Stereopticon Rotation Une réunion stratégique soudaine
Les données détaillées d'un jeune homme étaient écrites sur plusieurs photocopies A4.
Date de naissance, groupe sanguin, lieu de naissance, qualifications, langues maitrisées, toutes sortes de données physiques ainsi que sa raison pour être devenu médiateur.
La photo du visage de mauvaise humeur d’un homme au physique bien masculin était également collée.
- Takumu Azekura.
L'homme quarantenaire lut le nom de ce jeune homme à haute voix.
- Un médiateur de Nakazaki. Il est à noter que c'est un ami de longue date d'une Visiteuse dénommé Merinoe. Mon cabinet vous recommande fortement de le mettre en charge de cette affaire.
- Je ne pensais pas que vous choisiriez quelqu'un qui n’est pas au courant de la situation.
Un vieil homme à l'apparence digne se redressa correctement sur sa chaise pliante, et demanda.
- Il est si talentueux que ça ?
- Oui, et non. En termes de capacités pures, il n'est pas le seul à être très bon. Si l'on veut mieux, on trouverait surement pas mal d'autres personnes meilleures que lui. Toutefois, si l'on prend en globalité ses capacités à accomplir une mission alors...
Le vieil homme secoua la tête de droite à gauche.
- Si je le retire, je n'ai pas d'autres recommandations.
- Sauf peut-être si Hiiragi Goujuurou avait été là, c'est ça ?
Dit un autre vieillard sur un ton taquin.
- Hiiragi était juste une tête brulée et un peu chanceux. Sur ce point, Azekura lui ressemble, mais il est un peu mieux qu'Hiiragi à l'époque.
- Et bien, je ne vous voyais pas complimenter autant quelqu'un d'autre qu'Hiiragi.
Un autre vieillard acquiesça en grommelant.
- Et donc — on peut faire confiance à son partenaire, cette Merinoe ?
Ils feuilletèrent une autre page.
Dessus, les données d'une jeune fille, d'une Visiteuse à l'apparence d'une jeune fille, y étaient écrites.
Elle était enregistrée au nom de Μειλινοη. Son ID de Visiteur était le 86. Ce nombre indiquait que la jeune fille faisait partie des anciennes Visiteuses, installée sur Terre depuis bien avant le Jour des Visiteurs, et qu'on appelait aussi les Visiteurs de la première vague. Les données exactes concernant la durée de son séjour sur Terre étaient entourées de mystères, mais à en juger par le petit nombre de son ID, elle devait au minimum être sur Terre depuis plus de 4000 ans.
- Ooh, elle est sacrément ancienne. Elle est vraiment gérable ?
Elle possédait la faculté extraterrestre de générer de l'équipement, mais avec des limites. Elle était également dotée d’une immortalité complète. Le but de son séjour sur Terre était d'observer l'humanité. Dans la classification des natures selon la formule de Bowman, elle était catégorisée comme étant de type hédoniste, et appartenait au groupe des extraterrestres à longévité. Son niveau de danger était D+.
La photo d'une jeune fille aux cheveux d’argent montrant un sourire espiègle était collée dans la colonne de son portrait. Malgré que ce soit probablement une photo prise en douce au vu de l'angle, elle regardait bel et bien la caméra.
- Les autres dimensions que crée les Visiteurs, ces cabines ne peuvent pas être affectées par les terriens modernes. Il faut forcément être mélangé à un Visiteur, et donc être ami avec eux. Forcément, les opérations de médiations doivent toujours être effectuées en duo. Ça, je comprends. Mais pour ces opérations, il faut que le Visiteur soit quelqu'un de confiance.
- Je suis d'accord avec vous.
- Vous êtes vraiment sûr que ça va bien se passer avec cette Visiteuse hédoniste ? Ils n'hésitent pas à trahir s'ils trouvent quelque chose de plus amusant pour eux, n'est-ce pas ?
- Et bien...vous avez en partie raison.
Le quarantenaire haussa les épaules.
