-tu me raconter ce que vous avez vĂ©cu pendant votre voyage ?<br /> â Ce quâon a vĂ©cu ?<br /> â Oui. Jâaimerais vraiment pouvoir entendre votre histoire. Est-ce possible ?<br /> Il nây avait aucune raison de refuser.<br /> <br /> Le garçon dĂ©cida de raconter toutes les histoires qui avaient des chances de lâintĂ©resser.<br /> Princesse retourna rapidement dans son lit et revint avec plusieurs choses : quelques bougies et un thermos qui contenait du thĂ© jasmin â le meilleur ami des discussions avant de dormir â ainsi que quelques cookies faits par Princesse qui allaient faire office de biscuits pour le thĂ©. Avec ça, les prĂ©parations Ă©taient fin prĂȘtes, et câĂ©tait comme sâils Ă©taient sur le point de faire un goĂ»ter de minuit. AprĂšs avoir fermĂ© les rideaux de façon Ă ne pas Ă©veiller les soupçons dâun certain mĂ©chant mĂ©decin, lâhistoire du voyage du garçon et de la fille commença.<br /> Comment ils avaient pris la route. Comment ils sâĂ©taient retrouvĂ©s dans une riziĂšre le jour oĂč leur phare avant sâĂ©tait soudainement Ă©teint alors quâils roulaient sur une route de campagne. Comment ils avaient failli ĂȘtre emportĂ©s par le courant alors quâils tentaient de traverser une riviĂšre parce que le moteur de leur moto Ă©tait tombĂ© en panne.<br /> Puis, ce quâils avaient vĂ©cu aprĂšs ĂȘtre arrivĂ©s sur cette Ăźle. Ă lâaise et lentement, il parla de leurs souvenirs, tout en croquant dans ses cookies ou en sirotant son thĂ© de temps Ă autre.<br /> En entendant lâhistoire du directeur et du boss, Princesse avait la larme Ă lâĆil, et quand il lui parla de la fiĂšvre de la fille, elle se couvrit la bouche.<br /> Ă lâĂ©vocation de tous ces Ă©tranges souvenirs, le garçon Ă©prouvait un intense sentiment de nostalgie, et maintenant quâil y pensait, ils en avaient vraiment rĂ©chappĂ© de peu. Dans lâhistoire de la riziĂšre, il sâĂ©tait foulĂ© la cheville et du coup, ne pouvait plus appuyer sur la pĂ©dale de dĂ©marrage, ne leur laissant pas dâautre choix que de laisser la fille conduire, et dans lâhistoire de la riviĂšre, la fille avait failli se noyer. Et ce qui sâĂ©tait passĂ© avec le boss se passait de commentaires.<br /> Mais bizarrement, ils lui semblaient tous ĂȘtre de bons moments quand il se les remĂ©morait. Il pouvait les classer dans les souvenirs vraiment heureux, pas simplement les histoires amusantes que pour lui.<br /> CâĂ©tait probablement parce que la fille Ă©tait avec lui, Ă©nervante par moments, trop pressĂ©e et une vraie goinfre qui avait de lâĂ©nergie Ă revendre.<br /> Le garçon dĂ©cida de garder ça pour lui, par contre. La majoritĂ© des choses dans ce monde ne pouvaient ĂȘtre exprimĂ©es sans utiliser des mots, mais il pensait quâil y en avait qui ne pouvaient atteindre leur vĂ©ritable valeur quâune fois transmises sans leur usage.<br /> <br /> Avant quâil ne sâen rende compte, il Ă©tait dĂ©jĂ tard.<br /> â ... Eh ben, jâai beaucoup parlĂ©, hein ? Tu dois ĂȘtre fatiguĂ©e, non ?<br /> â Ăa va. Jâai complĂštement oubliĂ© lâheure comme câĂ©tait vraiment intĂ©ressant, dit-elle en riant de façon Ă©lĂ©gante et en posant les tasses de thĂ© et lâassiette de cookies dans lâĂ©vier rempli dâeau.<br /> Le garçon jeta un Ćil Ă la bougie, qui avait beaucoup rĂ©trĂ©ci, et se leva.<br /> â Il est dĂ©jĂ bien tard, alors on ferait mieux dâaller dormir. On doit se lever tĂŽt demain, pas vrai ?<br /> â Oui...<br /> Il acquiesça et ferma les rideaux aprĂšs sâĂȘtre assurĂ© que Princesse Ă©tait bien dans son lit.<br /> <br /> Lâombre qui se dessina sur son visage quand elle lui rĂ©pondit ressemblait dâune certaine façon Ă ce quâil avait pu voir plus tĂŽt dans la journĂ©e.<br /> Tout en sentant quelques doutes se lever, il partit se coucher.<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Le sommeil chez lâhomme est une succession de phases de sommeil profond et peu profond, un cycle durant environ deux heures. Que cela ait une influence ou pas, le garçon se rĂ©veilla aprĂšs seulement quatre heures.<br /> Il ouvrit les yeux et aperçut un plafond noir. Il nây avait pas de bougie allumĂ©e, alors il faisait vraiment noir comme dans un four.<br /> Il ignorait complĂštement pourquoi il sâĂ©tait rĂ©veillĂ©. Il nâavait mĂȘme pas tant dormi que ça la veille, et en fait, il Ă©tait toujours fatiguĂ©.<br /> Et pourtant, il sâĂ©tait rĂ©veillĂ©.<br /> Il se redressa lentement et pouvait voir que la fille dormait Ă poings fermĂ©s dans le lit dâĂ cĂŽtĂ©. Sa capacitĂ© Ă dormir si profondĂ©ment aprĂšs avoir dĂ©jĂ tant dormi pouvait vraiment ĂȘtre qualifiĂ©e de don de la nature.<br /> Malheureusement, avec son ventre nu, ses bras et ses jambes Ă©cartĂ©es sur le lit, et sa tĂȘte complĂštement Ă cĂŽtĂ© de lâoreiller et sa couette par terre, elle ne faisait vraiment pas fĂ©minine. Pas mĂȘme lâallure dâune jeune et saine Ă©tudiante.<br /> AprĂšs avoir poussĂ© un soupir, il la remit dans une position adĂ©quate et tira la couverture sur elle. Il prit une gorgĂ©e dans la bouteille Ă cĂŽtĂ© de son lit et Ă©tait sur le point de retourner se coucher quand il remarqua que les rideaux de Princesse Ă©taient ouverts. Pire, la seule chose visible Ă©tait la lumiĂšre de la lune Ă travers la fenĂȘtre, mais aucun signe dâelle.<br /> â ... Aux toilettes peut-ĂȘtre...? murmura-t-il et, tout en penchant la tĂȘte, posa sa main sur le lit vide.<br /> Il Ă©tait trop froid pour quâelle fĂ»t vraiment partie aux toilettes.<br /> â Une fugue, pensa-t-il un moment.<br /> Mais ça nâavait aucun sens. AprĂšs tout, elle nâĂ©tait pas comme la fille, et il Ă©tait peu probable quâune fille aussi docile puisse fuguer au beau milieu de la nuit. Sans compter quâavec son corps fragile, câĂ©tait de toute façon impossible.<br /> Puis, son regard sâarrĂȘta sur la table Ă cĂŽtĂ© de son lit. La bougie et la soucoupe que Princesse avait apportĂ©es pour leur goĂ»ter nâĂ©taient plus lĂ . Le journal fraĂźchement mis Ă jour non plus.<br /> Le garçon grommela, sentant comme un malaise.<br /> Il ne pouvait semble-t-il plus se rendormir, mĂȘme sâil se blottissait dans sa couette. Pour un sommeil paisible et un rĂ©veil en douceur, il nâavait pas dâautres choix que de faire une bonne action.<br /> Le garçon enfila sa chemise par-dessus son pyjama, puis ses chaussures et quitta lâinfirmerie.<br /> <br /> Avec une bougie sur une soucoupe, le garçon sortit de lâĂ©cole. Comme la nuit Ă©tait, comme on pouvait sây attendre, plutĂŽt fraĂźche, il Ă©ternua une fois.<br /> â Bon, par oĂč commencer, dit-il dâun air inquiet.<br /> Mais ses inquiĂ©tudes furent chassĂ©es quelques instants plus tard.<br /> Il aperçut une mystĂ©rieuse source de lumiĂšre au centre de la cour de lâĂ©cole. CâĂ©tait le mĂȘme genre de bougie quâil avait avec lui. Il pouvait distinguer une silhouette assise lĂ , les genoux courbĂ©s Ă cĂŽtĂ© de la lumiĂšre orangĂ©e.