Tokyo Ravens:Tome 2 Chapitre 1

From Baka-Tsuki
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Chapitre 1 : L'Académie des Jeunes Corbeaux

Tsuchimikado Yakô avait deux serviteurs pour l’aider et le protéger.

L’un s’appelait Hishamaru, l’autre Kakugyôki.


Partie 1

Elle sut que c’était lui au premier coup d’œil. Au moment où elle le vit pour la première fois, elle ne put contrôler son battement de cœur intense.

Les beaux traits de son visage bien fait, sa tête aux cheveux noirs de jais ressemblant à ceux d’une fille, et tout particulièrement cette aura extrêmement concentrée... Il était indépendant, renfermé, mais il était difficile de dissimuler sa présence noble et majestueuse.

Chaque élève de l’Académie d’Onmyô était doué dans certains domaines en magie, mais cette personne excellait en tout. Sa présence restait parmi les plus puissantes chez les nouveaux élèves.

Le descendant du grand onmyôji Abe no Seimei.

L’héritier de la famille onmyôdô Tsuchimikado.

La réincarnation de Tsuchimikado Yakô ― dont on disait qu’il était l’ancêtre de l’onmyôdô moderne, tabou parmi la communauté magique ― Tsuchimikado Natsume.

Personne dans la classe ne connaissait l’histoire de sa vie donc il avait son lot d’attention. Mais en même temps, personne n’exprimait le désir de prendre l’initiative pour se rapprocher de lui donc son existence ne passait pas inaperçue. Il semblait avoir réalisé la situation autour de lui et sa propre position très tôt, donc il restait délibérément à l’écart des autres, adhérant toujours à une attitude snob.

Il était toujours seul.

Peut-être que cela avait été la même chose par le passé aussi.

« ...... Oui. »

Donc quand elle s’asseyait devant lui, elle savait que chaque élève de la classe reprenait sa respiration mais elle s’en fichait. Même si tous les étudiants gardaient leurs distances vis-à-vis d’elle plus tard, elle l’accompagnerait toujours. Elle en avait décidé ainsi depuis le jour où ils s’étaient faits une promesse de nombreuses années auparavant.

Il remarqua que quelqu'un approchait et leva la tête. En lui jetant un coup d’œil, elle vit que son sourire était tellement beau qu'il ne ressemblait pas à celui d'un homme, une grande différence comparée à l'impression qu'il lui avait donnée par le passé, mais peut-être étaient-ce les vagues souvenirs dans son propre cœur qui avaient changé.

Son cœur battait avec une intensité anormale.

Elle sourit joyeusement et dissimula son pouls en accélération.

« Ça, Ça faisait longtemps, Natsume-kun...... Est-ce que tu te souviens encore de moi ? »

Le doute et la méfiance apparurent dans les deux yeux qui la regardaient, donnant l'impression qu'il ne se rappelait pas. Non, il était possible qu'il ne la reconnût pas.

Elle fit de son mieux pour dissimuler l'attente et l'anxiété qui rugissaient dans son cœur, disant : « Je suis Kurahashi Kyôko, de la famille Kurahashi...... »

Elle réalisa en son for intérieur qu'il s'agissait déjà de souvenirs d'enfance datant de nombreuses années. Même si elle ne pourrait jamais les oublier, peut-être ne ressentait-il pas la même chose.

Mais elle pria tout de même, espérant qu'il était comme elle, espérant qu'il se souvenait encore des événements de ce jour unique.

Mais au moment où il ouvrit la bouche pour dire "Ah, c'est toi--", pour une raison ou pour une autre, son visage était pâle et son ton précipité, comme s'il essayait d'arranger les choses.

Sa voix était anormalement perçante et claire, comme celle d'une fille.

Sa voix changea soudain par rapport à ses souvenirs.

« T, Tu es de la famille Kurahashi ― n'est-ce pas ? Alors ? En quoi as-tu besoin de moi ? »

Son ton paraissait un peu agité, fâché, même.

