Un Simple Sondage - Volume 2

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Bonjour[edit]

Bienvenue à Attraction Land !!

Oui, oui. Je sais, je sais. Mais mon contrat m'oblige à faire cette intro, alors ne faites pas cette tête-là. Je me doute que vous savez déjà tous ça, mais vous vous trouvez tous dans ce célèbre et merveilleux parc d'attraction en tant qu'employés et non clients. Et en cette période de crise économique... D'ailleurs, ça fait combien de temps que ça dure ? Enfin bref, félicitations quand même.

Hélas, vous n'êtes pas encore des employés à part entière, mais nous pouvons vous promettre une bien meilleure rémunération qu'une entreprise normale.

Votre tâche consiste en une simple supervision.

Nous imaginons tous les jours de nouvelles attractions, mais il y a toujours beaucoup de trous dans la raquette pendant la phase de prototype. Et le risque qu'un expert trop familier avec le projet passe à côté de quelque chose est non négligeable. Quand un enfant joue dans les jeux d'un parc d'une façon que les adultes n'auraient jamais envisagé, cela peut mener à un terrible accident, non ?

De la même façon, nous avons besoin de l'aide de gens comme vous qui n'avez aucun a priori.

Bien, maintenant, je vais vous distribuer les documents décrivant chaque attraction avant de vous montrer quelques vidéos. Oui, à l'heure où je vous parle, aucun prototype n'a pour le moment vu le jour. Quand nous en aurons fini avec cette étape, leur construction pourra débuter.

Quand ça arrivera, il se pourrait que nous fassions à nouveau appel à vous. Mais pour l'instant, contentez-vous de regarder ces vidéos.

Veuillez relever les zones à problèmes dans les règles de ces attractions.

Indiquez-nous ce qui doit être fait pour augmenter la difficulté et rendre les attractions encore plus cruelles, plus excitantes et plus infinissables.

Et donc pour cela...

Nous aimerions que vous indiquiez au moins trois axes d'amélioration par attraction. Trois. Si vous en trouvez plus et que vous les notez sur le formulaire, vous recevrez une prime pour chaque remarque additionnelle.

On trouve toujours des choses à redire ou qui ne nous ont pas plu après avoir regardé un film, non ? Dites-vous que vous allez être payés pour nous en faire part. C'est un travail vraiment simple, vous ne trouvez pas ?

Ne laissez aucune case vide ou sans réponse.

Peu importe si c'est juste du détail. Contentez-vous de noter au moins trois défauts ou failles dans les règles.

Bon.

Que la supervision commence.


Attraction 01 : Jeu de la balle mortelle[edit]

Montre (40 pts), aquarium (15 pts), vase (5 pts), tôle de métal (1500 pts), vis (3 pts), pot de fleur (30 pts), contre-plaqué (15 pts), feuille de papier (1 pt), scie (30 pts), tuyau en caoutchouc (5 pts), tournevis à bout plat (10 pts), clou (1 pt), stylo bille (2 pts), rideau (15 pt), colle (5 pts), peinture (15 pts), chewing gum (2 pts), ceinture en cuir (10 pts), chapeau (15 pts), baguettes (3 pts), anneau (100 pts), lapin en peluche (5 pts), rasoir électrique (30 pts), téléphone portable (40 pts), anti-moustique (10 pts), lentilles de contact (5 pts), pot de nouilles (10 pts), bouteille d'oxygène (100 pts), mouchoirs jetables (3 pts), boussole (5 pts), polystyrène (20 pts), corde (10 pts), coupe-ongle (5 pts), ampoule (5 pts), dossier (3 pts), poussette (15 pts), serviette chaude (5 pts), sac à dos (20 pts), élastique (1 pt), cuillère (10 pts), assiette en plastique (5 pts), clé USB (30 pts), canette de bière (5 pts), sac en plastique (1 pt), ruban adhésif (10 pts), fil électrique (15 pts), bouteille en plastique (5 pts), ciseaux (10 pts), verre de vin (10 pts), carte postale (1 pt), fourchette (5 pts), médicament contre le rhume (5 pts), ordinateur portable (50 pts).


Ces objets étaient éparpillés dans une pièce sans fenêtre de la taille d'une salle de classe. Les autres participants avaient vraisemblablement été emmenés dans des salles similaires.

Au centre de la salle se trouvait quelque chose de semblable aux panneaux placés à l'entrée d'un restaurant où l'on peut lire leur nom. Néanmoins, sur ce panneau était écrit les règles de l'attraction.


Jeu de la balle mortelle

Temps imparti : 30 minutes.

Une fois le temps écoulé, on vous tirera dessus à une distance de 15 mètres.

Veuillez fabriquer un équipement pare-balle avant le début de l'évènement.

Néanmoins, vous ne pouvez pour le moment pas utiliser les objets présents sur l'estrade.

La situation revient à recevoir une boîte de conserve sans ouvre-boîte. Mais il ne faut pas oublier qu'on peut toujours vendre la « boîte telle quelle » sans effectivement posséder d'ouvre-boîte.

Tous les objets sur l'estrade ont un prix bien défini.

Vous pouvez vendre n'importe quel objet pour obtenir des fonds avec lesquels vous pouvez acheter les objets dont vous avez besoin.

Tout objet vendu ou utilisé une fois ne pourra être réutilisé dans cette attraction.

Les survivants de l'attraction recevront une somme de 200 millions de yens.


— Les enflures... marmonnais-je sans réfléchir, mais je ne pouvais plus vraiment faire marche arrière désormais.

J'avais besoin d'argent. Je devais tout tenter pour en obtenir.

Une femme habillée en bunny girl parlait avec un sourire dans un coin de la pièce.

— Ben alors, on jette l'éponge ?

— Vous savez bien que je peux pas faire ça. Allez ! Commencez l'attraction !!

— Dans ce cas, le chrono tourne. Bonne chance, annonça la bunny girl tout en exhibant une montre gousset analogique produisant un tic tac volontairement bruyant.

Bon...

J'allais me faire tirer dessus à une distance de 15 mètres. En tant que japonais protégé par la loi de contrôle des armes à feu et des épées, j'ignorais la puissance exacte d'une balle, mais j'en avais tout de même des frissons dans le dos.

Il y avait toutes sortes d'objets éparpillés dans la salle, mais l’un d’entre eux attirait tout particulièrement mon attention.

La tôle de métal (1500 pts).

Elle faisait 2 mètres de haut, pour 1 mètre de large, et environ épaisse de 3 cm. Elle était vraisemblablement utilisée pour les échafaudages de construction. À elle seule, elle suffirait sûrement à arrêter une balle.

Mais...

— J'aurais pas assez même en vendant tous les autres objets.

Quand j'avais calmement additionné tous les points, il apparaissait évident que je ne pourrais jamais atteindre les 1500 points. Si je n'avais pas réfléchi et commencé à vendre les objets pour acheter la tôle, j'aurais déjà perdu.

Mais d'un autre côté, le contre-plaqué (15 pts) et l'aquarium (15 pts) avaient peu de chance de pouvoir arrêter une balle.

Une balle.

J'allais affronter une balle.

Pour survivre à un tir dirigé sur moi, j'allais avoir besoin de quelque chose de métallique.

Je ne pouvais pas réunir assez pour la tôle (1500 pts), mais le coupe-ongle (5 pts), le dossier (3 pts), et d'autres objets avaient des composants métalliques. J'avais besoin de rassembler ces objets jusqu'à obtenir la même protection que la tôle.

— Si tu veux mon avis, je ferai le tri entre les objets utiles et ceux qui ne servent à rien.

— La ferme, je vous ai pas sonnée.

— Par exemple, il y a l'anneau (100 pts) et la montre (40 pts). Ceux-là sont inutiles mais valent cher. Si j’étais toi, je vendrais ce genre d'objets.

— Je vous ai dit de la fermer.

Si je vendais la tôle (1500 pts), je pourrais acheter tous les autres objets. Et l'anneau (100 pts) tout comme la montre (40 pts) étaient composés de métal. Il était dangereux de vendre rapidement quelque chose juste parce qu'il rapportait beaucoup de points. Vu qu'elle ne m'en avait pas parlé, je pouvais en déduire que la bunny girl voulait ma mort.

— Ce dont j'ai besoin pour commencer, ce sont le ruban adhésif (10 pts) et le tournevis à bout plat (10 pts).

— Heiiin ? On peut vraiment arrêter une balle avec un rouleau de scotch ? Et un tournevis ? Déjà que ça paraît improbable de dévier une balle avec un katana comme ils le font dans certains films d’action au réalisme douteux, alors avec cet outil, j’en parle même pas.

Telle n'était pas mon intention.

Le tournevis à bout plat (10 pts) allait servir à retirer le métal des autres objets pendant que le ruban adhésif (10 pts) était pour accrocher le tout ensemble.

Ce qui signifiait que je devais décider à partir de quels objets récupérer le métal.

— Je comprends pas du tout ce qui t’est passé par la tête, dit la bunny girl d'une voix douce qui sonnait comme un bruit de fond pendant qu'elle gigotait ses hanches. C'est juste pour 200 millions de yens. 200 millions. Ça a beau être une sacrée somme, ça reste suffisamment peu pour que n’importe quel employé lambda puisse la rassembler en travaillant assez dur. Et pourtant, plus de 20 personnes vont risquer leur vie dans cette attraction pour ça. Mais où va le monde ?

— Je suis sûr qu'on a tous nos propres raisons.

— Certes, mais t'as pas gagné 5 milliards au loto ? Pourquoi t’en veux encore plus ? La vie regorge vraiment de mystères.

— ...

Les gens disent souvent qu'on n'a pas à s'en faire tant qu'on a de l'argent, mais c'est faux.

Personne n'avait gagné au loto depuis un moment, alors la cagnotte s'élevait à 5 milliards. Et quand quelqu'un avait fini par gagner le gros lot, ça avait fait la une des journaux nationaux. Ils avaient soi-disant dissimulé mes informations personnelles, mais elles avaient fuité juste après le transfert d'argent sur mon compte. J'ignorais comment ils s'y étaient pris, mais il y avait visiblement des failles qui permettaient à certaines personnes d'obtenir ce genre d'informations.

Ça avait peut-être été une erreur d'accepter de recevoir le pactole en un seul coup.

À minuit ce jour-là, un groupe d'hommes masqués s'était introduit chez moi par une fenêtre.

J'étais parvenu à m'échapper avec juste mes vêtements sur le dos, mais je retrouvai ma maison en cendres quand je revins au petit matin. Évidemment, mon livret de banque ainsi que mon sceau avaient été dérobés. L'officier de police qui semblait secrètement se réjouir de mes malheurs me suggéra de bloquer mon compte, mais il était vide le temps que je m'en occupe. J'avais reçu une explication confuse à base de termes comme « banques étrangères » et « banques en ligne », mais on pouvait résumer ça par le fait qu'il n'y avait aucun moyen de récupérer l'argent.

Et malgré tout ça, j'étais toujours poursuivi par des gens pour toutes sortes de raisons : m'inviter dans leur religion, me demander d'aider des enfants malheureux, me demander de payer leurs dettes, m'implorer de leur acheter des médicaments, etc.

Ce dont j'avais besoin, c'était d'argent.

J'avais besoin d'argent pour effacer toute trace d'information sur le « moi » actuel afin de pouvoir commencer une nouvelle vie.

— Le coupe-ongle (5 pts), le rasoir électrique (30 pts), la poussette (15 pts), le dossier (3 pts)... Oh, et la canette de bière (5pts) et la bouteille d'oxygène (100 pts) aussi. ... Je crois que ce sont tous les objets avec des composants métalliques utilisables.

— Oh ? Mais un coup de feu risquerait de faire sauter la bouteille d'oxygène, non ?

— Si je la vide d'abord, ça sera juste une bouteille en métal vide.

Cela dit, je n'étais pas un plongeur, alors j'ignorais combien de temps cela prendrait.

— Bah, peu importe. Mais oublie pas que t'as besoin de points pour acheter ces outils. Qu'est-ce que tu vas vendre ?

— La tôle de métal (1500 pts).

— Hein ? T'es sûr de toi là ? Ça me paraît être l’objet le plus sûr et le plus épais du lot.

— J'ai dit que je le vendais, alors je le vends ! Ça crève les yeux que c'est un piège !!

— Bon, d'accord. T'aurais pu t'en servir autrement qu'en te protégeant avec par contre. Par exemple, t'aurais pu l'utiliser pour écrabouiller la bouteille d'oxygène (100 pts) vide pour créer une plaque de métal.

Peu importe les façons de l'utiliser, je n'aurais jamais eu assez de points pour l'acheter.

Le plus gros objet que je possédais était la bouteille d'oxygène (100 pts). Je la vidai de son air et me servi ensuite du ruban adhésif pour y attacher divers autres objets métalliques tout autour.

— Bon, est-ce que cette bouteille sera suffisamment épaisse ? On les voit souvent exploser quand ils tirent dessus dans les films.

— La ferme. On peut pas se fier à ce qu'on voit dans les films.

— Tout jusqu'au vidage de l'air aurait pu être une bonne idée, mais...

— ?

D'un cliquetis métallique, le tic tac de la montre gousset de la bunny girl s'arrêta.

Les 30 minutes étaient passées.

L'heure du tant attendu coup de feu était arrivée.

Cette pensée me fit transpirer à grosses gouttes. Ma respiration devint incroyablement haletante et rapide.

Je pensais qu’on allait m’emmener dans une autre pièce, mais ce ne fut pas le cas.

La bunny girl enfonça sa main dans son décolleté et en sortit un pistolet semi-automatique d'un noir brillant.

Il était couvert de plastique et ressemblait presque à un jouet.

Mais la situation changea après que la femme souriante le pointa en direction du baril en haut.

Son index bougea.

Une grande détonation retentit.

C'était comme un éclair frappant un arbre non loin. J'ai sérieusement cru avoir bondi de quelques centimètres du sol. Mon cœur me faisait mal. Quelque chose n'allait pas avec mon pouls. Je ne pouvais pas bouger le petit doigt, et encore moins la tête, alors je regardai autour de moi en ne bougeant que les yeux.

La bunny girl continuait à sourire pendant tout ce temps.

— Bon, va te mettre au niveau du scotch sur le sol au bout de la pièce. Enfin, t'es pas obligé si tu veux pas, mais être plus près serait un désavantage pour toi.

Je m'exécutai, mais j'étais plus attiré par ce baril où de la fumée s'échappait plutôt que par le désir de participer à l'attraction.

Je ne pouvais pas compter sur cette protection artisanale.

Je commençais à douter de la réussite de mon plan.

Elle était artisanale et se basait sur les suppositions d'un amateur qui ne reposaient sur aucune donnée concrète. Ma confiance en elle avait complètement volé en éclat en voyant la puissance de ce pistolet de bonne facture.

Peu importe ce que j'attachais tout autour, ça restait une simple bouteille d'oxygène vide.

Comme l'avait dit la bunny girl, elles explosaient souvent dans les films d'action quand on leur tirait dessus.

Est-ce que j'allais m'en sortir ?

Est-ce que j'allais vraiment m'en sortir ?

Est-ce que la balle allait vraiment, vraiment être arrêtée par ma protection de fortune ?

— Ok, on y va ?

— Att-...

— Bang.

L'instant d'après, j'entendis une explosion, ma vision se mit à tourner et mon souffle fut littéralement coupé.

Ma poitrine me faisait mal. Je ne pouvais plus respirer. Une douleur si désagréable rien qu'en y pensant traversa mon corps comme si mes vaisseaux sanguins étaient étirés jusqu'à leur limite.

Mon champ de vision était dirigé vers le plafond.

Il me fallut plusieurs secondes avant de me rendre compte que je m'étais effondré sur le sol.

Mais alors quelque chose d'autre arriva.

J'aperçus la bunny girl baisser les yeux vers mon visage.

— Hmm... Oh, t'es vivant. Alors j'imagine que t'as réussi.

— ...?

— Quand t'es tombé juste après que j'ai tiré, j'ai cru que t'étais mort, mais on dirait que tu t'es évanoui un instant à cause de l’impact avec la balle. J’ai pas l’impression que la balle ait traversé ta bouteille gilet pare-balle. On dirait que t'as vraiment réussi.

Je n'avais pas l'impression d'avoir survécu.

Je n'avais toujours pas l'impression de respirer.

Je me sentais si peu vivant que je l'aurais cru si quelqu'un m'avait dit que je vivais une expérience extracorporelle.

Mais la bunny girl venait juste d'annoncer ma victoire.

Ce...

Ce qui signifiait que...

— J'ai vaincu l'attraction...

Si tel était le cas, j'avais remporté les 200 millions de yens. Je pouvais retrouver la vie que j'avais perdue suite à la fuite de mes informations personnelles après ma victoire au loto. Je ne pouvais pas imaginer ce qu'il fallait exactement pour complètement les effacer, mais je pourrais sans doute le faire avec 200 millions de yens.

Je pouvais enfin apercevoir une lueur d'espoir.

J'essayai de tendre la main dans sa direction en étant toujours allongé sur le dos, mais c'est alors que la bunny girl dit quelque chose d'autre avec son sourire habituel :

— Ok, ceci marque la fin « du premier round de l'attraction ». Passons au « deuxième » maintenant.

— ...................................... Quoi ?

Cette fois-ci, ce ne fut pas mon souffle qui s'arrêta ; c'était comme si le temps s'était figé. Et pourtant, la bunny girl ne revint pas sur ses paroles.

Elle ne revint pas sur ce qu'elle avait dit.

— Oh, c'est trois fois rien. Pas la peine d'apprendre de nouvelles règles. Tu vas juste devoir recommencer la même chose.

— N-Non ! Vous foutez pas de moi !!! Vous aviez dit que j'aurais 200 millions de yens si je gagnais !!! Vous l'avez expliqué au début !!!

— Oui, et t’auras l’oseille quand t’auras terminé toute l'attraction, dit la bunny girl tout en penchant la tête d'un air clairement faussement étonné. Tu te rappelles des règles ?


Jeu de la balle mortelle

Temps imparti : 30 minutes.

Une fois le temps écoulé, on vous tirera dessus à une distance de 15 mètres.

Veuillez fabriquer un équipement pare-balle avant le début de l'évènement.

Néanmoins, vous ne pouvez pour le moment pas utiliser les objets présents sur l'estrade.

La situation revient à recevoir une boîte de conserve sans ouvre-boîte. Mais il ne faut pas oublier qu'on peut toujours vendre la « boîte telle quelle » sans effectivement posséder d'ouvre-boîte.

Tous les objets sur l'estrade ont un prix bien défini.

Vous pouvez vendre n'importe quel objet pour obtenir des fonds avec lesquels vous pouvez acheter les objets dont vous avez besoin.

Tout objet vendu ou utilisé une fois ne peut plus jamais être utilisé dans cette attraction.

Les survivants de l'attraction recevront une somme de 200 millions de yens.


Tout objet vendu ou utilisé une fois.

Tout objet vendu ou utilisé une fois.

Tout objet vendu ou utilisé une fois.

— Mais alors...!!!

— Cette attraction est censée avoir plusieurs manches. Voilà ce que ça veut dire. Oh, mais ça serait nul de répéter exactement les mêmes gestes, alors le calibre de l'arme va augmenter petit à petit. Pour le round un, c'était un calibre 38, pour le deuxième, c'est un calibre 45, et quant au troisième... Bah, à ce moment-là, on pourra plus vraiment parler de pistolet.

— Le... troisième ? Il y a combien de rounds au juste ?!

— Rien m'oblige à te le dire. Mais tu peux partir du principe qu'il y en a au moins trois.

Les gens peuvent rester heureux face à quelque chose d'insensé en le considérant comme tel et en fuyant la réalité.

Mais ils réalisent tôt ou tard que ça ne marchera pas éternellement.

Pour moi, cet instant arriva quand j'entendis le fameux tic tac.

À un moment ou un autre, la montre gousset dans la main de la bunny girl s'était remise en marche.

Le temps imparti.

La prochaine limite de temps approchait.

C'est alors que ça arriva.

Je sentis finalement comme si un vent frais soufflait dans cette pièce suffocante.

Le problème que j'avais dû résoudre au tout début était...

— Attendez. Attendez !!

— Qu'y a-t-il ?

— Je viens juste d'utiliser tout ce que je pensais être utile pour me protéger. J’ai plus rien pour le deuxième round !!!

— Je vois. Alors t'es pas dans la merde, mon coco.

Son sourire en disait long.

Elle savait.

Elle savait depuis le début que ça allait arriver !!!

— Saleté...!!!

Le sang me monta à la tête, mais le sentiment disparut l'instant d'après.

J'aperçus un trou noir.

C'était le canon du pistolet de calibre 45 qui allait être utilisé pour le round suivant.

Il était manifestement plus gros que le précédent.

Ça crevait les yeux qu'il était plus puissant.

— Il te reste 24 minutes et des poussières, annonça la bunny girl, toujours en souriant.

Elle savait que je n'y arriverais pas.

— Je vais tirer exactement comme tout à l'heure quand le temps sera écoulé, alors fais de ton mieux pour fabriquer un bouclier solide.


Quelqu'un parla quelque part dans la pièce sombre.

— Qu'est-ce que t'en penses ?

— T'as pas encore compris ? Il a vendu la tôle de métal (1500 pts) pour pouvoir acheter tous les autres objets.

— Et ça va l'aider ?

— S'il avait réalisé qu'il pouvait arrêter une balle en remplissant l'aquarium d'eau ou en empilant tous les papiers, il aurait peut-être pu s'en sortir.

— Mais on dirait qu'il était complètement obnubilé par le métal à cause de la suggestion de « l'employée ».

— Elle a fait ce qu’elle avait à faire. Et c’est pas toujours évident de faire le sale boulot.

— Alors vous pensez qu’il a une chance de passer les 10 rounds ?

— Il va galérer. Mais il n'existe pas de moyen facile de devenir riche rapidement.


Attraction 02 : Pari du cache-cache[edit]

— Avant le début de l'attraction, merci de remplir ce questionnaire. Deux équipes de cinq vont jouer à cache-cache pendant 30 minutes. Si toutes les personnes qui se cachent sont trouvées, l'équipe des chasseurs l'emporte. Si ne serait-ce qu'une seule personne n'est pas trouvée, c'est l'équipe des proies qui gagne. Dans ces conditions, quelle équipe va l'emporter d'après vous ?

Je sentais que le facteur le plus primordial du cache-cache résidait dans la taille et la complexité du terrain, mais il n'y avait aucune description à ce sujet. Néanmoins, j'ai toujours été bon pour me cacher. Du coup, je choisis l'équipe des « proies » sans trop y réfléchir.

En y repensant, j'aurais dû me rendre compte plus tôt que l'attraction avait déjà commencé.

On me banda les yeux et me fit monter à l'arrière d'un camion d'une société de transport appelée Transport Direct, avant de m’emmener quelque part.

Quand on me retira le bandeau, la première chose que je vis fut l'épave rouillée d'une grande roue.

Les cris des corbeaux me perçaient les tympans.

— Bon, bon, bon. Que l'attraction commence ! dit une bunny girl avec une voix claire tout en se tenant au milieu d'armoires à glace vêtues d'uniformes de travail. Mes amis, regardez bien les brassards sur votre bras droit. Rouge signifie que vous êtes un chasseur et bleu que vous êtes une proie. Bien, rassemblez-vous par groupe maintenant.

J'avais un brassard bleu sur mon bras droit.

Ce qui signifiait que j'étais une proie.

On s'aligna comme demandé par la bunny girl. Les proies avec le brassard bleu étaient constituées d'un groupe de deux hommes et trois femmes tandis que les chasseurs avec le brassard rouge étaient un groupe de quatre hommes et une femme.

La bunny girl continua rapidement ses explications d'une voix joyeuse.

— Bien, les chasseurs sont Masuo Tanaka-san, Tadakage Satô-san, Kyôko Inoue-san, Shizuyuki Kinoshita-san et Ryûjin Kawamo-san. Les proies sont Megumi Yamada-san, Hatsuko Akaumi-san, Kensuke Hasebe-san, Jirô Tobukuro-san et... oh, on a deux Tanaka. Le deuxième est Mitsu Tanaka-san. Voici les dix participants de cette attraction.

Cette explication ne disait pas vraiment qui était qui.

Et la bunny girl semblait s'en ficher.

On pouvait travailler ensemble ou chacun pour sa peau, ça lui faisait une belle jambe.

— Le théâtre du cache-cache est tout ce qui se trouve sur le terrain du parc d'attraction. Les chasseurs vont recevoir des appareils photo digitaux bas de gamme. Toute proie prise en photo avec sera considérée comme capturée. Nous déterminerons si la photo est valide. Les proies sont libres de changer de cachette tant qu'elles n'ont pas été capturées. Mais si elles se font repérer à cause de ça, ça n'en vaut pas la peine.

— ...

— Les chasseurs vont attendre ici pendant que les proies auront 30 minutes pour se cacher. Les chasseurs auront les 30 minutes suivantes pour trouver les proies. Parviendront-ils à trouver tout le monde dans le temps imparti, ou au moins une personne arrivera à leur échapper ? Cela déterminera les vainqueurs de cette attraction, alors bonne chance.

Le bruit strident d'un sifflet résonna.

Il provenait de celui que la bunny girl avait dans la bouche.

J'étais une proie, alors je devais m'enfuir par moi-même comme indiqué. Contrairement aux chasseurs, il y avait peu d'utilité pour les proies à se rassembler dans un seul endroit. Si un seul d'entre nous survivait, on gagnait, alors nos chances étaient meilleures si on restait le plus éloigné possible les uns des autres.

— Bon, et maintenant...

L'attraction la plus remarquable de ce parc d'attraction abandonné et rouillé était la grande roue, mais mon regard s'arrêta également sur les rails du grand huit passer à travers le sol. En plus des bâtiments comme la maison hantée et la chute libre, se trouvait une section avec des restaurants et une grande galerie commerciale pour acheter des souvenirs.

Vu qu'on jouait à cache-cache, j'avais besoin d'aller dans un bâtiment.

La première décision que je devais prendre était...

— Est-ce que je devrais rester dans un endroit ou beaucoup bouger ?

Si j'avais l'intention de rester dans un endroit sans bouger, je devais me glisser dans un endroit où personne ne penserait chercher. Par exemple, le tunnel du grand huit. Un endroit qui était normalement interdit au public à cause du danger, mais il devait être sûr tant que le train ne roulait pas.

Mais si je me cachais dans un endroit pareil, je n'allais pas être en mesure d'évaluer la situation et il allait être compliqué de s'échapper si jamais j'étais sur le point de me faire repérer. C'était du tout ou rien.

Si j'avais l'intention de me déplacer, j'allais devoir trouver un endroit où il y a constamment un grand nombre de sorties. Cela allait me permettre de m'enfuir dès que je sentais que j'allais être trouvé. Mais ce genre d'endroits serait également plus facile d'accès pour les chasseurs, alors j'avais un grand risque d'être repéré.

Les deux options présentaient des avantages et des désavantages.

Alors que je pesais le pour et le contre de chacune des deux, une voix m'interpella par derrière :

— Hé. Hé toi là !

— ?

Je me retournai et aperçus une fille qui devait être étudiante à l'université s'approcher de moi.

— T'as un brassard bleu, alors t'es une proie aussi, pas vrai ? Je m'appelle Yamada, et toi ?

— Hasebe, répondis-je.

— Hasebe, hein ? J'espère que t'as pas l'intention de te planquer dans un endroit casse-gueule du style monter en haut du pilier soutenant la chute libre pour pas qu'ils te voient d'en bas.

— Ça serait un problème ?

Je n'avais pas encore tranché, mais j'avais décidé de continuer la conversation.

Yamada-san fronça des sourcils et dit :

— T'as pas écouté les règles ou quoi ? Les chasseurs ont juste besoin de nous prendre en photo pour nous capturer. Même si on se cache dans un endroit où ils peuvent pas t'atteindre, une simple photo et t'es mort.

— Maintenant que tu le dis...