<br /> CâĂ©tait Princesse. Il ignorait ce quâelle faisait lĂ , mais câĂ©tait bien elle.<br /> <br /> Ă mesure quâil sâapprocha dâelle, Princesse sâaperçut de la lumiĂšre de sa bougie et se retourna.<br /> â ''Garçon''...<br /> â Tu vas attraper froid Ă rester dehors la nuit !<br /> â ... Mais câest dĂ©jĂ le matin, dit-elle en riant.<br /> Mais son sourire nâĂ©tait pas enjouĂ© comme la veille, mais empreint dâautodĂ©rision. Quelque chose clochait.<br /> â Quâest-ce que tu fais ici Ă une heure pareille ?<br /> Il sâassit Ă cĂŽtĂ© dâelle sur le sol froid.<br /> â ... Rien de spĂ©cial. Des fois, câest juste que je ne supporte plus de rester enfermĂ©e dans cette infirmerie.<br /> â Bah, câest vrai que ça a pas lâair bien excitant de rester assise dedans Ă longueur de journĂ©e...<br /> â Je passe mes journĂ©es Ă dormir et ne rien faire. Et puis, je nâai pas de hobby particulier, dit-elle avant de lever les yeux vers le ciel Ă©toilĂ©.<br /> La lune entourĂ©e dâinnombrables Ă©toiles brillait dans le ciel dĂ©gagĂ©.<br /> â ... Je nâai vraiment rien fait de ma vie...<br /> â Mais câest normal puisque tu as toujours Ă©tĂ© malade, non...?<br /> Princesse se tourna vers lui. Le garçon recula un peu parce que la bougie Ă©clairait son visage de façon Ă©trange.<br /> â Mais ce nâest pas le cas, tu sais.<br /> â Hein...?<br /> Son esprit fut dans lâincapacitĂ© de saisir ce quâelle venait de dire.<br /> â Le mot « malade » sert Ă dĂ©crire un corps sain qui cesse de fonctionner correctement, nâest-ce pas ? Et mon corps fonctionne comme il faut.<br /> â Mais alors, pourquoi est-ce que...<br /> ''... tu vis dans cette infirmerie dans ce cas ?'' Sâil nây avait aucun problĂšme avec son corps, pourquoi ne pouvait-elle pas vivre comme nâimporte quel ĂȘtre humain ?<br /> â « Mon cĆur est fragile ». Câest aussi simple que ça.<br /> â Juste... fragile ?<br /> â Jâignore comment on appelle ça vu que le nom officiel a dĂ©jĂ disparu, mais je souffrais dâune maladie qui faisait que le sang ne circulait pas correctement dans mon cĆur. Une maladie congĂ©nitale.<br /> Elle leva Ă nouveau les yeux vers le ciel Ă©toilĂ©.<br /> â CâĂ©tait la goutte de trop pour mon cĆur. AprĂšs avoir dĂ©couvert que jâen Ă©tais atteinte et aprĂšs plusieurs examens, on mâa opĂ©rĂ©e quand jâĂ©tais en CM1. LâopĂ©ration fut un succĂšs vu que le trou fut rebouchĂ©, mais Ă ce moment-lĂ , mon cĆur Ă©tait dĂ©jĂ fatiguĂ©.<br /> â ...<br /> Le garçon resta silencieux. Elle nâattendait sĂ»rement pas de rĂ©ponse de sa part de toute façon.<br /> â On mâa dit quâĂ cause dâun trou dans ma cloison intra-ventriculaire, mon cĆur devait supporter cinq fois plus de sang quâen temps normal. Câest bizarre, hein ? Jâai seize ans, mais jâai le cĆur dâune grand-mĂšre !<br /> â Câest pour ça que tu dis que ton cĆur est fragile...?<br /> â Oui. Mon pouls explose si je fais un peu de sport et je me mets Ă tousser quand je suis trop excitĂ©e. Câest aussi pour ça que le docteur prend toujours soin de moi. Il sâoccupe de moi depuis que je suis arrivĂ©e dans cette Ă©cole, il y a environ quatre mois.<br /> Le regard du garçon tomba soudain sur le journal dans ses mains.<br /> â ... Excuse-moi. Je savais que je nâaurais pas dĂ», mais je lâai lu.<br /> Il voulait lui dire quâelle nâavait pas Ă sâen faire pour ça, mais les mots ne voulaient pas sortir de sa bouche.<br /> Alors que le garçon restait sans voix, Princesse serra le solide et Ă©pais journal contre sa poitrine.<br /> â Jâai adorĂ© le lire. Vos aventures Ă toi et Ă la fille avaient lâair si vivantes quâon sây serait cru. Jâai mĂȘme pensĂ© tenir un journal moi-mĂȘme.<br /> Soudain, le sourire sur son visage sâestompa. Elle serrait fermement le journal tout en regardant par terre.<br /> â Mais ça ne servirait Ă rien. Si je tenais un journal, ça ne serait que pour parler de mon cĆur. « Aujourdâhui, jâai eu une quinte de toux », « Aujourdâhui, je suis allĂ©e Ă lâhĂŽpital », « Aujourdâhui, jâai eu de la fiĂšvre et jâai dĂ» rester Ă lâinfirmerie », et ainsi de suite.<br /> Elle esquissa Ă nouveau un sourire. Celui dâautodĂ©rision.<br /> â Câest pour ça que je suis jalouse de vous deux. Voyager Ă travers le pays avec quelquâun qui tâest cher, surmonter tous les obstacles se prĂ©sentant face Ă vous... Mais pour moi, câest...<br /> Le garçon resta silencieux.<br /> â Je nâai jamais voyagĂ©, et je ne suis jamais sorti avec des amis. Quand les autres se mirent Ă disparaĂźtre les uns aprĂšs les autres dans cette Ă©cole, je nâĂ©tais pas triste non plus, parce que je nâavais pas le moindre ami, dit-elle avant de se lever.<br /> Tout en tournant le dos au garçon, elle se dirigea lentement vers lâentrĂ©e de lâĂ©cole.<br /> â Jâai toujours vĂ©cu sans rien faire depuis lâĂ©cole primaire. Et je vais bientĂŽt disparaĂźtre sans rien nâavoir jamais fait.<br /> Princesse fit virevolter ses cheveux blancs avec ses doigts fins. Sa chevelure dâun blanc pur brillait comme de lâargent sous la lumiĂšre de la lune.<br /> Mais câĂ©tait une lumiĂšre insidieuse.<br /> CâĂ©tait le reflet du dĂ©sespoir qui illustrait profondĂ©ment le fait quâil ne lui restait plus beaucoup de temps.<br /> Princesse se tourna dans sa direction tout en tentant dĂ©sespĂ©rĂ©ment de sourire.<br /> â Mais ne te mĂ©prends pas. Ce nâest pas du pessimisme ! Il suffit de regarder autour de nous. La « disparition » se propage. On disparaĂźt les uns aprĂšs les autres, quelle que soit notre nationalitĂ©, quâon soit jeune ou vieux, et au moins aussi alĂ©atoirement que la mort elle-mĂȘme.<br /> Pour le garçon, ces mots rĂ©sonnaient Ă©trangement comme ils ne lui ressemblaient pas du tout.<br /> â ... Un jour, je me suis demandĂ© si jâĂ©tais vraiment « chanceuse de ne pas avoir encore disparu ».<br /> Incapable de la suivre, le garçon afficha une mine ombrageuse pendant quelques instants.<br /> â Comment ça ?<br /> â Ătait-ce que je « nâavais pas disparu », ou plutĂŽt que jâavais « Ă©tĂ© abandonnĂ©e » ?<br /> Le garçon retint son souffle.<br /> â Penses-y : dĂšs quâun homme dĂ©cĂšde, son cerveau sâarrĂȘte de fonctionner et son corps commence Ă pourrir. Mais mĂȘme sâil a Ă©tĂ© scientifiquement prouvĂ© que les humains ne sont que des bouts de viande et que lâexistence de lâĂąme nâa pas Ă©tĂ© confirmĂ©e, des milliards de personnes croient quâil existe une vie aprĂšs la mort. Alors pourquoi nâaurais-je pas le droit de croire en une vie aprĂšs la « disparition », alors quâon ignore tout de cette maladie ?<br /> Puis, elle sâarrĂȘta et, sĂ»rement parce quâelle Ă©tait en colĂšre, serra sa main contre sa poitrine.<br /> â ... Et donc, pour moi, mon salut viendra de la « disparition ». Si je venais Ă disparaĂźtre, je pourrais rejoindre les autres... sans plus jamais avoir Ă souffrir... de ce cĆur...