Il avait vraiment oublié.

Elle ne pouvait l'en blâmer. Elle comprenait, dans son cœur, mais le choc n'en fut pas moindre pour elle. Particulièrement du fait de son attitude froide et du regard qu'il lui destinait comme s'il observait un ennemi.

Même si elle avait réalisé depuis longtemps qu'il était possible qu'il l'eût oubliée, elle ne s'attendait pas à ce qu'il ait ce comportement. Elle réussit à contrôler ses émotions, fermant inconsciemment la bouche.

Le silence était tel le tranchant d'un couteau pénétrant sa peau.

Plongé dans ce silence, il était de toute évidence désespéré et détourna le regard.

« S, S'il n'y a rien, pourrais-tu partir, s'il te plaît ? Je veux ― Laisse-moi rester seul. »

Il se leva après avoir dit cela, la laissant comme s'il s'enfuyait.

Elle ne le poursuivit pas mais se tint là, sidérée, tout en supportant les regards des élèves de la classe, la tête complètement vide.

Avant d'entrer à l'académie, elle n'avait même pas vu cette scène en songes...

Mais c'était la réunion dont elle avait rêvé.


Partie 2

« Hein, ici ? C'est ce bâtiment ? C'est vraiment ici ? »

« Ouais. »

Tsuchimikado Harutora ouvrit la bouche avec une expression incrédule quand il regarda le bâtiment qui le dominait. Son bon ami Ato Tôji afficha un peu de curiosité à côté de lui, levant les yeux pour regarder le bâtiment depuis le couvert de son bandana.

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L'apparence élégante et raffinée du bâtiment dégageait clairement un style différent des autres.

Le mur d'enceinte en granit brillant du bâtiment était original, les cadres des fenêtres bien alignés étaient peints en un rouge écarlate vif pour ajouter une touche de beauté à l'extérieur massif, créant l'impression d'ensemble. L'immeuble présentait un style moderne concis et affichait en même temps l'atmosphère solennelle d'un temple.

L'institution développant une bonne quantité d’Onmyôji Nationaux, l'Académie d’Onmyô.

Le bâtiment scolaire de cette dernière culminait actuellement devant eux.

« ...... J'ai entendu dire que c'était une "Académie", donc je pensais que ce serait très vieux, et plus important, ce n'était pas une école historique...... ? »

« L'Académie d'Onmyô a environ un demi-siècle d'histoire, mais c'est un nouveau bâtiment scolaire achevé tout juste l'année dernière. »

« En d'autres termes, tous les équipements à l'intérieur sont neufs ? Le revenu des onmyôji est assez élevé, en fait, hein ? »

« Qui sait.»

Comparé à Harutora qui était légèrement choqué, Tôji était exactement comme d'habitude et répondait avec indifférence.

Tous deux se tenaient devant le bâtiment de l'académie, portant le même uniforme.

Cependant, ces derniers étaient assez différents de la plupart des étudiants, puisqu'ils portaient des uniformes d'un noir sombre ― la couleur d'un plumage noir ― conçus sur le modèle des vêtements impériaux de l'ère Heian auxquels avaient été apportés quelques changements.

Ils portaient l'uniforme de l'Académie d'Onmyô et tous deux y seraient élèves à partir de ce jour.

« ...... J'ai toujours l'impression d'être un profane. »

« Tu ferais mieux de préparer ton cœur. »

« Je suis prêt à devenir un onmyôji depuis longtemps...... probablement ? »

« Tu ne viens pas juste de te corriger ? » pointa froidement Tôji.

Impossible de dire si son corps était plus adapté ou si l'uniforme était fait pour des gens plus grands, mais Tôji n'était pas passé inaperçu la première fois qu'il avait porté l'uniforme de l'Académie d'Onmyô.

De l'autre côté, Harutora, qui n'y était pas encore habitué, tripotait son corps d'un air gêné dans son uniforme tout neuf.

