Stereopticon Rotation Route perdue
Takumu faisait de la balançoire dans un parc.
Il n'avait pas contacté Hiiragi. Il devait vite reprendre contact avec, mais il n'était pas motivé à le faire.
Il demanda s’ils pouvaient trouver Baa Byoeru Baa, le ligoter, et lui faire désactiver sa cabine en toute sécurité.
Meronie lui avait répondu que c’était impossible.
- On n’a aucun moyen de savoir où il se trouve.
Répondit-elle en secouant la tête, et plutôt que de simplement dire ne pas savoir où il était.
Il était censé exister quelque part dans cette ville cloisonnée, mais il était très bien caché. Le duo n’avait même pas trouvé d'indice leur permettant de le chercher.
Donc le plan consistant à attraper le coupable et lui faire résoudre la situation n'était pas utilisable.
- Hmm...
La mission de Takumu était d'enquêter et de détruire.
Étudier la situation à l'intérieur de la cabine, et parvenir à rentrer avec des informations. Si elle est destructible, alors détruire la cabine, et normaliser l'endroit.
On ne lui avait pas dit de récupérer les rues et quartiers de 2002 et ses habitants.
Et c'était normal. Au moment de lancer l'opération, personne ne savait que cet endroit était une boucle. Personne n'avait eu à l'idée de peut-être pouvoir reprendre ce qui avait été perdu.
Donc — Takumu pouvait les abandonner à leurs sorts.
Il avait le droit d'exploser le mur, et de récupérer un espace normal devenu désert.
Il était au courant. Cependant.
(J'ai pas la motivation...)
Car c'est son travail. Car c'est sa mission. Car c'est son obligation. Il devait détruire une ville pour des raisons professionnelles. Si on lui laissait faire une remarque sentimentale, alors ça serait simplement "Allez vous faire foutre !". On pouvait même rajouter "Ça me saoule."
- Tu vas rester ici ?
Lui demanda Merinoe à côté de lui. Elle faisait aussi de la balançoire.
- Ce n'est pas compliqué. Pour les besoins de base, ça ira surement, même si tu vas être un peu perdu vu qu'une journée ne ferait plus 24 heures. En plus, celle que tu aimes se trouve dans cette ville.
- ...
- Si la situation actuelle ne change pas, elle sera toujours en bonne santé. En plus, ce n'est pas un grand rêve de terriens que de rester éternellement jeune ?
Mettons de côté les rêves.
Takumu avait mal quand on lui parlait de Yozora Jakuin. Il était effectivement heureux qu'elle soit en vie, trop, heureux. C'était ce pour quoi la possibilité qu'elle puisse continuer à vivre était, malheureusement, très séduisante.
- Juste supposons. Supposons que j'en ai envie.
Questionna Takumu.
- Qu'est-ce que tu ferais, toi ?
- Difficile à dire... J'imagine que je ferais la même chose. Je continuerais à observer ta vie au premier rang à côté de toi, pour toujours.
La tristesse qu’il ressentait dans sa voix n'était probablement pas son imagination.
Il n’aimait aucun de ces 2 choix.
Ignorer ses sentiments et accomplir la mission.
Ignorer son devoir et s'abandonner à la boucle de son plein gré.
Peu importe le choix, il n'allait surement pas avoir le cœur léger.
Il se frappa les joues avec ses mains.
Ça ne l’a pas motivé pour autant, mais il put se changer ne serait-ce qu'un petit peu, les esprits.
- Tu as pris ta décision ?
- Non, je la remets à plus tard.
Il déclara avec résolution quelque chose de négatif.
- J’ai pas besoin de me dépêcher pour prendre une décision. Je vais essayer de me démener encore un peu.
- Tu veux continuer l'enquête ? Alors qu’on est déjà au courant pour le mystère de la boucle ?
- On en sait juste qu'un peu, non ? Je m'y connais pas autant que toi en livre et en pièces de théâtre, mais j'ai jamais vu le charme d'une œuvre être réellement rendu complètement gâché par des spoils condensés, tu sais ?