Quand je cogitais un peu plus sur l'appareil photo, un autre problème me frappa.

— Dans ce cas, on aura un gros désavantage si un des chasseurs grimpe dans un endroit élevé pour pouvoir photographier tout le parc ?

— Bien sûr. Oh, au fait, t'as vérifié ta montre ?

— ?

— Allez quoi, c'est la plus basique des précautions. Les proies se cachent pendant les 30 premières minutes et les chasseurs cherchent pendant les 30 suivantes. Mais si l'un des chasseurs utilisait un sifflet ? Ils pourraient ensuite se contenter de photographier n'importe quelle proie qui sortirait sans réfléchir.

C'était quelque chose que je n'avais pas considéré avant qu'elle ne me le dise.

Mais étant donné la récompense pour cette attraction, il y avait de fortes chances qu'ils tentent ce genre de coups bas.

Les vainqueurs allaient empocher 200 millions de yens chacun.

L'équipe perdante toute entière allait être exécutée. J'ignorais comment ce qui l’attendait exactement, mais je doutais qu'ils ne le fassent de façon rapide et sans douleur. Après tout, ils avaient pris toute cette peine pour nous appâter avec ce pactole.

Cette attraction était un aller simple soit pour le paradis soit pour l’enfer.

— Le sifflet résonnera à exactement 4h30. Assure-toi de te servir de cette heure comme base. Je suis une proie, moi aussi, alors je veux le plus de survivants possibles.

C'était une attraction cruelle où des vies humaines étaient en jeu, mais il y avait au moins une distinction claire entre alliés et ennemis. Si notre équipe l'emportait, chaque membre allait être récompensé, alors aucun d'entre nous n'avait d'intérêt à trahir.

— J'y vais alors. Essaye de pas de faire prendre.

Je regardai Yamada-san de dos alors qu'elle se dirigeait vers la galerie marchande, mais je me remémorai soudain que je n'avais pas de temps à perdre.

Les proies avaient peu d'intérêt à travailler ensemble, mais les chasseurs, eux, avaient tout à y gagner.

Par exemple, si l'un d'entre eux grimpait dans un endroit élevé pour surveiller le parc de haut, il pouvait couvrir presque l'ensemble de la zone extérieure. Si les autres chasseurs se mettaient alors à fouiller la maison hantée et autres bâtiments, ils pouvaient facilement trouver la majorité des proies.

Les espaces en intérieur sont restreints.

Peu importe où on se cache, on peut être trouvé si on fouille l'endroit dans ses moindres recoins.

Il était possible que les quatre chasseurs restants n'aient pas le temps de fouiller tous les bâtiments dans le temps imparti, mais il était trop dangereux de se fier à une supposition.

Si je perdais, j'étais mort.

Non, même si je n'avais pas pris part à cette attraction, ma ruine serait arrivée bien assez vite sans ce prix.

Je n'avais pas d'autres choix.

Si je ne gagnais pas ici, c'en était fini de moi.

J'allais devoir faire tout mon possible pour gagner. Et tous les autres participants, proie comme chasseur, ressentaient la même chose.

Je n'allais jamais gagner si je considérais ce jeu comme un cache-cache normal.

J'avais besoin d'une méthode plus retorse, plus sûre de m'assurer qu'on ne me trouve pas.

— ... Une seconde.

Si je n'entrais pas dans un bâtiment, j'allais être repéré par le guet depuis son poste en hauteur.

Si je me cachais à l'intérieur, j'avais de grandes chances d'être trouvé vu qu'ils allaient fouiller attentivement chaque bâtiment.

Mais...

Et s'il y avait une troisième option qui n'était ni à l'intérieur ni à l'extérieur ?


Les 30 minutes arrivèrent à leur terme.

Un coup de sifflet distant signifia la fin de la première phase.

Plusieurs bruits de pas précipités se firent immédiatement entendre.

Au moins l'un des chasseurs allait vraisemblablement se diriger dans un endroit élevé pour servir de guet.

Étant donné ma planque, ma vision était extrêmement restreinte. Le plus gros problème avec une cachette élaborée était le manque d'informations sur l’environnement proche. Je n'avais aucun moyen d’observer de haut le terrain comme dans un film ou un jeu.

Et en plus de ça, il était difficile de respirer.

À chaque fois que j'expirais, il y avait encore plus d'air tiède. Je commençais à me demander si je n'allais pas simplement mourir étouffé ici.

— Gyah !! Attends, prends pas de photo !!

— J'ai trouvé une proie ! Je crois qu'elle s'appelle Akaumi. Hé, arrête. Lâche ça !!

— On vient tout juste de me dire que quelqu'un s'était enfui en direction de la maison hantée !

— Cet incapable de guet ! Pourquoi il a pas pris de photo ?! Comme ça, on n'aurait pas eu à le poursuivre !!

Mon champ de vision était si limité que je n'avais presque pas la moindre idée de ce qui se passait, mais je pouvais en déduire de la conversation que l'attraction passait à la vitesse supérieure. Mon cœur se mit à battre de façon désagréable et je me mis à me demander si le bruit de mes battements de cœur n'allait pas me trahir.

Mais j'allais m'en sortir.

Il le fallait.

Les chasseurs cherchaient en se basant sur l'idée que le guet couvrait l'extérieur pendant que les autres s'occupaient des bâtiments. Ils n'allaient jamais trouver ma troisième option.

Après tout...

Je me trouvais dans un vieux costume sale de mascotte traînant sur le sol.

On pouvait dire que je me cachais dehors.

Cependant, le chasseur faisant office de guet surveillant tout le parc d'attraction depuis une zone surélevée ne pouvait pas savoir que quelqu'un se cachait dans ce costume traînant par terre. Il était possible que quelqu'un s'approche trop près et entende ma respiration, mais les autres chasseurs partaient tous du principe que les proies se cachaient à l'intérieur.

Et donc, ils n'allaient pas fouiller cette zone de fond en comble.

Ils allaient se ruer dans les bâtiments pour les fouiller aussi minutieusement que possible. Ils tenaient à fouiller chaque bâtiment avant le temps imparti.

Je n'avais qu'une tâche.

Je n'avais pas à faire des acrobaties pour éviter des lasers ou éviter les coups d'un ennemi tout en courant comme dans un film d'espionnage.

Il me fallait juste ne pas bouger d'un poil.

Je devais rester allonger sur le sol sans sourciller.

Mais quand bien même l'échec signifiait la mort, ne pas bouger pendant 30 minutes était plus facile à dire qu'à faire. En fait, j'avais depuis longtemps perdu la notion du temps. Je serais déjà devenu fou dans ce costume si je n'avais pas réglé l'alarme de ma montre pour me prévenir quand le jeu serait « terminé ».

Le costume se situait près de la vieille galerie marchande.

Ce qui me donnait donc un endroit où me réfugier au cas où les choses se compliqueraient.

J'étais sûr d'avoir vu juste.

Il y avait un risque que les chasseurs déclarent que le costume est un vêtement et que par conséquent, une photo de lui suffirait, mais j'étais tout de même plus en sécurité qu'en courant à gauche à droite dans le parc d'attraction.

Ou du moins, c'est ce que je croyais.

L'environnement immédiat peut parfois changer considérablement la situation.

Quelqu'un donna soudain un coup de pied dans la tête du costume.

Je poussai presque un cri, mais me retins tant bien que mal.

Ce jeu de cache-cache était un match collectif. Si une seule proie restait à la fin du jeu, on gagnait tous. Alors tout espoir n'était pas perdu si je me faisais capturer. Néanmoins, je n'avais aucune idée du nombre de proies restantes.

Et...

J'en avais ma claque de laisser les autres décider pour moi.

Je tentais désespérément de déterminer si la personne avait malencontreusement trébuché sur le costume ou si elle vérifiait s'il y avait quelqu'un à l'intérieur. Mais quelle que soit la réponse, tout ce que j'avais à faire était de rester parfaitement immobile.

En tous les cas, tout était fini si elle réalisait qu'il y avait quelqu'un à l'intérieur.

Allez, continue ton chemin.

Allez, va-t-en.

Alors que je priais de tout mon cœur, quelque chose d'inattendu arriva.

— ... Hasebe-kun ?

J'entendis une voix familière. C'était celle de Yamada-san, une consœur proie.

Je n'avais aucune obligation de lui répondre et les proies n'avaient rien à gagner à travailler ensemble, mais tout était fini si un chasseur nous voyait. Je parlais aussi bas que possible tout en restant immobile pour m'assurer que le chasseur faisant office de guet ne le remarque pas.

— Oui, c'est moi.

— Bien. On t'a pas encore trouvé.

— Et toi, Yamada-san ? Tu sais pour les autres ?

Dans cette attraction, les proies n'avaient aucune raison de se trahir les uns les autres. C'était pour cette raison que je lui avais répondu, mais quelque chose me turlupinait.

Exactement.

Elle aurait pu savoir que quelqu'un se cachait à l'intérieur du fait d'un petit mouvement ou du bruit de la respiration, mais comment savait-elle que c'était moi ?

C'était comme si elle avait vu ce qui était arrivé à chacune des proies.

Nan...

Ma gorge se noua.

Les choses suivirent malgré tout leur cours.

Impossible...!!

Et c'est alors que Yamada-san, qui était censée être une proie, se mit à crier aussi fort que possible.

— Il y a une proie juste iciiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!

Son comportement n'avait aucun sens.

Mais il avait grandement influé sur l'attraction malgré tout.

Je me levai sans même retirer le costume de mascotte et me ruai vers la galerie marchande. Il était possible que le guet avait réussi à prendre une photo, mais je n'entendais personne clamer qu'il m'avait attrapé.

Mais ce n'était qu'une question de temps.

Où étais-je censé me cacher maintenant ? La galerie marchande était grande, mais l'espace à l'intérieur était limité. Si les quatre chasseurs en mouvement se mettaient à fouiller l'endroit minutieusement, ils allaient finir par me trouver.

Et...

Yamada-san pénétra l'air de rien dans la galerie et parla le sourire aux lèvres.

— C'est inutile. Toi et moi sommes les dernières proies restantes. On va être trouvés ici et tout sera fini.

Dans cette attraction, les proies n'avaient rien à gagner à se trahir les unes les autres.

Si l'équipe perdait, Yamada-san serait tuée elle aussi.

Mais...

Et si ce n'était en fait pas le cas ?

— On nous a posé une question au tout début. On nous a demandé qui des chasseurs et des proies allaient l'emporter. Je pensais que les équipes étaient basées sur ça, mais...

— Mais l'attraction ne pourrait avoir lieu s'il y a plus de gens d'un côté, non ?

Je n'avais pas la moindre idée de comment ils déterminaient les équipe quand il n'y avait pas du 5 contre 5. Peut-être qu'ils tiraient à la courte paille.

Ce qui importait, c'était que Yamada-san avait répondu que les chasseurs gagneraient.

Et si le pari se basait sur la prédiction du résultat final et non sur le camp dans lequel on se trouvait...

Dans ce cas, il était logique d'avoir quelqu'un comme Yamada-san dans le camp des proies qui voudrait que les chasseurs gagnent.

— Tss !!

Je retirai cet inutile costume de mascotte et jetai un œil désespéré à ma montre. Elle indiquait qu'il restait 15 minutes avant la fin. Je n'aurais jamais pu leur échapper pendant aussi longtemps en courant au hasard.

Même si la galerie était grande, sa disposition était très simple afin de faire paraître l'espace encore plus grand. Autrement dit, j'allais être repéré où que je me cache. L'énorme aquarium à l'entrée était rempli d'eau boueuse, mais je ne pourrais jamais retenir ma respiration assez longtemps pour que ça en vaille la peine.

— Je sais pas s'ils vont te tuer, mais je te promets d'éclater de rire quand je regarderai ça.

— ...

Que je reste à l'intérieur ou m'enfuis à l'extérieur, c'était peine perdue.

L'étau se refermait sur moi.

J'avais besoin de trouver un endroit où les chasseurs n'iraient pas essayer de chercher, exactement comme le costume de mascotte.

J'avais besoin d'un angle mort mental.

Je n'avais qu'un espoir de l'emporter.


Et les chasseurs me trouvèrent peu après être entrés dans la galerie marchande.

Je m'étais caché dans une poubelle, mais ils s'étaient assurés de l'inspecter. Certes, j'avais fait en sorte qu'ils se concentrent sur les petits espaces comme celui-ci quand ils avaient découvert que je m'étais caché dans ce costume.

Je ne pouvais pas me souvenir de leurs noms, mais j'avais été photographié par deux hommes en costard de l'équipe des chasseurs. Puis, l'un des organisateurs en uniforme de travail m'emmena jusqu'à l'entrée principale du parc d'attraction.

Les autres proies étaient réunies là.

Une fille avait du sang coulant de ses lèvres. Elle avait peut-être tenté de voler l'appareil photo d'un des chasseurs.

Après avoir regardé une montre gousset pendant un moment, la bunny girl finit par porter un sifflet en argent à ses lèvres et un grand sifflement strident résonna dans tout le parc.

Le son était empli de désespoir.

Les proies et les chasseurs. Ce sifflement annonçait un grand prix pour l'une des équipes et la mort pour l'autre.

La bunny girl esquissa un sourire et dit :

— Bon, je crois que le résultat est incontestable, mais c'est l'heure de l'annonce officielle.

Sa voix se dispersait dans toute la zone et semblait continuer à l'infini.

— Quatre des proies ont été capturées. Megumi Yamada-san est toujours introuvable. Une des proies n'a pas été trouvée, alors c'est l'équipe des proies qui remporte cette attraction.

Les forces semblaient quitter mon corps.

— Hah.

Puis un sourire se dessina sur mon visage.

Mais ce n'était pas le genre de sourire qu'on retrouve dans un livre illustré pour enfant.

C'était celui d'un homme qui avait jeté une personne sous un bus.

Mais j'avais gagné.

J'avais gagné.

— Ha ha ha ! Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha!!

Les autres proies n'avaient pas la moindre idée de ce qui s'était passé, mais leur tension semblait avoir également fondu comme neige au soleil. Ils étaient des inconnus les uns pour les autres, mais ils se mirent tous à se prendre dans les bras en pleurant de joie. Il y en a même un qui m'a enlacé et embrassé sur la joue. Je fus déçu de m'apercevoir que c'était un homme.

Pendant ce temps, l'équipe des chasseurs était bien moins jouasse.

— Comment ça se fait ?! Comment ça vous avez pas trouver Yamada, et surtout elle quoi ?! Je croyais qu'elle avait parié sur l'équipe des chasseurs !

— Elle bluffait depuis le début en fait ? Non, elle n'avait rien à y gagner. Elle doit toujours se cacher quelque part. Si elle avait trouvé un endroit si sûr, elle aurait pu se contenter de s'y cacher depuis le début !

Quoi qu'on en dise, l'attraction était terminée.

Le résultat avait été annoncé.

J'allais recevoir mon prix de 200 millions de yens. J'allais pouvoir m'échapper de cette impasse. Alors que je savourais ma victoire, la bunny girl s'adressa à moi.

— Félicitations.

— Vous pouvez m'embrasser sur la joue ? Je viens juste de vivre quelque chose d'horrible.

— Voilà pour toi.

— En Occident, c'est une forme de salutation !!!

Après ce moment de bonheur intense, la bunny girl me posa une question.

— Au fait, j'ai l'impression que c'est toi qui détiens la clé de cette attraction. Ça te dérange si je te demande ce qui s'est vraiment passé ?

— Je m'en fiche tant qu'on m'assure que le résultat de l'attraction est gravé dans le marbre. Pouvez-vous me garantir que rien ne pourra remettre en cause ma victoire et que mon prix ne me sera pas repris ?

— Tu as ma parole. Maintenant, j'aimerais savoir où est Megumi Yamada-san.

— Très bien.

C'était simple.

Yamada-san avait parié sur une victoire des chasseurs, mais elle se trouvait dans l'équipe des proies. Cela signifiait qu'on l'emportait si elle n'était pas trouvée avant la fin. Pour cette raison, j'avais fait ce que j'avais à faire.

Oui.

Il y avait un endroit que les chasseurs n'auraient jamais fouillé.

Un endroit où je n'aurais jamais pu me cacher moi-même.

— Elle est dans l'aquarium boueux de la galerie marchande. J'ai mis un peu de poids dans ses vêtements pour qu'elle coule jusqu'au fond.

Le règlement ne stipulait à aucun moment que les proies devaient être vivantes à la fin.


Attraction 03 : Bang, Bang, Bang !![edit]

J'étais vraiment quelqu'un de pathétique.

À chaque fois que je parvenais à un résultat, je considérais naïvement que j'allais pouvoir réussir à nouveau la fois d'après. Même si je venais à me trouver face au défi potentiellement le plus crucial de ma vie, je pouvais en oublier les risques d'échec et me dire que tout irait bien.

À force de répéter ça, quoi de plus naturel que je me retrouve au fond du trou.

Et alors, le seul moyen de m'en extirper était de jouer le tout pour le tout dans un pari.

J'avais cru pouvoir réussir parce que j'avais déjà réussi avant.

Mais la vie ne fonctionnait pas comme ça.

Personne ne peut monter infiniment. Idem dans l'autre sens.

Néanmoins...

Cela ne voulait pas dire que j'étais suffisamment bête pour croire que tout le monde naît avec la même quantité de chance.

— Haa, haa...

Je me trouvais sur le terrain d'une usine abandonnée sur la côte.

Je tenais un pistolet avec une unique balle dans le chargeur.

Cinq personnes aux circonstances similaires avaient été réunies et une bunny girl leur donnait des instructions simples après leur avoir fourni à chacun un pistolet.

— Tuez tous les autres. Le dernier survivant bénéficiera d'une nouvelle identité et d'un aller simple pour un joyeux nouveau pays.

Les règles étaient si simples qu'il n'y avait pas matière à interprétation.

Chacun était venu ici dans l'espoir de refaire sa vie pour échapper à des usuriers, à la mafia ou dieu sait quoi encore.

— C'est une blague, c'est pas possible autrement, avait dit un garçon bien enveloppé tout en baissant les yeux vers le canon de son propre pistolet.

L'instant d'après, il s'était fait sauter l'œil droit et s'était effondré sur le sol. Personne ne tenait à toucher le perturbant cadavre.

Les pistolets étaient réels.

L'attraction était réelle.

N'importe qui paniquerait en se retrouvant dans une situation pareille, mais en ce qui me concerne, le choc fut relativement rapidement digéré. J'avais déjà vécu plusieurs fois ce genre d'expériences cruelles auparavant. Et j'avais toujours cru pouvoir survivre d'une façon ou d'une autre. C'était pour cette raison que j'avais déjà procédé à une préparation mentale au moment où j'avais senti ce parfum si caractéristique. À partir de là, les règles que nos parents et nos profs nous avaient appris ne s'appliquaient plus ici.

Bon.

Je voulais un point de départ pour ma première action.

J'avais besoin de quelque chose qui me donnerait un coup d'avance sur les autres.

Je savais que je devais me servir de mon arme pour gagner, mais y avait-il un autre moyen sans tirer sur quelqu'un ?

— ... Une seconde, marmonnai-je tout en vérifiant les alentours derrière un pillier.

Je pouvais voir le cadavre du gros lard d'où j'étais.

C'était un peu dangereux parce qu'il se trouvait à découvert, mais ça paraissait faisable.


Deux coups de feu résonnèrent dans la nuit à l'intérieur de l'usine désaffectée.

Ils se tirent dessus ?

En me comptant, il y avait quatre participants. J'avais entendu deux coups de feu, alors soit deux s'étaient croisés, soit le troisième larron les avait poussés à se battre.

Avec de la chance, ils s'étaient entretués, mais il était tout à fait possible qu'ils aient tous les deux survécus. Le troisième participant et moi-même possédions les deux dernières balles. Si les deux tireurs avaient survécu, cela signifiait que j'allais devoir utiliser un autre moyen pour tuer la dernière personne qu'avec un pistolet.

— ... Ça craint.

Avais-je utilisé ma « bonne chance » quand j'avais aperçu le cadavre du gros lard et eu mon idée ? À ce moment-là, je n'avais pas encore l'intention de tenter un vrai coup.

Un possible besoin de tuer quelqu'un sans pistolet était apparu.

J'étais pour l'égalité des sexes, mais en tant que femme, je n'étais pas sûre que mes sveltes bras soient à la hauteur des espérances.

Je voulais croire que les deux tireurs s'étaient entretués.

Si c'était le cas, il ne me restait alors plus qu'à tuer le dernier participant avec ma balle.

— Je crois que je vais devoir jeter un œil à la situation.

J'étais effrayée à l'idée d'ignorer s'ils étaient vivants ou non. Si je ne vérifiais pas de mes propres yeux combien avaient survécu, je n'allais pas pouvoir monter une stratégie convenable.

Je sortis un petit sac de ma poche, en extrayai un bonbon, et fourrai ce dernier dans ma bouche. C'était une de mes superstitions. Il était au coca. C'était mon goût préféré, mais je grimaçai.

Pourquoi il a fallu que ça tombe maintenant ?

J'avais espéré utiliser de la malchance sur quelque chose d'insignifiant juste avant cet important coup de poker.

Je me déplaçai lentement à travers les herbes tout en longeant un mur de l'usine désaffectée. De la sueur émergea de ma main tenant le pistolet. Je n'avais qu'une seule balle. J'avais compris quel impressionnant avantage elle constituait, mais également que l'erreur ne pardonnait pas. Pouvais-je vraiment bénéficier de tout le potentiel de cette seule balle ?

Tout en continuant de me cacher derrière le mur extérieur au bord de l'effondrement, je jetai un coup d'œil furtif à l'intérieur qui était à moitié vide.

Je pouvais voir quelqu'un à l'intérieur.

Il faisait trop sombre pour pouvoir distinguer si c'était un homme ou une femme, mais c'était forcément un des participants de l'attraction.

Était-ce l'un des deux tireurs ?

Ou était-ce le troisième qui n'avait pas pris part à la fusillade ?

La réponse allait m'indiquer si la personne avait une balle dans son arme ou non. Mes mouvements devinrent naturellement plus prudents. Mais alors...

J'entendis un bruissement sur le côté.

— ...?!

Je me tournai immédiatement dans la direction du bruit et aperçus un participant d'un âge mur pointer son arme vers moi. Et la silhouette à l'intérieur de l'usine abandonnée en fit immédiatement de même après avoir entendu le bruit en question.

... Les deux ?

J'entendis deux coups de feu. Cela devrait signifier qu'il n'y a qu'une autre personne à qui il restait une balle.

Il était possible que l'un d'entre eux bluffe, mais si ce n'était pas le cas...

Ces deux coups de feu étaient un leurre ?!

Un des autres participants aurait très bien pu enregistrer le coup de feu quand le gros s'est tiré une balle au début. Même si ça avait été à la base dans l'optique d'enregistrer la promesse de la bunny girl au sujet de la récompense.

En tous les cas, quelqu'un s'était servi de ce stratagème.

Personne ne s'était servi de son arme.

Ce qui signifiait que...

— Ça craint...!!

Je n'avais nulle part où me cacher. Je tentai désespérement de faire un bond sur le côté, mais pas à temps.

J'entendis une détonation bien plus forte que précédemment et un trou d'un noir profond émergea sur ma côte droite.

— Arg ?!

Quelle horrible malchance...!!

Je n'avais pas eu le temps de riposter. Emportée par mon élan de fuite, je m'étalai sur le sol couvert d'herbes. L'homme d'âge mur se saisit alors du pistolet dans ma main.

— Sans rancune. Je viens juste d'utiliser ma balle, alors j'en ai besoin d'une au-...

Les paroles de l'homme furent soudain coupées.

Elles furent remplacées par un coup de feu.

Je venais tout juste de lui tirer dessus au niveau du thorax avec un autre pistolet en main.

— Kh... Kh...?

— Le pistolet que tu tiens appartenait au gros qui s'est suicidé. C'est pour ça que j'ai pas cherché à riposter.

J'avais l'intention de faire mine de me rendre à un moment et tirer sur mon ennemi quand il aurait baissé sa garde, mais la situation s'était emballée bien trop vite.

Les moments de chances et de malchances continuaient de s'entremêler.

— ... Uuh...

Un regard choqué figé sur le visage, l'homme tomba à la renverse.

Je doutais qu'il puisse être sauvé après ça, mais au moins, il pouvait admirer les étoiles en mourant.

— Gh... Merde...

Mais il y avait toujours quelques problèmes. J'avais utilisé mon arme. Les armes du gros et du papy étaient vides aussi. Mais je savais qu'il y avait au moins un autre participant qui savait que j'étais là, celui à l'intérieur de l'usine désaffectée. Et le dernier participant manquait toujours à l'appel.

— Et voilà, j'ai vraiment joué de malchance. Fait chier.

Je ne pouvais plus me servir d'une arme.

Ou peut-être que si ?

Il y avait eu deux tirs. Trois pistolets gisaient sur le sol.

Il était trop tôt pour abandonner. Les autres participants ignoraient ce qui s'était réellement passé, alors m'était-il possible de leur faire croire que l'une de ces armes était toujours chargée ?

Deux ennemis étaient là avec des armes effectivement chargées et je n'avais qu'un seul pistolet utilisable pour bluffer.

— Heh...

Je sortis un bonbon du petit sac dans ma poche.

Je le posai sur ma langue et sentis le goût de la menthe. Je détestais cette saveur.

Je grimaçai à cause de la saveur, mais souris malgré tout.

C'était de bon augure.

J'avais utilisé ma malchance. J'allais sûrement réussir mon prochain coup.


Et après quelques autres coups de feu et quelques morts, l'attraction toucha à son terme.

La bunny girl fit une annonce nonchalante.

— Bon, l'attraction est finie.

Une seule silhouette s'assit au centre du terrain de l'usine désaffectée.

C'était le garçon un peu enveloppé qui pensait que l'attraction était une blague et avait jeté un regard dans le canon de sa propre arme avant de se tirer dans l'œil droit.

Sous le clair de lune, il tenait ce dernier qui était visiblement rouge et encore humide.

— Oh ? Si c'est terminé, ça veut dire que les quatre autres se sont entretués ? Alors c'est bon, j'ai gagné mon billet pour une nouvelle vie ?

— Oui. Pour être franche, les autres étaient bien plus amusants à regarder. J'ai bien envie de les récompenser de leurs efforts.

— Mais le gagnant est le dernier survivant, non ? Peu importe le nombre de personnes que j'ai tuées.

— Effectivement.

La bunny girl regarda en direction du trou rouge foncé où l'œil droit du garçon enveloppé aurait dû être.

— Mais j'en reviens pas que t'aies tenté ce coup de bluff.

— J'avais besoin d'un moyen sûr de me sortir de l'impasse dans laquelle on se trouvait. Un œil me paraît un prix honnête à payer.

Quand le garçon avait reçu le pistolet, il avait retiré la balle et l'avait remplacée par une faite en papier pendant que les autres participants étaient occupés à examiner la carte du terrain. Il avait fabriqué ce qu'on appelle une balle à blanc. Mais même cette fausse balle était suffisante pour facilement faire exploser un œil en tirant à bout portant. Le papier utilisé à la place du plomb aurait été parfaitement inoffensif à une distance de quelques mètres, mais suffisamment dangereux à quelques centimètres.

— Au fait, qu'est-ce que t'avais l'intention de faire si quelqu'un tentait de vérifier que t'étais mort ?

— Je misais simplement sur le fait que ça n'arriverait pas. Mais j'ai un peu paniqué quand cette jolie femme est venue prendre mon pistolet.


Entracte 1[edit]

— Hein ? ... C'était quoi ça ?

— Je croyais qu'il allait être question de grands huits et de tours de chute libre.

— C'étaient des attractions, ça ?

— Peut-être que c'étaient des attractions en intérieur. Vous savez, genre un manège horrifique utilisant la vidéo 3D.

— La bunny girl était géniale.

— Je croyais qu'Attraction Land était censé être un monde de rêves et de magie ? Pourquoi toutes ces nouvelles attractions sont aussi glauques ?