« Puisque que j'ai le pouvoir de voir les esprits et que je suis le shikigami de Natsume, je me suis bien sûr préparé il y a longtemps. Ou peut-être devrais-je dire que je n'avais pas d'autre choix que d'accepter docilement mon destin...... »

Il porta inconsciemment ses sens sous son œil gauche tout en disant cela.

Il y avait un pentagramme à cet endroit, tel un tatouage. C'était la preuve qu'il avait juré de devenir le shikigami de Natsume ― on pouvait dire que c'était la marque d'une incantation.

Harutora et Natsume étaient tous les deux nés dans une famille historique de l'onmyôdô ― la famille Tsuchimikado. Ils étaient amis depuis qu'ils étaient petits. Les shikigami pouvaient être décrits comme des "serviteurs" pour les onmyôji et la tradition des Tsuchimikado depuis de nombreuses générations dictait que les membres de la famille secondaire deviendraient des shikigami pour servir la famille principale.

Cependant, Harutora, membre de la famille secondaire, n'avait aucune qualification pour devenir praticien contrairement à Natsume, membre de la famille principale, qui avait fait montre de son génie à un âge tendre. Parce qu'il n'avait jamais développé le pouvoir de voir l'aura ― la capacité de vision spirituelle ― il avait naturellement ignoré la tradition qui attendait de lui qu'il devienne le shikigami de Natsume, devenant à la place un lycéen ordinaire étudiant dans un lycée médiocre.

Pourtant, un jour d'été ― il n'y avait pas plus d'un demi-mois, en fait ― Harutora avait été traîné dans une espèce d'affaire provoquée par des onmyôji et avait perdu une bonne amie. Afin de venger cette dernière, il était devenu le shikigami de Natsume et avait décidé de suivre la voie d'un onmyôji.

En tant que successeur de la famille principale, Natsume était entrée à l'Académie d'Onmyô à la fin du collège mais Harutora n'avait suivi ses pas que six mois plus tard et intégrait l'académie aujourd'hui.

Ceci dit...

« ...... C'était vraiment chargé à ce moment-là. Une fois les événements terminés, je me suis désespérément préparé pour l'examen d'entrée et le temps que je puisse vraiment intégrer l'Académie d'Onmyô pour devenir onmyôji, j'ai l'impression que c'était un rêve...... »

« Tu m'as l'air effrayé. »

« Tu ne peux pas dire ça avec un peu plus de tact ? »

La famille Tsuchimikado avait en fait été au point culminant des onmyôji nationaux dans un passé lointain mais elle s'était détériorée depuis longtemps à ce jour, perdant sa gloire, ses devoirs et ses responsabilités passées. Même si son père était un docteur d'onmyô, Harutora lui-même avait vécu une jeunesse éloignée des onmyôji.

Jusqu'à il y a quinze jours, quand son destin avait pris un autre tournant.

Maintenant, il avait été transféré à Tokyo, portait l'uniforme de l'Académie d'Onmyô et se tenait devant le bâtiment de cette même école. Le changement soudain d'environnement ― ou peut-être de "vie" ― le rendait encore perplexe, peu importe sa résolution.

« Ça en a fait, du chemin, pour arriver ici...... »

« Mais tu viens d'arriver. »

La réplique de Tôji était aussi dure que d'habitude, contrastant avec Harutora et ses sentiments mitigés.

Mais en parlant de cela, Tôji était aussi transféré à l'Académie d'Onmyô même si sa position était différente de celle de Harutora.

Par le passé, Tôji avait été impliqué dans un désastre causé par des esprits ― à savoir un désastre spirituel ― et à cause des effets secondaires dont il souffrait toujours, il devait suivre le traitement d'un docteur en onmyô...... qui était le père de Harutora. Affecté par la décision de Harutora d'entrer dans le monde des onmyôji, il avait aspiré à en devenir un à ses côtés afin de pouvoir s'occuper de lui-même.