- Cela montre les limites d'une analyse qui utilise la classification de Bowman. Le caractère des Visiteurs est très varié, et c'est tout aussi vrai pour les terriens humains. D'autant plus qu'il y a forcément des éléments qui disparaissent si on essaye de faire rentrer un ancien Visiteur dans des variables limitées.
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Vous n'avez aucun souci à vous faire concernant Merinoe. Même si elle cherche l'amusement, en substance, elle est similaire à une fan qui accompagne un ami. C'est comme si elle encourageait son héros de comics. Elle disait trouver ça amusant de regarder Azekura faire face à des difficultés et grandir en se faisant un chemin dans ce monde.
Après quelques soupires, un sentiment d'exaspération régna dans la pièce.
- Même si elle ne nous trahit pas, ce n'est pas le genre de personne à qui je voudrais confier mes arrières.
- J'ai de la peine pour ce médiateur.
- Les Visiteurs ont une sensibilité vraiment incorrigible.
Après quelques chuchotements, plusieurs vieillards, certes avec mécontentement, acquiescèrent quand même.
Sans attendre de réponse, quelqu'un tourna la poignée et ouvrit la porte.
Un homme au visage morne entra dans la pièce.
- Je suis là, le vieux. T'as quoi à nous donner aujour...d'hui...
◇
- Je suis là, le vieux. T'as quoi à nous donner aujour...
De l'autre côté de la porte.
Il y avait déjà 6 personnes dans la pièce. 4 vieillards assis, 1 homme de la quarantaine debout juste à côté de la porte, ainsi qu'une femme louche portant un masque blanc et une robe de même couleur.
Takumu ne connaissait pas ces 4 vieillards. Toutefois, il avait déjà vu au moins leur visage. Tous étaient de grands chercheurs en science des Visiteurs. Des érudits en science terrestre se remuant les méninges jour et nuit afin de rendre compréhensibles à un niveau humain les nombreuses mégatechnologies venus de l'espace.
- d'hui...
Takumu se tordit la tête.
Il regarda le vieil homme, le seul qu’il connaissait. Saburou Todoroki. Un médiateur expérimenté, et presque le mentor de Takumu, mais il s'est retiré de la profession il y a peu de temps. En ce moment, il était en quelques sortes le manager des médiateurs du coin.
Takumu se tordit la tête une nouvelle fois.
Il regarda les scientifiques assis dans la pièce, et grimaça.
- Vous vous êtes pas trompé d'endroit ? Je crois pas qu'on organise des conférences universitaires ici.
- Ils sont au bon endroit. On discutait justement de vous deux.
Todoroki fit signe de la main à Takumu, l'air de rien, et l’invita lui et Merinoe à entrer.
- Asseyez-vous où vous voulez, je vais vous expliquer de suite.
- OK...
Après avoir jeté un coup d'œil aux scientifiques, Takumu déplia 2 chaises pliantes qui étaient posées contre le mur, et s'essaya sur l'une d'elles. Merinoe entra après lui, hop et s'essaya sur l'autre en sautant. Quelle mal élevée.
- ...Bien, on venait juste d'arriver à un bon moment pour changer de sujet, donc là, je vais une nouvelle fois expliquer en quoi va consister le plan cette fois-ci.
Todoroki se servit du projecteur pour afficher plusieurs photos sur l'écran.
- Pour commencer...on va vérifier qu'on a bien tous les mêmes connaissances concernant les cabines.
(Hein ?)
Takumu fronça les sourcils.
- Il s'agit d'une autre dimension que peuvent créer les Visiteurs. Le palais humain ne permet pas de prononcer le nom officiel, alors on utilise le nom qui a été popularisé, la Cabine. Afin de pouvoir continuer, j'emploierais cette dénomination pour parler de ces autres dimensions.
Qu'est-ce qu'il est en train de raconter ? pensa Takumu.