— Ils ont pas été rachetés par un distributeur de film dernièrement ? Peut-être que le côté horreur vient de lui.

— Ces organes avaient vraiment l'air vrai. C'étaient des effets spéciaux ou des accessoires ?

— Peut-être qu'ils se sont contentés d'utiliser des organes de cochon ou de vache.

— Cette bunny girl est trop bonne.

— Alors quand ils seront prêts, les visiteurs sont censés jouer les uns contre les autres à ces jeux ?

— Je vous dis pas les engueulades que ça va causer.

— Le staff du parc va probablement jouer le rôle de vendeurs et de PNJ.

— ... Hein ? Alors les employées vont devoir être habillées en bunny girl ?

— C'est qui, le con qui veut pas la fermer avec cette bunny girl ?


(L'entracte va bientôt se terminer. Merci de continuer à nous aider dans cette supervision. Si vous n'avez pas encore commencé à remplir votre formulaire quelle qu'en soit la raison, merci de rapidement vous y mettre.)


Attraction 04 : Le pouilleux de la mort subite[edit]

Le pouilleux.

Au premier abord, ce terme en référence à une personne miséreuse ou sale ne signifie peut-être pas grand-chose pour un japonais, mais il devient bien plus familier quand on l'associe au terme japonais baba-nuki[1].

Quand on pense au sens français du terme, les règles du jeu éponyme peuvent paraître un peu cruelles, non ?

J'étais assis à une table à jouer à une version alternative du pouilleux.

C'était un jeu un contre un.

Chaque joueur reçoit la moitié d'un paquet de 52 cartes chacun. Puis ils prennent 26 jokers de façon à ce que chacun ait un total de 52 cartes.

Chaque joueur mélange son paquet juste après avoir terminé les préparatifs.

Le joueur A peut choisir n'importe quelle carte de son paquet, mais il ne peux montrer que deux cartes à la fois. Le joueur B prend alors une de ces deux cartes.

La carte prise est comptabilisée et l'autre est jetée sans être montrée au joueur B.

Chaque joueur joue tour à tour jusqu'à ce que toutes les cartes soient prises ou jetées. Le joueur avec le moins de jokers à la fin remporte la partie.

Le gagnant recevra une somme d'argent proportionnelle au nombre de jokers que le perdant a pris et ce dernier sera endetté de cette même somme.

Si un joueur est pris en train de tricher, il devra s'acquitter de la même dette que s'il avait 26 jokers. Néanmoins, le tricheur devra être pris la main dans le sac. Si un joueur prétend que l'autre triche sans que cela puisse être démontré, c'est lui qui sera pénalisé par la dette maximum.

— ...

Je me contentai d'ajouter les 26 jokers à mon paquet et le mélangeai.

En face de moi à la table ronde où j'étais assis se trouvait un jeune homme blond couvert d'accessoires, il semblait tout avoir qu'un employé de bureau comme moi n'avait pas. Il mélangea à son tour son paquet et le posa même de façon classe sur un coin de la table.

Le jeune fit un grand sourire et dit :

— T'as pas l'air à ta place ici. Tu sais où tu te trouves ? Chaque joker vaut 10 millions de yens.

— Et vous, jeune homme, vous essayez trop de paraître bien.

— Franchement, t'es pas fait pour cette attraction.

— Et vous non plus. Vous n'avez pas l'air d'être le genre de personnes à faire des erreurs au point de se retrouver ici.

D'une certaine façon, ma victoire était déjà assurée à partir du moment où j'avais pris part à ce jeu du Pouilleux de la mort subite.

Ma famille s'était déjà enfuie pour un pays à faible coût de la vie. Elle pensait peut-être que c'était un simple voyage à l'étranger, mais je n'avais aucune intention de les faire revenir si je perdais ici.

J'avais entendu dire que les grandes sommes d'argent qui changeaient de mains dans cette attraction étaient issues de Spider Finances qui était bien connu sur le marché noir. Mais ils n'allaient pouvoir avoir d'emprise que sur moi.

Ils pouvaient certes me prendre mes organes, mais ils ne pourraient jamais atteindre ma famille.

Si je gagnais, j'allais récolter l'argent nécessaire et sinon, je perdais tout, mais ma famille était sauvée quoi qu'il arrive.

Telle était ma définition de la victoire.

— Bien, bien. Que cette partie du Pouilleux de la mort subite commence, coupa une bunny girl souriante qui semblait être du même âge que ma fille. Avez-vous décidé d'une stratégie ? Avez-vous imaginé la victoire dans vos têtes ? Avez-vous prié dieu ? Bon, il est temps de commencer maintenant. Ça prend tellement de temps de s'occuper de tout le monde avec ces attractions un contre un.

Le jeune et moi prîmes chacun une des deux cartes que la bunny girl tendait.

J'avais l'as de pique.

Le jeune avait le roi de pique.

— Vous avez l'as, Morita-san, alors c'est vous qui commencez.

— ...

Commencer ou non ne conférait aucune sorte d'avantage.

Même si le jeunot parvenait à me donner tous ses 26 jokers, la partie terminerait en match nul si je réussissais également à lui donner les 26 miens.

— Allez, papy, on y va. Choisis.

Avec un sourire sur le visage, le jeunot prit deux cartes de son paquet et me les tendit. Je n'avais aucun moyen de savoir laquelle était un joker en regardant les versos des cartes. Il était possible que c'était deux jokers ou qu'il n'y en avait aucun.

Après une brève hésitation, je pris la carte à ma droite.

— Joker. Ça fait 10 millions pour moi.

Le sourire du jeunot s'agrandit encore plus.

— Morita-san, votre compteur est désormais à un, dit la bunny girl.

Il était trop tôt pour dire si je m'en sortais bien ou pas du tout. Tirer un seul joker n'était pas suffisant pour juger ma situation.

Par exemple, et si les deux cartes avaient été des jokers ?

Dans ce cas, j'aurais tiré un joker peu importe la carte choisie. Si le jeunot répétait ce processus, il pouvait sembler que je n'avais pas la moindre chance de victoire.

Mais ce n'était pas le cas.

Le joker que je n'aurais pas pris allait être retiré du jeu. Et nous avions tous deux 52 cartes. Si le jeune utilisait tous ses jokers tôt dans la partie, il allait le payer plus tard. Il allait être forcé de me présenter deux cartes normales pendant la deuxième moitié du jeu.

— À mon tour. Grouille-toi de choisir tes deux cartes, le vioque.

— Oui, oui, dis-je tout en prenant les deux cartes au-dessus de mon paquet.

Je les tendis en direction du jeunot.

Le moyen le plus efficace de lui faire mal était de le faire choisir entre un joker et une carte normale. De cette façon, je pouvais lui faire prendre un joker sans avoir à me défausser d'une. Cela rendait possible le maximum des 26 jokers d'être pris.

Mais...

— Sauuuuuuuuvé ! Deux de pique.

Je serrai les dents et jetai le joker désormais inutile.

Oui. Si l'adversaire choisissait la carte normale, alors le joker n'était plus utilisable. Cette stratégie était à double tranchant, on pouvait tout aussi bien donner les 26 jokers comme aucun.

Étant donné les règles, quelle était la meilleure stratégie ?

Devrais-je toujours utiliser deux jokers pour m'assurer qu'il en prenne 13 ?

Ou devrais utiliser un joker à la fois pour qu'il puisse potentiellement prendre les 26 ? Je n'avais besoin que de 100 millions, c'est-à-dire 10 jokers, pour me tirer de ce prétrin, mais...

— Allez, grouille-toi de choisir, papy.

— ...

J'hésitais.

Ma main bougea de droite à gauche et de gauche à droite. Je finis par prendre celle à ma gauche.

C'était un autre joker.

Avec le même résultat que précédemment, je n'arrivais pas à déterminer quelle était la stratégie de mon adversaire.

Utilisait-il deux jokers ? Ou en utilisait-il qu'un seul à la fois alors que je n'arrêtais pas de prendre ce dernier ?

Et...

Si je choisissais l'unique joker, était-ce une question de chance ou y avait-il quelque chose d'autre ?

Autrement dit, était-il possible qu'il trichait ?

— Morita-saaan. Dépêchez-vous, dépêchez-vous, dit la bunny girl.

— C'est vrai, papy. T'inquiéter pour ça te mènera nulle part. Contente-toi de choisir tes cartes.

Je pris les deux cartes du dessus.

Cette fois-ci, c'était deux jokers.

Le jeune blondin choisit évidemment un joker, mais ne montra aucun signe d'inquiétude.

Son visage indiquait simplement que c'était exactement ce qu'il avait prévu.

— Je peux lire dans ces cartes quel genre de vie t'as vécu, le vioque.

Le jeunot prit deux cartes au milieu de son paquet et me les tendit.

— T'es quelqu'un de vraiment honnête. Vraiment. T'es un saint ou quoi. T'es du genre à parler d'idéaux dans des débats déconnectés de la réalité, mais tu te mets à transpirer comme un porc et à chercher désespérément une issue de secours quand c'est vraiment important. Et ces actions incohérentes te causent toujours plus de problèmes.

Il approcha encore plus les deux cartes pour appuyer ses propos.

Ce n'était qu'une simple affaire de centimètres, mais c'était comme si un mur invisible se pressait contre mon cœur.

— Tu ferais mieux de pas jouer à des jeux pas faits pour toi. C'est comme un employé de bureau en costard qui jouerait au baseball contre des pros. Si tu veux utiliser ces issues de secours, il te faut de l'expérience.

Je pris une des deux cartes.

Encore un joker.

Rien n'avait changé.

J'avais bien trop peu d'informations.

Je n'arrivais pas à déterminer sa stratégie, alors je n'avais aucune contremesure à employer.

— À votre tour, Morita-san, me pressa la bunny girl souriante.

J'étais tracassé.

Tracassé par le fait que le jeune trichait.

De tous les jeux, les cartes étaient celui où il était le plus simple de tricher. Ou plutôt, il serait plus juste de dire qu'il y existait bien plus de méthodes de triche du fait de son utilisation tout autour du globe. On pourrait faire une analogie avec les OS et les navigateurs, où les plus utilisés ont plus de virus.

Il y avait également un grand nombre de façons différentes de tricher, mais elles pouvaient toutes être divisées en deux catégories.

La première consistait à préparer des cartes en plus. On pouvait s'ajouter cinq ou six as de pique ou prendre une carte avec la même face de chaque côté. Ces méthodes étaient extrêmement efficaces et ne demandaient pas trop de doigté, mais les risques d'être découvert été élevés.

La seconde n'implique pas l'utilisation d'objets en plus. Elle reposait uniquement sur la technique pure. Par exemple, faire semblant de mélanger un paquet sans vraiment le faire et retirer habilement la trentième carte du paquet de 52 cartes. Cela demandait un très grand talent, mais le risque d'être découvert était quasi nul. Après tout, cette méthode ne laissait aucune trace physique derrière elle.

Ce jeu allait décider du sort de gens.

Peu laisserait la chance s'en charger pour eux.

Quiconque se retrouvant au point de prendre part à cette attraction devrait déjà savoir qu'il n'a pas de chance.

— Allez-y.

— Ce que t'es long à la détente, ma parole. Ok, neuf de cœur.

Le jeune n'avait pas hésité en choisissant sa carte. Il ne paraissait pas nerveux. Il avait évité le joker comme s'il savait ce qu'il allait tirer.

Pas un seul muscle de son corps ne paraissait tendu au moment de prendre deux cartes de son paquet.

— Allez, choisis. Évidemment, tu vas tirer un joker.

— ...


L'attraction était arrivée à mi-parcours.

Nous avions chacun pris 13 cartes à l'autre.

— Oh là là. Vous êtes mal, Morita-san.

— Grave. Choper 13 jokers d'affilée, c'est pas normal.

— ...

Ce n'était pas normal du tout.

Je le savais parfaitement bien.

Comme venait de le dire le jeune, j'avais pris 13 jokers. De son côté, il n'en avait pris que 3. Et c'était uniquement les fois où je l'avais fait choisir entre deux jokers, alors je voyais bien qu'il se passait quelque chose.

Mais qu'est-ce qu'il faisait au juste ?

Je ne pouvais pas l'empêcher de tricher à moins de le prendre sur le fait. Si je l'accusais de tricher alors qu'il n'avait rien fait, j'allais être pénalisé du maximum de 26 jokers. Je ne pouvais pas prendre sa main juste parce qu'il paraissait évident qu'il faisait « quelque chose ».

Et j'avais déjà gâché 13 jokers.

Nous avions 26 jokers chacun. À ce rythme, il n'était plus qu'une question de temps avant qu'il me soit impossible de le rattraper. Une fois arrivé là, le jeunot n'aura plus besoin de tricher. Il n'aura plus qu'à se contenter de prendre deux cartes au hasard et me les tendre.

Il ignorait combien de jokers il me restait.

C'était pour ça qu'il n'avait pas déclaré victoire. Mais le fossé était bien trop grand. En temps normal, il n'y avait aucun moyen réaliste pour moi de l'emporter à ce stade de l'attraction.

Mais d'un autre côté...

Cela ne signifiait pas que je devais me résigner.

— Allez, papy, bouge-toi un peu.

— Une minute, vous voulez.

— Réfléchir te mènera à rien.

Je pouvais tricher.

Si je jouais sur le même terrain que le jeunot, je pouvais encore gagner.

Néanmoins...

Si le jeune arrivait à tricher aussi bien, il allait remarquer toute misérable tentative de ma part. Si j'étais pris la main dans le sac, j'allais être endetté de 260 millions de yens. Je n'avais pas la moindre idée de ce que le jeunot faisait pour tricher, mais il devait croire qu'il n'avait aucune chance de perdre cette attraction. Si la situation commençait à sentir le roussi pour lui, il se douterait tout de suite de quelque chose.

Devrais-je malgré tout tenter le coup ?

Devrais-je tricher ?

Devrais-je essayer d'abuser quelqu'un de manifestement plus doué que moi ?

— ...

J'avais fait un peu de recherches sur les méthodes de triche aux cartes. J'en connaissais quelques unes potentiellement utilisable dans pareille situation. Mais je m'étais juste un peu entraîné tout seul. Je n'étais pas habitué à m'en servir dans un moment aussi crucial.

Devrais-je le faire ? En étais-je capable ?

— Si t'hésites, t'es mort, papy, dit le jeunot le sourire aux lèvres. Considère ça comme la cuisine. Quand tu découpes du chou, tu tranches pas après avoir mesuré au millimètre près l'épaisseur des tranches. Tu suis un certain rythme et ça roule ma poule. Si tu fais pas ça, c'est un coup à se couper les doigts.

Il avait vu clair dans mon hésitation.

Il savait quels choix traversaient mon esprit.

Et pourtant, je n'avais toujours pas découvert comment il évitait mes jokers tout en me refilant les siens.

Je ne voyais aucune marque sur les cartes ou de petits appareils pour espionner en douce, et pourtant, le jeune avait le contrôle total sur les jokers de cette attraction.

Il devait utiliser un truc, il était impossible qu'il la joue à la régulière, mais je ne pouvais rien faire tant que je ne connaissais pas les détails.

Que faire ?

Que faire ?

Que faire ?

— ...

Je poussai un bref soupir.

J'avais pris ma décision.

Se contenter de continuer sans riposter n'allait qu'agrandir le fossé entre nous. Je n'allais jamais gagner de cette façon. Si je voulais retourner la situation, je ne pouvais pas me fier à des méthodes classiques. Alors je devais le faire. Le jeune était évidemment attentif à la moindre triche, mais ma situation aller empirer petit à petit si je ne tentais rien.

— Ok. Voilà.

— Plus vite que ça.

Je ne l'avais pas remarqué jusqu'ici, mais mes doigts tremblaient. Je transpirais. Allais-je être lentement acculé ou allais-je empocher le jackpot en un coup ? Nous faisions tous deux face à la mort, mais je pouvais sentir très distinctement ma vie toucher à sa fin.

Je tendis la main en direction de mon paquet.

Le jeune plissa les yeux.

J'allais le faire.

J'étais sur le point de tricher.

Si le jeune venait à attraper mon poignet droit, tout était fini. J'allais alors faire face à la dette maximum.

Le bout de mon index toucha les cartes au-dessus du paquet.

Je pris deux cartes.

Et les tirai.

— V-Voilà.

— T'as envisagé de tenter un truc, pas vrai, papy ?

Le jeune fit un grand sourire.

Je transpirais tellement que je pensais que mon costume bon marché devait s'être décoloré.

— Mais tu t'es rétracté à la dernière seconde. T'as fais un mouvement bizarre, mais c'était juste du bluff. Pas suffisant pour te donner le moindre avantage.

Je jetai un regard vers la bunny girl. Elle souriait comme toujours.

Pendant ce temps, le jeune tendit la main.

Il attrapa une des deux cartes.

Il avait pris la carte qui n'était pas un joker.

— C'est fini, papy. Tu peux plus gagner maintenant.

Il avait saisi la carte entre son pouce et son index.

J'écarquillai grand les yeux.

Je retins mon souffle.

Je luttais contre le vertige provoqué par l'anxiété.

Si j'allais le faire...

Il fallait que ce soit maintenant.

— Attendez.

J'utilisai mon autre main pour attraper celle du jeune avant qu'il ne puisse reposer la carte.

Le contenu de sa main tomba sur la table.

Il y avait deux cartes.

Oui, deux cartes qui avaient été placées directement l'une sur l'autre.

— Il triche. Bunny girl, à vous de juger.

— Quoi ?! Attends, qu'est-ce que tu me baragouines là ?! J'ai rien fait, moi !!

— Hmm ?

La bunny girl pencha la tête en feignant l'incompréhension.

— Allons bon, comment ça se fait qu'il y a trois cartes là où il devrait n'y en avoir que deux ?

— Et comment je...?!

— Parce que le jeunot a utilisé une troisième carte, le coupai-je rapidement avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit.

J'avais étouffé sa réplique.

Alors que la bouche du jeune s'ouvrit et se referma sans bruit, la bunny girl se remit à parler.

— Ok, et qu'est-ce qu'il aurait à gagner avec cette troisième carte ?

— Il a préparé celle-ci dans sa manche. Quand il a prit la carte dans ma main, il comptait l'échanger avec celle dans sa manche. De cette façon, il pouvait échanger un joker contre une carte normale.

— Que dalle !!! J'ai pas fait ça ! Regardez, y'a aucune carte dans ma manche. Si je gagnais de cette façon, j'aurais besoin d'un tas de cartes planquées sur moi !!!

— ... Peu importe si vous avez utilisé cette méthode jusqu'ici ou non.

— Quoi ?

— Les règles stipulent qu'on se retrouve avec 26 jokers si on est pris en train de tricher. Peu importe si c'est la première ou la millième fois.

— C'est exact, intervint la bunny girl.

— T-Te fous pas de moi. C'est des conneries tout ça !!! Hé, papy, tu viens d'attraper mon bras !!! C'est toi qui as préparé une carte cachée dans ta paume et qui l'as lâchée au moment où la carte est tombée de ma main. Voilà ce qui s'est passé !!!

— Certes.

Je ne niai pas.

Mais ça ne veut rien dire si vous ne m'avez pas pris sur le fait.

C'était exactement comme la technique qu'il avait utilisée jusqu'ici.

Et mon tour était déjà terminé. On ne pouvait pas revenir dans le passé.

Il avait remarqué que j'avais fait un mouvement suspect avec la main, mais avait conclus que j'avais abandonné en cours de route. Cela avait été sa chance, mais il l'avait gâchée.

Le jeune et moi regardîmes en direction de la bunny girl qui nous surveillait de près.

Néanmoins, le regard dans ses yeux était très différent du mien.

D'un sourire cruel, la fille se contenta de dire :

— J'ai expliqué au début de ce qu'il se passait quand on triche.

— A-Attendez... C'est le vioque qui a triché !!! Pas moi...!!!

— Oh, alors vous voulez dire qu'elle peut juger une tricherie du passé maintenant ? Je veux bien moi. Mais dans ce cas, elle découvrira que vous êtes évidemment le premier à avoir triché.

— Désolée, mais je ne peux accepter aucun changement dans les règles, dit la bunny girl.

— Et voilà.

J'esquissai un grand sourire et lâchai la carte qui était dans mes mains sur la table.

Dessus se trouvait l'image d'un clown se moquant de quelqu'un.

C'était un joker.

— Vous croyiez que j'allais faire quelque chose d'aussi insensé sans m'être assuré de toutes les possibilités ?


Le jeune se débattant était tiré de force par plusieurs hommes en uniformes de travail. Je me demandais si je devais penser à ce qui allait advenir de lui. Je décidai que cela n'en valait pas la peine. Personne ne prendrait part à cette attraction pour s'amuser ou sur un coup de tête. Il devait avoir une bonne raison de risquer sa vie ici.

— Félicitations.

— Merci.

— C'était vraiment bien joué.

— Je ne voyais aucun autre moyen de contre-attaquer.

— Hmm.

La bunny girl semblait beaucoup s'amuser.

Elle avait peut-être été intéressée par cette scène de combat mental entre deux personnes dans cette attraction. Peut-être que cet amusement était toujours là même après que vainqueur et perdant aient été désignés.

— Alors, ça veut dire que...

— Que je savais comment il trichait ? Bien sûr que non. Si je savais ce qu'il faisait, tout ce que j'avais à faire était de prendre son bras au bon moment.

— Je m'étais dit que vous aviez peut-être découvert ça après qu'il l'ait répété à foison.

— Dans ce cas, j'aurais attrapé sa main la prochaine fois qu'il essayait.

— Je vois.

— ... Alors cette méthode était contraire aux règles ?

— Non, non. Si cela avait été le cas, on n'aurait pas embarqué le petit jeune.

Cela voulait dire que j'allais pouvoir empocher le jackpot et retrouver ma famille. Par contre, je devais toujours rester sur mes gardes au cas où un gang de voleurs m'assaillait à la sortie du bâtiment. Tout n'était pas fini tant que je n'étais pas rentré chez moi. J'avais fini par prendre part à ce genre d'attraction parce que j'avais tendance à ne pas voir les choses jusqu'au bout.

— Oh, au fait, dit la bunny girl.

— Quoi ?

— Voulez-vous que je vous dise comment il trichait ? Ça vous turlupinera si vous partez sans savoir, non ?

Elle n'avait pas tort.

Mais...

— Non, cette attraction est terminée, alors peu importe. Ça serait comme boire du soda sans gaz.


  1. Dans le texte original, l'auteur a utilisé « Old Maid » (lit. Vieille Fille), c'est-à-dire le nom anglais du jeu du Pouilleux. « Baba-nuki » est le nom du jeu en japonais (et a la même signification qu'en anglais). La traduction de ce paragraphe a donc dû être adapté en conséquence pour coller au nom couramment utilisé en français (bien que Vieille Fille semble être également employé, notamment au Québec).

Attraction 05 : Jeu de la résurrection du perdant[edit]

J'ai toujours cru que je serais celui qui tourmente les autres comme bon me semble.

Je n'avais jamais envisagé la possibilité de me retrouver un jour dans le rôle inverse.

Et pourtant, j'avais toujours eu un pied d'un côté et l'autre de l'autre.


Tout d'abord, tirez au sort pour former des paires.

Vous pouvez utiliser la méthode que vous voulez, mais un des deux membres de la paire doit mourir.

Ensuite, l'autre doit le ressusciter. En cas de réussite, les défaites précédentes seront toutes effacées.

En cas d'échec, le membre survivant sera exécuté.


On était rassemblés dans un large espace qui aurait pu être un supermarché ou une galerie marchande.

Il n'y avait aucune fenêtre, ce qui n'était pas rare dans ce genre de bâtiments. Je ne pouvais pas déterminer s'il faisait jour ou nuit. Le nombre relativement faible de personnes renforçait nettement l'immensité de l'endroit.

Après tout, il n'y avait que trente personnes dans une zone qui aurait facilement pu en conternir des centaines.

— ... C'est pas sérieux, lâchai-je difficilement après avoir lu les règles écrites sur un tableau.

Ma voix se transforma rapidement en cri.

— Vous vous foutez de moi. Vous vous foutez de moi ! Vous vous foutez de moi !! C'est quoi ces règles à la noix ?! Un de nous doit mourir ? Et l'autre doit le ressusciter ? C'est plus facile à dire qu'à faire !!

— Mais telles sont les règles, expliqua une bunny girl souriante.

Fait chier.

C'est moi qui devrais être à ta place !!

— Et c'est pas une attraction normale. Vous avez tous déjà perdu une fois, pas vrai ? Normalement, on devrait se contenter de vous exécuter. Vous étiez censés mourir et pourtant, on vous donne une deuxième chance. ... Du coup, c'est pas trop demandé de vous faire revenir d'entre les morts, non ?

C'était une logique complètement grotesque.

Mais ils avaient le pouvoir de nous le forcer.

Je sentis la peur monter alors que je contemplais ce dont j'avais toujours rêvé depuis une position que je n'avais jamais souhaitée.

Je n'avais pas d'autre choix que de le faire.

Je n'étais pas à ma place. Pour m'assurer que tout le monde s'en rende compte et pour atteindre la place qui m'était due, je devais m'en sortir comme le winner que j'étais. Au moment où je m'effacerais, j'étais mort. J'échouerais. Je tenais à peine le coup pour l'instant, mais je pouvais tomber encore plus bas.

— Rouge.

J'avais tiré un bâtonnet d'une boîte cylindrique que la bunny girl tenait et avait annoncé la couleur qui se trouvait au bout.

— Rouge ! Qui d'autre a le rouge ?!

Ceux qui avaient tiré une autre couleur jetèrent un regard autour d'eux. J'étais dans un groupe de quinze personnes et un autre groupe de quinze se tenait non loin. Visiblement, cet autre groupe était également en train de tirer au sort.

Une femme de petite taille et d'une vingtaine d'années leva timidement la main quand elle m'entendit beugler.

Ses habits étaient particulièrement ordinaires.

Il ne manquait pas de façon d'échouer dans la vie, mais elle ne semblait pas être le genre de personne à se lancer d'elle-même dans un pari. Il n'y avait qu'une seule raison pour laquelle quelqu'un comme elle puisse tomber aussi bas : quelqu'un d'autre l'y avait poussée.

Je pouvais le deviner rien qu'en la regardant.

Les losers ont tendance à réfléchir et à se comporter en partant du principe qu'ils vont perdre.

Ils prétendent faire de leur mieux, mais c'est juste un moyen de fuir.

Ce qu'ils veulent en fait dire, c'est qu'ils se fichent de perdre à partir du moment où ils ont fait de leur mieux.

— ... Tss.

Elle n'était pas un partenaire fiable pour un jeu littéralement de vie ou de mort, mais il n'y avait rien à faire à ce niveau-là.

Un de nous deux allait devoir mourir et l'autre devait le ressusciter.

On allait littéralement renaître de nos cendres. Pour satisfaire les règles, il fallait au moins deux personnes.

— T'es qui ? demandai-je.

— H-Hashinaka. Et vous ?

— Kishikawa. Mais c'est pas ce que je voulais savoir. Qu'est-ce que tu faisais avant de te retrouver ici ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait nous servir pour ce jeu ?

— J'étais... hum... infirmière.

Cette femme quelconque qui s'appelait Hashinaka jeta un œil dans une autre direction.

Je suivis son regard et aperçus la bunny girl souriante faire des coucous de la main. À ses pieds se trouvaient d’innombrables défibrillateurs. Ces appareils médicaux produisant des chocs électriques qu'on pouvait trouver dans les stations de métro et les hôtels étaient rangés dans des sacs de couleur fluorescente.

— Tu sais comment marchent ces trucs ? demandai-je à Hashinaka.

— O-Oui.

— Alors tu connais une mort dont on pourrait facilement être ressuscité ?!

— Pas autant qu'un docteur...

Avais-je un coup de pot ?

Cela semblait bien meilleur qu'un duo où aucun des deux ne savait rien d'utile.