« Nous ne nous tenons que sur la ligne de départ pour le moment, donc c'est beaucoup trop tôt pour avoir peur...... Et puis Harutora, tu n'as pas du tout l'air de saisir dans quelle position tu te trouves. Si tu n'es pas un peu plus prudent, tu pourrais te faire "bouffer". »

« Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire par "bouffer" ? »

Harutora fronça les sourcils en entendant ces paroles aux airs de menace.

Tôji sourit, arborant un rictus suffisant.

« Écoute bien. Même si tu es de la famille secondaire, tu es né en tant que Tsuchimikado, après tout. Ici, c'est l'Académie d'Onmyô, où se rassemblent des élèves de tout le pays dans le but de devenir des onmyôji. C'est différent de notre ancienne école et tout le monde réagira immédiatement en entendant ton nom. C'est probablement déjà la pagaille ici du fait de ton transfert et tu as sans doute attiré l'attention de tout le monde avant même d'entrer à l'académie. »

« M, Mais Natsume est ici, elle aussi. Puisque même l'héritière de la famille principale a intégré cette école, même si un membre de la famille secondaire comme moi arrive aussi maintenant...... »

« Ne sois pas naïf ! » le réprimanda fermement Tôji, répondant à son ami troublé.

« Réfléchis-y attentivement, dans quelle position se trouve l'héritière de la famille principale à l'Académie d'Onmyô ? C'est l'héritière de la famille principale et elle a le titre de "prodige". Tu ne crois pas qu'elle serait connue de tous et très admirée ? »

« Euh, ça, ça paraît logique...... »

« Et maintenant, toi, un membre de la famille secondaire et non pas de la principale, tu es tout à coup transféré à l'Académie d'Onmyô ― et à cette période, ce qui n'est pas normal. En tout cas, personne dans le milieu n'ignore le nom des Tsuchimikado, et ce nom est aussi "réputé", donc les réponses ne seront pas très amicales. Tu me suis ? »

« Euh, mais...... »

« Il y aura des gens ici qui feront montre d'une pure curiosité à l'égard de la famille Tsuchimikado, mais il y aura aussi des jaloux ainsi que d'autres qui veulent montrer leur pouvoir en battant un Tsuchimikado, ou même des idiots qui essaieront de s'attacher à toi...... Parmi tout ça, il en aura sans doute quelques uns qui se diront : "puisque le génie de la famille principale est hors de portée, je devrais essayer avec le nouveau type de la famille secondaire" ― tu ne crois pas ? »

« ............ »

Harutora voulait vraiment le nier en criant "c'est faux", mais non seulement en était-il incapable, il était même persuadé que la probabilité que cela arrive était très élevée.

La profession d'onmyôji était très connue en cette ère moderne déchirée par les désastres spirituels.

Malgré tout, c'était quand même un profession curieuse. Pour des besoins de qualité, la communauté des onmyôji était fermée et fortement exclusive. Cela ne se limitait pas aux onmyôji en fonction mais s'étendait aussi aux élèves ou apprentis de ce monde comme Harutora et Tôji, qui allaient y entrer à partir de ce jour.

En passant, Harutora avait une confiance totale en sa malchance.

« Mais je suis juste un profane ! »

« Quelle importance, puisque tout ce dont ils se soucient, c'est du nom "Tsuchimikado", » répondit calmement Tôji à Harutora, pâle et effrayé.

Son ami avait autrefois été un délinquant juvénile. Il avait beau être dur en apparence, c'était en fait un type bien. Harutora était sûr que Tôji l'aiderait s'il se faisait happer par le danger.

« Très bien, inutile d'avoir peur, je suis certain que tu t'en sortiras, Harutora."»

« ...... C'est la chose la moins convaincante que tu aies sortie cette année. »

Harutora fixa Tôji d'un œil torve. Son anxiété et sa confusion, à l'origine ignorantes, avaient été changées en véritables sentiments de danger et de tension par les remarques de Tôji.

Même s'il était le shikigami de Natsume, ce n'était en fait que de nom et il avait simplement fait un vœu plutôt qu'accepter des entraves magiques, donc son pouvoir spirituel n'avait pas augmenté de façon visible. Il restait un profane, exactement comme par le passé.