Il ne disait rien de faux. Cependant, ce n'était pas le genre de chose à réexpliquer devant ces scientifiques. Qu'est-ce qu'une cabine. Les vieillards présents ici, chercheurs en science terrestre, connaissaient ce sujet bien mieux que n'importe qui. Takumu également connaissait ces cabines, en un sens différent de ces scientifiques. C'était un sujet étroitement lié à la vie de médiateur qu'il avait choisi.
Une cabine était une fausse autre dimension.
Pour les terriens ordinaires, ces autres dimensions n'étaient que du jargon SF. Un concept qu'on ne retrouvait que dans des mondes fictifs. Ils étaient incapables d'y entrer et d'en sortir de leur propre chef.
Il s'agissait d'un concept qu'avaient ramené des Visiteurs lointains par-delà le ciel. Une technologie consistant à créer des imitations d'espace que les terriens de notre époque étaient incapables de comprendre et reproduire. Ici, Kuuhabain avait utilisé cette cabine pour créer une copie du bâtiment des bureaux, et s'était enfermée à l'intérieur. C'était une cage parfaite, un fort face auquel les terriens normaux étaient impuissants.
C'est pourquoi il suffisait de ne pas être un humain normal.
Afin de pouvoir séjourner sur Terre, on attribuait un coopérateur humain aux Visiteurs. Leur constitution physique se rapprochait alors de celle des terriens, et vice versa. Tous deux perdaient la pureté de la constitution avec laquelle ils étaient nés.
Ainsi, les terriens devenaient alors capables de forcer l'entrée de ces cabines.
Seul un nombre limité d'humains était capable de neutraliser les Visiteurs recroquevillés dans leur forteresse impénétrable. Voilà en quoi consistait le travail de Takumu, et donc, la raison d'exister des médiateurs.
(C'est comme s'il prêchait des convertis là).
Toujours les sourcils froncés, Takumu ne prêtait pas attention à ce que racontait Todoroki, qui avait enchainé avec les explications des fondamentaux. Toutefois, elles n'apportaient pas de nouvelles informations. Le temps s'écoulait, et Takumu ne comprenait toujours pas pourquoi Todoroki expliquait ces choses.
- Maintenant que j'en ai fini avec ces rappels, passons à l'affaire qui nous intéresse.
L'image du projecteur changea.
Takumu sentit les muscles de son visage se tendre.
Le projecteur affichait un océan.
L'angle était différent, mais il s'agissait bien de celui que Takumu avait vu sur la route avant de venir.
Les coordonnées exactes étaient écrites dans un coin de l'image. L’attitude Nord 35° 1 minute 27. L’attitude Est 139°, 42 minutes et 1 seconde. Il s’agissait autrefois de la gare de Shinjuku, et un lieu de grand trafic au quotidien.
- Nom de fichier, CFOTD-00513. En général, on l'appelle l’incident de la disparition de Tokyo.
Commenta Todoroki d'une voix indifférente.
Takumu l'ignora et se remémora. Il n'avait pas besoin qu’on lui rappelle ce jour, il s'en souvenait très bien lui-même.
Le fatidique Jour des Visiteurs. Ce jour-là. Ce matin-là, Le monde fut plongé dans un grand chaos suite à l'arrivée soudaine des Visiteurs de l'espace.
Tout dans un rayon de 4 kilomètres autour du sanctuaire meiji. Au sud, Nakameguru. Au nord, Ookubo. À l'ouest, Sasazuka. À l'est, Shinanomachi. Dans un carré d'environ 50 kilomètres et incluant globalement ces endroits, tout avait littéralement disparu.
Une partie de la croute terrestre avait été creusée comme si l'on avait utilisé une cuillère. De plus, le littoral avait été redessiné suite au tremblement de la croute qui eut lieu après.
Il semblerait qu'un kaiju énorme ait dévasté Tokyo, et malheureusement, personne n'a pu l’apercevoir.
Voilà comment l'information avait été relayée par les grands médias new-yorkais. Ces derniers avaient également été violemment critiqués pour leur propos très inapproprié.
Une terrible catastrophe, provoquant une confusion de grande ampleur.