— H-Hm, et vous ?

— On peut dire que je suis au chômage, dis-je rapidement.

Ma spécialité était la collecte de dettes. En deux mots, je travaillais pour des usuriers. Quand ces pervers trouvaient un nouveau jouet, mon rôle était de les mener efficacement à la ruine. Le nom de Spider Finances était bien connu dans les recoins sombres de la société.

Mais le lui dire n'allait pas rien apporter de bon.

C'était ce genre de personnes pathétiques qui étaient mes proies. Je ne voyais aucune bonne raison de lui en dire plus que nécessaire.

Les gagnants ne pensent qu'à gagner.

Penser à ce qui pourrait se passer en cas d'échec ou à ce qu'il faut faire pour ne pas perdre, c'était le début d'une crise de nerfs. C'était la preuve que le clap de fin commençait à se refermer.

Je ne pouvais pas me permettre de lâcher.

J'étais un winner.

— Pour aller droit au but, je veux connaitre le moyen le plus sûr de mourir. Je sais que ça peut paraître stupide, mais tu sais où je veux en venir. Il y a des instructions sur comment utiliser un défibrillateur, mais il n'est pas expliqué comment mourir. Sur quel genre de morts on utilise des chocs électriques ?

— H-Hm... Euh... Eh bien...

— Contente-toi de répondre s'il te plaît. Mes connaissances n'aideront pas. T'es la seule de nous deux qui sait comment ressusciter quelqu'un. Cela rend évident qui doit mourir et qui doit sauver, non ?

— Kishikawa-san...

— C'est un simple partage des tâches. Mais il faut que tu me dises comment mourir. Alors je t'en prie, dis-moi l'infirmière. Le défibrillateur, les chocs électriques ou peu importe son nom. Quelle est la mort idéale sur laquelle utiliser ça ?

— M-Mais... Le simple fait d'utiliser un défibrillateur n'assure pas à 100% de ressusciter quelqu'un. On ne peut pas décider si facilement du partage des tâch-...

— Bon, ça suffit.

Agacé, je la coupai.

Les losers allaient rester des losers toute leur vie. Ils ne comprenaient vraiment pas ce qui importait.

— Écoute-moi bien. Je vais pas y aller par quatre chemins. Dans la vie, il y a les winners et les losers. Un winner peut devenir un loser, mais l'inverse est impossible. Tu vois où je veux en venir ?

— M-Mais... alors pourquoi...?

Elle demandait ce que je faisais ici ?

Ou elle était en train de demander pourquoi quelqu'un tenterait quoi que ce soit dans un jeu conçu pour des losers ?

Elle était trop naïve.

— On entend parler de temps en temps de grands retournements de situation, mais en fait, c'est que des conneries. C'est quand quelqu'un qui était à la base un winner a fini par erreur par devenir un loser. Il est tout naturel qu'ils gagnent et donc qu'ils retrouvent leur place d'origine. Le pire ennemi du winner dans ces moments-là, c'est la lâcheté. C'est juste qu'il se retrouve temporairement à la place du loser, mais c'est seulement au moment où il se met à douter de lui qu'il en devient vraiment un. C'est la raison principale pour laquelle un winner cesse d'en être un.

— ...

— Alors pense pas à ce qui va se passer si tu perds ou échoues. Sinon, tu resteras une minable toute ta vie. Si tu veux passer dans le camp des winners, va falloir te rappeler ce que c'est que de gagner. C'est le seul moyen.

— Mais...

— Je sais pas combien t'as perdu dans ta vie. Mais le sort a voulu que tu fasses équipe avec moi. Pas un simple loser. Les gens perdent parce qu'ils pensent que c'est perdu d'avance. Leur lâcheté les font trébucher. C'est ce qui t'est arrivée ? Tu vas refaire les mêmes erreurs qui t'ont toujours conduite à l'échec jusqu'ici ?

— Une seconde, dit Hashinaka.

Elle pris quelques brèves inspirations.

Puis elle répondit :

— Un défibrillateur est un appareil servant à faire repartir un cœur qui s'est arrêté de battre. Autrement dit, il ne sert qu'à ça. Stimuler un cœur ne va servir à rien pour quelqu'un qui a un organe détruit ou qui a perdu beaucoup de sang.

— Maintenant que tu le dis, on imagine mal des gens subir des massages cardiaques après avoir été poignardé ou reçu une balle.

— Mais malgré tout... Une mort qui cause beaucoup de dommages au torse serait une mauvaise idée. On ne peut pas faire de massage cardiaque à quelqu'un ayant des côtes cassées.

Hashinaka poussa un gémissement tout en se rappelant de ses connaissances.

Elle savait qu'on avait besoin d'elle.

Fort heureusement, elle n'était pas du genre à prendre la grosse tête à cause de ça.

— On voit souvent des massages cardiaques dans les accidents d'eau, non ? dis-je.

C'était une mort par manque d'oxygène.

Autrement dit, la suffocation.

La méthode la plus rapide pour ça serait...

— La pendaison donc ?

— N-Non ! Je ne pense pas qu'on devrait faire ça.

— ?

— La plupart des gens ne meurt pas de suffocation quand ils se pendent. Leur poids tout entier repose sur leur cou, alors ils meurent généralement le cou brisé ou par manque de sang au cerveau. Et on ne peut ressusciter aucune des deux types de mort avec un défibrillateur.

— Alors en étranglant à la main ?

— V-Vous voulez que je fasse ça...? dit Hashinaka les yeux larmoyants.

On venait juste de se rencontrer, alors il était évident qu'elle ne tenait pas personnellement à moi.

Elle ne voulait simplement pas devenir une meurtrière même si elle allait me ressusciter.

Mais c'était vraiment pas le moment pour cet état d'esprit.

— Est-ce que ça marcherait ?

— Ça dépend, mais ça pourrait être difficile. Tout serait fini si le cou venait à se briser durant la strangulation.

— Il nous reste donc... une noyade en bonne et due forme. Est-ce qu'une méthode utilisant de l'eau fonctionnerait ?

— Ça empêcherait de respirer tout en épargnant le reste du corps.

La bunny girl avait dit qu'on pouvait utiliser ce qu'on voulait dans cet immense magasin. Mis à part de la nourriture, il contenait également des meubles simples, des appareils électroménagers et des outils.

Il y avait des réfrigérateurs industriels, des boîtes à outils, des couteaux en acier inoxydable, des battes en métal, des aspirateurs, des distributeurs à eau, des baignoires, des micro-ondes, des consoles de jeu portables, des machines à pain, des armoires, des bureaux, des guitares électriques, des horloges murales, des sèches-linge, des ordinateurs portables, des lampes, des rallonges, et bien d'autres choses encore.

On pouvait se servir de n'importe lequel de ces objets pour tuer notre partenaire ou pour le ressusciter.

Il n'y avait rien d'interdit.

J'interpellai la bunny girl.

— Hé, on a besoin de cette baignoire.

— Alors elle est à vous.

— Vous nous fournirez de l'eau, pas vrai ?

— Tant qu'un bain froid vous convient.

Les préparatifs ne prirent qu'une quinzaine de minutes.

Les autres participants nous observaient attentivement de loin. Leur pathétique fil de pensée avait sûrement dans l'idée de se servir de nous comme cobaye pour apprendre comment s'en sortir à leur tour.

Une baignoire remplie à ras-bord se trouvait devant moi.

J'inspirai puis expirai.

C'était loin d'être la première fois que les organisateurs derrière la bunny girl montraient toute l'étendue de la cruauté de leurs goûts, mais cette attraction me fit particulièrement prendre conscience de ce qu'était une vie humaine. Si seulement je pouvais être un de ces visages souriants alors qu'ils nous surveillaient depuis un endroit sûr.

— K-Kishikawa-san. Hum, Kishikawa-san.

— Quoi ?

— Vous êtes vraiment sûr de vouloir faire ça ?

— C'est le seul moyen de nous en sortir.

— M-Mais...

L'infirmière Hashinaka jeta un œil vers la baignoire pleine.

— On peut vraiment se tuer avec ça ? Ce n'est pas très profond. On peut facilement sortir la tête de l'eau quand ça commence à faire mal. Et même si on place des poids dans vos vêtements, il sera difficile de s'assurer que vous ne puissiez plus sortir la tête.

— C'est vrai.

Alors c'était ce qui l'inquiétait.

Je tentai de garder le visage le plus neutre possible tout en attrapant les bras de l'infirmière.

T'as pas à t'en faire pour ça.

— Hein ? Hm... Kishikawa-san ? Hum...

Elle paraissait perplexe, mais elle allait finir par comprendre.

Je voulais en finir avant que ce ne soit le cas.

— C'est pas évident de se noyer tout seul ici. Mais ça veut dire qu'on va devoir utiliser une autre méthode. Comme faire qu'un autre retienne les bras exactement comme ça et maintient la tête sous l'eau.

— Une seconde... Vous voulez dire que...

Alors qu'elle se trouvait dans cette position inconfortable, Hashinaka finit par comprendre quelque chose. Avec un visage qui aurait pu être en larmes ou souriant, elle tenta de tourner tant bien que mal la tête pour voir mon visage.

Je l'ignorai et dis :

— Tu te rappelles ce que j'ai dit ? Je suis plus ou moins sans emploi, alors j'ai besoin de savoir comment gagner cette attraction. Mais juste savoir.

Une fois que j'ai pu soutirer cette information d'elle, je n'avais besoin de plus rien d'autre.

— Les winners gagnent parce qu'ils savent qu'ils vont gagner.

J'avais seulement besoin de connaître le moyen d'y parvenir.

J'avais reçu un conseil pertinent de l'infirmière, alors maintenant, je plongeai la victime qui se débattait dans la baignoire.

Le défibrillateur contenait des instructions.

Il était conçu pour que des gens normaux puissent s'en servir.

Alors tant que je connaissais le moyen idéal de la tuer, je pouvais m'occuper du reste tout seul.


Et...

La bunny girl souriante jeta un œil à sa montre gousset et fit une annonce.

— Dix minutes avant la fin !

— Merde...

J'avais les deux électrodes du défibrillateur dans mes mains. Chacune tenait une électrode au bout d'un câble entortillé similaire au fil du combiné d'un téléphone fixe.

L'appareil servait à sauver des vies.

Il était conçu pour faire repartir un cœur arrêté.

Et pourtant...

— Merde, merde, merde !! Qu'est-ce qui se passe ?! Je fais exactement ce qui est écrit pourtant !!

Hashinaka était allongée trempée sur le sol et ses yeux ne voulaient plus s'ouvrir.

Ils ne voulaient plus s'ouvrir.

Et si elle n'était pas ressuscitée, j'allais perdre ma deuxième chance !

La bunny girl répondit à ma question comme si la réponse était évidente.

— Ça marche pas à tous les coups, tu sais.

— Mais !! C'est pour ça que je lui ai demandé la méthode idéale !! Je suis un winner. J'ai rassemblé tout ce dont j'avais besoin pour gagner ! Je peux pas avoir merdé. J'ai fait tout comme il faut !!

— Bah, même dans des conditions idéales, c'est pas infaillible. Mais surtout, Kishikawa-san, tu lisais les instructions tout en utilisant le défibrillateur. T'es sûr à 100% de bien t'en être servi ?

— Que-...?

— Oh, les instructions n'ont pas été modifiées, alors t'en fais pour ça. Mais est-ce qu'un amateur comme toi peut vraiment comprendre toutes les subtilités de cet appareil ? Et puis, ajouta la bunny girl, Kishikawa-san, savais-tu que les chances de ressusciter quelqu'un diminuaient considérablement à mesure que le temps passe ? Peut-être que t'as passé trop de temps à lire toutes ces pattes de mouche ?

— Ah...

— T'aurais vraiment dû laisser faire l'infirmière professionnelle. D'ailleurs, pourquoi tu t'es fait virer de chez Spider Finances ? T'avais interféré avec le pigeon d'un collègue dans ta soif de promotion et que ce même pigeon avait fini par se suicider parce que tu lui avais mis trop de pression, non ?

— Aaaaaahhhhhhhhhh !! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

C'était mon ultime espoir.

Je pressai les électrodes contre la poitrine flasque de l'infirmière une fois de plus et la bunny girl parla d'une voix désolée :

— Elle est déjà morte.

Le tic-tac de sa montre gousset s'était arrêté. Puis elle posa sa main sur mon épaule. C'était comme un signe.

Elle me murmura alors à l'oreille :

Et toi aussi.


Attraction 06 : Le homerun du grand chelem[edit]

Ça pourrait paraître présomptueux, mais je suis du genre à pouvoir réussir tout ce que j'ai décidé de faire.

Ma moyenne au bâton était de .31. Je pouvais aussi bien frapper du bras droit ou du gauche ce qui était un excellent moyen de mettre la pression sur le lanceur de l'équipe adverse.

Mais le baseball était un jeu d'équipe.

Des idiots qui boudaient parce qu'ils étaient cantonnés sur le banc s'étaient mis à tout saccager après avoir trop bu et ça nous avait coûté notre qualification en compétition nationale. Sans ça, j'aurais eu l'occasion rêvée d'être repéré par des pros.

Croyez-vous que j'aurais dû accepter la sanction et attendre l'année d'après ?

J'y songeais au début.

Mais j'avais perdu patience quand l'un de ces idiots de remplaçants s'était marré en disant :

— Haha. T'emballes pas. Je foutrai encore la merde l'an prochain. Autant d'années qu'il le faudra. C'est tellement bon de te voir serrer les dents comme ça.

Je l'avais frappé encore et encore avec une batte en métal.

Il s'avère que taper dans une tête humaine ne résonnait pas pareil qu'avec une balle.

J'avais cru qu'il n'y avait rien dans sa tête, mais je me trompais.

Alors qu'est-ce que vous dites de 50 coups sur tout le corps ?

Pour être franc, je ne pense pas que c'était suffisant. J'ai toujours regretté de m'être arrêté là.

— Bon, que l'attraction commence.

Je me trouvais dans un stade en dôme.

Une bunny girl se tenait sur le monticule du lanceur.

Si j'avais été la personne que j'étais avant, j'aurais peut-être foncé sur elle en agitant ma batte en voyant cette amatrice se tenir là sans porter de crampons.

— On va utiliser ça !

La bunny girl donna une petite tape sur une grosse machine à côté d'elle.

— Tadam ! C'est une machine à lancer des balles. C'est l'un des derniers modèles. Ses balles rapides peuvent atteindre 180 km/h et elle sait aussi faire des balles courbes, des frondes, des tombantes et des glissantes.

— ...

— Elle va lancer 10 balles. Si t'arrives à faire au moins un homerun, t'auras remporté cette attraction. En récompense, tu gagneras le droit de participer à un tournoi public non professionnel. Tu peux tout donner ici pour attirer l'œil de recruteurs de 12 équipes de baseball.

Un batteur pouvait réparer toutes ses erreurs en un seul coup.

Même s'il se prenait deux prises d'affilée et qu'il enchaînait faute après faute par la suite, il pouvait devenir un héros s'il réussissait un seul homerun.

C'était le cas ici aussi.

Bien entendu, une telle opportunité n'était pas sans risques.

Après tout, j'étais recherché par la police.

— Si tu échoues, ton coude droit et ton genou gauche seront broyés avec un marteau. Sans anesthésie bien sûr. Mais d'habitude, on tue les gens, alors c'est presque rien à côté.

— Juste par curiosité, pourquoi est-ce que c'est pas la punition habituelle ?

— Parce que c'est plus drôle, dit la bunny girl avec un sourire.

Elle avait des goûts parfaitement malsains.

Une batte en métal en main, je m'avançai jusqu'à la place du batteur droitier.

Ma vie de baseballer se jouait dans cette attraction.

Mais ma vie aurait été terminée si je n'avais pas accepté. Je voulais juste ce dernier round. Je m'en fichais si c'était louche ; je voulais jouer ma vie dans une partie sérieuse qui allait me pousser à repousser mes limites.

— C'est le tout nouveau Dôme du Peuple où mêmes les pros rêvent d'y jouer. Qu'est-ce que ça fait de fouler la pelouse du stade de tes rêves ?

— Un jour, j'y serai pour une raison plus valable. Et j'y parviendrai sans l'aide de personne.

La distance jusqu'aux sièges dans le grand champ était d'environ 100 mètres de chaque côté et de 115 mètres au centre.

C'était un stade en dôme, alors je n'allais pas avoir à m'en faire pour le vent.

La bunny girl avait dit que la machine était un des derniers modèles et pouvait réaliser plusieurs genres de lancers, mais je ne m'en faisais pas particulièrement pour ça.

Les machines à lancer avaient un point faible caractéristique.

Ce dont j'avais besoin de me méfier le plus était...

— Oh, si le lancer manque la zone de prise et que tu la touches pas, le lancer compte pas. Alors t'embêtes pas à frapper.

— Oui, mais j'ai pas envie que ce truc me balance des balles sur moi.

— Ok, alors qu'est-ce que tu dis de ça ? Si la machine lance trois fois de suite sur toi, je frapperai à ta place... Mais va pas essayer exprès de te faire toucher, d'accord ?

Le bruit mécanique qui en découla était plus fort qu'attendu.

Je savais qu'une balle de baseball était chargée dans le tube de la machine à lancer.

Des roulettes de chaque côté de la petite balle lui conféraient une immense énergie cinétique et celle-ci fut propulsée à une vitesse phénoménale.

Ah...!!!???

J'entendis un bruit aigu.

Je fis de mon mieux pour agiter la batte de toutes mes forces sur la trajectoire de la balle, mais une douleur soutenue traversa mes poignets. Au lieu de s'envoler vers l'avant, la balle fut projetée diagonalement en arrière dans le filet derrière moi.

— Ok, lancer 1 échoué.

— Kh...

La bunny girl n'avait utilisé aucun coup bas pour modifier le timing du lancer.

Ça avait été une balle rapide à la vitesse de la machine.

180 km/h.

Cette force brute atteignait des niveaux difficilement à portée de n'importe quel humain venu. Même en Major League, un lanceur qui pouvait lancer à 160 km/h était déjà considéré comme ayant un excellent bras. Elle avait vu clair dans mon jeu. Et avec une facilité déconcertante.

— Waouh. T'as vraiment réussi à toucher une balle à 180 km/h. Mais la balle est un peu ressortie du fait de la puissance trop élevée. T'aurais même pas pu l'effleurer sinon.

— ...

— Oh ? On est inquiet, monsieur le génie du baseball ?

— ... Non.

Je souriais. C'était faible, mais je pouvais encore sourire.

J'ouvris et refermai à plusieurs reprises mes paumes en souffrance, puis serra à nouveau le manche de la batte.

— Ça fait un bon point de référence pour commencer.

Rien ne servait de paniquer. Peu importe le nombre d'échecs, ça serait un succès si je réussissais le tout dernier frappe.

Le frappe optimal.

Chaque frappe avant ne servait qu'à préparer celui-là même. Même avec trois loupés et deux prises au compteur, le dernier frappe pouvait tout changer. Et le premier prenait ainsi tout son sens.

— Ok, c'est parti pour le deuxième lancer. Tiens-toi prêt.

La bunny girl souriante pressa plusieurs boutons pour envoyer des instructions à la machine. Avec un bruit mécanique, le « cou » qui avait tiré la balle se mit à tourner.

Cela allait être une autre sorte de lancer.

La machine à lancer utiliser deux roulettes à haute vitesse pour lancer la balle. Et certains lancers faisaient tournoyer la balle pour lui donner de l'effet.

Autrement dit...

Le moyen le plus rapide d'implémenter mécaniquement ces différents types de lancers était de modifier la position de ces deux roulettes. C'était pour ça que le « cou » pouvait bouger.

Et donc...

Contrairement à un vrai lanceur, je pouvais facilement devenir quel genre de lancer arrivait !

— Une balle fronde ?!

La balle arriva trop rapidement pour pouvoir la suivre visuellement au moment du lancer.

J'abaissai ma visée en me basant sur mon observation de la machine, enfonçai mes crampons dans le sol, et fis tourner mes hanches. Je fis particulièrement attention à l'équilibre de mon poids au moment où je commençai à contrôler la batte. Je dessinai un arc de cercle avec la batte sur la trajectoire de la balle courbe.

Un puissant impact traversa mes mains qui tenaient la batte en métal.

Je l'avais bien touchée.

Je continuai le mouvement.

Après un bref instant, le son caractéristique d'une batte en métal résonna d'un ton plus aigu qu'une cloche.

La balle suivit un grand arc.

Elle volait un peu en direction de la troisième base, mais pas suffisamment pour s'inquiéter de faire faute.

Mécaniquement, je lâchai la batte et me mis à courir vers la première base, avant de me rappeler que j'étais au beau milieu d'un jeu.

Est-ce que ça allait être bon ?

Est-ce qu'elle allait réussir ?

Non !!

— Ahh. Dommage. Elle a atteint la ligne des quatre-vingt-cinq mètres. Juste quinze mètres !! Quinze mètres de plus et ça aurait été un homerun !!

— ...

Que ce fusse quinze mètres ou millimètres, une balle qui n'atteignait pas les sièges dans le grand champ était inutile.

Mais j'avais compris le truc.

Tant que ce n'était pas une autre de ces balles ultra rapides, c'était dans mes cordes.

Il me restait encore huit tirs.

Je peux y arriver !!


Mais malgré mon optimisme, j'avais ensuite raté cinq frappes d'affilée.

— Fait chier...

Mais pas parce que j'avais inutilement essayé et raté la balle lancer après lancer qui était hors de la zone de prise. Pas plus que la bunny girl avait cruellement envoyé cinq balles rapides de suite.

J'avais touché chacun des cinq lancers.

Je les avais parfaitement touché avec la batte en métal. Je les avais touchés avec le bout de la batte qui fournissait la quantité maximale d'énergie cinétique.

La balle était à chaque fois partie aussi parfaitement que je l'aurais voulu.

Sauf que...

— Eh ben. Encore la ligne des quatre-vingt-dix mètres. Encore juste un petit peu plus de force et t'aurais atteint les sièges du grand champ qui sont à cent mètres.

— Espèce de...

J'avais pensé la même chose au début.

Mais après tant d'échecs d'affilée, il était évident que quelque chose clochait.

Je fis tournoyer légèrement la batte autour de ma main droite.

Son poids et sa dureté semblaient corrects. Il était possible que quelque chose ait été altéré à l'intérieur, mais cela me paraissait peu probable. J'aurais déjà remarqué quelque chose pendant que je la tenais et l'agitais.

Ce qui voulait dire que...

— Vous avez fait quelque chose aux balles, pas vrai ? Vous les avez rendues plus molles et elles peuvent donc absorber plus de choc qu'une balle réglementaire lycéenne !!!

Que ce soit au baseball professionnel ou lycéen, ce qui faisait office de balle réglementaire changea petit à petit à mesure que les règles évoluaient. Un changement dans les matériaux de la balle pouvait altérer les frappes du batteur.

Mais la bunny girl souria et pencha sa tête sur le côté.

— Oh ? Je me rappelle pas qu'il ait été jamais question de balles réglementaires. En fait, si on suivait toutes les règles, cette machine à lancer aurait pas été utilisée. Et t'aurais jamais eu 10 chances.

— ...

— Si tu passes l'éponge, dis-le. Mais ça comptera comme un forfait. Et c'en serait fini de ta vie de baseballer.

Fait chier.

Quoi qu'il arrive, c'était ma seule option.

Je n'avais pas d'autres choix que de jouer selon les règles de cette bunny girl. Je doutais avoir le moindre moyen de réussir, mais je devais trouver une faille pour retourner la situation.

Y avait-il quoi que ce soit dont je pouvais me servir ?

J'avais besoin d'un homerun pour gagner le jeu de la bunny girl.

Mais je ne pouvais pas atteindre la ligne des cent mètres avec ces balles.

J'avais besoin de quelque chose pour changer cet état de fait.

Si je me contentais de frapper les balles lancées par cette machine sans réfléchir, je n'allais jamais surmonter cet obstacle. J'avais besoin de réussir un homerun sans utiliser la ligne des cent mètres. Existait-il une super faille dans ces règles ?

Je passai en revue les résultats de mes précédentes frappes. Je me remémorai les trajectoires suivies par les balles que j'avais frappées. Aucune balle n'était gâchée en baseball. Le résultat de chaque frappe s'amoncelait pour former le rythme global de la partie. De grandes quantités d'informations s'y cachaient. Je ne pouvais pas abandonner si rapidement. Je devais trouver le moyen. Aucune information ne pouvait être plus utile pour un batteur.

— ... Une seconde.

Je levai les yeux.

Il y avait quelque chose.

Cet environnement me laissait une possibilité.

Ce n'était pas simplement une situation théorique qui n'existait que dans les règles. J'avais entendu parler de joueurs professionnels l'ayant fait par le passé ce qui avait terminé en dispute avec l'arbitre.

— Alors ? On laisse tomber ?

— Non.

Je regardai à nouveau droit devant moi pour dévisager la bunny girl sur le monticule du lanceur. Je pointai ma batte en métal dans sa direction.

Je l'avais projetée vers elle.

Même un gamin de primaire savait ce que ce geste signifiait.[1] J'avais indiqué ma volonté.

— Je continue.

— Excellent.

Il me restait trois lancers.

J'avais complètement changé de méthodes. Allais-je avoir suffisament de temps pour me réajuster avec juste trois tirs ?

Le huitième lancer arriva.

C'était une balle courbe dans le coin intérieur qui effleura de très près mon torse. Cela déstabilisa mon timing. J'agitai désespérément la batte, mais pas à temps.

La balle fut frappée vers le haut, toucha presque le plafond du dôme, et retomba juste derrière moi.

— C'était la chandelle typique d'un attrapeur.

— ...

Allais-je y arriver ?

Vu de loin, cela devait être facile, mais il s'avéra que l'équation n'était pas si simple.

Mais je ne pouvais pas hésiter.

J'avais déjà changé de tactique.

Je devais abandonner tout ce que j'avais pour réussir !

— C'est parti !

Le neuvième lancer.

C'était une balle glissante. Je frappai avec le bon timing cette fois-ci. L'astuce était de la frapper en la ramassant par dessous. Le bruit solide de la batte touchant la balle résonna et la balle dessina un arc haut dans les airs.

Il ne me restait plus qu'une chance.

Une chance !!

— Hmm. On dirait que t'as atteint tes limites, dit la bunny girl avec un ton très déçu. T'as même pas frappé en direction des sièges du grand champ. Tu craques sous la pression ou quoi ?

— ...

— Enfin, peu importe. Bon, tout va se décider avec une balle super rapide !!

La salope !!

J'enfonçai mes crampon dans le sol. Je pivotai mes hanches. Je rassemblai toutes mes forces au bout de la batte.

La balle arrivait.

C'était ma dernière chance.

C'était mon ticket.

Observer l'angle de la machine m'indiquait quel genre de lancer cela allait être et quelle trajectoire la balle allait prendre, alors je n'allais pas la rater. Tant que j'avais suffisamment de forces pour surpasser la puissance des 180 km/h, j'allais pouvoir réussir.

Et...

La batte en métal entra en collision avec la balle blanche.

Un bruit fort résonna.

La balle dévia loin de la trajectoire idéale vers les sièges du grand champ. Elle prenait de l'altitude, encore et encore.

La bunny girl posa inutilement une main au-dessus de ses yeux tout en regardant en direction du plafond.

— Eh bah. On dirait que t'as encore raté.

— Pas sûr.

— ...?

La bunny girl me dévisagea avec un air légèrement perplexe, mais alors elle se retrouva encore plus confuse.

C'était le dernier lancer.

La balle n'avait pas volé en direction des sièges du grand champ, et pourtant, je ne montrais pas le moindre signe de désespoir.

Je n'avais aucune raison de désespérer.

J'avais réussi mon coup au tout dernier moment, putain.

— Elle ne redescend pas, dis-je.

— Hein ? Oh... T'es pas sérieux !!