Mais--

« ...... Je ne peux que le supporter, » murmura Harutora, regardant une fois de plus l'Académie d'Onmyô qui le dominait.

Il avait déjà fait une promesse à Natsume. Et puis--

Tu vas voir, Hokuto, murmura-t-il pour l'amie qui avait disparue sans une trace ― mais qui était encore là, quelque part.

« ...... Cet uniforme. »

« Oui ? »

« J'aurais vraiment aimé pouvoir le porter pour le montrer à Hokuto. »

« ............ J'imagine. »

Pour une raison ou pour une autre, Tôji ne répondit qu'après un long moment, gaieté, impuissance, culpabilité et sourire désabusé se mélangeant subtilement sur son visage. Cela avait l'air assez complexe mais Harutora n'y prêta pas attention.

« Très bien, inutile de rester ici à bailler aux corneilles, allons-y ! »

Tout en disant cela, Harutora et Tôji pénétrèrent ensemble dans le hall d'entrée de l'académie.

Deux jeux de portes automatiques étaient positionnés à l'entrée de l'Académie d'Onmyô, installés de telle sorte que cela ressemblait plus à un immeuble d'entreprise à la mode qu'à une école.

Mais...

« Ça ne m'étonne pas de la part de l'Académie d'Onmyô, ils ont des sorts de sécurité haut de gamme, » dit tout à coup Tôji devant les portes et Harutora répondit avec un "en effet", exprimant son accord.

Tôji ne parlait pas d'une sécurité ordinaire, mais plutôt de sorts de sécurité magique. Les bases de la magie consistaient en la manipulation de l'aura omniprésente qui existait en chaque être. Celle-ci était régulière et plus importante à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment de l'académie. Bien qu'il ne comprît pas comment cela fût possible, cela semblait être une sorte de mécanisme créé par magie.

Natsume avait jeté un sort qui lui donnait la capacité de voir les esprits quand elle avait fait de Harutora, à l'origine insensible à cela, son shikigami. Il était par conséquent capable lui aussi de sentir le "sort de sécurité" dont avait parlé Tôji.

« C'est vrai, la sensation était à peu près la même chez Natsume. »

« Ouais, sans parler de la demeure de la famille principale, tous les grands immeubles sont équipés de ces systèmes de sécurité contre la magie de nos jours, puisqu'il y a tout le temps des désastres spirituels à Tokyo maintenant. »

Tout en disant cela, Tôji traversa le premier jeu de portes automatiques et pila tout à coup alors que le second s'ouvrait.

« Regarde. »

« Des komainu[1] ? »

Des statues de pierre ressemblant à des chiens ou a des lions étaient placées à gauche et à droite du jeu de portes à l'intérieur. Elles étaient semblables aux komainu installés dans les temples de part leur forme et leur style. À première vue, tous deux paraissaient incompatibles avec le style moderne du bâtiment, mais ils s'y fondaient étonnamment bien après une longue observation.

« Euh, ça correspond pas mal à l'environnement de l'Académie d'Onmyô. »

« Ne les touche pas imprudemment, ils pourraient mordre. »

« Ha ha, on est à l'Académie d'Onmyô, après tout, donc ce ne serait pas surprenant qu'ils puissent bouger et parler. »

« Oui, effectivement, je peux bouger et je peux aussi parler, » dit le komainu tout en remuant.

Harutora bondit par réflexe vers l'arrière et même Tôji, qui plaisantait, écarquilla les yeux de surprise.

« I, Il a bougé ! Ce truc a vraiment parlé ! »

« Pourquoi paniquez-vous autant, ne venez-vous pas de dire qu'il ne serait pas étonnant que nous puissions bouger et parler ? » répondit calmement le komainu, son attitude contrastant avec Harutora, abasourdi.

Il parlait d'une voix profonde et l'autre komainu acquiesça.