Ce jour-là, le monde entier était en pleine agitation suite à ces Visiteurs venant de la galaxie. Des incidents incompréhensibles prirent place partout sur terre, même si leur contenu et l'échelle variaient d'un cas à l'autre.
Géographiquement parlant, seule une partie de la grande ville qu’était Tokyo s'était évaporée. Toutefois, dans le chaos qui suivit, Tokyo perdit ses capacités en tant que capitale. C'est pourquoi l'appellation restée pour décrire tous ces évènements prit le nom de L'incident de la disparition de Tokyo.
Il fallut un long moment juste pour que le calme reprenne. Les investigations et retours à la normale furent remis à encore plus tard, avant de devenir incertains. Au final, le qui, comment et dans quel but, cet incident avait-il eu lieu — du moins, pour le moment — restaient inexpliqués.
Takumu serra les dents du fond jusqu'à les faire grincer.
Cette affaire était la raison pour laquelle Takumu avait choisi de vivre proche des Visiteurs.
Il voulait apprendre quelque chose. Lever le voile sur quelque chose. C'était la motivation avec laquelle il avait commencé dans cette voie. Mais encore aujourd'hui, il n'avait mis la main sur rien. Juste se rappeler qu'il n'avait en rien accompli son désir le plus cher le secouait.
- Néanmoins.
Todoroki mit un peu plus d'énergie dans sa voix.
Takumu leva un sourcil.
- Nous avons obtenu des informations nous indiquant que cet accident était seulement l'œuvre d'une cabine à l'échelle titanesque.
- ...Quoi ?
Laissa idiotement s'échapper Takumu.
Pendant un instant, toute la salle regarda Takumu. Mais immédiatement après, l'attention de la salle retourna vers le locuteur, le manager, puis vers la mystérieuse fille vêtue de blanc qui se tenait juste à côté de lui.
Takumu lui aussi regarda cette fille.
Elle était grande. Probablement vers les 195 cm. Et c'était la seule chose que l'on pouvait comprendre d'elle. La robe dans laquelle elle flottait cachait les lignes de son corps. Sa capuche cachait son front, et un masque recouvrait tout son visage. Elle cachait toute son apparence, et la seule chose qu'on pouvait supposer d’elle était qu'elle était probablement une femme.
- Mon nom est Kaa Zoer Kaa. Comme vous le voyez, je viens d'une planète lointaine. L’ID de Visiteur que m’a attribué l'archiviste est le 1830.
L'ID de Visiteur était, comme son nom l'indique, un numéro attribué à tous les Visiteurs.
Sa plus grande particularité était qu'il était publié et géré à un endroit n’ayant aucun rapport avec les administrations terrestres. Sous la surveillance obstinée de l'éditeur de cet ID, l'archiviste, Tabla Acacia, tous les visiteurs venus sur Terre depuis les débuts de l'humanité se voyaient tous sans exception attribuer un chiffre.
L'archiviste, presque omnipotent, avait créé ce système (seul lui connait la raison) en utilisant sa toute-puissance. Peu importe les technologies utilisées, il était évidemment impossible de lui échapper, et même de comprendre la façon dont les chiffres étaient attribués.
Il fallait mettre de côté le pourquoi du comment, mais il était certain que l'on pouvait avoir confiance en ces chiffres. Plus ce chiffre se rapprochait de 0, plus la période à laquelle un Visiteur était apparu sur Terre était tôt. L'inverse était également vrai.
Si l'ID de cette femme était 1830, alors cela signifiait qu'elle était venue sur Terre peu de temps après le Jour des Visiteurs.
- D'abord, je tenais à m'excuser de venir vous faire part de ce sujet aussi tard.
Elle baissa doucement la tête.
Elle utilisait peut-être un modificateur de voix. Elle avait une voix étrangement robotique et sans intonation.