Affirma-t-il avec assurance pour se raccrocher à cette logique.
Il était encore trop tôt pour décider. Il restait encore beaucoup de mystères endormis dans cette ville isolée. Ils pourraient leur servir d'éléments à prendre en compte.
- C'est pas tout les jours qu'on peut profiter d’être en face de science-fiction. Avant d'arracher les pages, allons les savourer un peu plus.
S’il ne se persuadait pas de ça, il ne pouvait pas continuer.
◇
Ils passèrent par la gare de Shibuya, et se rapprochèrent une fois de plus du mur.
La vue ne changeait pas d'hier. Aux premiers abords, il n'y avait rien d'anormal. Seule la présence de personnes manquait complètement à l'endroit.
- Tu vas le faire ?
- Oui.
Il se mit en position avec le gros pistolet sorti par Merinoe, et tira.
Même endroit, mêmes conditions, même approche. Et le résultat était le même.
La balle heurta un endroit vide, faisant apparaitre un mur violet pendant juste une seconde. Il se répara immédiatement, et reprit son paysage d'origine.
- C'était sûr.
Ils avaient déjà découvert les endroits fragiles du mur, et la puissance de feu nécessaire pour le transpercer. S'ils le voulaient, ils pouvaient ouvrir un grand trou. Mais cette fois-ci, ce n'était pas le but.
- Tu as compris quelque chose ?
- J'ai compris que j'ai rien compris.
- Je vois, très utile donc.
Après s'être fait signe de la tête, le duo dirigea leur regard en direction de la ville. Hier, l'attaque qu'ils avaient reçue venait de ce côté. Ils avaient anticipé qu'en faisant la même chose, ils seraient aussi attaqués comme la veille.
Mais leurs attentes furent trahies.
- Il ne vient pas.
Merinoe était perplexe.
- On dirait, ouais.
Même après avoir attendu encore un moment, rien ne se montrait.
Takumu regarda sa montre. Il est un peu plus tard que quand on est venu hier. La différence vient peut-être de là, pensa-t-il.
- Peut-être que pour celui en charge de la défense, c'est l'heure de la pause.
- Peut-être, oui.
Au cas où, ils attendirent sur place 10 minutes de plus. Ils baissèrent les bras et partirent.
Ils tirèrent sur le mur quelques fois, à des endroits différents.
Comme ils l'avaient imaginé, pas de résultat. Le mur n'était visible qu'un très court instant, et il ne semblait pas facile à détruire. Ils avaient beau attendre l'agresseur, ce dernier ne venait pas.
Ils achetèrent des bentos.
Ils décidèrent de mettre une nappe de pique-nique en plein milieu d'une chaussée déserte, et de déjeuner en gardant un œil sur le mur.
- C'est quel genre de fille, Yozora ?
Le questionna Merinoe tandis qu'elle picorait son karaage.
- C'est vrai que physiquement elle est belle, mais sa beauté n'est pas non plus inégalée. Qu'est-ce qui a capturé ton cœur chez elle ?
- Qu'est-ce qui t'arrive à me demander ça, soudain ?
- Ce n’est pas soudain. Ta jeunesse m'intéresse tout le temps, tu sais ? Même si jusqu'à maintenant, je ne t'avais jamais vraiment demandé des détails.
Takumu grommela.
- ...C'est pas quelque chose dont j'ai vraiment envie de parler.
- Ce n'est pas comme si tu voulais le cacher non plus, non ?
- Ouais, mais c'est dur de mettre des mots sur ce genre de trucs.
Il jeta une boule de riz cuit dans sa bouche, la macha, et l'avala.
- Elle est trop cool.
- Hm ?
- Enfin, en un mot, c'est une travailleuse acharnée. Elle était toujours cool quand elle tenait à faire quelque chose.
En parler faisait revenir ses sentiments de l'époque. Les mots lui venaient naturellement à l'esprit.
- À l'époque, j'étais un gosse, donc je croyais que tant qu’on était cool, tout nous était pardonné. Alors je voulais devenir comme ça, moi aussi. Cool, et donner le meilleur de moi dans plein de domaines.