Tôji se reprit et observa les statues, demandant : « ...... Des shikigami ? »

« C'est exact, mais ne nous considère pas comme n'importe quels shikigami ordinaires. »

« Nous sommes des shikigami artificiels de haut rang en qui la magie de la principale elle-même a été personnellement insufflée. Nous répondons aux noms d'Alpha et Oméga. Nous avons été en charge depuis l'ouverture de l'Académie d'Onmyô sur ordres de notre maître. »

Les deux komainu redressèrent la tête avec fierté. Même s'ils avaient l'apparence de deux statues de pierre, ils avaient apparemment la capacité de se fléchir et de se courber.

« Lequel de vous est Alpha et lequel est Oméga ? »

« Je suis Alpha. »

« Je suis Oméga. »

Le komainu à gauche puis celui à droite répondirent chacun leur tour à la question de Harutora. En d'autres termes, le shikigami du côté droit était donc Alpha et l'autre Oméga. Si l'on faisait attention, on pouvait remarquer qu'une petite corne sortait de la tête d'Oméga.

Harutora secoua la tête, ébahi.

« Impressionnant, même la famille de Natsume n'a pas ce genre de trucs. »

« Qu'appelles-tu "trucs", petit ? Reste poli. »

« Ce genre de shikigami est effectivement très rare et ils résident ici même s'ils appartiennent au principal, pas vrai ? Se pourrait-il que vous ayez été fabriqués comme des modèles mécaniques ? »

« Oh, tu es plutôt bien informé. Mais il est naturel que vous ayez au moins ce genre de connaissances puisque vous êtes élèves ici, » répondit le komainu à Harutora et Tôji avec une attitude assez détendue.

Même s'il utilisait un discours bien construit et arrogant, peut-être était-il étonnamment amical en termes de personnalité.

« Il y a un instant, j'avais l'impression de venir pour un entretien en entreprise, mais maintenant c'est tout à coup devenu une école de magie. »

« On dirait qu'il y aura pas mal de trucs semblables ici, c'est assez intéressant. »

Tôji adressa un large sourire à Harutora qui secouait la tête.

Alpha corrigea ensuite sa position.

« ... Nous avons déjà appris ce qui vous amenait ici, mais nous devons remplir la mission que l'on nous a confiée. Tout d'abord, annoncez vos noms. »

« Ah, d'accord, je suis Tsuchimikado Harutora. »

« Et moi, Ato Tôji. »

Tous deux donnèrent chacun leur tour leur nom complet et les deux komainu s'immobilisèrent comme s'ils redevenaient des statues de pierre.

Mais cet état ne dura pas longtemps et, après une pause momentanée, les komainu ouvrirent à nouveau la bouche :

« Les empruntes vocales et auras de Tsuchimikado Harutora et Ato Tôji ont été confirmées et enregistrées. »

« Bienvenue à l'Académie d'Onmyô. Apprenez bien avec l'aide des autres élèves afin de vous améliorer et de devenir d'excellents onmyôji. »

Les voix d'Alpha et d'Oméga étaient solennelles. Harutora et Tôji paraissaient avoir obtenu l'entrée dans le système de sécurité magique du bâtiment scolaire.

« Nous avons également enregistré votre shikigami, mais la prochaine fois, vous devrez vous nommez vous-même. »

Pourtant, Alpha ajouta ces paroles.

Harutora sauta presque de surprise, se retournant pour regarder Tôji et vérifier qu'il n'avait pas mal entendu. Cependant, Tôji haussa les épaules, tout aussi perplexe.

Harutora se retourna vers Alpha.

« Avez-vous dit mon shikigami ? »

« C'est exact. »

« Mon shikigami a déjà été enregistré ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je n'ai aucun shikigami. »

Harutora savait très bien qu'il était un profane, et le fait qu'il ait été accepté à l'Académie d'Onmyô relevait pratiquement du miracle. Bien évidemment, il n'avait jamais eu son propre shikigami.