— Qu'est-ce qui arrive quand une balle ne redescend pas ? Je crois qu'il existe une règle spéciale pour les stades en dôme. Elle explique ce qui se passe si une balle touche une lampe ou reste coincée dans les charpentes. C'est le Dôme du Peuple, non ? Que disent les règles de ce stade ?

Même juste le long de la ligne de jeu de chaque côté, la distance vers les sièges du grand champ était de 100 mètres. Néanmoins, le point culminant du dôme n'était que d'environ 50 mètres. Le passage de l'horizontale à la verticale fit toute la différence, le plafond devenant une meilleure cible en matière de distance.

Et surtout...

Les frappeurs puissants (surtout les étrangers) touchent très régulièrement le plafond des dômes.

— Alors ça veut dire que... Hein ? T'es sérieux...

— C'est un homerun. J'ai gagné.


  1. Ce geste sert à annoncer qu'on va faire un homerun.

Entracte 2[edit]

— C'est vraiment trop glauque !

— Uuh... Je sais que ce sont des vidéos, mais ça me file quand même la nausée.

— Je suis moins troublé par les vidéos en elles-mêmes que par leur nombre.

— Et cette bunny girl passe son temps à sourire quoi qu'il arrive.

— Qui s'est mis à manger un sandwich au beau milieu ? Ça pue la mayonnaise maintenant.

— ... Hein ? C'est déjà l'heure ?

— Les divertissements avec des moyens étrangers, c'est vraiment quelque chose. J'arrive pas à faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est fait par ordinateur. Mais faut dire qu'il y a beaucoup de films comme ça de nos jours.

— Peut-être que c'est entièrement fait par ordinateur.

— Peut-être que tout est réel.

— Quand ces attractions seront officiellement ouvertes, elles seront vraiment pour tous âges ? Ils vont devoir beaucoup édulcorer tout ça, non ?

— C'est devenu moins marrant depuis que j'ai aperçu un type que je connais dans une des vidéos. Je savais pas qu'il taffait ici.


(L'entracte va bientôt prendre fin. Merci de continuer à nous aider à réaliser cette supervision. Si vous n'avez pas encore commencé à remplir votre formulaire quelle qu'en soit la raison, merci de rapidement vous y mettre.)


Attraction 07 : Jeu de mémoire[edit]

De mon point de vue, personne n'a vraiment rien.

Néanmoins, ce qu'on a n'est pas toujours utile à la société ou ne permet pas toujours de gagner sa vie. Il est naïf de penser qu'on serait félicité en maîtrisant quelque chose, quel qu'il soit.

Si on pouvait citer n'importe quelle gare de train, est-ce que ça servirait à quoi que ce soit dans la vie professionnelle ?

Si on avait mémorisé les numéros de téléphone de douzaines de connaissances, est-ce que cela donnerait un sujet de conversation avec une fille ?

— Cette attraction va tester ta mémoire.

C'était pour cette raison que j'étais si surpris en entendant la bunny girl dire ça.

Ça allait enfin m'être utile.

J'étais assis sur une chaise dans une petite pièce. Un grand écran se trouvait devant moi. La bunny girl utilisa une main pour tripatouiller la boucle d'oreille en forme d'étoile accrochée à son oreille droite tout en se servant de l'autre main pour pianoter sur une télécommande.

— Bon, regarde cette séquence. Mais t'auras que 5 secondes !

La séquence était un écran blanc avec des silhouettes d'animaux éparpillées ici et là.

Les couleurs des silhouettes étaient différentes selon les types d'animaux.

Mes yeux suivirent les animaux pendant qu'ils bougeaient à gauche à droite sur le moniteur comme sur un écran de veille d'un autre temps et les cinq secondes touchèrent rapidement à leur fin.

Mais tout allait bien.

Je me souvenais de tout.

— Deux girafes rouges, trois lapins bleus, deux corbeaux jaunes, sept dauphins verts et un chameau violet.

— Waouh, dit la bunny girl d'une surprise feinte, Ok, il est temps de passer aux questions.

— Plus vite.

— Donne tes réponses là-bas !!!

Je n'avais pas le temps de m'embrouiller.

La chaise tourna soudain de 180 degrés. À un moment, le mur de la petite pièce s'ouvrit, dévoilant un long couloir droit. Il faisait environ 50 mètres de long. Un énorme bouton comme ceux dans les quiz était visible tout au bout.

Mais...

Bien que le couloir était droit, plusieurs barrières constituées de barres de métal bloquaient le chemin. Il y avait des portes à chacune d'elles, mais il était peu probable que je puisse les ouvrir simplement en les tirant ou les poussant.

Ces portes avaient toutes de grandes plaques à côté.

— Si tu réponds à de simples questions, les portes s'ouvriront. Fais de ton mieux pour répondre à toutes et enfin presser le bouton tout au bout. À ce moment-là, le jeu de mémoire commencera !

— Merde...

Merde !!!

Je me levai désespérement de mon siège et courus dans le couloir. Je pouvais compter cinq barrières au total. J'atteignis la première.

La grande plaque à côté disait :

« Question 1. Veuillez calculer (32 + 45) x 19 / 3 x 0 x (99 — 11) de tête. »

Ça a rien à voir avec les girafes rouges ou les lapins bleus !!!

Je me mis à transpirer en voyant les questions qui n'avaient rien à voir du tout. Tout en suivant la formule des yeux, je sentais les informations préalablement emmagasinées s'échapper de ma tête. Faire appel à ces chiffres éparpillés dans mon esprit se mélangeaient avec les nombres des différents types d'animaux.

Je savais que c'était un piège, mais je ne pouvais pas atteindre le véritable jeu de mémoire sans y répondre.

Je parcourus rapidement la question et tentai de réfléchir à chaque nombre l'un après l'autre, mais je finis par remarquer quelque chose.

x 0.

Putain !!! La réponse est zéro !!!

J'entrai le simple chiffre dans l'appareil semblable à une calculatrice.

Un mécanisme particulièrement complexe et fantaisiste déverrouilla bruyamment la porte. Chaque action prenait plus de temps que nécessaire et je ne pouvais que supposer que c'était dans le but de troubler ma mémoire.

Il me restait quatre barrières.

Je courus à la question suivante.

« Question 2. Un chien court à 30 km/h, un chat à 40 km/h, un cheval à 100 km/h et une hyène à 80 km/h. Après 45 minutes, quelle distance y aura-t-il entre le deuxième et le troisième animal ? »

Maintenant, il y a des animaux et des nombres !!!

Je serrai les dents face à cette question qui ne manquait pas de cruauté intentionnelle.

Si je ne répondais pas rapidement, je sentais que j'allais oublier la séquence sur le moniteur, mais se perdre dans la question allait également brouiller ma mémoire.

Mais il fallait que je le fasse.

Je tremblais à l'idée de ce qu'ils allaient me faire si j'échouais cette attraction.


J'avais été un enfant sans qualité particulière.

Cela aurait dû être suffisant.

Mais j'avais soudain attiré l'attention avec ma mémoire meilleure que celle de la majorité des gens. J'appréciais les compliments des autres, alors j'avais travaillé dur pour ça. Quand je fus capable de citer toutes les gares le long d'une voie de chemin de fer voisine, un nouveau regard apparut dans les yeux de mes parents.

Visiblement, quelqu'un avait suggéré que j'apparaisse à la télé.

Ils attendaient quelque chose de moi.

Mais je savais que mon talent se limitait à se souvenir des noms des gares. Si on attendait quelque chose de moi en public, leurs attentes allaient s'amonceler encore et encore jusqu'à atteindre des sommets que je ne pouvais atteindre. J'allais échouer. Je savais que ça allait arriver. Je me trouvais dans un train roulant sur les rails qui menaient à la destruction. Mais tout le monde autour de moi attendait tant de moi. C'était devenu une force si puissante que je ne pouvais plus faire marche arrière de mon propre chef.

Et au final, j'avais échoué.

Quand je fus aligné avec des prodiges tels qu'un violoniste avec une voix parfaite, c'était couru d'avance.

J'étais un bout de viande lancé dans la fosse aux lions.

Dès que la caméra se mit à tourner, j'avais compris quel était mon vrai rôle.

J'étais là pour faire le nombre.

J'étais un faire-valoir.

J'étais un personnage insignifiant censé rendre le héros cool.


— Question 5 !!! La dernière barrière !!!

Je me servis de mon doigt pour écrire directement sur le panneau tactile et la porte se déverrouilla. Je me glissai dans l’entrebâillement de la porte s'ouvrant lentement afin d'arriver le plus vite possible au bout du couloir.

J'en avais marre d'être élevé à un rang d'où j'allais inévitablement tomber.

Comme je n'avais pas été à la hauteur de leurs attentes, mes parents n'espéraient plus rien de moi. Ce ne fut que peu après que j'appris le mot « abandon ». À ce moment-là, je pensais que c'était la réponse naturelle à ce que j'avais fait. Du coup, j'avais complètement négligé mon éducation et fus même incapable de passer l'école primaire. J'avais à peine les connaissances pour faire des additions, des soustractions, des multiplications et des divisions.

Mais j'allais survivre.

J'allais vivre par moi-même.

Je n'allais pas me contenter de pourrir dans une pièce sombre oublié de tous. J'allais me servir de ce que j'avais pour me frayer un chemin à travers ce vaste monde. C'était le premier pas.

Mais j'avais besoin d'une « garantie ».

Sans le soutien de ma famille, je ne pouvais même pas louer un appartement. Apparement, la bunny girl pouvait m'y aider. J'ignorais s'ils allaient me fournir une fausse identité ou utiliser quelqu'un d'autre, mais si je réussissais cette attraction, ils me trouveraient un garant digne de ce nom.

Et ainsi...

Après avoir traversé toutes les barrières, j'écrasai ma paume contre l'énorme bouton sur le mur du fond.

Une ridicule tonalité électronique résonna.

— Ok, c'est l'heure du jeu de mémoire !!! dit la voix de la bunny girl à travers un haut parleur sur le mur.

Je me remémorai la séquence que j'avais vue sur le moniteur.

Est-ce que je m'en souvenais toujours ?

Est-ce que j'allais m'en sortir ?

— ... Je peux le faire.

Je m'en souvenais.

Je me souvenais des types d'animaux.

Je me souvenais de leurs couleurs.

Je me souvenais de leurs nombres.

Je pouvais répondre avec précision. J'allais m'en sortir. Je pouvais répondre à n'importe quelle question qu'elle me poserait. Je pouvais réussir. Je pouvais surmonter ça. J'allais gagner cette attraction, obtenir la « garantie » dont j'avais besoin, et mettre en place les bases de mon combat contre ce monde.

— C'est l'heure de la question, dit la bunny girl.

Cette question allait littéralement influencer mon destin.

— De quelle forme est la boucle à mon oreille ? Et était-elle à mon oreille droite ou gauche ?

Je m'arrêtai de respirer.

— ... Quoi ?

Pas d'animal, pas de type d'animal, pas de couleur, pas de nombre...

Ça n'avait rien à voir avec ça ?

Le moniteur en lui-même avait été un leurre. La bunny girl m'avait montré la séquence immédiatement après avoir dit que ce serait un jeu de mémoire, mais elle n'avait jamais dit que ce serait lié au contenu de la séquence.

— T'as 10 secondes.

Pourquoi la bunny girl donnait-elle ses instructions à travers un haut-parleur et non physiquement ?

Je ne compris la raison que douloureusement bien.

Mon visage... non, mon corps tout entier devint trempé par une transpiration désagréable et parvint ensuite à mes oreilles l'annonce fatale :

— Allez, donne ta réponse !!!


Attraction 08 : Laver le sang par le sang[edit]

L'île théâtre de notre attraction semblait s'enfoncer dans l'océan alors que ce dernier donnait l'impression d'aspirer les ténèbres de la nuit.

Elle était connue sous le nom de l'Île Cadavre.

L'île toute entière s'était développée autour d'une mine de charbon plusieurs décennies auparavant, mais elle fut entièrement abandonnée à mesure que le temps passait. Les grattes-ciels non conçus pour supporter des séisme n'avaient pas été détruits, alors ils avaient vieilli et étaient endommagés jusqu'à ce qu'ils s'effondrent. Les barres d'armature visibles et les escaliers de secours à moitié effondrés montraient à quel point l'endroit n'était pas sûr.

L'endroit ressemblait plus à des ruines qu'à une île déserte.

Aucun cri ni hurlement ne pouvait atteindre qui que ce soit et l'océan entourant l'île empêchait toute fuite.

Elle était parfaite pour une attraction.

Une bunny girl tenant un mégaphone bas de gamme dans une main parlait avec des hommes en uniforme de travail de part et d'autre d'elle.

— Est-ce que tout le monde a bien une clé accrochée à son poignet droit ?

J'entendis un léger bruit métallique. Un ruban élastique semblable à ceux où sont accrochés les clés de casier dans les piscines se trouvaient à mon poignet et il y avait une clé attachée.

— Les règles sont simples. Chaque clé vaut 100 millions de yens. Quand l'attraction prendra fin, à la tombée de la nuit, vous serez récompensé en fonction du nombre de clés en votre possession. Néanmoins, la clé que vous avez au début ne compte pas. Merci d'obtenir la clé d'un autre, que ce soit par négociation, menace ou force.

Il parut immédiatement évident que l'attraction pouvait facilement prendre fin si tous les participants échangeaient leur clé entre eux.

Sauf que le truc, c'était que plus on avait de clés à la fin, plus on gagnerait.

On pouvait gagner encore plus si on ne se contenter pas de simplement s'échanger nos clés. Et si on attaquait la personne avec le plus de clés, on se retrouverait directement en tête du classement peu importe ce qui avait pu se passer jusque là.

Et...

Il y avait de bonnes chances que les six participants présents sur cette île se trouvaient dans des situations suffisamment mauvaises pour que 100 millions de yens ne soient pas suffisants.

Ils avaient peut-être besoin de 200 millions de yens ou 110 millions.

En tous les cas, l'attraction avait été monté volontairement de façon à ce qu'échanger les clés entre nous ne suffirait pas.

Ceux qui nous observaient depuis un endroit sûr voulaient qu'on choisissent de notre propre chef d'abandonner cette option sans risque qui nous tendait la main. Leur cruauté était douloureusement évidente.

Mais je m'en fichais.

On était tous dans le même bateau.

Je n'avais aucune raison d'avoir la moindre empathie pour eux.

— Ok, que tout le monde tire au sort.

On devait chacun choisir une des baguettes grossières. Comme si elle dévoilait le prix d'un jeu télévisé, la bunny girl leva un large voile sur quelque chose qui était caché.

— Ces objets vont vous aider à avancer à travers l'attraction. D'après les baguettes tirés, Tanaka-san obtient deux pistolets, Tetsuyama-san un lance-flamme, Tatsukawa-san un taser, Hikarikawa-san une grue mobile de 15 tonnes, Harumura-san un couteau militaire, et... Ohh ! Hayashino-san obtient le prix spécial ! Le prix de Hayashino-san, c'est Karen-chan !!

— ... Quoi ?

Je fronçai des sourcils. C'était en partie parce que je n'avais pas la moindre idée de quel genre d'objet il était question, mais également parce que je n'aimais pas qu'on répète mon nom à plusieurs reprises. Je ne voulais pas attirer l'attention si tôt dans la partie.

Pour répondre à ma question, la bunny girl pointa son pouce vers elle.

— C'est moi !!

— Attendez, attendez, attendez, attendez, attendez !! cria quelqu'un.

C'était l'homme qui avait gagné la grue mobile.

— Comment ça il se retrouve avec un des organisateurs à ses côtés ?! Vous lui donnez un avantage trop important, non ?!

— Ça n'a rien à voir avec le fait que ce soit un avantage ou non. Tirer au sort est injuste par nature. Et comment tu peux te plaindre après avoir gagné cette merveilleuse grue mobile ?

— M-Mais...

— Et c'est juste l'équipement initial.

La bunny girl appelée Karen fit un grand sourire.

— Si t'aimes pas, t'as qu'à échanger avec quelqu'un d'autre après le début de l'attraction. Et ça veut bien sûr dire qu'on pourrait t'attaquer pour te piquer ta grue.

— ...

Tous les participants avaient leur attention portée sur moi. La bunny girl le faisait vraisemblablement exprès.

Même si on allait tous finir par s'entretuer tôt ou tard, il y avait quand même un ordre à respecter.

— Bon, les amis. Voyons voir... L'attraction commence dans 20 minutes. Baladez-vous sur l'île jusque là.

Elle sous-entendait évidemment qu'on devrait se cacher avant le début des hostilités.

On échangea tous un regard avant que les autres participants ne s'enfuient dans des directions différentes. Ils avaient vraisemblablement l'intention de se terrer quelque part sur l'île et attendre une opportunité.

Resté en arrière, je jetai un œil vers la bunny girl.

Alors que les autres avaient reçu des armes meurtrières telles qu'un lance-flamme, des pistolets ou un énorme véhicule, je me retrouvais avec une fille.

— ... Alors qu'est-ce que tu sais faire au juste ? demandai-je.

Karen agita ses bras et jambes dans tous les sens pour mimer des positions bizarres avant de dire :

— Je peux battre un dinosaure à mains nues ! Je peux transpercer une montagne avec mes pieds !!! Et ma technique spéciale te permet de faire trois actions en un seul tour !

Avais-je tiré le lot bidon qui signifiait que tous les autres participants allaient se liguer contre moi dès le début ? Peut-être que je devrais les attaquer par surprise sans trop tarder.

Après avoir remarqué que je ne semblais pas très emballé par l'arme que j'avais remportée, la bunny girl se mit à se déhancher.

— Bon, ok. Un peu de sérieux maintenant. On n'a plus beaucoup de temps avant le début de l'attraction. Où est-ce qu'on va se cacher ?

— L'île se divise en trois grandes parties. La mine de charbon, la vieille ville et le port. L'entrée de la mine a sûrement été bouchée par des plaques en métal à sa fermeture. Tous les entrepôts du port se sont effondrés, alors je ne me souviens pas avoir vu le moindre bâtiment intact là-bas. Ce qui pose un problème. Tu vois lequel ?

— On peut pas échapper à la grue mobile.

— Exactement.

Après tout, c'était un monstre de 15 tonnes. Même en conduisant prudemment à 50 km/h, une personne au sol ne pouvait rien faire contre ça. Et le résultat sautait aux yeux si jamais on venait à être pris en chasse par ce dernier.

— Ce qui veut dire qu'on va devoir aller à la vieille ville. Si on se cache dans les étages supérieurs d'un bâtiment, la grue ne pourra pas nous écraser.

— On pourrait se cacher dans la mine de charbon, non ?

— C'est pas une bonne idée de se frayer un chemin dans une mine dont les fondations et les charpentes sont rouillés. Si jamais le sol venait à lâcher, on pourrait tomber de plus de 100 mètres.

On finit par atteindre la vieille ville.

Vu que c'était une île abandonnée, il n'y avait pas de lumière. La profonde pénombre semblait tout étouffer dans toutes les directions. Quelque part dans ces ténèbres, se terraient des assaillants munis d'armes mortelles. Cette malice rendait le pénombre encore plus intense.

Beaucoup de gens devaient travailler dans la mine quand elle marchait encore étant donné à quel point les maisons étaient serrées les unes contre les autres ici. Seuls une dizaine de centimètres séparaient les bâtiments, alors on avait l'impression de pouvoir sauter d'une fenêtre à l'autre.

Certains bâtiments s'étaient effondrés avec le temps et il y avait eu un effet de domino à certains endroits. Les gravats s'amoncelaient même sur les routes, alors le paysage urbain habituellement ordonné s'était ici transformé un labyrinthe.

Des objets du quotidien étaient éparpillés dans les décombres. Avec toute la poussière qui les recouvrait, cela ressemblait à d'étranges morceaux de terrain réhabilité.

Je ramassai un sac trônant sur le sol sur lequel se trouvait à la base le logo d'Imada Construction. Puis, je le lançai à Karen.

... Imada Construction, hein ?

— Ramasse des bouts de béton de la taille d'un œuf et mets-les dans le sac.

— ... À quoi ça va servir ?

— On n'a pas d'arme, alors je veux m'en procurer avant le début de l'attraction.

Qu'est-ce qui vient à l'esprit quand on pense à des projectiles ? Des pistolets ? Des arcs ? Si on a juste besoin de quelque chose datant de l'Antiquité, tout ce dont on a besoin est d'une ceinture en cuir et de quelques pierres. En mettant une pierre sur la ceinture en U et qu'on fait tournoyer cette dernière pour lancer la pierre avec la force centrifuge, on obtient un lance-pierre. Cela pouvait être suffisamment mortel.

Hélas...

J'avais entendu dire que des tribus pouvaient tuer des animaux sauvages jusqu'à une distance de 100 mètres, mais ne serait-ce que la moitié serait déjà difficile pour moi. Il faisait nuit et mes cibles allaient être en mouvement. La distance à laquelle je pouvais lancer la pierre et la distance à laquelle je pouvais toucher et blesser quelqu'un étaient deux choses différentes.

— T'en sais des choses, dis donc.

— La loi de contrôle des armes à feu et des épées est bien faite, mais elle ne peut pas empêcher l'accès à des objets qui se trouvent partout. Garde le sac. Il pourra servir de matraque à bout portant.

— Qu'est-ce que tu rassembles là ? Des poids pour la pêche ?

— J'assure juste mes arrières.

Je pénétrai dans un bâtiment croulant au hasard et monta au premier étage pour que la grue mobile ne puisse pas nous attaquer. Je voulais être suffisamment bas pour pouvoir sauter sur le sol si un autre participant m'acculait.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je cherche de quoi faire du feu.

— ... Dans cette obscurité ?

— Maintenant, c'est ma seule chance. On est encore en période de préparation. Quand la partie commencera, la lumière pourrait conduire à ma mort.

Je trouvai un réchaud portable rouillé. La bonbonne de gaz avait évidemment été retirée, mais je parvins à allumer un feu en maintenant la fiche d'allumage contre un vieux bout de tissu.

Après deux-trois autres manipulations, mes préparations étaient fin prêtes.

— T'y as bien réfléchi.

— Il faut qu'on bouge. J'ai pas envie de rester là où était le feu.

On sauta par la fenêtre du bâtiment dans celui voisin.

Je me cachai dans la pénombre avec la bunny girl.

— ... Ça devrait bientôt commencer.

Nos affaires personnelles avaient été confisquées alors je n'avais pas de montre, mais je pouvais estimer l'heure en me basant sur le temps passer à marcher et à me préparer.

Je jetai un regard vers Karen dans son costume de lapin.

— Au fait, j'ai oublié de demander. Qu'est-ce qui me dit que tu vas pas me trahir au milieu de l'attraction ?

— Rien, dit Karen nonchalamment. Les pistolets risquent d'exploser, une grue mobile peut caler, et j'ai mes propres risques. Il faut vraiment que je t'explique ça ?

— ...

— Hm ? Tu songes à me réduire au silence maintenant au cas où je te trahis plus tard ? dit-elle sans hésiter. C'est une option que tu peux suivre, mais dans ce cas, tu te retrouveras vraiment désarmé. Mais bon, si tu crois pouvoir combattre les autres comme ça, c'est pas moi qui vais t'en empêcher.

La bunny girl avait raison. Tout ce qu'elle avait dit était juste.

Mais comment était-elle capable de rester aussi objective dans un moment pareil ?

Ne craignait-elle pas pour sa vie ?

— Qu'est-ce que tu vas faire ? Si tu veux mon avis, tu devrais te décider et vite.

— ... Je vais me servir de toi, pour l'instant.

— Ah bon ?

Un fort signal lumineux brilla dans le ciel au loin.

Il signalait le début de l'attraction.

Le combat à mort sur l'Île Cadavre où nous allions laver le sang par le sang avait commencé.


Alors que l'attraction avait débuté, Karen et moi continuâmes à nous cacher au premier étage d'une résidence.

C'était simplement parce qu'on entendait le bruit d'un moteur juste en dessous.

C'était la grue mobile de 15 tonnes.

De tels bruits étaient courant dans une ville, mais on se trouvait sur une île abandonnée complètement plongée dans le noir. Ce bruit résonnait bien plus fort que normalement. Il était si intense que je me demandait si quelqu'un dans la mine pouvait l'entendre.

— Qu'est-ce que tu penses ? demandai-je.

— Il est peut-être en train de chercher. Il tourne en rond dans le même endroit depuis tout à l'heure, alors il ne poursuit personne.

Je ne pensais pas que Karen avait tort, mais on ne pouvait pas rester plantés là.

— Allons-y.

— Oh, déjà ? La précipitation pousse à faire des erreurs. Il reste encore 7 heures avant le lever du soleil. Renforcer petit à petit ses positions pourrait être mieux que de se forcer à...

— J'ai pas envie de laisser les autres participants faire ça, répondis-je rapidement d'une voix calme. Deux pistolets, un lance-flamme, une grue mobile, un taser, un couteau militaire, et toi. C'est la seule information dont tout le monde dispose. Mais ça va changer à mesure que le temps passe. J'ai pas envie de me retrouver dans une situation où l'ennemi censé n'avoir qu'un couteau se met ensuite à attaquer avec un projectile.

La bunny girl avait prononcé les noms de tout le monde avant le début de l'attraction, mais je ne me souvenais pas de qui était qui. Après être tombé dans cette cruelle attraction, la vie humaine valait moins qu'un petit outil.

Et ainsi, Karen et moi nous mîmes en marche.

Si on marchait au niveau du sol, la grue mobile risquait de nous rouler dessus. Fort heureusement, les résidences n'étaient séparées que d'une dizaine de centimètres et la majorité des fenêtres n'avait plus de vitre, alors il était aisé de sauter d'un bâtiment à l'autre.

— Comment t'as l'intention de trouver les autres participants qui n'ont pas de grue mobile qui hurle "Je suis là !" ?

— Y'a rien que tu puisses faire ?

— Si tu veux, je peux te montrer mes talents de télépathie !!! Oh, à moins que tu préfères une séance de tarot divinatoire ?

Je soupirai, exaspéré.

Mais je n'avais pas non plus de plan.

— Les routes entre la vieille ville, le port et la mine sont limitées, alors la méthode usuelle dans ce genre de cas serait de leur tendre un piège.

C'était une petite île, mais il faut du temps pour la traverser de part en part. Et les autres participants devaient être constamment en mouvement, alors on pouvait facilement se manquer.

La grue mobile faisait beaucoup de bruit, alors ce n'était pas un problème. Hélas, j'allais apparemment devoir tuer les autres au moment où je les croisais ou sinon je risquais de ne plus jamais les revoir.

Ou...

Plutôt que de chercher, est-ce que je pourrais poser un piège pour les attirer à moi ?

Au moment où cette idée me traversa l'esprit...

— Plus un geste.

Dès qu'on entendit cette soudaine voix féminine, Karen et moi nous cachâmes derrière deux piliers. La femme était peut-être en train de jauger la situation, mais je n'avais pas l'intention de risquer ma vie sur cette supposition optimiste. Et je savais quelle arme la personne utilisait.

Les deux pistolets.

J'entendis un bruit de pas.

Quelqu'un était entré dans la pièce.

— Il est trop tard pour se cacher. Pour ta gouverne, l'émail sur le costume de lapin brille beaucoup. C'est sûrement pour ça que la grue tourne en rond par ici depuis tout à l'heure.

Je ne voyais pas quel était son but.

Si elle avait simplement l'intention de me tuer pour prendre ma clé, elle aurait déjà tiré. Ou elle ne voulait pas que la grue entende le tir ?

Karen regarda dans ma direction derrière son pilier.

Je lui donnai un ordre en faisant des signes avec mes doigts.

Mais je ne la faisais pas attaquer. Si elle faisait ça, elle allait simplement être accueillie par une pluie de balles. Et cette femme ne pouvait pas vraiment nous laisser en vie dans une situation pareille.

Bon, et maintenant ?

La véritable question était de savoir si la bunny girl au sourire malsain allait suivre mes instructions ou non.

Il était tout à fait possible qu'elle me trahisse au premier signe de danger et qu'elle s'allie avec la femme aux deux pistolets.