- Dit en langage terrien, cette disparition est due à une faille dans l'espace-temps. Votre monde et l’autre sont des univers différents. Avec des moyens ordinaires, il est impossible que l'un interfère avec l'autre. Parmi les phénomènes que vous listez sous le terme de cabine, celui à l’œuvre de cette disparition est complexe. Même selon nos critères, la technologie avancée qui a été utilisée pour contrôler cette cabine dépasse l’entendement.
Takumu l'écoutait, la bouche à moitié grande ouverte.
- Le nom de son créateur, en le convertissant sur votre intonation, se prononce Baa Byoer Baa. Son ID de Visiteur est le 372. Sur sa planète d’origine, c’est un criminel notoire recherché, mort ou vif.
Un criminel.
Il y avait un pourcentage non négligeable de criminel parmi les Visiteurs. La Terre était une planète reculée, si loin des autres planètes qu'il n'était pas facile d’envoyer des poursuivants pour aller chercher les fuyards. Les Visiteurs chassés de leur planète d'origine et qui parvenaient de justesse à survivre jusqu'ici et démarraient une nouvelle vie n'étaient pas rares.
Beaucoup de personnes parmi celles dont les médiateurs s'occupaient faisaient partie de ce cas.
(372, ça veut dire qu'il est sur terre depuis plusieurs centaines d'années.)
Ça va poser problème, pensa Takumu.
N'étant pas un manga de baston, la taille des chiffres ne représentait pas la taille de la menace. Cependant, ils servaient au moins de preuve que ce Visiteur avait les facultés et l'expérience nécessaire lui permettant de rester longtemps caché sur Terre.
- Il est le leader d'une équipe de scientifique cauchemardesque, et lui-même est un talentueux scientifique comme on en voit rarement. Cet univers fermé dans lequel il a mis tout son génie est doté d'une grande robustesse. Mais malgré cela, en théorie, il est possible de l'ouvrir.
Racontait la femme.
- En nous basant sur les unités temporelles terrestres, environ toutes les 50 000 secondes, un peu moins de 14 heures, nous observons de fines fluctuations à l'intérieur de la cabine. Les variations fluctuent de plusieurs milliers de secondes, mais elles ne sont jamais trop éloignées de ce chiffre. Si l'on s’y prend au bon moment, il est possible d'ouvrir un minuscule trou et de connecter le monde dans lequel nous sommes, au sien.
Une petite agitation se fit entendre dans la pièce.
- Si l’on devait expliquer ce trou avec un de vos concepts terriens, alors celui de Trou de ver est probablement le plus proche. Nos préparations sont terminées. Je voulais organiser cette réunion afin de vous faire part de ce plan.
(Connecter notre monde...au sien...?)
- Vous parlez d’ouvrir une porte menant à un autre monde, vous voulez dire, comme dans les jeux vidéo ? Pouvons-nous le comprendre ainsi ?
Demanda l'un des scientifiques, la main légèrement levée.
À ton âge tu joues à ce genre de jeu ? pensa Takumu dans un coin de sa tête en proie à la confusion. Il se retint tant bien que mal de laisser ces mots sortir de sa bouche.
- C'est un peu différent. Ce n'est pas une porte, mais simplement une trappe. Un petit trou instable depuis lequel on ne peut pas remonter.
La femme secoua la tête.
Je vois, un piège à fosse donc, acquiesça doucement le scientifique.
- Il nous faudrait quelques années, non, quelques dizaines d'années supplémentaires pour créer quelque chose de plus grand. A l’échelle terrienne, je ne pense pas que ce soit très réaliste pour vous.
Et maintenant, la femme tourna son masque en direction de Takumu.
- La masse limite que l'on peut faire tomber de l'autre côté à travers la trappe est d’environ 119 kilogrammes. De plus, les restrictions sont les mêmes que celles des cabines ordinaires. Un terrien normal ne peut pas s'adapter au changement d'environnement.
Takumu réfléchit en prenant tranquillement son temps.