<br /> <br /> Un silence pesant sâinstalla entre eux. La brise nocturne, dĂ©jĂ fraĂźche Ă la base, semblait terriblement humide, et il fallait beaucoup de volontĂ©, que ce soit pour parler ou rester debout.<br /> Il ignorait au bout de combien de temps, mais le garçon finit par ouvrir la bouche.<br /> <br /> â ........ Oh, câest vrai !<br /> <br /> â Hein ?<br /> Un Ă©trange cri sâĂ©chappa de ses lĂšvres quand le garçon brisa soudainement le silence dâune voix stupĂ©faite.<br /> â Ah, tu sais, je viens juste de me rappeler que tu mâas dit que tu voulais monter sur Cubby hier.<br /> â Eh bien... Euh, oui. Jâai effectivement dit ça...<br /> Princesse fut prise de surprise par ce soudain changement de sujet. Et rien dâĂ©tonnant Ă cela â son discours extrĂȘmement sĂ©rieux avait Ă©tĂ© ramenĂ© dâun coup Ă leur conversation futile de la veille.<br /> â Ăa te tente toujours ? Maintenant par exemple.<br /> â Maintenant...?<br /> Le garçon esquissa un sourire machiavĂ©lique jusquâaux oreilles face Ă Princesse, qui Ă©carquillait littĂ©ralement les yeux.<br /> â Ouais. Maintenant.<br /> <br /> Sâil est vrai quâon ignore si fusiller quelquâun du regard peut vraiment tuer quelquâun, apparemment, cela ne fonctionne pas de loin. Parce que si câĂ©tait le cas, le garçon serait dĂ©jĂ mort Ă coup sĂ»r.<br /> â CEEeeE SaLe DRaGuEeeEuUuuURRrr !!<br /> La fille fixait du regard la cour de lâĂ©cole tout en serrant les dents. Le cadre de la fenĂȘtre de la porte dâentrĂ©e hurlait de douleur sous la pression de la poigne de la fille, mais cette derniĂšre Ă©tait bien trop absorbĂ©e par les deux silhouettes au centre de la cour et ne prĂȘta pas la moindre attention Ă ses complaintes.<br /> Lâenvie dâaller aux toilettes lâavait rĂ©veillĂ©e, mais elle avait alors remarquĂ© quâil nây avait ni trace du garçon ni de Princesse, et aprĂšs avoir fouillĂ© un peu partout en imaginant les choses les plus inimaginables, ses craintes sâavĂ©rĂšrent finalement vraies.<br /> â Alors comme ça, on se fait un petit tĂȘte-Ă -tĂȘte au clair de lune, mon cher compagnon ? Je me demande de quoi ils peuvent bien discuter...<br /> Dans sa colĂšre noire, son choix de mots Ă©tait devenu subtil.<br /> De cette distance, elle ne pouvait bien sĂ»r pas discerner un traitre mot de leur conversation, mais il Ă©tait Ă©vident Ă vue de nez quâils sâamusaient bien. Pire, ils Ă©taient tous les deux en pyjama. AprĂšs tout, le garçon Ă©tait un jeune adolescent tout ce quâil y a de plus normal, et donc peut-ĂȘtre quâil sâĂ©tait transformĂ© en bĂȘte fĂ©roce.<br /> â Oh, quâest-ce que tu fais lĂ , ma petite demoiselle ?<br /> â Mm ?!<br /> Elle se retourna et aperçut les vieillards de la veille. Les papis survitaminĂ©s sâĂ©taient tous rassemblĂ©s.<br /> â Uhya ! D-Doux JĂ©sus ! Quel visage effroyable !<br /> â Que ! Comment ça ?! Comment pouvez-vous traiter une beautĂ© sans Ă©gale comme moi dâeffroyable ?! rugit-elle, mais les vieillards poussĂšrent un ouf de soulagement.<br /> â Oh, jâai cru que tu allais nous tuer. Tu avais lâair encore plus effroyable que cet ours borgne que jâavais rencontrĂ© Ă la montagne quand jâĂ©tais jeune.<br /> â MĂȘme vous, vous ĂȘtes contre moi, les papis ? Tsss !<br /> Mais lĂ , elle se souvint de sa mission et se retourna. Le garçon et Princesse, qui Ă©taient au centre de la cour le moment dâavant, nâĂ©taient plus lĂ .<br /> â AAAHH !! ILS SE SONT ENFUIS !!!!<br /> â Mm ? Tâes Ă la recherche dâun fantĂŽme ou quoi, ma petite demoiselle ?<br /> â Nâimporte quoi, vieux schnock, nâimporte quoi. Avec rien quâune grimace de sa part, nâimporte quel fantĂŽme la prendrait pour un dĂ©mon et prendrait ses jambes Ă son cou.<br /> â On sait jamais ! Il y a pas mal de vieux dans cette Ă©cole qui sont candidats pour devenir des fantĂŽmes. Au moins, on manque pas de bras.<br /> â Foutaises ! Tous les types ici sont des scĂ©lĂ©rats qui ne lĂącheront jamais la vie mĂȘme aprĂšs avoir vĂ©cu le temps qui leur a Ă©tĂ© allouĂ©. Ils iront en enfer avant mĂȘme de pouvoir penser se transformer en fantĂŽme !<br /> â Nan ! Yâa pas vraiment de diffĂ©rence entre une momie et ce tas de vieux croĂ»tons. La Grande Faucheuse remarquera Ă peine si un dâeux venait Ă canner. HĂ© les gars, vous avez toujours vos jambes ?<br /> Confuse, la fille massa ses tempes.<br /> â Papis... Vous vous rendez compte que vous faites partie de ces types dont vous parlez ?<br /> â Câest vrai, je peux pas le nier. AprĂšs tout, on est des vieux complĂštements sĂ©niles, rĂ©pondit le vieil homme sans rĂ©flĂ©chir, ce aprĂšs quoi la fille poussa le plus gros soupir possible.<br /> Puis, elle remarqua soudainement quelque chose.<br /> â Jây pense, quâest-ce que vous fichez ici Ă une heure pareille, les papis ? Il est trois heures du matâ, vous savez.<br /> â Ne nous sous-estime pas, jeune fille ! Sâil est trois heures, câest dĂ©jĂ le matin. Lâheure dâaller travailler !<br /> Câest seulement Ă ce moment que la fille remarqua quâils nâĂ©taient pas dans leurs habits de tous les jours ou en pyjama, mais en pantalons Ă©tanches, blousons et casquettes.<br /> â Travailler ? Vous ?<br /> â Pour sĂ»r ! On va partir en mer aller pĂȘcher.<br /> Le groupe de vieillards sâesclaffa.<br /> â Mais papis, vous avez pas dĂ©jĂ atteint lâĂąge de la retrai... Non, vous ĂȘtes dĂ©jĂ Ă la retraite, non ? Vous ĂȘtes Ă la maison de retraite, pas vrai ?<br /> â Eh bien, câest vrai. Mais malheureusement, la majoritĂ© des jeunes pĂȘcheurs ont presque tous disparu. Au dĂ©but, on avait essayĂ© de laisser les employĂ©s de bureau qui nâavaient rien Ă faire sâoccuper de ça, mais ils ne savent pas conduire un bateau. Ils ne savent pas pĂȘcher non plus. Et puis bon, les suivants dans la liste Ă jouer les instructeurs, eh bien câĂ©tait nous, les vieux schnocks !<br /> â Ăa va aller ? Vous risquez pas de casser votre pipe si un gros poisson venait Ă mordre Ă lâhameçon ?<br /> â Tâen fais pas. Si ça venait Ă arriver, je balancerais moi-mĂȘme le cadavre par-dessus bord et jâattraperai une baleine ou un truc comme ça avec lui comme appĂąt.<br /> â Balivernes ! Tâattraperas rien avec des vieux croĂ»tons comme nous. Pas mĂȘme un requin qui passerait par ici !<br /> Une fois encore, le groupe sâesclaffa Ă la remarque de lâun des leurs.<br /> â On dirait que câest du boulot, hein... dit la fille, mi-impressionnĂ©e, mi-surprise.<br /> â Oh, bah, on peut dire ça. Mais tu sais, jâen ai marre de regarder Mito KĂŽmon<ref>Nom dâune sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e japonaise historique diffusĂ©e pour la premiĂšre fois en 1969 au Japon.</ref> dans la salle Ă manger de la maison de retraite. Câest un bon moyen de tuer le temps.