Et donc...

— Ok, ok. J'ai pigé, j'ai pigé.

Elle s'éloigna sans hésiter de son pilier tout en faisant la moue comme une enfant qui jouait aux jeux vidéos à qui une mère avait demandé d'aller faire les courses.

Elle s'exécuta si docilement que j'en fus moi-même choqué et c'était moi qui lui en avais donné l'ordre.

— Oh ? Alors tu peux l'utiliser comme ça, dit la femme aux pistolets d'un air moqueur.

La bunny girl sourit et dit :

— C'est ce qu'on m'a demandé de faire.

— Tu croyais que j'allais pas te tirer dessus parce que t'es une des organisatrices ?

— Tu vas sûrement tirer. Et je vais mourir si tu le fais.

Qu'est-ce qui peut bien lui passer par la tête ?

J'avais supposé que les personnes qui avaient mis en place cette attraction n'étaient pas des personnes normales, mais c'était encore pire que ce que je pensais.

La femme avec les deux pistolets sembla comprendre à quel point c'était étrange.

Mais...

— Exactement comme je l'avais espéré, voire mieux même. Tu sembles être digne de faire équipe avec moi, dit la femme.

— ...

— Tu peux sortir de ta cachette, toi aussi. Mon arme est un 9mm. Si tu te sers de la fille comme d'un bouclier humain, je peux pas te toucher.

Je fis comme ordonné.

C'était la première fois que je parlais avec un des autres participants.

— Qu'est-ce que t'as derrière la tête ? demandai-je.

— Battre l'ennemi le plus fort.

— Je dirais que le plus dangereux ici, c'est toi avec tes deux pistolets.

— Non. Ce sont pas des fusils à balles perçantes. Même la plus fine des plaques en métal peut dévier une balle de 9mm. Je veux me débarrasser de cette grue avant qu'il n'ait le temps de se renforcer.

Et une fois que cet ennemi était mis hors d'état de nuire, plus rien ne pouvait l'arrêter.

Le lance-flamme semblait également assez dangereux, mais ce genre de modèle avec une bonbonne sur le dos avait une portée maximum d'environ 10 mètres. À plus forte puissance, l'utilisateur risquait de se rôtir tout seul. Ses deux pistolets pouvaient toucher des cibles à 150 mètres de distance, alors elle pouvait facilement le tuer. Si elle ajustait le canon et tirait un peu plus haut, elle pouvait le toucher.

Mais...

Il était vrai que je n'avais aucun espoir de l'emporter si on ne faisait rien pour la grue. Dès qu'il aurait l'idée de renforcer sa cabine de conducteur avec des plaques en métal, il allait devenir invincible.

J'avais en fait espéré que ces deux puissants ennemis finissent par s'entretuer, mais visiblement, j'allais servir de pion dans le processus.

— Qu'est-ce qu'on peut faire ?

— J'ai une quantité limitée de munition. En l’occurrence, j'ai trente balles sur les deux armes. C'est pas évident de tuer le conducteur tout en fuyant. Mais, ajouta la femme, j'aurais bien plus de chance si je pouvais me concentrer sur le tir pendant que la grue poursuit quelqu'un d'autre. Je suis pas soldat, alors je pense pas pouvoir le toucher en juste un ou deux tirs malgré ça. Mais je devrais pouvoir y arriver avant de vider les chargeurs.

— Et tu veux qu'on serve d'appât ?

— Je peux pas demander aux autres participants.

La femme déplaça un des canons de ses pistolets entre Karen et moi.

— Mais toi, t'es différent. Nous autres, on a une seule vie, mais toi, t'en as deux. On peut s'en servir à notre avantage.

— ... Je vois.

Karen pouvait me trahir à n'importe quel moment, alors il n'était pas dit qu'elle suive mes instructions jusqu'à la toute fin. Mais si on commençait à être en difficulté avec la grue, je pouvais toujours abandonner Karen et m'enfuir pendant que la grue était concentrée sur la femme aux deux pistolets.

Et surtout, si je refusais ici, j'allais être tué. La femme voulait que Karen serve d'appât, pas moi. Elle allait sûrement tenter de la menacer après m'avoir tué.

— Je crois que j'ai pas d'autre choix que d'accepter.

— Si c'est ce que t'as décidé, on peut le faire, dit Karen tout en souriant comme à son habitude.

Elle ne se plaignit pas au sujet du plan.

— Mais si on va lui tendre un piège, on va avoir besoin de ton aide, dis-je à la femme.

— Tu peux être plus précis ?

— Karen participe pas au jeu, alors elle a pas de clé valant 100 millions de yens. Autrement dit, il ne sert à rien de la tuer. Elle a besoin de quelque chose qui serve d'appât pour que la grue la prenne en chasse.

— Je t'ai dit d'être plus précis, dit la femme tout en agitant un de ses pistolets.

Ces derniers semblaient être la source de sa confiance absolue, mais tel était mon objectif.

— Donne à Karen un pistolet. Telle est ma condition.

— ... Tu plaisantes, j'espère ?

— T'as dit que j'ai deux vies, non ? Mais, toi, contrairement aux autres participants, t'as deux armes. Même si t'en abandonnes une, t'auras toujours un avantage certain sur les autres.

Et les pistolets étaient l'arme la plus puissante. Si la grue apercevait Karen munie d'un d'entre eux, elle risquait de tenter d'éliminer la menace ou d'obtenir l'arme, mais en tous les cas, il n'allait pas pouvoir l'ignorer.

La femme observa prudemment Karen et moi.

— Qu'est-ce qui me dit que y'aura pas une fusillade dès que je le lui aurais donné ?

— T'as qu'à retirer les munitions avant de le faire. On a juste besoin d'un appât pour la grue. Le type sur le siège conducteur aura aucun moyen de savoir s'il est chargé ou non.

— Pigé. ... Bougez pas.

Elle allait être la seule avec une arme chargée.

La femme avait accepté parce qu'elle allait conserver son avantage.

Mais...

— (Karen.)

Que ce soit un revolver ou un semi-automatique, tous les pistolets ont un point commun quand il est question de retirer toutes les munitions. Et savez-vous lequel ?

La réponse est simple.

Il faut utiliser ses deux mains.

— (Attaque à mon signal. Je prendrai la droite, et toi, la gauche.)

De soudains bruits de pas retentirent dans la pièce.

— Hein ? Ah...

La femme abasourdie tenta désespéremment de tendre son arme, mais celle qu'elle tenait n'avait plus de balles. Celle qui était chargée était dans son étui. La légère hésitation due son indécision quant à tirer sur l'ennemi à droite ou à gauche la ralentissa encore plus.

Ce flottement nous permit de surpasser la vitesse mortelle d'un pistolet qui pouvait tuer d'un simple mouvement de l'index.

Karen tenait un sac rempli de morceaux de béton de la taille d'un œuf.

La matraque de fortune fit un grand bruit alors qu'elle ouvrit en deux le crâne de la femme.


Je ramassai les pistolets dans la mare de sang et en lançai un à Karen.

J'avais lu dans un livre que les hommes éprouvaient un sentiment de sécurité dans la symétrie et la trouvaient belle. Que ça ait quelque chose à voir ou non, une femme avec le côté du visage écrabouillé n'était pas joli.

Karen se servit du sac de béton pour essuyer le sang du pistolet.

— Eh ben. Nous voilà déjà avec les meilleures armes. Est-ce que ça veut dire qu'on est les plus forts ?

— On n'a pas le temps de fêter ça. Si les autres découvrent qu'on est deux avec des pistolets, ils vont tous nous prendre pour cible. J'ai pas envie qu'ils estiment que le danger vaut la peine de se liguer contre nous.

— Maintenant qu'on a les flingues, qu'est-ce que tu vas faire du lance-pierre ?

— Mieux vaut le garder. S'ils pensent que c'est notre seule arme, ils pourraient baisser leur garde.

— C'est quoi notre prochaine cible ? demanda Karen.

Je retirai la sécurité de mon arme et répondis :

— Le lance-flamme.

— Oh ? Pas la grue ?

— C'est notre pire ennemi, mais je doute que deux flingues suffisent. Un lance-flamme nous faciliterait la tâche. La grue roule à l'essence après tout.

Quand il est question de simplement tuer des gens, le lance-flamme serait la meilleure arme. Je n'avais pas envie de m'y frotter avec un simple tuyau en métal ou un lance-pierre de fortune. Mais on avait des pistolets maintenant. Tant qu'on les avait, on pouvait facilement se débarrasser de l'homme au lance-flamme.

— Mais le lance-flamme a une portée de 10 mètres, non ? Si la grue roule à toute vitesse, on n'aura pas le temps de faire quoi que ce soit le temps qu'il arrive à portée.

— Je compte pas l'utiliser comme ça, dis-je tout me concentrant sur le bruit du moteur de l'autre côté de la vitre. La bonbonne est plein d'essence, alors on peut s'en servir comme d'une bombe en la plaçant sur le sol. Après avoir attiré la grue, on pourra la regarder exploser à bonne distance.


On n'avait pas la moindre idée par où commencer. On prit le temps de fouiller l'île et tomba sur l'homme au lance-flamme sur la montagne près de la mine.

J'avais cru pouvoir l'abattre avec une balle ou deux, mais on utilisa bien plus de munitions que prévu. On était peut-être trop obnubilé par le fait de rester à distance.

— Il me reste deux balles.

— Moi, une seule !

La bunny girl dénommée Karen tira sur la culasse de son arme pour éjecter la dernière balle du chargeur et me la lança.

On avait 30 balles à nous deux à la base, alors c'était un regrettable gâchis.

— Il faut qu'on récupère de suite le lance-flamme du cadavre. Les coups de feu ont retenti sur l'île toute entière.

— Pourquoi ne pas l'utiliser contre les autres participants ?

— Il faut que le réservoir soit le plus plein possible pour nous assurer que la grue ne survive pas à l'explosion.

Et puis, je n'avais aucune intention d'utiliser le lance-flamme sans un équipement spécifique comme un uniforme de pompier. Il suffisait que le vent change de sens pour laisser de graves brûlures. Même si les flammes ne me touchaient pas directement, le vent chaud pouvait mettre le feu à mes vêtements.

— On va attendre la grue ici ?

— Un espace aussi ouvert est pas le meilleur endroit pour un piège. Et il n'y a pas de zone surélevée pour pouvoir surveiller en sécurité. Il vaudrait mieux tendre le piège dans la vieille ville.

J'avais déjà un pistolet et le lance-pierre, alors je donnai la bonbonne du lance-flamme à Karen.


On pénétra dans la vieille ville.

L'endroit le plus simple pour poser un piège était l'entrée de la ville. Les bâtiments avaient été construits en très grande concentration dans un espace restreint, alors les points d'entrée et de sortie étaient limités pour la grue.

— C'est peut-être fissuré, mais c'est du béton. On peut pas creuser pour l'enterrer.

— Il faut juste qu'on fasse un tas de bous de béton que la grue peut écraser sur son passage. Si on cache la bonbonne à l'intérieur, ça pourra faire office de mine.

— Et comment tu comptes la faire exploser ?

— En faisant en sorte que la fiche d'allumage du lance-flamme...

Je m'arrêtai alors qu'une lumière brillante me transperça les yeux.

On était sur une île abandonnée sans électricité ni eau courante.

Il n'y avait qu'une seule autre possibilité.

— La grue, cria Karen.

— Ça sert à rien d'essayer de la poser maintenant ! Prends la bonbonne avec toi !!

C'était un des endroits où la grue pouvait facilement passer, alors elle pouvait évidemment nous tendre un piège. Chassés par les bruits du moteur, Karen et moi nous ruâmes dans un bâtiment voisin.

La grue enfonça l'entrée derrière nous.

La vitre de la porte d'entrée était déjà brisée, mais maintenant, la porte toute entière avait été réduite en mille morceaux. De gros fragments volèrent dans le bâtiment. Je me précipitai désespérement plus profondément à l'intérieur. Le pare-choc de la grue mobile continua à s'approcher tout en poussant les débris du bâtiment devant lui. On aurait dit un marteau géant.

Tout se déversait sur nous comme dans un tsunami.

Mais une exception se présenta d'elle-même. Un épais pilier carré n'avait pas cédé. Des dizaines de barres de renfort avaient plié et étaient coincées, mais la colonne entière n'avait pas rompu. Elle avait arrêté la masse de 15 tonnes.

— !

Je dégainai immédiatement mon pistolet, mais la grue avait fait marche arrière et était sortie si rapidement du bâtiment que ses roues avaient crissé.

— À l'étage, vite !!! cria Karen depuis l'escalier d'urgence tout en tenant la bonbonne du lance-flamme.

Elle avait raison, je risquais d'avoir des problèmes si la grue chargeait à nouveau. Je ne voulais pas être là quand ça arriverait.

On se rua tous les deux dans l'escalier d'urgence et arriva au premier étage.

Tenant toujours le réservoir, Karen dit :

— S'il tient vraiment à foncer dans le bâtiment, c'est notre chance, non ? Si on jette la bonbonne depuis la fenêtre, on pourrait peut-être la faire tomber sur le toit de la grue.

— Non... Attends. C'est quoi ce bruit ?

Le moteur de la grue mobile était suffisamment bruyant pour qu'on puisse l'entendre même en dehors de la vieille ville, mais le bruit avait changé.

Je jetai un regard par la fenêtre sans réfléchir.

Je m'étais quelque peu détendu parce que la grue ne pouvait pas nous atteindre au premier étage.

Mais alors, quelque chose d'inattendu arriva.

Un immense objet impitoyable entra en collision avec l'un des murs extérieurs du premier étage.

Je tombai par terre après avoir été touché par un des débris, mais je pense que c'était plus dû au soudain bruit qu'à autre chose. Karen et moi rampâmes désespérément pour nous éloigner de la fenêtre (ou plutôt, de l'endroit où elle se trouvait quelques instants plus tôt).

Une quantité considérable de poussière limitait notre champ de vision.

— Eh ben !!! Si je m'attendais à ça.

— Il balance quelque chose avec le câble de la grue ? Il a accroché ensemble des bouts de métal pour s'en servir comme d'un boulet de démolition ?

Je sentis le sol se pencher. C'était bien rare qu'un bâtiment fait en béton armé donne l'impression d'être si peu rassurant.

J'entendis un rugissement fendre l'air.

Le deuxième impact arrivait.

Je jetai un œil autour de moi dans l'espoir de trouver le moyen de sauter dans le bâtiment voisin. Mais trop tard. Je n'avais pas le cran de me lever dans cette situation. Dans un immense choc, un gros objet transperça le mur et vola dans le bâtiment. Si cela avait ne serait-ce qu'effleurer un humain, ce dernier aurait été fracassé.

Le plafond se mit à se fissurer et un morceau plus gros qu'un tatami tomba.

— Hum...

— Quoi ?

— Si la grue est en train de balancer quelque chose, ça veut dire que son centre de gravité est plus haut que normal, non ? Une grue a besoin d'une jambe spéciale pour renforcer sa position pendant qu'elle tend son bras. Ça veut dire qu'elle peut pas bouger pour l'instant. Du coup, on pourrait l'approcher sans trop de problème, non ?

Si on ne faisait rien, le troisième impact allait bientôt arriver.

En temps normal, même un bâtiment normal pouvait être complètement réduit en poussière. Et celui-ci avait été abandonné depuis des lustres et sa résistance aux séismes était douteuse.

Se lever et courir était suffisamment simple, mais quiconque voulant faire ça pendant que le sol tremblait énormément devait avoir envie de mourir.

Si seulement il y avait un moyen d'achever l'homme qui contrôle la grue sans avoir à bouger.

— ... Je viens d'avoir une idée horrible.

— Quoi donc ?

— Quand ce boulet de démolition fait de bouts de métal heurtera le bâtiment, tu crois qu'il faudra combien de temps avant de le sortir de là ?

— Bah... environ 10 secondes, je dirais, mais qu'est-ce qu'on peut faire en 10 secondes ? C'est même pas assez pour se lever et sauter par la fenêtre, et encore moins descendre au rez-de-chaussée.

— On attache la bonbonne au boulet. Il doit passer juste devant le corps principal de la grue pendant le balancement, alors on aura qu'à la faire sauter à ce moment-là.

— ... T'es sérieux là ?

— L'attacher avec une corde prendrait trop de temps, mais 10 secondes devrait suffire pour attacher quelque chose comme un crochet à un câble.

Avec ce boulet de démolition de fortune détruisant tout sur son passage, des pièces de barres de renforcement tordues pouvant faire office de crochet jonchaient le sol ici et là. Avec un peu de préparation, je pouvais fabriquer quelque chose pour accrocher la bonbonne.

— S'approcher de ce truc me paraît complètement fou, dit Karen.

— C'est la même chose que ma première décision.

— ?

— Si j'avais accepté la demande de la femme aux deux pistolets, j'aurais pu finir acculer dans un endroit. La jouer prudent me mènera nulle part. Dans cette attraction tout du moins, il faut que je prenne des risques si je veux l'emporter.

Le troisième impact arrivait.

Si elle venait ne serait-ce que m'effleurer, j'allais être réduit en charpie.

Mais c'était ma dernière chance.


Une odeur de brûlé et des flammes oranges prirent d'assaut mes sens.

En réalité, cette attraction qui se servait de véritables vies humaines ne progressait pas comme un divertissement scripté. Autrement dit, ce n'était pas arrangé de façon à ce que chaque ennemi n'était pas plus fort que le précédent.

De mon point de vue, mon pire ennemi avait été la première femme avec les deux pistolets.

Et avec les deux pistolets, le lance-flamme et la grue mobile maintenant vaincus, j'avais déjà éliminé les ennemis les plus dangereux en apparence.

Il ne restait plus que le couteau militaire et le taser.

Ils n'avaient tout simplement rien à voir avec les ennemis précédents.

Cela signifiait qu'il y avait eu retournement de situation. Avec les ennemis plus forts que moi vaincus, c'était à mon tour de pourchasser les autres et les tuer.


— Ça s'est très mal passé !!! gémis-je.

Des coups de feu résonnaient. Mais ils n'étaient pas tirés dans notre direction. Ils étaient vraisemblablement audibles partout sur l'île. Évidemment, c'était un nouveau tournant. J'avais à moitié plongé derrière les débris d'un entrepôt sur le port pour me cacher avec la bunny girl.

J'entendis un bruit.

Il provenait du cadavre d'un homme roulant sur le sol avant de s'arrêter juste à côté de moi.

Il tenait un couteau militaire dans une main, mais il était tellement immobile qu'il donnait l'impression d'être congelé.

— Il ne reste plus que le taser. Ou peut-être que le dernier participant a placé le couteau dans les mains de celui qui avait le taser avant de le tuer ?

— Hayashino-san... T'as déjà oublié la présentation du début ? C'est une fille qui a le taser.

Mais il était impossible qu'un objet de self-defense comme celui-ci puisse faire un trou dans un corps humain.

La seule possibilité qui me venait à l'esprit était...

— Fait chier. Il y avait un vieux fusil de chasse dans les débris ou dans un bâtiment ?

— On dirait bien. Si la poudre avait été humide, l'arme aurait été inutilisable, mais elle peut tenir des années tant qu'elle n'est pas en contact avec l'air extérieur.

Je ne savais pas trop si ça avait été sage de la part de mon ennemi. Je n'avais aucun moyen de savoir si cette arme se trouvait vraiment sur cette île depuis des lustres ou si c'était une placée par les organisateurs. Néanmoins, utiliser une vieille arme qui avait été jetée comme un vieux tuyau rouillé était du suicide.

Quoi qu'il en soit, l'ennemi avait mis la main sur une puissance arme en prenant un risque semblable à marcher pieds nus sur un champ de mines.

La bunny girl se pencha vers moi et dit :

— À en juger par le corps, c'est un simple fusil, pas un fusil à pompe.

— Je doute qu'elle soit capable de toucher une cible à très grande distance sans lunette de visée, mais il nous reste que trois balles. Si on la tue pas sur le coup, les coups de feu lui diront où on se trouve.

— Et ce lance-pierre fabriqué à partir d'une ceinture ? On manque pas de munitions pour lui.

— Tout sera fini si on se fait tirer dessus pendant qu'on l'agite pour emmagasiner de la force centrifuge. Et il avait uniquement pour but de servir de diversion. Il suffit pas pour tuer un ennemi en un coup.

On n'avait aucune idée de combien de balles l'ennemi disposait, mais si elle avait de quoi faire, on se trouvait en grand désavantage.

Rechercher une nouvelle arme allait nous demander de passer par des zones ouvertes. Mais dans le même temps, rester au même endroit allait permettre à l'ennemi de faire le tour et nous tirer dessus avec le fusil tout en restant hors de portée de nos attaques.

Je pouvais entendre des coups de feu par intermittence, ils rongeaient le sol et débris voisins petit à petit. Elle nous cherchait plus qu'elle ne tentait vraiment à nous tuer. Mais ça n'allait pas durer longtemps. Et sa capacité à le faire montrait qu'elle avait beaucoup de munitions. Si elle découvrait qu'il ne nous restait pratiquement rien, elle pourrait passer à l'action.

... Alors on est acculés.

J'inspirai puis expirai tout en me cachant derrière les débris.

Je demandai à la bunny girl :

— La récompense de cette attraction est déterminé par le nombre de clés obtenues et non par le nombre de personnes tuées, non ?

— Oui et ?

— C'est pas gagné, mais je vais tenter un coup de poker.


Une explosion résonna et un nuage de poussière se répandit dans le sombre port.

— Kof.

Shôko Tatsukawa, la fille qui avait eu le taser et qui utilisait maintenant un fusil de chasse qu'elle avait trouvé en ville, toussa légèrement après avoir respiré un peu de poussière qui avait volé dans sa direction.

Elle avait tiré par intermittence dans les coins où pouvait se trouver son ennemi dans l'espoir de le faire paniquer, mais quelque chose avait dû s'enflammer parce que les débris avaient soudain explosé.

— Kof, kof. C'était quoi ça ? J'ai touché le réservoir d'un bateau de pêche ?

Et ensuite...

Alors que Tatsukawa regardait attentivement à travers le viseur du fusil, elle aperçut la jambe d'un homme à côté des débris en flamme.

— ... Il a sauté avec ?

Pour en avoir le cœur net, elle tira deux ou trois autres coups de feu dans cette direction mais n'obtint aucune réponse. Elle doutait qu'il se cachait toujours au milieu des ruines en flamme.

— Alors j'ai réussi ? Oh, le voilà, le voilà.

Elle aperçut le bras d'un homme dans un des interstices des gravas. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qui était arrivé au reste du corps. Il ne restait plus que le bras coincé là.

Et une seule clé était visible sur le ruban élastique à son poignet.

Et plusieurs autres clés tintaient dans ses doigts serrés.

— Il en a obtenu beaucoup. Faut croire qu'attendre jusqu'à la fin pour passer à l'action était la bonne décision.

Deux pistolets, une grue mobile et un lance-flamme.

Pendant que les autres avaient obtenu puissante arme après puissante arme, Tatsukawa s'était retrouvée avec un taser. Les autres participants l'avaient regardée avec pitié.

Mais elle ne le voyait pas de cet œil-là.

Les règles ne stipulaient pas qu'elle devait se contenter de son armement initial.

Elle avait deviné que les autres participants allaient s'en prendre à ceux qui avaient les armes les plus menaçantes en premier et garder les plus faibles pour la fin. Et ainsi, Tatsukawa n'était pas leur priorité. Elle s'était fautilée dans la ville et avait trouvé une nouvelle puissante arme.

Elle émettait des doutes sur sa capacité à avoir pu faire ça si elle en avait eu une dès le début.

Tout le monde se serait concentré sur elle, l'empêchant de se déplacer librement.

— Un, deux, trois... Oh, elles y sont toutes ! Quel idiot. Il en avait amassé tant, tout ça pour se les faire piquer à la fin.

Il lui restait encore pas mal de temps avant l'aube.

Mais elle avait toutes les clés et les autres participants étaient morts.

Il n'y avait aucune raison valable de ne pas mettre un terme à l'attraction.

— Voyons voir. On lui a donné cette bunny girl comme arme, mais elle est morte aussi ? Hé ! Qui gère tout ce truc ?!

— J'arrive.

Telle une serveuse de restaurant arrivant pour prendre une commande, la bunny girl sortit sa tête de sa cachette non loin de là.

Shôko Tatsukawa était prudente, mais...

— Oh ? Tu m'as appelée, non ?

— ... Hum ? Oh, j'ai pigé. Ton propriétaire a perdu, alors t'appartiens plus à personne maintenant.

Tatsukawa agita légèrement la main de l'homme avant de la lâcher.

— Enfin bref, j'ai toutes les clés. J'ai gagné. Ça sert plus à rien de continuer, alors fais le compte et paye-moi fissa.

— Hmmm. Mais l'attraction prend fin à l'aube.

— J'ai pas envie de rester plus longtemps sur cette île poussiéreuse.

— N'empêche que t'as du courage pour utiliser ce vieux fusil de chasse. T'avais pas peur qu'il t'explose à la figure ?

— Ugeh. C'est possible ça ?!

Que ce soit dû à un sentiment de supériorité d'avoir vaincu tout le monde ou à la peur de tout perdre en se faisant sauter à la toute fin, Tatsukawa se dépêcha de jeter le fusil de chasse par terre.

La bunny girl continua à sourire et dit :

— T'es sûre que tu veux que je fasse le compte avec ça ?

— Allez, finissons-en.

— D'acco-d'ac.

La bunny girl vérifia chaque clé en métal attachée au ruban élastique que tendait Tatsukawa.

Toujours en souriant, elle dit :

— Hm, t'as zéro clé valide d'après les règles. Du coup, t'as droit à aucune récompense.

Pendant un instant, Shôko Tatsukawa ne comprenait pas ce qu'on lui avait dit.

— Quoi ?! Mais... c'est n'importe quoi ! J'ai toutes les clés !!!

— Bah, tu vois, Tatsukawa-san. Comme expliqué au début, la clé du début ne compte pas.

— Je parle pas de celle-là ! Et les autres qui sont là alors ?!

— Quoi, celles-ci ?

La bunny girl jeta les clés par-terre comme des déchets.

— Ce sont des fausses fabriquées à partir d'un moule d'une vraie clé et en mettant du plomb fondu à l'intérieur. Les poids de pêche ont été facile à trouver et le plomb est bien connu pour être facile à fondre.

— Qu-que...?

— Oh, ce bras arraché ? Il appartient à l'homme au couteau que t'as tué. Il avait même un couteau sur lui, alors c'était pas trop dur à mettre en place.

L'esprit de Shôko Tatsukawa se vida, mais alors, une pensée la traversa.

Tatsukawa avait appelé la bunny girl pour mettre fin à l'attraction parce qu'elle pensait que tous les autres étaient mort et qu'elle avait toutes les clés. La limite de temps initiale était l'aube, alors si elle n'avait pas encore trouvé toutes les véritables clés...

— C'est pas fini, idiote, dit une voix masculine sur le côté.

Mais avant que Tatsukawa n'ait le temps de se retourner, Hayashino, qui tenait les vraies clés, n'hésita pas à presser la détente de son pistolet chargé avec les trois dernières balles.

Exactement trois coups de feu retentirent et Tatsukawa s'effondra sur le côté.


Et ainsi, tout avait réellement touché à sa fin cette fois-ci.

Une lumière brillante recouvrit l'île toute entière, comme si l'obscurité précédente n'avait été qu'un mauvais rêve. Cela ressemblait aux innombrables projecteurs utilisés dans les théâtres. La lumière n'avait aucune chaleur, mais la luminosité semblait avoir rétabli la réalité comme les lumières d'une salle de cinéma après la fin de la projection d'un film.

Un grand nombre d'hommes et de femmes en uniforme de travail apparut de nulle part.

La bunny girl sourit et s'adressa à moi.

— Bien joué.