« Harutora, peut-être qu'il parle du fait que tu sois le shikigami de Natsume. »

« Vraiment ? Mais cette façon de le dire est trop bizarre. Alpha, est-ce que tu peux le dire clairement ? »

Alpha ouvrit la bouche, sur le point de répondre à la question de Harutora-- « Attends. » Mais Oméga, à leurs côtés, interrompit leur conversation.

Il ne bougea pas d'un millimètre comme quelques instants plus tôt, comme si son âme s'était dispersée. Après un long moment, il se remit en mouvement.

Au final, c'était une statue de komainu donc aucun changement n'était visible dans l'expression qu'arborait le visage d'Oméga.

Mais il informa malgré tout Harutora et Tôji sur un ton soigneusement calme :

« Notre maître nous a notifié que vous deviez vous diriger directement vers le bureau du principal. »

« Ce sont eux ? »

« Il semblerait, en effet. »

Il s'appuya contre le mur, se tenant dans un angle-mort invisible depuis l'entrée près du couloir du rez-de-chaussée et regarda les deux élèves prendre l'ascenseur, un intérêt sincère dans les yeux.

« ...... Qu'ils ont l'air ennuyeux. »

« Ne dis pas ça, regardons d'abord ce qui se passe. »

Un sourire léger se dessina sur ses lèvres, puis il détacha son corps du mur, s'éloignant lentement.


Partie 3

Le bureau du principal se trouvait au sommet du bâtiment de l'académie.

Après être sortis de l'ascenseur où ils n'avaient entendu aucun bruit mécanique, Harutora et Tôji marchèrent jusqu'au bout du couloir.

Le bâtiment de l'académie était parcouru par de longs couloirs décorés simplement et un peu monotones. Avec les ornements qui avaient l'air d'objets maudits ou d'outils magiques, il ressemblait pas mal à un musée. Sur le mur, il y avait des armures, des bâtons d'étain sales, des tenues de funérailles, des katana rafistolés, et d'autres choses qui avaient l'air d'être des artefacts rares aux yeux de Harutora. Tous attiraient son attention.

En plus, il n'y avait pas une trace de saleté sur les vitrines en verre abritant ces objets, pas un grain de poussière sur le sol et on avait même pris un soin méticuleux des plantes ornementales à côté.

« ...... Se pourrait-il que des shikigami soient responsables du nettoyage des locaux ? »

« C'est fort possible. »

Après tout, ce bâtiment avait les shikigami komainu pour gardes de sécurité. Harutora se sentit très intéressé, imaginant la scène d'une équipe manipulant des shikigami pour faire le ménage en secret en pleine nuit.

« Je pensais que les shikigami étaient utilisés pour le combat, comme le dragon et le cheval que Natsume avait...... Les shikigami dont se servaient les Enquêteurs Mystiques avaient la même fonction, mais se pourrait-il qu'il y ait en fait des shikigami à usage domestique qui sont doués pour laver les vêtements et nettoyer ? »

« Il y a des shikigami généraux vendus sur le marché qui ont des fonctions illimitées, utiliser une magie de première classe comme celle-ci requière des qualifications considérables. En d'autres termes, seuls des exorcistes spécialisés peuvent s'en servir. Ils ne sont pas donnés non plus, donc s'il y avait vraiment des shikigami "domestiques", je ne pense pas que beaucoup de monde trouverait l'argent pour les acheter. »

« ......Excuse-moi, Tôji, c'est quoi la magie de première classe ? »

La question de Harutora fit lever le front de Tôji qui ne put s'empêcher de soupirer.

« ...... Je suis surpris que tu aies pu entrer à l'Académie d’Onmyô comme ça. Ce sont les instructions de l’onmyôdô formulée par l'Agence d’Onmyô ― pour faire simple, c'est la magie reconnue officiellement comme étant efficace. »

La magie moderne était divisée en deux types : la magie de première classe que l'Agence d'Onmyô reconnaissait comme étant vraiment efficace et la magie de classe inférieure qui n'entrait pas dans cette catégorie. L'ancienne "magie interdite" et la plupart des techniques de divination appartenaient à la seconde.