<br /> â Ma parole ! Cette sĂ©rie devient nulle Ă la longue, elle est mĂȘme pas drĂŽle. Pourquoi des papis sont obligĂ©s de regarder des histoires de papis ? On veut regarder des sĂ©ries Ă lâeau de rose, nous aussi !<br /> â ... Tant que vous serez lĂ , les papis, cette ville ne craint rien, dit la fille avec un rire aux Ă©clats qui contamina son entourage.<br /> Soudain, elle entendit le ronronnement familier dâun moteur au loin. Ce son sourd mais pour le moins fort devait ĂȘtre celui de leur Super Cub.<br /> â Oh ? Ce son vient de votre moto, non ?<br /> â Oui, en effet ! Le garçon et ''Princesse'' se sont rencontrĂ©s en secret. Je sais pas ce quâils ont derriĂšre la tĂȘte par contre.<br /> Les vieillards Ă©clatĂšrent de rire en entendant son explication amĂšre.<br /> â Eh ben, si câest pas une urgence, ça ! Ce petit gars pourrait bien sâenfuir avec ''Princesse'' ! Tâes sĂ»re que câest le moment de traĂźner ici ?<br /> â Mais non, câest impossible. Vraiment.<br /> Sa rĂ©ponse pleine de confiance dĂ©concerta les vieillards. Ils sâattendaient Ă ce quâelle se rue vers le garçon, inquiĂšte.<br /> Tout en Ă©tant la cible dâinnombrables regards inquisiteurs, elle se gratta la tĂȘte.<br /> â On dirait que vous ne vous en ĂȘtes pas encore rendu compte, alors laissez-moi vous dire un truc, commença-t-elle, en Ă©cartant les jambes et croisant les bras. Vous savez quoi ? Le garçon est Ă moi. Et je suis Ă lui. Et donc, il ira pas sâenfuir avec qui que ce soit dâautre, dit-elle avec une intime conviction.<br /> Sur un rire Ă©touffĂ©, elle repartit dans lâĂ©cole en se pavanant.<br /> Tout en la regardant partir, les vieillards Ă©clatĂšrent de nouveau de rire.<br /> â ... Ăa câest quelque chose. On dirait que le petit gars va pas sâenfuir.<br /> â Ouais... Mais, oh...<br /> â Quâest-ce qui tâarrive, mon gars ? Une crise dâhĂ©morroĂŻdes ?<br /> â Foutaises ! ... Je me suis juste, vous savez... imaginĂ© ce que la petite demoiselle allait devenir quand elle sera vieille...<br /> â ............<br /> <br /> Un long silence sâinstalla<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Le bourdonnement du moteur rĂ©sonna Ă travers les rues dĂ©sertes. Maintenant quâil nây avait aucun autre bruit, le son provenant du pot dâĂ©chappement semblait plus fort que jamais.<br /> La Super Cub, qui avait Ă©tĂ© garĂ©e Ă lâentrĂ©e de lâĂ©cole, Ă©tait maintenant sĂšche et luisait tel un vĂ©hicule sortant tout juste de lâusine sous la lumiĂšre de la lune.<br /> â Waouh... Ăa faisait longtemps que je nâavais pas entendu le moteur dâune moto...<br /> â Alors il nây en a vraiment pas ici ? En fait, je me suis toujours dit que les habitants de cette ville devaient avoir rassemblĂ© toutes les voitures et autres dans un mĂȘme endroit pour rĂ©cupĂ©rer facilement leur essence parce que je nâen voyais nulle part.<br /> â Oui. Nous transportons nos affaires sur des vĂ©los munis de remorque, et nous nous dĂ©plaçons Ă vĂ©lo. Les voitures Ă©lectriques fonctionnent avec une batterie, alors on utilise uniquement notre essence pour les bateaux. Mais on essaye en ce moment-mĂȘme de trouver le moyen de les faire marcher Ă lâĂ©lectricitĂ© aussi...<br /> â Je vois. Bon allez, grimpe maintenant, dit le garçon en tapotant la selle.<br /> â O-Oui !<br /> Quand la fille avait lavĂ© la Super Cub argentĂ©e et avait Ă©tendu leurs affaires pour quâelles sĂšchent, elle avait tout enlevĂ©, et du coup, il ne restait plus rien dâautre que le siĂšge biplace bricolĂ© avec une couverture.<br /> Il avait retirĂ© la bĂ©quille, mais Princesse ne semblait pas ĂȘtre en mesure de se calmer.<br /> â E-Excuse... moi, mais... bĂ©gaya-t-elle en regardant le garçon dâun air plein dâattente.<br /> En voyant quâil avait raison, le garçon esquissa un sourire malicieux.<br /> â Je suis dĂ©solĂ© de te dĂ©cevoir, mais je ne laisserai personne dâautre que la fille utiliser le siĂšge arriĂšre. Alors, tu seras devant.<br /> Princesse resta pantois quelques instants.<br /> â J-Je ne vais pas conduire quand mĂȘme, si ?<br /> â Eh bien, câest celui de devant qui conduit.<br /> â Ăa veut dire que je vais devoir me servir du guidon et des freins ?!<br /> â Ouais. Câest la dĂ©finition de « conduire ».<br /> Elle avait finalement compris que le garçon Ă©tait « sĂ©rieux ».<br /> â Non...! Je sais seulement monter Ă vĂ©lo et...<br /> â Et donc ? Câest normal pour une fille de seize ans, non ?<br /> â Je nâai mĂȘme pas le permis...<br /> â Bah moi et la fille non plus ! On sâest entraĂźnĂ©s sur le chemin et on a fini par sây faire.<br /> Tout en ne lui laissant implicitement plus le choix, le garçon sâassit Ă lâarriĂšre.<br /> â Ă toi maintenant. Allez, grimpe !<br /> Princesse prit sa main, et alors que les siennes tremblaient, il parvint Ă la faire monter sur la moto sans trop de difficultĂ©.<br /> â Il fait assez froid quand on roule, alors tu ferais mieux dâenfiler ça.<br /> Le garçon posa sa veste sur ses Ă©paules et, troublĂ©e, elle insĂ©ra ses bras dans les manches. Ils rangĂšrent le journal dans le panier avant.<br /> Cependant, au moment de se retrouver face au guidon et Ă la pĂ©dale de dĂ©marrage, elle se figea.<br /> â Non... Je ne peux pas...<br /> â Hm... Ouais, actionner la pĂ©dale sans savoir comment, câest pas Ă©vident. Ok ! Je vais mâoccuper de ça ! Tu nâauras quâĂ te soucier du guidon et de la vitesse.<br /> Le garçon Ă©tira ses jambes et les plaça sur les pĂ©dales. Il agrippa ensuite les mains tremblantes de la fille et les posa sur le guidon.<br /> â Ok, câest PARTIIIII !!<br /> Il appuya soudainement sur lâaccĂ©lĂ©rateur.<br /> Sans donner le temps Ă Princesse de dire ouf, la Super Cub accĂ©lĂ©ra dâun coup.<br /> â KYAAAAA ?!<br /> â Allez, Ă ton tour ! Je vais lĂącher le guidon ! On porte pas de casques, alors on risque de mourir si on tombe !<br /> â HEIN ?! Att-...!<br /> Princesse empoigna rapidement le guidon Ă la place du garçon, qui avait dangereusement lĂąchĂ© ce dernier. Comme cela devait faire un moment quâelle nâĂ©tait pas montĂ©e sur un deux-roues, le vĂ©hicule commença Ă tanguer de gauche Ă droite.<br /> â Non !! Jây arrive pas !!<br /> â Relax, relax. Regarde, on avance.<br /> La Super Cub dĂ©chaĂźnĂ©e avec les deux ados dessus avait dĂ©passĂ© les portes de lâĂ©cole en un rien de temps et avait tournĂ© Ă gauche tout en manquant de peu de sâĂ©craser contre le mur dâune maison.<br /> â Je vais mourir ! Je vais mourir !<br /> â Mais non, Ă moins quâon tombe.<br /> â Je dis ça justement parce quâon va tomber !<br /> En vĂ©ritĂ©, ils se seraient arrĂȘtĂ©s immĂ©diatement si elle lĂąchait simplement ses mains de lâaccĂ©lĂ©rateur. Mais, comme le garçon Ă©tait dâhumeur taquine, il ne lui dit rien.<br /> â Au fait, ''Princesse''. Câest quoi ce truc Ă droite ?<br /> â Hein ?<br /> Ă cause de sa question, elle tourna le guidon vers la droite, presque inconsciemment.