— J'ai juste eu de la chance. Si elle s'était rendue compte que c'étaient des clés en plomb, à qui appartenait le bras arraché, que les clés avaient été modelées à partir de ce feu, ou encore si elle avait été plus prudente et avait gardé le fusil de chasse, c'en était fini de moi. Difficile de dire que j'avais la situation sous contrôle.

— C'est pas ce que je sous-entendais.

Je savais ce qu'elle essayait de dire.

Aujourd'hui, j'avais fini par prendre la décision de tuer quelqu'un de mes mains.

Peu importe ce que j'étais parvenu à accomplir au final, je ne pouvais plus jamais redevenir celui que j'étais avant.

— T'as remporté 500 millions de yens. Comment tu veux être payé ?

— En liquide.

— Un diamant prendrait bien moins de place.

— J'ai dit en liquide.

Sans jamais arrêter de sourire, la bunny girl claqua des doigts. Les gens en uniforme de travail à côté d'elle se mirent à appeler quelqu'un.

— Au fait, si je peux me permettre, qu'est-ce que tu comptes faire de tout cet argent ?

— Rien de spécial, lâchai-je. J'ai juste besoin d'un montant de départ pour lancer une petite vengeance. Une vengeance contre quelqu'un comme toi.

Vous avez vu ça, Imada ?

C'est du sérieux maintenant. Je peux vraiment tuer des gens.

Imada Construction était un des plus grand entrepreneurs de la pègre qui aidait à concevoir ce genre d'attraction, mais si je pouvais jouer le rôle de quelqu'un un peu riche, j'allais sûrement pouvoir faire une apparition à leur quartier général.


Attraction 09 : Tuer quelqu'un en élucidant un mystère n'impliquant pas de meurtre[edit]

Il fallait que j'en sorte gagnante.

J'avais essayé toutes les options possibles. J'avais tout perdu : mon argent, mon statut social, et tous les gens que j'appelais mes amis. Tout le monde m'avait abandonnée. Mais je n'avais toujours pas réussi à localiser cet être cher qui avait disparu. Et ainsi, j'avais reçu l'aide d'une organisation. Elle m'avait assuré pouvoir le faire. Cela donnait presque l'impression qu'elle était impliquée dans sa disparition, mais ça m'importait peu. Tout m'allait tant que j'allais pouvoir me rapprocher de lui.

Et donc, je parcourus les règles de l'attraction.


Tout d'abord, saisir un nombre à deux chiffres dans la machine.

Puis, les deux participants doivent essayer de deviner le nombre de l'autre. Voici en quoi consiste cette attraction.


— ...

J'utilisai mon index pour saisir un nombre sur le clavier où les chiffres de 0 à 9 étaient disposés comme sur une calculatrice. Mon destin se jouait sur ce nombre.

Je ne pouvais pas voir le visage de mon adversaire.

Je n'avais aucune idée du piège que ce dernier me tendait.

C'était un peu comme être assis face à face à une table, mais un épais mur recouvrait tout sauf nos mains, comme dans les accueils d'une banque ou d'un bureau de poste. La principale différence était que ce mur était opaque et non transparent.

... C'est pénible.

Dans un duel, cela devait passer par un combat psychologique. Pour cette raison, ne pas pouvoir voir le visage de mon adversaire ou le mouvement de ses yeux était un désavantage.

Plusieurs cartes se trouvaient sur la table.

Un rapide compte m'indiqua qu'il y en avait une vingtaine et il y avait des « questions » sur chacune d'entre elles.

« Divisible par 1. »

« Divisible par 2. »

« Divisible par 3. »

« Divisible par 4. »

« Divisible par 5. »

« Divisible par 6. »

« Divisible par 7. »

« Divisible par 8. »

« Divisible par 9. »

« Pair. »

« Plus grand que 50. »

« La somme des deux chiffres est plus grand que 15. »

« Le produit des deux chiffres est plus grand que 25. »

« La différence entre le chiffre 1 et le chiffre 2 est négatif. »

« Le quotient de la division du chiffre 1 par le chiffre 2 est un nombre entier. »

« Les deux chiffres sont séparés par plus de 5. »

« Inverser les deux chiffres donne un nombre plus grand. »

« Le carré du nombre est impair. »

« Le carré du nombre est supérieur à 2000. »

« Le triple du nombre est supérieur à 50. »

Je savais qu'il existait des méthodes pour déterminer le nombre que quelqu'un avait en tête, mais je ne les connaissais pas. Était-ce possible avec juste ces cartes ou les questions étaient-elles limitées afin de m'obliger à deviner ?

La bunny girl souriante qui faisait le tour de la table tout en ignorant la cloison dit :

— Quand vous posez une question, glissez la carte correspondante dans la fente en bas de la cloison. Vous devez répondre de façon précise à la question. On vérifiera aussi, alors pas de triche, ok ?

On nous interdisait de parler si ce n'est le strict minimum pour répondre aux questions.

Du coup, il était toujours possible de jauger l'état mental de mon adversaire à sa façon de répondre.

La bunny girl ajouta alors :

— Une fois qu'un joueur a utilisé une carte, aucun des deux joueurs ne peut plus l'utiliser. Autrement dit, si un de vous utilise « Pair », aucun de vous deux ne pourra à nouveau s'en servir.

— ...

— Vous jouerez tour à tour. Quand vous aurez deviné le nombre de l'autre, appuyez sur ce bouton. Le premier à répondre aura gagné, mais vous perdrez automatiquement en cas de mauvaise réponse. Bref, vous serez tué, alors réfléchissez à deux fois avant de répondre.

— Une question.

— Oui, qu'y a-t-il ?

— Si on joue l'un après l'autre, celui qui joue en premier est avantagé, non ? Il a le droit de choisir en premier la carte qui ne pourra plus être utilisée, et il aura plus tôt l'information nécessaire pour trouver le nombre.

— Mais une série de cartes peut servir à déterminer le nombre. L'autre joueur n'aura peut-être plus la carte la plus utile à disposition, mais aura l'opportunité de deviner la stratégie de l'adversaire et donc de lui couper l'herbe sous le pied. Et pour ce qui est de la réponse finale, on donnera également une chance à l'autre joueur de répondre si le premier a vu juste. Si les deux répondent correctement, la partie se termine sur un match nul. Vous devrez donc entrer un nouveau nombre et recommencer.

— ...

La bunny girl lança nonchalamment une pièce pour déterminer l'ordre.

— Ok, Saiki-san, c'est toi qui commences.

Je jouais en première.

Je jetai un œil aux cartes alignées sur la table. Au premier abord, on croirait que chacune était opportune, mais ce n'était pas le cas. Il y avait plusieurs pièges évidents qui donnaient la même information qu'une autre carte.

« Divisible par 2. »

« Pair. »

« Le carré du nombre est impair. »

Ces trois-là signifiaient la même chose.

« Divisible par 2. »

« Divisible par 4. »

« Divisible par 6. »

« Divisible par 8. »

Ces quatre-là...

« Divisible par 3. »

« Divisible par 6. »

« Divisible par 9. »

... et ces trois-là étaient plus intéressants quand on utilisait le nombre le plus petit. Bien entendu, elles pouvaient avoir leur utilité en fonction de la situation.

Mais il y avait une question que je devais poser en premier.

Une question primordiale pouvait réduire considérablement le champ des nombres possibles pour un nombre à deux chiffres.

Et...

En prévention de ça, je voulais empêcher mon adversaire de l'utiliser.

— Celle-ci, marmonnai-je tout en glissant la carte dans la fente de la cloison pour poser la première question à mon adversaire.

La carte disait, « Plus grand que 50. »

La réponse que je reçus fut :

— Non.

Cela signifiait que le nombre était inférieur à 50.

Je savais exactement quelle carte utiliser ensuite, mais...

Une carte tomba vers moi depuis la fente.

Je la lus.

« Pair. »

— ... Non.

Alors c'est ça ta stratégie, hein ? T'es trop naïf.

Comme expliqué précédemment, certaines cartes signifiaient la même chose mais exprimée différemment.

Je saisis une de ces cartes et la glissai dans la fente.

« Divisible par 2. »

— Oui.

Ainsi, j'avais ramené les possibilités à un quart des 100 candidats.

Autrement dit...

2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20, 22, 24, 26, 28, 30, 32, 34, 36, 38, 40, 42, 44, 46, ou 48.

Mais réduire précisément cette liste allait devenir compliqué maintenant.

Alors que je passais en revue cette suite de nombre dans mon esprit, une carte tomba sur la table.

« Divisible par 3. »

— ...? Non, mais...

Je fronçai des sourcils en voyant la carte, mais répondis malgré tout.

Il vient de me demander si c'était pair ou impair, alors pourquoi ?

Ah ?!

— Saiki-san, merci de te contenter de répondre aux questions.

La bunny girl m'avait gentiment réprimandée, mais j'avais d'autres choses à me soucier.

Ça craint.

Ça craint !!

J'avais répondu non au fait qu'il soit pair et non au fait qu'il soit divisible par 3.

L'information donnée à mon adversaire était évidente.

J'avais révélé que mon nombre était un nombre impair bien spécifique.

S'il me demandait s'il était divisible par 5 puis par 7, il allait réduire drastiquement le champ des possibles. En répondant deux fois non, il allait découvrir que j'avais choisi un nombre extrêmement particulier qui n'est divisible par aucun nombre entier !

Est-ce que je devrais utiliser l'une ou l'autre pour l'empêcher de les jouer ?

Mais aucune de ces cartes n'allait m'aider à déterminer le nombre choisi par mon adversaire. J'allais gâcher un tour. La première personne à bien répondre l'emportait, alors il était préférable de trouver son nombre en le minimum de cartes.

— Saiki-san ? Allez, plus vite.

Kh.

Est-ce que je devrais tenter le tout pour le tout en essayant de trouver son nombre le plus vite possible ?

Ou est-ce qu'il valait mieux ne pas prendre de risque en protégeant mon nombre ?

Après avoir un peu réfléchi, je glissai une carte dans la fente.

« Divisible par 5. »

— Oui.

... Hein ?

J'avais tellement eu peur de tenter le diable et d'avoir gâché un tour, mais cela avait en fait réduit considérablement la liste des candidats.

Après tout, les seuls nombres possibles étaient...

10, 20, 30, et 40.

Il n'y avait que ces quatre-là.

Dans ce cas, je pouvais déterminer son nombre avec deux cartes qui réduiraient chacune de moitié cette liste.

Mais qu'allait faire mon adversaire en réponse ?

Après avoir été acculé à ce point, il allait sûrement utiliser une de ces très bonne carte à laquelle je pensais. Mais...

« Divisible par 7. »

— Hein...?

J'étais prise de court.

Mais... quoi ?

Il était vrai que c'était une stratégie comme une autre, mais...

— Saiki-san, ta réponse, s'il te plait.

— N-Non.

J'avais répondu honnêtement, mais je n'étais pas satisfaite.

Je ne pouvais que penser que mon adversaire avait pour optique de déterminer mon nombre le plus vite possible pour mettre fin à la partie avant que sa situation défavorable ne se retourne contre lui.

Mais pouvait-il vraiment jouer sa vie sur ça ?

Je pouvais en finir en devinant son nombre parmi quatre options.

Normalement, il devrait travailler à m'empêcher d'y parvenir.

Je n'arrivais pas à comprendre à quoi il pensait.

Je me sentais vraiment mal à l'aise. Je n'étais plus sûre que la situation allait autant dans mon sens que je le pensais.

Je jetai un œil vers les cartes qu'il me restait et en envoyai une par la fente.

La question était...

« Divisible par 4. »

— Oui.

Il ne restait plus que 20 et 40 comme candidats possibles.

Mais...

Il avait répondu presque immédiatement. Il n'avait pas hésité. Et la prochaine carte qu'il m'envoya fut...

« Le produit des deux chiffres est plus grand que 25. »

Il continue avec ça ?!

Cela ne semblait pas réduire autant que « divisible par 5 » et « divisible par 7 », alors sa stratégie semblait montrer quelques failles. Et pourtant, il ne semblait manifestement pas décider à me mettre des bâtons dans les roues.

— Non.

J'avais répondu, mais le doute s'emparait de moi.

Que se passait-il ?

Mon adversaire était-il un idiot qui ne réfléchissait pas du tout ? Ou faisait-il en sorte de me faire croire que j'allais gagner ?

Autrement dit...

Et si mon adversaire n'était pas si acculé que je le pensais ?

Se pouvait-il qu'on me poussait vers une mauvaise réponse ?

Le bout de mes doigts tremblait.

Malgré tout, je saisi une carte et la glissai dans la fente.

« Divisible par 8. »

— Oui.

C'était fini.

La réponse était 40.

C'était la seule réponse possible, mais quelque chose me turlupinait. Mais quoi ? Je ne voyais aucune erreur dans mes calculs ou ma stratégie. J'avais été conduite jusqu'à la bonne réponse. Mais j'avais toujours ce sentiment de malaise au fond de moi.

Et cela venait de l'absence d'hésitation chez mon adversaire.

Cela pouvait évidemment être un bluff de sa part, mais à quoi bon ? Jouer ne serait-ce qu'une carte m'aurait forcée à jouer plus de cartes pour trouver la réponse.

— ... Attends.

Une seconde.

Se pourrait-il que...?

Je me remémorai les cartes que j'avais jouées jusqu'ici.

« Plus grand que 50. »

La réponse avait été non.

« Divisible par 2. »

La réponse avait été oui.

« Divisible par 5. »

La réponse avait été oui.

« Divisible par 4. »

La réponse avait été oui.

« Divisible par 8. »

La réponse avait été oui.

Rien ne paraissait étrange au premier abord, mais la séquence de « divisible par X » me travaillait. Il était divisible par 2, 4, 5 et 8. Il était divisible par tout ce que j'avais demandé. Un nombre de ce type n'était pas si courant. Et surtout, je doutais que quelqu'un joue sa vie sur un nombre aussi basique.

Pour ce qui est de sa divisibilité, le nombre que j'avais choisi n'était divisible que par 1.

Alors il devait y avoir anguille sous roche.

Comment s'appelait le sentiment inquiétant que je ressentais ? Quel était cet énorme piège que m'avait tendu mon adversaire ?

Existait-il une autre réponse que 40 ?

S'il avait choisi son nombre pour amener quelqu'un à le deviner par une méthode classique, il n'existait qu'une seule possibilité.

— J'ai trouvé !!!

Je claquai ma paume contre le bouton sur la table et un ridicule bruit électronique résonna.

La bunny girl demanda :

— Bien, Saiki-san. Quel est le nombre choisi par ton adversaire ?!

Cela allait y mettre fin.

Je devais choisir entre deux options.

Si par miracle mon adversaire n'y avait pas pensé du tout, j'étais en train de nier la bonne réponse et je courrais à ma propre perte.

Mais je doutais sérieusement que ce fusse le cas.

S'il n'avait aucun plan, il n'aurait pas montré une telle sérénité en répondant.

Dans ce cas...

Le nombre choisi par cette personne que je n'avais jamais envisagé était...

— Zéro !!!


Entracte 3[edit]

— J'ai les yeux fatigués.

— Ça fait combien de temps qu'on est là ?

— Tous ces cadavres me donnent mal au cœur.

— Hein ? Je croyais que la bunny girl était là pour mettre des bâtons dans les roues ?

— Du coup, ils auraient dû mettre un beau gosse en plus. Il faut l'égalité des sexes !!!

— Mais t'es un mec.

— Et alors ?

— Enfin bref, c'est vraiment son uniforme de travail ? Ça va pas un peu trop loin ?

— C'est comme un acte de défiance contre ce monde où même les uniformes de serveurs sont tous androgynes. J'adore ça.

— Ça veut dire qu'on va devoir mettre ça aussi si on est officiellement embauchés ?

— On n'y peut rien. Je vais prouver que je suis un homme en montrant mon corps. Après tout, c'est pas si évident de trouver du boulot ces derniers temps. On n'a pas le choix !!!

— T'es pas obligé d'avoir l'air si impatient ! Y'a que des pervers ici ou quoi ?!


(L'entracte va bientôt se terminer. Merci de continuer à nous aider dans cette supervision. Si vous n'avez pas encore commencé à remplir votre formulaire quelle qu'en soit la raison, merci de rapidement vous y mettre.)


Attraction 10 : Gagner 200 000 yens avec 1 millimètre[edit]

Il y avait cinq participants à cette attraction.

Mais même un tel nombre paraissait incroyable dans un endroit aussi saugrenu.

— Ok, voici une guillotine. Je suis persuadée que vous en avez tous déjà entendu ce nom avant.

La pièce ressemblait à celles de n'importe quel immeuble en colocation.

On avait retiré tous les meubles et autres bureaux de cette salle rectangulaire. En lieu et place, deux choses incongrues étaient visibles au centre de l'endroit.

La première était l'exemple représentatif d'un outil médiéval d'exécution, la guillotine.

La seconde était une bunny girl souriante donnant les explications.

— Ceux qui sont exécutés sont attachés ici. Vous voyez les trois trous en dessous de la grande lame ? Le cou et les poignets vont là.

La bunny girl leva son index.

— Cette lame pèse 170 kilogrammes. Celle-ci est généralement oblique pour pouvoir trancher plus efficacement une tête humaine, mais cette attraction demande une lame droite. Désolée. Certains modèles retiennent la lame avec une corde qui est coupée pour faire tomber la lame, d'autres la retiennent avec une chaîne et la relâche au moyen d'un dispositif. Ici, c'est le deuxième type.

Personne ne disait rien.

Une étrange atmosphère régnait dans la pièce.

Cet endroit semblait imprégné d'une aura où la vie ou la mort d'homme importait peu.

Il était possible que le quartier général d'une secte soit empreint de la même ambiance.

— Bon, je vais expliquer les règles de l'attraction. Mais vous en faites pas, c'est pas sorcier. Les uns après les autres, les participants vont tour à tour être attachés à la guillotine. On vous donnera un bouton à tenir avec la main droite et un autre avec la main gauche.

Elle nous montra un bouton rouge et un bleu rattachés à des fils.

Visiblement, on les utilisait en pressant avec nos pouces.

— Le bouton rouge fait tomber la lame de la guillotine et le bleu arrête cette dernière. On aimerait que vous arrêtiez tous la lame juste avant qu'elle ne vous décapite. Vous serez rémunérés proportionnellement à la distance parcourue par la lame. Cela dit...

La bunny girl leva à nouveau son index.

— Le point de référence pour la récompense n'est pas le point de départ de la lame. C'est un point à souligner. À environ un mètre de haut, vous n'obtenez rien du tout. Vous serez payés si la lame descend plus bas que ça, mais vous devrez au contraire nous payer si vous n'y parvenez pas.

Cela voulait dire qu'on allait empocher quelque chose qu'en dessous d'un mètre.

— Votre récompense sera calculée en se basant sur le fait qu'un millimètre rapporte 200 millions de yens. Si vous pouvez vraiment l'arrêter au tout dernier moment, vous remporterez 200 millions.

Un drôle d'ambiance flottait dans l'air.

On avait besoin de 200 millions.

Et on ne pouvait pas se reposer sur l'espoir vain de gagner au loto. Nos vies allaient vraiment toucher à leur fin si on ne récupérait pas cette somme immédiatement. Seules des personnes comme ça se réuniraient dans un endroit pareil.

La bunny girl sortit des lots de fortune fabriqués à partir de baguettes comme si on allait tirer à la courte paille.

Cela allait décider de mon destin.

L'attraction avait commencé.

C'était du tout ou rien.

On n'avait droit ni à un entraînement, ni à une deuxième chance, alors il nous fallait collecter autant d'information que possible afin de trouver un moyen de s'assurer la victoire.

La personne qui partait en premier était considérablement désavantagée. Je priais désespérément pour que cela tombe sur un des autres participants pour qu'ils puissent tester l'équilibre de l'attraction, mais les quatre autres devaient sûrement souhaiter la même chose.

Le premier pas en direction de la vie ou de la mort allait être décidé par ces cruels lots de fortune.

Le lot 1 fut tiré par un vieil homme à lunettes de petite taille.

Le lot 2 fut tiré par une fille d'une vingtaine d'années en kimono.

Le lot 3 fut tiré par un homme d'âge mur en costard mais qui ne semblait pas être un employé de bureau.

Le lot 4 fut tiré par moi.

Le lot 5 fut tiré par un lycéen en survêtement.

— Ok, Yamai-san, c'est toi le premier. Allez, on y va.

Alors le vieux part en pole position.

J'avais de la peine pour lui, mais je n'avais pas le temps pour ça. L'heure était d'ouvrir grand mes yeux. Il fallait que je rassemble autant d'information que possible. Ce que je désirais le plus savoir était le timing ou le temps de réponse qu'il y avait entre le moment où on presse le bouton et celui où la guillotine s'élance ou s'arrête.

J'avais besoin de rassembler toutes ces informations avant mon tour.

Il ne faisait aucun doute sur ce qui adviendrait de ma tête si je n'y parvenais pas.

— ...

Pressé par la bunny girl, le vieil homme apparemment nerveux se plaça dans l'appareil à exécution. L'outil servait à tuer des criminels, alors il ne laissait aucune dignité. Avec sa tête et ses bras en place, l'homme se trouvait dans une position rampante comme un chien.

On tendit les deux boutons au vieillard à lunettes.

C'était sur le point de commencer.

Cette attraction qui utilisait un appareil conçu pour tuer tout en jouant avec la vie et la dignité des gens était sur le point de débuter.

— Tu peux appuyer quand tu le voudras, mais je ferai moi-même tomber la lame si tu démarres pas dans les trois minutes. Si t'as assez confiance en toi, tu ferais mieux de me laisser faire.

Je n'arrivais pas à croire que c'était vrai.

J'ignorais à quelle vitesse la lame tombait, mais le fait de ne pas connaître le timing exact avec lequel elle allait tomber était un net désavantage. Le temps de réponse pouvait faire la différence entre la vie et la mort.

Son corps ainsi attaché, le vieil homme ne bougea que ses yeux dans une tentative désespérée d'examiner les alentours.

Il aurait sûrement voulu n'importe quel indice possible.

Il aurait sûrement voulu que quelqu'un lui donne des conseils.

Ou...

Il aurait sûrement voulu se lamenter sur le fait que c'était insensé malgré être allé aussi loin.

— ...

Étant donné l'angle de son cou, je ne pensais pas que le vieil homme pouvait voir mon visage alors que je baissais mon regard vers lui, mais je secouai la tête malgré tout.

S'il n'était pas tombé plus bas que terre, il n'aurait jamais été invité à cette attraction. Et il n'aurait jamais accepté de venir.

Il fallait qu'il se prépare mentalement.

Il fallait qu'il se souvienne avoir remué ciel et terre, mais en vain. S'il ne voulait pas être renvoyé dans cette impasse, il devait gagner ici même.

Et...

J'entendis un long bruit interminable, tel l'air s'échappant d'un ballon.

Je compris rapidement que c'était la respiration longue et lente du vieil homme.

Et l'instant d'après...

Le premier round commença et l'immense lame tomba.

Toutes les personnes dans l'assistance devaient sentir comme un courant électrique parcourir leur corps.

J'avais l’impression que mon cœur s'était arrêté.

Il fallait que j'observe.

Il fallait que je rassemble des informations.

Cette tâche était intimement liée à ma propre survie, et pourtant mon esprit se vida complètement à cet instant précis.

La lame de 170 kilogrammes retenue par une longue chaîne tomba verticalement. C'était un phénomène simple, et pourtant il avait un poids immense du fait de son utilité mortelle.

En réalité, le cauchemar n'avait dû durer qu'une seconde, peut-être un peu plus.

La bunny girl sourit et dit :

— Yamai-san est éliminé !

Un liquide désagréable se répandait sous la guillotine.

Mais ce n'était pas du sang frais.

C'était des larmes. C'était de la sueur. C'était de la morve. Chaque liquide qui pouvait sortir de son visage s'écoulait alors que le vieil homme tremblait. Toute la dignité acquise avec l'âge avait disparu.

Le problème résidait dans la hauteur de la lame de la guillotine.

La bunny girl examina de façon exagérée les marques de mesure sur le pilier de la guillotine.

— T'es à peine arrivé à 72,2 cm. C’est tout ! Et dire que je me suis démenée pour expliquer qu’un mètre était le zéro, et toi, t'es super loin de ça !!! Il y a deux mètres au total, mais t'as même pas fait la moitié !!!

Elle remuait le couteau dans la plaie.

La bunny girl claqua ses doigts et des hommes en uniforme de travail entrèrent dans la pièce. Ils retirèrent le vieil homme de la guillotine avant de l'emporter ailleurs.

— Et cela veut dire que Yamai-san va recevoir une pénalité ! Il recevra une dette équivalente au montant négatif de la hauteur. Voyons voir, si un millimètre équivaut à 200 millions de yens, combien cela peut-il bien faire ?

— Gh... Kh...

— Dis-moi, Yamai-san. J'ai aucune idée de ce qui t'a amené dans cette dernière attraction, mais peut-être que t'aurais été plus heureux en perdant ta tête.

— Aaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Le vieil homme poussa un cri bestial, mais les hommes en uniforme de travail retinrent calmement ses bras et jambes et l'emportèrent rapidement hors de la pièce.

Il avait sauvé sa vie.

Mais je doutais qu'il restait la moindre once d'espoir pour lui.

Il avait perdu la dernière chance de se refaire.

C'était le genre d'erreur qu'on récoltait si on échouait à laisser la guillotine tomber.

— Ok, c'est parti pour le deuxième round. Ise-san, en avant.

La femme en kimono sursauta, mais elle savait qu'il n'y avait aucune échappatoire. Afin de saisir cette dernière chance qu'il lui restait, elle devait s'allonger sur le sol comme demandé pour être enchaînée à la guillotine.

J'étais en quatrième, alors mon tour allait bientôt arriver à ce rythme.

Je voulais rassembler autant d'informations utiles que possible. Je cherchais une méthode infaillible pour arrêter la guillotine au tout dernier moment.

Et ensuite...

— (T'as pigé le truc ?) me murmura à l'oreille le garçon en survêtement tout en observant l'attraction les bras croisés. (T'as trouvé le principal problème de cette attraction ?)

— (La chaîne bouge pas aussi bien que je le pensais. Et encore, j’ose pas imaginer ce que ça serait avec des freins plus lâches.)

— (Ils veulent sûrement rendre le jeu aussi juste que possible. On a l'impression qu'ils nous regardent de haut.)

— (Même si la bunny girl a le moyen de faire tomber la lame si le participant met trop de temps ?)

— (Et s'ils pouvaient contrôler à distance les freins dans le cas où on dirait que quelqu'un va gagner ? Le bouton bleu m'inquiète plus que le rouge.)

Je ne pensais pas qu'ils feraient ça. Ou plutôt je ne voulais pas y croire.

Mes maigres observations étaient suffisantes pour m’en convaincre. Ils se délectaient de voir des gens se débattre en vain, alors ils ne truqueraient pas le jeu pour qu'on meure rapidement les uns après les autres.

Il n'empêche que j'avais décidé de demander à la bunny girl de s'éloigner du bouton pendant ma tentative.

— (Je crois qu'il y a plus important.)

— (C'est-à-dire ?)

— (Tu comprendras bien assez tôt. C'est une astuce cruelle étant donné les règles de l'attraction.)

Ma concentration s'était tournée vers le garçon en survêtement.

C'était pour ça que je n'avais pas remarqué que le deuxième round avait commencé.

J'entendis un bruit différent cette fois-ci. On aurait dit que quelque chose de mou avait été tranché.

Ma conscience fut teinte en rouge.

Je n'arrivais pas à déterminer la source de cette odeur de fer. Je ne comprenais pas pourquoi j'avais l'impression que mes vêtements étaient trempés. Je n'arrivais pas à comprendre comment il était possible que le corps de la femme en kimono avait glissé sur le sol alors qu'elle était retenue par la guillotine.

Je vis une tête.

Je vis deux mains.

Ils gisaient dans une flaque rouge vif.

— Hein ? Ah...?

Je les aperçus, je les regardai, et je les examinai.