L'utilisation de la plupart des magies de première classe requérait les qualifications d’onmyôji officiel ou, pour être plus précis, la réussite aux examens d’onmyô de première ou deuxième classe organisés par l'Agence d’Onmyô. Harutora et les autres intégraient l'académie afin d'obtenir ces qualifications officielles.

« Quant à la magie de première classe... Même des shikigami, on n'en voit pas tous les jours puisque l'utilisation de l'onmyôdô est finalement extrêmement limitée. »

« Euh...... Pourquoi donc ? »

« C'est ainsi qu'ont été édictées les lois, set » expliqua Tôji, mine de rien, les mains toujours fourrées dans les poches.

Tôji s'était intéressé pendant longtemps à l'onmyôdô puisque le désastre spirituel avait laissé des effets secondaires sur son corps. Il se reposait que ses connaissances amassées en autodidacte à l'inverse de Harutora, qui ne vivait pas avec de telles préoccupations mais était habitué à entendre parler de cela.

« Je vois, donc autrement dit, l'Académie d'Onmyô est une exception avec des shikigami partout ? »

« Tout compte fait, c'est un endroit établi et conçu spécialement pour accueillir des onmyôji. »

« Se pourrait-il que même les professeurs soient des shikigami ― ça ne pourrait pas aller aussi loin, si ? »

« Je sais au moins qu'il y a des shikigami parmi les élèves. »

« Hein ? Vraiment ? »

« Ouais, et c'est même un idiot. »

Tôji sourit malicieusement et Harutora pencha la tête en émettant un son interrogateur. Quand le shikigami un peu bête remarqua enfin à qui son ami faisait référence, tous les deux étaient déjà arrivés devant le bureau du principal.

Il y avait un simple écriteau suspendu sur une porte banale ― "Bureau du Principal".

Tôji ignora Harutora qui recommençait à être tendu, frappant calmement à la porte du bureau.

Personne ne répondit.

Il leva la main, sur le point de continuer à frapper, quand-- « Entrez. » Une réponse arriva à ses pieds.

Harutora cria comme un enfant surpris et Tôji fit un pas en arrière, dissimulant également sa surprise. Un chat les avait approchés à un moment donné et levait à présent les yeux vers eux.

C'était un chat calicot au pelage souple et il fixait Harutora et Tôji de son regard acéré, frappant légèrement à la porte avec sa longue queue.

« C'est ouvert, entrez. »

Il semblait qu'après les komainu doués de parole, c'était au tour du chat de parler.

« ...... Est-ce que c'est le passe-temps de la principale ? Ou est-ce que toutes les établissements liées aux onmyôji sont comme ça où que tu ailles ? » demanda Harutora avec lassitude.

« Comment le saurais-je ? » répondit Tôji avec une expression tout aussi amère.

Le chat s'arqua avec un peu d'impatience, miaulant comme un félin normal. Il avait l'air de les presser d'ouvrir la porte.

« ... Excusez-nous, » dit-il en direction du bureau du principal.

Aussitôt qu'il eut ouvert la porte, le chat se glissa vite entre leurs pieds, courant dans la pièce sans la moindre présence.

... Quoi ?

Dès qu'il fut entré dans le bureau, Harutora murmura doucement sa surprise. L'atmosphère de la pièce était extrêmement différente de celle de l'extérieur.

Une ambiance calme et nostalgique flottait dans le bureau, comme dans un café de l'ère Taisho.

Les murs était d'un jaune passé et pâle, le sol était recouvert d'un tapis d'un rouge profond. Il y avait aussi un porte-manteau en métal ainsi qu'un cloisonnage en verre teinté derrière lequel se trouvait un espace meublé de fauteuils de coin et d'une table de couleur brune pour recevoir des invités.


  1. Littéralement "chiens-lion". Ce sont des sculptures en pierre installées à l'entrée des temples japonais. https://fr.wikipedia.org/wiki/Komainu