<br /> Ils prirent un virage tout en douceur â et arrivĂšrent sur la longue, longue pente quâils avaient descendue la veille. La route menait tout droit au port sans le moindre obstacle.<br /> â ... KYAAAAAAA ?!!<br /> Au mĂȘme moment, alors que la moto accĂ©lĂ©rait violemment, le cri de Princesse passa du « hurlement de peur » au « hurlement pour sa vie ». Le vent qui lui frappait le visage contribuait aussi Ă sa confusion grandissante.<br /> â Regarde ça ! Lâaiguille du compteur a dĂ©passĂ© le maximum ! Si on sâĂ©crase Ă cette vitesse, on sera de la chair Ă pĂątĂ©e.<br /> â Non !! ArrĂȘte...!!<br /> â Ah, nâutilise pas les freins du guidon. Câest pour les freins avant, tu sais. Les freins arriĂšre sâactionnent avec les pĂ©dales. Et si tu utilises les freins avant Ă cette vitesse... Tu vois ce que je veux dire, hein ?<br /> â Quoi ?! Mais câest cruel !<br /> â Allons bon, je te tiens compagnie.<br /> â Tu tâattends Ă ĂȘtre emportĂ© dans lâautre monde avec moi ?!<br /> La Super Cub dĂ©valait la pente Ă une vitesse phĂ©nomĂ©nale.<br /> En fait, ils nâallaient pas si vite que ça, mais elle ne lâavait pas remarquĂ© parce que la vitesse maximale Ă©tait de soixante kilomĂštre-heure. Cependant, Ă©tant donnĂ© que câĂ©tait la premiĂšre fois quâelle montait sur une moto et quâelle ignorait comment freiner, sa peur devait ĂȘtre bien supĂ©rieure Ă la moyenne. Son visage Ă©tait blanc comme un linge, la panique lâempĂȘchant de rĂ©flĂ©chir calmement avant quâils nâatteignent le bas de la pente.<br /> â Allez, tourne le guidon ou on est bons pour nourrir les poissons !<br /> En entendant ses mots, Princesse devint encore plus pĂąle. Devant ses yeux se trouvait un carrefour, et plus loin devant, la mer. Quâest-ce qui allait arriver Ă son pauvre cĆur si elle venait Ă sauter soudainement dans la mer, la nuit et sur cette Ăźle ?<br /> CâĂ©tait Ă©vident. Son cĆur grinça quand le mot « mort » lui vint Ă lâesprit.<br /> Dâun coup, ses mains tournĂšrent le guidon dâelles-mĂȘmes.<br /> Le garçon, qui essayait de lâaider, se pencha dâun cĂŽtĂ©, le capot en plastique sâĂ©raflant alors contre le sol.<br /> GrĂące Ă la bienveillance des dieux ou la protection dâun dĂ©mon, la Super Cub argentĂ©e fit un virage et reprit doucement sa position initiale.<br /> Avec leur champ de vision qui se redressa pour revenir Ă lâhorizontale, ils roulĂšrent sur la route en ligne droite le long de la mer tout en ralentissant enfin.<br /> Lâhorreur de Princesse sâĂ©tait soudain tue et elle lĂącha le guidon.<br /> â Oups, dit le garçon en reprenant le contrĂŽle du vĂ©hicule et en actionnant les freins.<br /> Princesse serra ses deux mains contre son cĆur tout en respirant frĂ©nĂ©tiquement.<br /> Inquiet Ă son sujet, le garçon la regarda de derriĂšre ses Ă©paules.<br /> â Ăa va ?<br /> â Oui... Jâai juste Ă©tĂ© un peu surprise...<br /> Il lui rendit lentement le guidon et ouvrit la bouche.<br /> Le ton taquin de sa voix avait disparu, pour passer Ă un autre plus calme.<br /> â ... Hum, Ă©coute.<br /> â Hein ?<br /> Le garçon marqua un temps dâarrĂȘt pour mettre de lâordre dans ses pensĂ©es, et reprit quelques instants aprĂšs :<br /> â ... Ăcoute, je pense que câest du gĂąchis.<br /> â De quoi...?<br /> â Ta vie. Ta vie entre maintenant et quand tu disparaĂźtras.<br /> Princesse retint son souffle.<br /> â Tu sais, câest pas comme si jâavais fait tout ce chemin tout seul ! Si je suis ici, câest parce que la fille et moi, on sâest soutenus mutuellement. Et puis, on nâest pas venus Ă pied. On a pu compter sur les soixante kilomĂštre-heure de Cubby, dit-il en donnant un coup sur le capot. MalgrĂ© tout, on nâaurait jamais pu aller aussi loin rien que tous les trois. On a reçu lâaide de gens rencontrĂ©s sur le chemin. Beaucoup dâaide.<br /> Il posa sa main sur la tĂȘte de Princesse.<br /> â Et regarde, tu lâas fait. Tu as rĂ©ussi Ă conduire Cubby. Peut-ĂȘtre que tu peux Ă peine faire du sport, peut-ĂȘtre que ton corps est fragile. Mais te voilĂ en train de conduire une moto, lĂ maintenant. Allez, essaye dâaccĂ©lĂ©rer.<br /> â ...... Oui.<br /> Elle appuya sur lâaccĂ©lĂ©rateur, ce aprĂšs quoi Cubby prit docilement de la vitesse. Le paysage Ă leurs cĂŽtĂ©s dĂ©filait plus vite aussi, et le vent frappait plus fort leur visage.<br /> â Regarde, tu conduis. Et tu comprendras le truc avec la pĂ©dale de dĂ©marrage avec un peu dâentraĂźnement ! Je pense mĂȘme que câest plus simple que dâapprendre Ă faire du vĂ©lo.<br /> â Mais pour moi... Câest...<br /> â Impossible ? Vraiment ?<br /> Princesse ne pouvait pas voir le sourire espiĂšgle quâil esquissa.<br /> â Y a-t-il quoi que ce soit ces derniers temps pour lequel tu te sois donnĂ© de la peine ?<br /> â ...!<br /> Elle retint son souffle.<br /> â Tu vois ? Câest pour ça que je pense que câest du gĂąchis. Il est encore trop tĂŽt pour tout abandonner ! Du moins, tant que tu en as encore lâĂ©nergie et le temps, dit-il avant de continuer. Et puis, mĂȘme si câest impossible toute seule, il y a plein de gens gentils et de bonne volontĂ© Ă tes cĂŽtĂ©s, pas vrai ? Ces gens ne sont pas sympas avec toi parce quâils ont une idĂ©e derriĂšre la tĂȘte ou quoi que ce soit. Alors pourquoi ne pas profiter de leur bonne volontĂ© ? Tu pourras toujours leur rendre la pareille plus tard.<br /> Un sourire se dessina sur ses lĂšvres en entendant son conseil plutĂŽt farfelu.<br /> â ... Nâest-ce pas un peu mĂ©chant de prĂ©senter les choses de cette façon ?<br /> â Le meilleur moyen dâapprĂ©cier la bonne volontĂ© des gens, câest de lâaccepter ! Tiens, moi par exemple : si tu me disais que tu voulais partir en voyage et que tu avais besoin de mon aide, je te donnerais un coup de main avec joie ! Et un bisou sur la joue me suffirait amplement en guise de rĂ©compense.<br /> â Vraiment...? Peut-ĂȘtre que je devrais alors.<br /> Princesse inspira profondĂ©ment et, sans se retourner, parla avec une voix plus forte quâhabituellement de façon Ă ce que le garçon derriĂšre elle puisse lâentendre.<br /> <br /> â « Je veux partir en voyage et jâai besoin de ton aide ».<br /> <br /> â ... Ok ! Tu peux compter sur moi. Malheureusement, je ne pourrais pas tâemmener avec nous parce que Cubby ne peut supporter que deux personnes sur son dos, mais Ă la place, je vais tâapprendre les arcanes du voyageur.<br /> â Les arcanes du voyageur ?<br /> â Ouais. Les techniques les plus secrĂštes de la part dâun voyageur chevronnĂ©. Elles sont indispensables, alors je vais te les dire !<br /> â Je compte sur toi pour me les enseigner alors !<br /> â Bien, rince-toi les oreilles ! ... Non, pas la peine de faire ça, contente-toi de bien Ă©couter. Le premier secret : « Ne pas oublier dâaller aux toilettes avant de partir ».<br /> â Haha, on croirait que tu parles dâun voyage scolaire.