Il coupa ses mots.
Donne tout, Yume, je te soutiens.
Il se souvenait de la dernière fois qu'il avait vu la jeune fille. Les derniers mots qu'il a entendus d'elle.
- ...J'ai connu l'échec, et voilà où j'en suis aujourd’hui.
Il avala d'une traite son thé oolong en bouteille.
- J'avais du mal à accepter que je la reverrais plus, et même après m'en être remis, j’arrivais pas à comprendre, je voulais au moins savoir pourquoi Tokyo était devenu comme ça, alors j'ai passé les qualifications pour être médiateur juste dans ce but, mais je trouvais aucune piste, et la suite... je pense que tu la connais bien.
Fuuu. Il poussa un lourd soupire.
- Et c'est pour ça que je suis en train de râler devant toi maintenant. Nan vraiment, j'ai honte de moi, je peux pas me montrer devant Yozora comme ça.
- D'aaacord ?
Dit-elle sur une intonation pleine de suspicion. Comme si elle avait compris. Comme si elle exprimait un doute sur ce qu’il venait de dire.
- Tu es un homme bien, Takumu, je te le garantis. Même si tu es peut-être lassé d'entendre ces mots sortir de ma bouche.
Takumu afficha un sourire jaune. Effectivement, il était habitué d’entendre ces mots venant d’elle. Et grâce à ça, il avait le cœur plus léger.
- Merci.
Alors il pouvait lui dire honnêtement.
- Je suis content que ce soit toi ma partenaire.
- Tu vois ?
Acquiesça-t-elle fièrement, avant de s'apprêter à fermer sa boite à bento.
- Mange des légumes aussi.
- Erg.
Elle arrêta de bouger. Il restait tous ses légumes racines bouillis dans la boite.
- T'as cru que t’allais pouvoir m'avoir en discutant ? Mange tout ce qu'on te sert.
- Uugh...
Merinoe bougea ses baguettes, le regard triste. Takumu continua aussi son repas, tout en la surveillant. Dans une rue déserte, sur une nappe de pique-nique en plein milieu de la route, Takumu et Merinoe étaient les mêmes que d'habitude. Le quartier était tout ce qu'il y avait de plus calme.
◇
Ils continuèrent encore un peu leur enquête infructueuse.
Takumu n'était pas motivé, alors bien sûr, ils ne purent pas avancer plus que ça.
Et pendant ce temps, le soleil se couchait peu à peu.
◇
Sans s'en rendre compte, ils avaient entamé une visite des temples et sanctuaires de la ville.
Il n'y avait aucun marqueur en réalité augmenté accolé dessus, et ils n'étaient pas non plus éclairés par des lampes de toutes les couleurs. Les temples bouddhistes et sanctuaires Shinto avaient évidemment conservé leur vieille apparence. C'était à la fois nostalgique, et étrangement frais. Juste marcher suffisait pour calmer un peu Takumu.
Il réprimanda Merinoe qui avait commencé à jouer avec l'eau de la fontaine.
Ils tirèrent à la loterie divine. Chance modérée pour Takumu. Il regarda le paragraphe "Dispute". Une phrase simple. Ne pense pas à fuir.
— C'est pas aussi simple.
Il soupira.
Les choix devant lui ne le lui permettaient pas.
Ignorer ses sentiments et accomplir la mission. Ignorer son devoir et s'abandonner de son plein gré à cette boucle. S’il ne devait pas penser pas à fuir, alors il ne pouvait choisir aucun des deux.
Oui, aucun de ces 2 choix...
- Dis.
Il interrogea Merinoe sur une idée soudaine qu’il venait d'avoir.
- Tout à l'heure, tu disais que la ville disparaitrait si on cassait le mur pendant que le système de boucle fonctionne encore, c'est ça ?
- Oui.
Dans ce cas. Takumu se pencha vers Merinoe.
- Si on détruit le système de boucle avant le mur, ça pose pas de problème. C'est ce que ça veut dire ?