Il se rappela de son poids actuel qu'il avait appris lors de sa visite médicale à laquelle il était allé au printemps. Il regarda Merinoe qui était assise à côté de lui et qui affichait un visage calme — leur regard se croisa — il imagina son poids. Il additionna dans sa tête les deux nombres. Le résultat était inférieur à 119 kilogrammes. Mais en comptant tout l’équipement en plus nécessaire pour mener cette investigation, il n'y avait quasiment plus de marge.
Est-ce qu'ils ne seraient pas en train de me dire que...
- Nous n'avons quasiment aucune information sur la situation de l'autre côté.
Le manager ajouta des explications.
- Étant donné qu'il s'agit d'une cabine, il s'agit forcément d'une imitation de l'endroit se trouvant aux mêmes coordonnées. Ça ne sera pas une galaxie complètement différente où même les règles de la physique sont différentes. Elle n'est pas non plus connectée à un endroit en super gravité ou en super chaleur, comme le noyau d'une étoile. Il en va de même pour la gravité et la composition de l'atmosphère.
Il secoua légèrement la tête.
- Toutefois, nous ne savons rien de plus. C'est pour cela qu’il nous faut choisir prudemment les 119 kilogrammes que l'on peut envoyer.
Todoroki marcha jusqu'à Takumu, et s'arrêta juste devant lui, avant de poser les mains sur ses épaules.
- Je le redis. Je recommande ces deux personnes pour accomplir la mission Skunabicona.
Déclara-t-il.
(J’étais sûr qu'il allait en arriver là !)
Takumu cria dans sa tête, sans l’afficher sur son visage.
« Ce n'est pas une galaxie totalement différente. » Je vois.
« Vous ne serez pas lâché en plein centre de l'étoile. » Je vois.
« La gravité et la composition de l'atmosphère ne changent pas non plus beaucoup de celles de la Terre. » Je vois.
Nan, mais attendez deux secondes. On me garantit même pas le minimum syndical de protection là ? Et d'abord, à en croire les explications de cette femme, le trou était un aller simple. Si l'on voulait revenir, il faudrait faire un trou depuis l'intérieur de cette cabine extrêmement solide.
Pas mal de temps s’était écoulé depuis le passage au 21e siècle, et voilà que soudain, on lui parlait d'un plan kamikaze. C’était du suicide. S’il se fiait à sa raison, il devrait rire à cette blague et sortir tout de suite de cette pièce.
Mais –
- La mission consiste à enquêter sur cette cabine et résoudre le problème. Rechercher des informations sur ce qu'il se passe à l'intérieur, et trouver un moyen de repartir avec ces informations. Si tu penses pouvoir la casser, alors la détruire et rendre à cette partie de Tokyo sa forme d'origine.
- Vous êtes sûr que je peux y aller ?
Takumu allait pouvoir se rapprocher de la vérité.
Il allait être capable d’en apprendre davantage sur ce qui s’était passé. Et directement au plus près de la source.
Il ne pensait qu’à ça. Et c’est donc pourquoi ces mots sortirent doucement de sa bouche.
- Vous êtes vraiment sûr que je peux y aller ?
- Si Hiiragi était là, j'aurais peut-être un peu hésité. Mais actuellement, tu es à n'en pas douter le plus apte pour cette mission.
Un petit sourire sembla se dessiner sur les lèvres du quarantenaire.
- Si je me rappelle bien, Hiiragi c'est...
- Un homme qui n'est plus là, oublie-le.
Le manager haussa les épaules.
- C’est le plus qualifié pour cette mission. Et puisque je serais à ses côtés, il ne passera pas l'arme à gauche aussi facilement.
Rajouta Merinoe, amusée.
- Effectivement, si on doit envoyer quelqu'un dans un lieu dont on ne connait rien, alors il n'y a pas mieux que lui pour le job.
Acquiesça Todoroki, avant de se retourner pour regarder les autres personnes présentes dans la pièce.
- Y a-t-il des objections ?
Les vieillards réagirent tous différemment. Un acquiesça avec un air grave, un laissa s'échapper un petit rire, un autre haussa les épaules. Mais aucun d'entre eux ne s'opposa activement à cette décision.