<br /> â Ne sous-estime pas ce premier secret ! Câest pas le premier pour rien dâailleurs ! Tu sais, deux semaines aprĂšs quâon soit partis en voyageâ <br /> <br /> Aucun dâeux deux nâavait vraiment dormi de la nuit, mais le garçon et Princesse continuĂšrent nĂ©anmoins leur joyeuse conversation sur la Super Cub. Les deux humains et la machine roulaient sur la route en ligne droite le long de la mer pendant que le soleil se levait.<br /> Au final, il Ă©tait quatre heures passĂ©es quand ils rentrĂšrent Ă lâinfirmerie.<br /> Le soleil sâĂ©tait dĂ©jĂ levĂ©, et la ville matinale reprenait peu Ă peu vie.<br /> Il ignorait Ă quelle heure Doc avait lâintention de les rĂ©veiller, mais il se disait quâil pouvait sâestimer heureux sâil pouvait avoir ne serait-ce quâune heure de sommeil. AprĂšs avoir arrĂȘtĂ© Cubby lĂ oĂč elle se trouvait avant leur dĂ©part et avoir couchĂ© la Princesse fatiguĂ©e, il retourna rapidement dans son lit.<br /> Cependant, il y avait quelque chose. Dans son lit.<br /> â .......<br /> Une bosse Ă forme humaine sous la couette montait et descendait au rythme dâune respiration calme.<br /> Il jeta un Ćil du cĂŽtĂ© du lit de la fille, mais il Ă©tait vide. Afin de vĂ©rifier son hypothĂšse Ă moitiĂ© confirmĂ©e, il souleva la couette.<br /> Comme prĂ©vu, il trouva la fille en-dessous, dormant lĂ tout en serrant dans ses bras son oreiller.<br /> Il ignorait si elle sâĂ©tait volontairement couchĂ©e dans son lit ou si elle sâĂ©tait trompĂ©e parce quâelle Ă©tait Ă moitiĂ© endormie, ou si câĂ©tait pour une autre raison, mais elle Ă©tait lĂ , en train de dormir dans son lit.<br /> Cette situation ne lui laissait que deux choix.<br /> Soit il se rabattait sur son lit Ă elle tout en grommelant, soit il profitait de lâoccasion pour dormir dans le mĂȘme lit quâelle.<br /> Le garçon opta immĂ©diatement pour la deuxiĂšme solution, câĂ©tait un ado comme les autres aprĂšs tout. Pour un homme, câĂ©tait comme une Ă©vidence, comme cela allait lui permettre de dormir avec sa bien-aimĂ©e tout en pouvant la voir rougir parce que câĂ©tait elle qui sâĂ©tait glissĂ©e dans son lit. Il ne pouvait pas laisser passer cette chance, vu que la derniĂšre fois, câest-Ă -dire la veille, il dormait Ă poings fermĂ©s et sâĂ©tait rapidement retrouvĂ© KO peu aprĂšs.<br /> Il prit son courage Ă deux mains et se glissa sous la couverture. Il se saisit de lâoreiller du lit de la fille comme le sien avait Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ© par cette derniĂšre. Il sâinstalla confortablement Ă cĂŽtĂ© de la fille et commença Ă se dĂ©tendre.<br /> Le moment dâaprĂšs, il fut saisi par le cou.<br /> <br /> â ...?<br /> Princesse leva la tĂȘte.<br /> Elle pouvait entendre des bruits bizarres provenir de lâautre cĂŽtĂ© des rideaux. Le lit du garçon grinçait de haut en bas avec ce qui ressemblait au hurlement de mort dâun poisson.<br /> Ătait-il en train de faire quelques exercices avant de sâendormir ?<br /> Peu de temps aprĂšs un bruit qui ressemblait Ă un cri de canard Ă qui on tordait le cou, le silence sâinstalla de nouveau.<br /> Apparemment, il avait fini ses exercices. Princesse poussa un petit soupir et se blottit sous sa couverture.<br /> <br /> MĂȘme si elle ne put sâen rappeler aprĂšs, elle fit un merveilleux rĂȘve cette nuit-lĂ .<br /> <br /> <div style="text-align: center;">â±</div><br /> <br /> Au moment oĂč lâaiguille des heures indiquait neuf heures, la fille se trouvait devant leur Super Cub.<br /> Elle semblait dâassez mauvaise humeur, mais elle ne se laissa pas aller tout en faisant son travail, ce qui lui ressemblait bien.<br /> Elle avait Ă©galement rendu le pyjama et Ă©tait de nouveau dans son uniforme scolaire. Bien entendu, elle nâĂ©tait pas assez folle pour dĂ©fier le soleil, qui brillait avec force dans le ciel bleu, avec son uniforme dâhiver. Comme elle en avait lâhabitude, elle avait retirĂ© sa veste et ne portait que sa chemise.<br /> Cependant, pour une raison ou une autre, le garçon nâĂ©tait pas lĂ .<br /> â Bon sang, vous voulez vraiment dĂ©jĂ partir ? Je nâai pourtant pas vraiment lâimpression que vous ayez dĂ©jĂ remboursĂ© votre dette, dit le docteur en soupirant profondĂ©ment avec un air renfrognĂ©.<br /> Il avait retirĂ© sa blouse blanche et Ă©tait dans le costume quâil portait Ă sa rencontre avec le garçon, mais elle se disait que les sandales et les lunettes de soleil quâil portait juraient Ă©normĂ©ment avec le reste.<br /> â Mettez ça sur notre ardoise. On vous remboursera la prochaine fois.<br /> â Et quand est-ce que ce sera ?<br /> â Eh bien...<br /> La fille se gratta la tĂȘte et commença Ă compter sur ses doigts.<br /> Pendant ce temps-lĂ , le garçon revint du centre-ville avec un petit paquet sous le bras.<br /> <br /> [[Image:Tabi_ni_Deyou_P307.jpg|thumb|â « Ă la fin du monde ! »]] Tout en regardant le garçon, qui aidait la fille Ă ranger leurs affaires, le docteur poussa un nouveau soupir.<br /> â ... Et oĂč allez-vous dâailleurs ?<br /> â Quelle question ! dit la fille en gloussant avant dâĂ©changer un regard avec le garçon.<br /> <br /> â « Ă la fin du monde ! »<br /> En voyant les deux rĂ©pondre simultanĂ©ment Ă sa question, le docteur Ă©carquilla les yeux. Il Ă©clata de rire, Ă©bahi, et retira ses lunettes de soleil.<br /> â ... Dans ce cas, il serait stupide de ne pas vous imposer un taux dâintĂ©rĂȘt monstrueux.<br /> â HĂ©, ''Docteur''. Ne soyez pas si mĂ©chant ! plaisanta quelquâun de derriĂšre, ce qui le fit se retourner.<br /> LĂ , il aperçut Princesse qui non seulement nâĂ©tait pas sur sa chaise roulante, mais qui nâĂ©tait pas non plus en pyjama.<br /> Bien sĂ»r, elle nâĂ©tait pas nue, mais dans des habits normaux constituĂ©s dâun pantalon beige et dâun T-shirt blanc avec un logo. Ils ne sâĂ©taient rencontrĂ©s que la veille, mais il nâempĂȘche que cet accoutrement leur semblait vraiment original venant dâelle.<br /> â Quâest-ce que...<br /> En voyant le visage abasourdi du docteur, un sourire se dessina sur le visage du garçon.<br /> â Ok, on est prĂȘts.<br /> La fille tapota le siĂšge passager et vĂ©rifia que la corde autour de leurs bagages tenait bien.<br /> â ''Garçon'' ! Provisions ?<br /> â Câest bon.<br /> â MĂ©dicaments ?<br /> â Tout est lĂ .<br /> â Eau ?<br /> â Bouteilles remplies.<br /> â Essence ?<br /> â RĂ©servoir plein.<br /> â Ventre ?<br /> â Plein aussi.<br /> â Toilettes ?<br /> â Câest fait.<br /> Il tendit le pouce vers le haut et enfila son casque comme Ă son habitude.<br /> Tout en le regardant, Princesse gloussa.<br /> â Cubby-chan a lâair un peu diffĂ©rente dâhier.<br /> Effectivement. Toutes leurs affaires avaient Ă©tĂ© enlevĂ©es quand Princesse Ă©tait montĂ©e dessus.<br /> â Est-ce quâelle va tenir le coup avec tous ces bagages ?<br /> â Ouais, tâen fais pas.<br /> Il Ă©tait sur le point dâajouter, « Cette moto, câest du solide, tu sais ! » mais il esquissa soudainement un sourire, et dit Ă la place :<br /> â ... Dans ce cas, ''Princesse'', pourquoi ne pas nous allĂ©ger un peu ?<br /> â ?<br /> Le doute se lisait sur son visage Ă la suite de cette inattendue proposition.<br /> â Tiens, je te donne ça.<br /> Il sortit un Ă©pais cahier taille A5 de leurs affaires et le lui tendit. CâĂ©tait un journal avec une couverture bleue claire. Comme tout journal digne de ce nom, il Ă©tait Ă©quipĂ© dâune serrure et dâune laniĂšre.<br /> â Câest...<br /> Elle se rendit compte quâil Ă©tait assez lourd aprĂšs lâavoir pris en main. MĂȘme si ce nâĂ©tait pas autant que le leur, la couverture Ă©tait Ă©paisse. CâĂ©tait un bien beau journal.<br /> â OĂč as-tu...?<br /> â Je suis allĂ© le chercher dans une librairie du centre-ville tout Ă lâheure. Que ce soit pour la conduite, ou pour la tenue dâun journal, je pense que lâimportant, câest de sây mettre, dit-il en souriant.<br /> Princesse retint son souffle et ouvrit la serrure avec la petite clĂ©, avant quâun petit clic se fasse entendre.<br /> Tout en essayant de calmer les battements de son cĆur, elle ouvrit dĂ©licatement la reliure. Suivie dâun lĂ©ger craquement, une page qui nâavait jamais Ă©tĂ© ouverte auparavant apparut.<br /> Le journal Ă©tait encore vide. Ses trois cents pages Ă©taient encore complĂštement vierges. Pas mĂȘme une date nâĂ©tait Ă©crite dessus.<br /> ''Je vais le remplir.''<br /> â Haha !<br /> ''Oh lĂ lĂ âŠ''<br /> ''Mes larmes ne veulent plus sâarrĂȘter.''<br /> <br /> Comme elle nâarrivait pas Ă garder son calme quand elle le regardait, elle referma le livre aussi dĂ©licatement que quand elle lâavait ouvert. AprĂšs avoir refermĂ© la serrure, elle regarda en direction du garçon.<br /> â ... Merci du fond du cĆur. Jâen prendrai grand soin.<br /> â Mmh. Si tu parviens Ă remplir toutes les pages, un super cadeau de ma part tâattendra...<br /> Et lĂ , la fille le frappa Ă la tĂȘte.<br /> â Fais pas de promesses que tu pourras pas tenir ! SĂ©rieux... Toujours Ă offrir des cadeaux aux autres filles...<br /> En entendant le monologue de la fille, qui Ă©tait Ă©galement empreint de ses vĂ©ritables sentiments, Princesse serra fortement le journal dans ses mains, en pressant la couverture bleue contre ses joues comme si câĂ©tait un bĂ©bĂ©.<br /> â Câest trop tard, je lâai dĂ©jĂ reçu ! Il est Ă moi maintenant. Je ne le rendrai jamais. Oui, jamais.<br /> â Que ?!<br /> Un sourire sâĂ©chappa des lĂšvres du mĂ©decin, qui observait Princesse parler bien plus que jamais auparavant.<br /> â ... Plus sĂ©rieusement, oĂč comptez-vous vous rendre maintenant ? Et je parle pas de la « fin du monde », mais de votre prochaine destination.<br /> â Ah, on nây a pas encore rĂ©flĂ©chi... Ă la base, on se dirigeait vers le nord parce quâon sâĂ©tait dit quâil allait faire chaud.<br /> â Alors allez vers le sud.<br /> Sa suggestion les laissa pantois.<br /> â DâaprĂšs ce que mâa dit un rĂ©fugiĂ©, il y a un ferry quelque part dans la pĂ©ninsule de Noto qui fait le voyage entre lâĂźle et le continent environ une fois par mois. Vous pourrez visiter le continent si vous arrivez Ă les convaincre de vous emmener.<br /> Le garçon et la fille sâĂ©changĂšrent un regard.<br /> â Le continent, hein... Ăa a lâair sympa tout ça, mais je parle pas chinois...<br /> â Quâest-ce quâon sâen fiche ? Ils nous comprennent pas non plus de toute façon, alors câest Ă©quitable !<br /> Sa logique Ă©tait plutĂŽt absurde, mais vu quâils Ă©taient effectivement sur une Ăźle, il Ă©tait vrai quâils nâallaient pas avoir dâautre choix que soit de faire demi-tour soit de traverser lâocĂ©an. Peut-ĂȘtre que câĂ©tait juste une façon dâavoir un but prĂ©cis vu quâils allaient de toute façon devoir se diriger vers le sud. Il Ă©tait Ă©galement vrai quâils ne tenaient pas particuliĂšrement Ă passer lâhiver sur cette Ăźle.<br /> â Mais on aurait dĂ» sâen douter un peu plus tĂŽt...<br /> â Bah, on nâa pas le choix, dit le garçon en souriant avant de sauter en selle.<br /> â Ah, au fait, saluez les papis de ma part.<br /> â Dâaccord. Mais jâattends de voir sâils sâen souviendront vu quâils doivent sĂ»rement ĂȘtre en train de noyer dans lâalcool leur chagrin de perdre leur petite demoiselle.<br /> â Ahaha ! Vous ĂȘtes en charge de vous occuper dâeux jusquâĂ leur mort, ''Doc'' !<br /> â Quelle mauvaise blague. Tu imagines le nombre de vieillards quâil y a ici ? Jâaurais au moins besoin dâun rĂ©giment entier dâurgentistes !<br /> Pendant que les deux riaient ensemble, Princesse sâapprocha du garçon.<br /> â Prends soin de toi et protĂšge la fille.<br /> â Compris. Mais prends soin de toi aussi, dâaccord ? Il y a beaucoup dâobstacles Ă surmonter.<br /> â Oui. Ah... Tu as oubliĂ© quelque chose.<br /> â Hein ?<br /> Le garçon se retourna vers la moto.<br /> Et Ă cet instant prĂ©cis, Princesse se mit sur la pointe des pieds.<br /> â±Smackâ± Un son aussi dĂ©licat que le gazouillement dâun oiseau retentit, suivi par une douce sensation sur sa joue.<br /> Comme si le monde entier Ă©tait devenu muet, tout le monde resta sans voix et regarda en direction de Princesse, dont les joues avaient rougi lĂ©gĂšrement. ParticuliĂšrement la fille et le mĂ©decin qui en avaient perdu leur latin et qui Ă©carquillaient leurs yeux jusquâĂ leur limite.<br /> â ... Comme tu me lâavais demandĂ©, le bisou en rĂ©compense des « secrets » que tu mâas appris, dit Princesse en riant malicieusement.<br /> CâĂ©tait un sourire enjouĂ© que ni le garçon, ni la fille, ni le docteur, et ni mĂȘme Princesse elle-mĂȘme nâavaient vu auparavant.<br /> <br /> HĂ©las, ce fut lâenfer lui-mĂȘme qui attendait le garçon.<br /> â EspĂšce de salopard !! SALE TRAIIIIIITRE !!<br /> Une fois encore, il fut attrapĂ© par le cou et se faisait Ă©trangler.<br /> â Je... Je vais mourir ! Je vais mourir !<br /> Le garçon se dĂ©pĂȘcha dâappuyer sur lâaccĂ©lĂ©rateur et de dĂ©marrer. Mais la fille ne montra aucune peur et continua Ă serrer son cou.<br /> Tout en ignorant complĂštement les regards inquisiteurs du docteur et de Princesse, la Super Cub quitta la cour de lâĂ©cole avec son conducteur perdant petit Ă petit sa force vitale.<br /> <br /> <br /> === Interlude === <br /> DĂšs que le bruit du moteur de la Super Cub fut devenu complĂštement inaudible, le docteur murmura :<br /> â ... Quel duo infernal.<br /> â Oui. Et ça me rend jalouse.<br /> Surpris par ses mots, il la fixa du regard. Il savait quâavant, Princesse nâaurait jamais dit ce genre de choses tout haut. Il ignorait si câĂ©tait par respect pour les autres ou si câĂ©tait pour ne pas avoir le sentiment de se rabaisser, mais pas une fois il ne lâavait entendue se dire jalouse durant les quelques mois quâil avait passĂ©s avec elle.<br /> Il ignorait Ă©galement si elle Ă©tait consciente de ce changement en elle, mais son visage Ă©tait clairement diffĂ©rent dâavant. Il ne pouvait imaginer ce qui sâĂ©tait passĂ© entre elle et le garçon la nuit prĂ©cĂ©dente.<br /> Soudain, il aperçut un petit objet aux pieds de Princesse quâil regardait lâinstant dâavant.<br /> CâĂ©tait un long morceau de papier avec une Ă©criture dessus. Apparemment, câĂ©tait un marque-page en papier Ă©pais. Un coin avait Ă©tĂ© perforĂ© et Ă©tait parĂ© dâun ruban rose.<br /> Le marque-page semblait artisanal, mais sa forme Ă©tait un peu irrĂ©guliĂšre. SĂ»rement quâil avait Ă©tĂ© fait Ă la hĂąte.<br /> â Dis ''Princesse'', câest quoi ça ?<br /> â ?<br /> Elle prit le bout de papier que le docteur avait ramassĂ© et se mit Ă lire ce quâil y avait dâĂ©crit dessus. Elle reconnut lâĂ©criture du garçon, comme elle ressemblait Ă celle quâelle avait vue dans son journal. Ăcrit de façon soignĂ©e, on pouvait lire : « ... De la part du propriĂ©taire du Journal N°1 au propriĂ©taire du Journal N°2, les techniques secrĂštes. Il y a une rĂšgle que tu dois absolument suivre quoi quâil arrive quand tu Ă©cris dans ce journal ».<br /> Le texte sâarrĂȘtait lĂ et continuait sur le verso. Le docteur, qui regardait par-dessus son Ă©paule, se demanda ce quâil voulait dire par « techniques secrĂštes ».<br /> Princesse, toujours emplie de curiositĂ©, retourna le marque-page.<br /> â ... « NâĂ©cris jamais aucun nom dans ce journal. Que ce soit le tien ou celui des gens ou des endroits que tu rencontres : tu ne dois Ă©crire aucun nom propre. Si tu suis cette rĂšgle, tes Ă©crits resteront »...<br /> Telle une ampoule abĂźmĂ©e, il lui fallut un certain temps avant de comprendre ce quâil voulait dire. Puis, elle eut une rĂ©vĂ©lation.<br /> <br /> Ce marque-page prĂ©sentait la faille de la « disparition ».<br /> Quand une personne disparaĂźt Ă cause de la maladie, ce sont les Ă©vocations de son nom, les photographies ou peintures oĂč elle apparaĂźt, les peintures quâelle a faites et les textes quâelle a Ă©crits qui disparaissent avec elle.<br /> Dans le cas des textes, Ă moins quâon puisse reconnaitre lâauteur de ces derniers au premier coup dâĆil, seuls ceux qui sont signĂ©s par la personne disparue sâĂ©vaporent.<br /> Câest pour ça que les panneaux « Stop » dans les rues nâavaient pas disparu et pourquoi ceux qui ne contenaient pas le nom dâune boutique Ă©taient toujours lĂ .<br /> Dans ce cas, il Ă©tait possible de laisser derriĂšre soi des Ă©crits en sâassurant de rester suffisamment vague pour ne pas savoir « qui a Ă©crit » ni « de qui il sâagit ».<br /> Il Ă©tait donc possible de laisser une trace de soi dans le monde.<br /> <br /> Pendant quelques instants, Princesse fut absorbĂ©e dans ses pensĂ©es, tout en serrant contre elle le journal oĂč elle avait rangĂ© le marque-page.<br /> Aussi chers quâĂ©taient les deux voyageurs pour elle, elle les avait oubliĂ©s lâespace dâun instant et pensait Ă son propre voyage.<br /> Devant ses yeux se trouvait le portail de lâĂ©cole. JusquâĂ maintenant, ce portail avait Ă©tĂ© le point de dĂ©part mais Ă©galement le point dâarrivĂ©e de ses balades quotidiennes.<br /> Le portail en lui-mĂȘme nâavait pas changĂ©, mais il Ă©tait aisĂ© de dire que le monde Ă travers les yeux de Princesse avait quant Ă lui radicalement changĂ©.<br /> La possibilitĂ© dâaller dans dâautres villes â ou mĂȘme dâautres pays â au-delĂ de ce portail lui semblait soudainement Ă portĂ©e de main.<br /> Lâespoir, la soif et la peur de lâinconnu. Sa raison lui disait de chasser ces pensĂ©es imprudentes, mais la voix du garçon rĂ©sonnait toujours dans son cĆur. Lâamour quâelle portait Ă sa ville natale lâavait jusquâici retenue, mais il y avait ce journal vide dans ses mains.<br /> Toutes sortes de pensĂ©es lui trottaient dans la tĂȘte.<br /> Mais, elle fit disparaĂźtre ce chaos en prenant une grande inspiration.<br /> â ... ''Docteur''.<br /> â Hm ?<br /> Le mĂ©decin scolaire regarda Princesse qui venait de se tourner vers lui.<br /> â Je... voudrais partir en voyage et jâai besoin de votre aide.<br /> Lâespace dâune seconde, il Ă©carquilla les yeux et dĂ©tourna le regard.<br /> Il remit ses lunettes de soleil pour cacher ses yeux et commença Ă taper du pied dâhĂ©sitation et de dĂ©tresse avant de sâadonner Ă une sĂ©rie de gestes Ă©tranges comme se gratter la tĂȘte dâangoisse, croiser les bras, regarder sans raison lâheure ou encore observer le ciel pour voir comment le temps Ă©tait. Puis ce fut Ă ce moment-lĂ que son attitude cool et calme vola en mille morceaux.<br /> â ... Câest non...?<br /> Personne ne savait si le docteur comprenait le concept de faiblesse masculine ou pas.<br /> Que ce soit le cas ou non, ces quelques mots, sortis de la bouche dâune fragile beautĂ© malchanceuse qui le regardait avec des yeux de chien battu et une voix implorante, transpercĂšrent son cĆur de toutes parts.<br /> â Ăa me fait penser que jâai un ancien ami de fac qui travaille Ă lâhĂŽpital en ce moment qui mâa dit quâil voulait se dĂ©barrasser dâune de ses motos. Une dâentre elles a un side-car.<br /> â Super ! Vous venez avec moi, pas vrai, ''Docteur'' ?!<br /> â B-Bien sĂ»r. Je crois que je vais demander Ă lâhĂŽpital dâenvoyer quelquâun sâoccuper des vieux croĂ»tons dâici.<br /> â Mais câest moi qui conduis, dâaccord ?<br /> â QUOI ?! Mais câest une grosse moto, tu sais ?! Elle doit peser au moins trois fois ton poids !<br /> â Mâen fiche ! Rien nâest impossible avec un peu dâentraĂźnement ! Alors jâattends avec impatience que vous mâappreniez !<br /> â D-Dâaccord... acquiesça-t-il tout en imaginant la scĂšne.<br /> Il pouvait voir une Princesse svelte sur une large moto en veste de cuir noir, portant des lunettes de protection et une Ă©charpe pourpre, pendant que lui Ă©tait dans le side-car, en train dâessayer de rentrer ses jambes dans lâĂ©troit espace.<br /> â ... Jâaurais juste une condition, ''Princesse''.<br /> â Quây a-t-il, ''Docteur'' ?<br /> â ... Est-ce quâon peut conduire Ă tour de rĂŽle ?<br /> <br /> Et ainsi commença le voyage de Princesse. La premiĂšre page de son journal ne manqua Ă©videmment pas de dĂ©crire les Ă©vĂšnements de la journĂ©e.<br /> <br /> === Notes === <references /> <noinclude> {| border="1" cellpadding="5" cellspacing="0" style="margin: 1em 1em 1em 0; background: #f9f9f9; border: 1px #aaaaaa solid; padding: 0.2em; border-collapse: collapse;" |- | [[Tabi_ni_Deyou:Ailes (FR)|Chapitre 2 : Ailes]] | [[Tabi ni Deyou, Horobiyuku Sekai no Hate Made ~ Français|Page principale]] | [[Tabi_ni_Deyou:Ăpilogue (FR)|Ăpilogue]] |- |} </noinclude>
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