Puis, le résultat du deuxième round finit par atteindre mon cerveau.

Échec.

Tuer.

Mort.

Ces simples mots flottaient dans mon esprit, mais ils ne semblaient toujours pas correspondre à la scène dont j'étais témoin.

Quelqu'un était mort.

Elle avait été décapitée.

Et pourtant, je n'avais pas entendu le moindre cri. La tête avait été séparée du corps aussi simplement que celle interchangeable d'une poupée. Une vie humaine n'était donc que ça ? C'était quelque chose d'aussi simple à perdre ? J'avais toujours cru qu'une vie était protégée par des sortes de murs invisibles.

— Ise-san est éliminée ! dit la bunny girl souriante qui avait été autant éclaboussée par le sang que moi.

Je devais garder la tête froide.

Je devais réfléchir. Je devais observer.

Mon destin allait se jouer sur la quantité d'information rassemblée avant mon tour. Mais malgré ce fait en tête, la scène en face de moi était tellement choquante que mes pensées semblaient manquer de continuité.

Les hommes en uniforme de travail entrèrent à nouveau dans la pièce et embarquèrent la femme en kimono qui était sans aucun doute morte.

La bunny girl essuya nonchalamment le sang sur la guillotine avant de dire :

— Ok, au suivant. Yate-san, à ton tour.

— N-non...

L'homme qui portait un costard mais qui n'avait rien d'un employé de bureau secoua la tête tout en tremblant.

— J'en peux plus !! Ce... C'est pas normal !!! C'est n'importe quoi !!! Je refuse de participer. Je préfèrerai faire le pire boulot au monde plutôt que ça !

— Yate-san ?

— Je refuse de participer. Je répète, je refuse de participer ! H-Hé !! J'ai dit que je participe pas !! Je m'en vais. Arrêtez ! Lâchez-moi !! Hé ! Bordel !! Je vous ai dit de me lâcher, putain !!

— Yate-saaan ?

Les hommes en uniforme de travail saisirent l'homme en costard, le mirent de force en position humiliante, et l'attachèrent à la guillotine qui suintait le fer.

Et c'est alors que ça me frappa.

— (J'ai compris.)

— (Vraiment ?)

— (Ils nous forcent à nous mettre à quatre pattes comme un chien, alors on peut pas voir où se trouve la lame. C'est plus qu'un simple jeu de la poule mouillée[1].)

— (Exactement. Le problème est qu'il n'y a aucun moyen de gagner sans contourner ça.)

Le troisième participant n'appuya ni sur le bouton rouge ni sur le bouton bleu.

Mais la bunny girl fit quelque chose qui causa un déclic au niveau de la chaîne et du dispositif maintenant la lame géante en place. Cette dernière chuta rapidement et la tête tomba immédiatement après.

Plus de sang frais coula à flot.

J'étais surpris de trouver ça bien moins choquant que la première fois.

Est-ce que je commençais à m'y faire après l'avoir vécu une fois ? Ou ma peur avait-elle surpassé ses limites au point de paralyser mes sens ?

Le corps fut transporté tel un vulgaire objet.

Désormais entièrement recouverte de rouge, la bunny girl dit :

— Ok, au quatrième.

Avais-je terminé mes observations ?

Avais-je trouvé une méthode infaillible ?

Non.

Ce n'était pas suffisant. Loin de là !

— En avant, Yamazaki-san.

Elle me poussait à y aller.

C'était mon tour.

De la sueur désagréable se dégagea de mon corps.

Mais je devais le faire.

On venait juste de me montrer que toute résistance était futile.

Une fois à quatre pattes comme un chien, le cou et les poignets attachés à la guillotine, je tentai de lever les yeux vers la bunny girl.

Mais je n'y parvins pas.

Je ne pouvais voir que jusqu'au niveau de ses hanches.

— Je vais le faire moi-même, alors pas touche au bouton.

— Tu crois que je tricherai ? dit la bunny girl tout en faisant comme demandé.

Et maintenant, que faire ?

Je ne pouvais pas voir la lame au-dessus de moi dans cette position. Et si je ne savais pas à quelle hauteur se trouvait la lame géante, je ne pouvais pas savoir quand presser le bouton bleu.

Dans ce cas, il me fallait mesurer le temps et la vitesse de la lame.

Mais il était trop tard pour se mettre à penser à ça une fois que c'était mon tour.

J'aurais dû le faire avant afin d'avoir une méthode parfaite et infaillible de gagner.

On m'avait donné trois chances d'observer l'attraction.

Mais je ne m'étais pas servi efficacement de ces chances.

Et si le garçon en survêtement avait en réalité fait de véritables observations ? Ou avait-il l'intention de se servir de mon tour pour ça ?

Sans information sur laquelle me reposer, j'allais devoir presser le bouton bleu en me fiant à l'instinct. Si j'étais trop lent, j'allais littéralement en mourir. Les règles étaient bien trop impitoyables pour me reposer sur mon instinct.

J'avais besoin de quelque chose.

Il me fallait quelque chose pour voir la lame de la guillotine.

— ...?

Alors que je regardais le sol en dessous de moi, je remarquai quelque chose.

Le sol.

Au lieu d'un tapis, il était disposé comme celui d'une école ou d'un hôpital. Autrement dit, il reflétait la lumière. Ce n'était pas aussi bien qu'un miroir, mais je pouvais distinguer de vagues ombres.

Je pouvais discerner les distances avec ça.

Quand on veut voir derrière soi, le bon sens est d'utiliser un miroir.

— Non...

Je me mis à serrer plus fort le bouton rouge, mais je me ravisai alors.

Une seconde.

C'est si simple que ça ?

Lire des lettres dans un miroir n'était pas évident. De la même façon, il était possible que mon esprit n'analyse pas correctement l'information même si les images étaient correctes. La lame de la guillotine pouvait tomber avant que mon cerveau ne puisse rattraper la déviation de l'image.

Quand j'y repensais, n'importe qui tomberait sur ça une fois mis de force dans cette position.

Malgré la mort de deux personnes, la bunny girl s'était à chaque fois démenée pour éponger le sang.

Pourquoi ?

C'est pour s'assurer que le piège fonctionne toujours !!

Comme un homme en train de se noyer se raccrocherait à une paille, on allait facilement tomber dans le panneau avec le manque d'information. J'avais besoin de me calmer. Il ne fallait pas que je tombe dans ce piège. Je devais observer calmement. Je devais me mettre dans la peau de ceux qui avaient mis en place ce traquenard.

Pourquoi l'avaient-ils fait ?

Ce devait être pour détourner notre attention d'autre chose. C'était une technique couramment utilisée par les magiciens. Il devait y avoir une astuce. Il devait y avoir un moyen infaillible. Ce piège était là pour nous empêcher de le remarquer.

Mais...

C'était quoi ?

C'était quoi au juste ?

— Yamazaki-san ? Qu'est-ce qui se passe ? Si la limite de temps est dépassée, je ferai moi-même tomber la lame.

Mon cœur ne battait pas correctement.

Je n'avais pas de solution.

N'avais-je pas d'autre choix que de me reposer sur mon intuition ?

Je ne pouvais pas voir la lame tomber, alors y avait-il un autre moyen de précisément mesurer la chute de la lame ?

— Il y en a un.

— Il y a quoi ?

Il y avait un moyen de le mesurer.

Je tentai de lever la tête, mais ne pus que sentir une douleur sourde dans mon cou à l'endroit où il était attaché. Je ne pouvais pas la voir tomber. Mais il devait y avoir un moyen.

Pas la lame elle-même.

La chaîne et le dispositif qui servait à la garder en place.

— Hé, gamin ! Toi là, celui qui passe après moi !!

— Hein ? Moi ?

— Dis-moi quelle taille fait le rouage au-dessus de moi et combien de dents il a ! Ça me permettra de gagner !!!

— Attends, t'es censé gagner tout seul, se plaignit la bunny girl.

T'es trop naïve.

J'avais observé pendant tout ce temps. J'avais rassemblé l'information nécessaire pour gagner.

Et donc, je pouvais en être certain.

— Il n'y a aucune règle disant qu'on n'a pas le droit de recevoir de conseil. Et notre récompense est pas impacté par le résultat des autres, alors ce gamin a aucune raison de me trahir. Écoute-moi, si je gagne, tu pourras trouver le truc. Si tu veux un moyen infaillible de sauver ta peau, aide-moi !!!

Le garçon en survêtement soupira et dit :

— Le rouage fait environ 20 cm de diamètre. Je crois qu'il a à peu près 70 dents.

J'avais gagné.

Pendant que la chaîne bougeait, le rouage allait tourner. Je pouvais compter le nombre de fois que j'entendais la chaîne et les dents s'entrechoquent. Si j'avais une idée précise d'où se trouvait la lame, je pouvais gagner ce ridicule jeu de la poule mouillée aveugle.

Et alors la bunny girl ajouta :

— Mais tu sais pas si Matsui-san dit la vérité.

— Les règles de l'attraction ne lui donnent aucune raison de me trahir.

— Mais elles le forcent pas à t'aider non plus. Et s'il avait toujours rêvé de trahir quelqu'un croyant qu'il était son dernier espoir ?

Un silence s'ensuivit.

Demander au garçon une réponse allait être inutile.

À quoi bon lui demander s'il disait la vérité ou non ?

Je caressai doucement la surface du bouton rouge avec mon pouce.

— Je peux gagner.

— Ah bon ?

— Je vais gagner et refaire ma vie !!! Et le premier pas est de faire tomber cette guillotine !!!

— J'en mettrais pas ma main à couper à ta place.

Je sentis une pression insondable émaner des boutons rouge et bleu.

Malgré tout, je devais continuer.

La guillotine.

Un engin d'exécution.

Un engin conçu pour tuer.

Je tenais le bouton qui allait le mettre en marche.

Je tenais le bouton rouge.

Et je le pressai.


  1. La poule-mouillée est un jeu à somme non-nulle, où la coopération est récompensée. Ce jeu est similaire au dilemme du prisonnier en ce qu'il est avantageux de trahir lorsque l'autre coopère. Mais il en diffère en ce qu'il est avantageux de coopérer si l'autre trahit : la défection double est la pire des solutions — donc un équilibre instable — alors que dans le dilemme du prisonnier il est toujours avantageux de trahir, ce qui rendait l'équilibre de double défection stable. La double coopération est dans les deux jeux un équilibre instable.

Vérification finale avant la remise des formulaires[edit]

Ceci conclut la supervision.

Est-ce que tout le monde a fini d'indiquer des axes d'amélioration ?

Si ce n'est pas le cas, merci de vous dépêcher.

Juste pour en avoir le cœur net, je vais maintenant répéter les consignes.

Pour chaque attraction, merci de repérer la moindre imperfection dans les règles et noter au moins trois points d'amélioration pour rendre l'attraction plus difficile.

C'est tout. C'est un jeu d'enfant. Si vous en trouvez plus que trois, n'hésitez pas à les écrire. Quoi qu'il en soit, repérez toutes les imperfections et notez-les.

Vous avez terminé ?

Ok, c'est fini.

Merci de faire passer vos formulaires de réponse jusqu'au premier rang.

Un, deux, trois... Bien, je les ai tous.

La supervision est terminée.

Nous vous remercions pour votre participation.

... Du fond du cœur.



Un étrange message vocal[edit]

« Vous avez un message. »


Salut, grand frère. C'est moi.

Bizarrement, te laisser un message me rend nerveuse. C'est drôle à quel point c'est différent quand on parle tout seul.

Mais bon, c'est pas grave.

Il paraît que tu t'es encore retrouvé impliqué dans un truc dangereux, mais si tu pouvais éviter à l'avenir.

Tu crois pas que t'es impliqué dans un truc dangereux ?

Allez quoi. C'est pas des dangers visibles que tu dois te méfier. Les vrais dangers n'ont même pas l'air dangereux, alors c'est vraiment pas évident de s'en sortir.

Et ils se trouvent souvent tout près.

Par exemple, t'as entendu parler de l'histoire de « la personne au téléphone » ?

Quelqu'un parle à son amoureux au téléphone, mais celui-ci se comporte bizarrement. Enfin, il existe plusieurs variantes à cette histoire, mais il se trouve toujours que la personne parle avec quelqu'un de dangereux et non son amoureux. Dans certaines versions, la personne s'en rend compte et ça les sauve tandis que c'est pas le cas dans d'autres.

C'est là que se trouve le vrai danger.

Ils sont soi-disant sans danger, mais après, ils contredisent cette hypothèse.

On peut croiser ce genre de choses des fois, alors fais gaffe.

... Hm ?

Je me demande si parler de ça va faire que tu vas arrêter de croire à mes messages.

Ça me rendrait vraiment triste... c'est ce que tu voulais entendre, pas vrai ? Bah, je suis pas ce genre de personnes.

Mais...

Il pourrait y avoir un risque que des gens cherchent à me joindre en se servant de ton téléphone et en se faisant passer pour toi.

Bon, je te laisse, grand frère.

Qu'une fille que tu connais ni d'Ève ni d'Adam t'appelle est un des exemples les plus appréciables de l'absurde, alors assure-toi de pas abandonner aussi tôt dans la partie.


Le glas d'une hypothèse majeure[edit]

— Uuh...

Alors qu'il ignorait où il se trouvait, Mamoru Higashikawa poussa un gémissement. Comme un matin après avoir bu suffisamment d'alcool pour remplir une baignoire, il avait mal à la tête et n'arrivait pas à se souvenir de comment il s'était retrouvé là ou ce qui l'avait mené ici.

Mais la principale raison à sa confusion était qu'il se trouvait dans l'obscurité la plus totale. Il sentait qu'il était allongé sur un sol dur, mais il n'arrivait pas à trouver de bureau, de chaise, ou tout autre meuble alors qu'il tendait son bras pour inspecter les alentours. Il n'avait aucune idée de la distance qui le séparait des murs. L'endroit aurait très bien pu être aussi gigantesque qu'un stade à dôme ou aussi petit qu'une salle de bain d'appartement.

Higashikawa cherchait la lumière.

Une idée lui traversa soudain la tête, et il enfonça sa main dans la poche de son pantalon. Mais le téléphone portable qui s'y trouvait habituellement n'y était pas. Le portefeuille qu'il gardait dans l'autre poche manquait également à l'appel. Il commença alors à se dire qu'une personne malintentionnée l'avait laissé là.

Comme il ne se souvenait de rien, il était possible qu'il les avaient lui-même jetés, mais cela paraissait plus logique que quelqu'un les avait pris.

Pourquoi est-ce que j'ai autant mal à la tête ?

La dernière chose à laquelle il pouvait se souvenir avant ce grand blanc dans ses souvenirs était un travail à mi-temps dans un parc d'attraction appelé Attraction Land. C'était un contrat à durée déterminée où il devait superviser ou analyser de futures attractions en trouvant les imperfections ou défauts à partir de vidéos. Il avait trouvé le travail sur un panneau listant des emplois autorisés par l'université où il étudiait.

Il ne voyait pas comment cela avait pu le mener dans cette obscurité.

Il ignorait dans quelle situation il se trouvait, alors il était possible que les lumières fussent juste éteintes.

Mais cela n'expliquait pas le mal de tête.

Où étaient passés les autres participants ? Où était la femme travaillant pour Attraction Land qui les avait briefés tout au long de leur travail ? Higashikawa se demanda si les autres l'avaient juste laissé affalé là au milieu de la pièce.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Une douleur se diffusait dans toutes les directions en partant du centre de sa tête.

Il n'avait pas l'impression de s'être simplement assoupi.

Il ne voyait que la possibilité d'avoir bu de l'alcool ou quelque chose de similaire, mais il ne se souvenait pas avoir bu quoi que ce soit en regardant ces vidéos.

Dans ce cas, que s'était-il passé ?

À moins qu'un étrange gaz eut été injecté dans cette pièce, il ne trouvait aucune explication rationnelle à sa situation actuelle.

Et si c'était le cas, pourquoi lui ?

Avant qu'il ne puisse arriver à la moindre conclusion, il se passa quelque chose.

Un grand bruit électronique résonna de façon répétée dans l'obscurité.

Le bruit en lui-même était quelque chose d'assez commun. C'était le son utilisé dans les centres commerciaux lors d'annonces d'enfants perdus. Par contre, il était particulièrement fort. Suffisamment fort pour faire vibrer le sol sur lequel la joue de Higashikawa était posée. Il allait sans dire que ça ne fit qu'empirer la douleur sourde dans sa tête.

Le son devenait de plus en plus fort comme celui d'un réveil.

Cela signifiait qu'on lui avait fait quelque chose qui nécessitait un tel bruit pour le réveiller ?

Une fois que le bruit se tut, une voix féminine se mit à parler.

Il ne voyait rien dans le noir, mais il y avait suffisamment de parasite pour que Mamoru Higashikawa réalise qu'elle provenait d'un haut-parleur.

— Bien, bien, bien. Maintenant que les préparatifs sont terminés, il est temps de passer aux choses sérieuses.

— ...?

C'était la voix de l'employée d'Attraction Land.

Mais Higashikawa n'avait pas la moindre idée de ce dont elle parlait.

Des préparatifs ? Aux choses sérieuses ?

— Je me doute que vous savez pas de quoi je parle. Fort heureusement, j'ai arrangé cette pièce pour vous aider à comprendre la situation en un clin d'œil. Si vous regardez par ici, je pense que vous comprendrez tout de suite.

Mamoru Higashikawa entendit un déclic.

Au même moment, sa vision fut plongée dans un blanc intense.

Les lumières de la pièce avaient été allumées.

Cela allait de soi, mais la douleur qui transperça les yeux et la tête de Higashikawa était trop puissante pour qu'il puisse comprendre au début. Ses yeux, habitués à l'obscurité, n'étaient pas en mesure de l'expliquer. Son oreille interne cessa de fonctionner correctement, alors il perdit son équilibre bien qu'allongé sur le sol. Il avait l'impression d'être sur une barque.

Il n'avait pas la moindre idée de comment il avait été assommé, mais la vitesse de dilatation de ses pupilles avait peut-être été déstabilisée.

Après 30 secondes de souffrance et de résistance à l'envie de régurgiter le contenu de son estomac, il finit par apercevoir de vagues images à travers sa vision d'un blanc pur.

Les images devinrent peu à peu nettes et Mamoru Higashikawa fut en mesure d'évaluer la situation.

Il se trouvait dans une pièce carrée de la taille d'une salle de classe. Il n'y avait pas de fenêtres et la seule sortie était une épaisse porte en métal. Il n'y avait ni table, ni chaise, ni tout autre meuble. Un haut-parleur et une horloge étaient accrochés au plafond. Ce n'était rien d'autre qu'un espace carré.

Mais il y avait une chose que Higashikawa ne comprit pas au premier abord malgré qu'elle se trouvait sous ses yeux.

Son esprit l'avait ignorée.

C'était ce sur quoi il aurait dû se concentrer le plus, et pourtant, il savait pertinemment qu'il s'efforçait sciemment de détourner les yeux.

Mais cela n'avait rien de bien surprenant.

Au centre de la pièce, se trouvait une masse de chair.

Quand il regarda de plus près, il réalisa que c'était le cadavre d'une femme à qui il manquait la tête et les mains.

Il cria quelque chose.

Comme si avoir un cadavre devant lui ne suffisait pas, il fut pris d'une intense sensation de révulsion en réalisant qu'il était sans le savoir dans la même pièce et avait respiré l'air ambiant.

Higashikawa ignorait à quel rythme les corps humains changeaient après la mort, mais il doutait que celui au centre de la salle datait uniquement de deux ou trois jours. Le corps, enveloppé dans un kimono, était devenu bleu et noir. Le pire restait la zone autour des « plaies ». De petits vers blancs gigotaient à l'intérieur.

Le corps avait été décapité.

Cela évoqua une seule image à Higashikawa.

— Une guillotine... marmonna-t-il.

Puis, il en fut convaincu.

— Elle était dans l'une de ces attractions. Une des victimes était une femme en kimono !!!

— Bien joué. Alors tu comprends maintenant qu'on est sérieux ? dit la voix féminine à travers le haut-parleur sur le mur.

Techniquement parlant, il était possible que les vidéos des attractions étaient des fausses et que quelqu'un avait ensuite créé des cadavres qui concordent avec leur contenu.

Mais cela faisait peu de différence.

En tous les cas, c'était des gens prêts à tuer pour poursuivre leurs objectifs.

— Je suis sûre que t'as compris maintenant, mais notre objectif n'était pas que vous supervisiez ces attractions. On peut toujours résoudre un problème qu'on a vu avant. C'était juste une préparation. C'était comme sortir les ingrédients nécessaires avant de faire la cuisine. C'était ce dont vous aviez besoin pour l'attraction finale. Si tu comprends pas, c'est pas grave. Notre objectif se trouve toujours devant nous ! On va toujours de l'avant !

La voix féminine parlait de façon enjouée.

— Et ça veut dire que notre véritable but commence ici !!! On va ajouter quelques nouvelles entrées dans les archives des attractions et on aimerait ton aide !!!

— ...

De nouvelles entrées dans les archives des attractions.

Même s'il savait ce que cela signifiait, Higashikawa ressentit un intense déni provenir de cette conclusion.

Mais il ne voyait pas d'autres explications.

Mamoru Higashikawa lui-même allait faire partie de ces vidéos.

On avait fait appel à lui pour être un acteur d'une nouvelle vidéo pour leurs archives.

Autrement dit...

Une attraction de vie ou de mort semblable à celles qu'il avait vues allait bientôt commencer.

— Une petite remarque, dit la voix féminine. Tu peux pas demander un temps mort ou abandonner en chemin par contre. En fait, l'attraction a commencé à l'instant même où tu t'es réveillé.

— Une seconde. Attendez !!! C'est quoi les règles de cette attraction ?! On m'a rien expliqué !!!

Mamoru Higashikawa n'avait bien entendu aucune intention de participer dans ce genre d'attraction absurde.

Mais il avait tout de même besoin de connaître les règles pour ne pas faire un mauvais pas pendant qu'il cherchait un moyen de s'échapper.

Après tout, c'étaient des jeux où des vies humaines étaient en jeu.

L'affreux cadavre au centre de la pièce ne lui rappelait que trop bien que les organisateurs avaient réellement la capacité de lui ôter la vie.

Néanmoins...

— Oh, les règles ? Ah oui, les règles. C'est une attraction digne de ce nom, alors bien entendu qu'elle a ses propres règles, dit la femme d'un air peu enthousiaste. Mais rien ne m'oblige à te le dire.

— Quoi...?

Mamoru Higashikawa sentit son cerveau s'arrêter pendant un instant.

Pour survivre, il devait comprendre la situation dans ses moindres détails, alors c'était comme si le sol venait juste de se dérober sous ses pieds.

Cependant, l'organisatrice se contenta de dire :

— Après tout, c'est nous qui contrôlons l'attraction. Tant qu'on comprend les règles, l'attraction peut continuer. T'as pas besoin de les connaître. Si tu parviens à gagner selon les règles, on te laissera évidemment tranquille. Alors bon courage !

Higashikawa ne comprenait pas.

Il se trouvait dans une situation si grave que le moindre faux pas pouvait le mener à être décapité, mais on venait de lui dire de tâtonner à l'aveugle sans savoir ce qui était qualifié de « faux pas ».

C'était une situation sans espoir.

Il ne savait même pas s'il devait quitter la pièce avant que la fin de la limite de temps ou s'il échouerait s'il le faisait. On lui avait simplement demandé de choisir.

Le corps tout entier de Higashikawa se mit à trembler de façon inquiétante.

Ce n'était pas la conséquence d'un choc mental provoqué par des facteurs extérieurs comme le fait d'être enfermé dans une pièce plongée dans le noir ou de voir un cadavre en décomposition.

Cela venait de l'intérieur.

De la peur jaillissait du plus profond de son cœur.

Mis à part le cadavre, la pièce carrée était parfaitement normale. Et pourtant, dans l'esprit de Higashikawa, elle était couverte d'innombrables mines. Il était effrayé à l'idée que faire un simple pas ou même respirer trop fort pourrait activer une de ces mines.

Il se sentait littéralement pieds et poings liés.

Alors que Higashikawa était assis sans bouger et incapable de bouger le moindre petit doigt, la femme parla à nouveau à travers le haut-parleur :

— Pour ta gouverne, le compte à rebours a déjà commencé.

— Quoi ? Quel compte à rebours ?!

— Tiens, cadeau.

Sa réponse vint immédiatement après.

Il entendit un léger bruit sourd. L'horloge murale bon marché située juste sous le haut-parleur était tombée sur le sol. La face de celle-ci pointait vers le sol, alors Higashikawa pouvait désormais voir le dos.

Quelque chose y était attaché.

Cet objet cylindrique avait des câbles de toutes les couleurs et un petit circuit imprimé accroché, ne laissant pas planer l'ombre d'un doute quant à sa nature. Un liquide clair était contenu dans un récipient cylindrique transparent, mais il était évident que ce n'était pas de l'eau.

C'était une bombe.

Higashikawa eut l'impression que le tic tac de l'horloge était soudain devenu bien plus rapide.

De la sueur désagréable s'échappa de son corps alors qu'il entendit une fois de plus la voix féminine :

— L'attraction a déjà commencé. À toi de voir pour la méthode. Et bonne chance à toi.


Jeu de la Faucheuse 01 : Décision[edit]

Partie 1[edit]

Mamoru Higashikawa se leva en panique. Il ignora le cadavre et la bombe et se rua vers la seule porte de la pièce.

C'était une porte en métal extrêmement épaisse.

Mais il avait beau pousser ou tirer, elle refusait de s'ouvrir. Il donna un coup de pied dessus puis un coup d'épaule, mais elle tenait visiblement bon. Apparemment, elle était très solide et fermée à double tour. Il aperçut une serrure près de la poignée. Le style donnait une impression différente des serrures de maison.

— Une clé ? marmonna Higashikawa en inspectant les alentours. Il faut que je trouve la clé. C'est ça le but de l'attraction ?

Aucune réponse ne parvint du haut-parleur.

Higashikawa fouilla la pièce. L'espace carré ne contenait aucun meuble. Aussi petite la clé était-elle, il aurait dû la trouver sur le champ vu qu'il n'y avait nulle part où la cacher. Et pourtant, elle n'était pas là. Il ne pouvait pas la trouver. Mais y avait-il vraiment une clé dans la pièce ? Ou alors...

Si elle est cachée...

Higashikawa jeta un œil vers le mur d'où l'horloge était tombée sur le sol. Cette dernière s'était trouvée être une bombe à retardement avec un compte à rebours d'une durée inconnue. La clé pouvait être cachée à l'intérieur, mais il n'avait pas envie d'y toucher sans précaution.

L'idée que Higashikawa se faisait des bombes provenait des films et séries télévisées, mais il était presque certain que les vraies bombes explosaient avec une mauvaise manipulation, exactement comme dans les fictions.

Mais d'un autre côté...

La bombe a été installée sur l'horloge. C'était parce qu'il n'y avait plus de place à l'intérieur ?

Et les parties extérieures telles que le circuit imprimé et la bombe en elle-même étaient parfaitement visibles. Elles n'avaient pas été cachées dans une boîte. Il ne voyait pas où la clé aurait pu y être cachée. Le récipient cylindrique contenant le liquide explosif était transparent, alors il aurait pu apercevoir une clé s'il y en avait une.

Elle n'était pas dans l'horloge.

Où pouvait-elle être alors ?

Où pouvait se cacher une petite clé dans une pièce presque entièrement vide ?

— ... Dites-moi que c'est un mauvais rêve.

Après avoir fouillé à nouveau la pièce, le visage de Higashikawa se figea.

Il y avait quelque chose qu'il avait essayé d'ignorer jusqu'ici.

Et ce quelque chose se trouvait au beau milieu de la pièce.

Le cadavre de la femme en kimono.

Il était vrai qu'une clé pouvait être cachée à l'intérieur.

— ...

Il hésitait à s'approcher.

Si c'était le cadavre d'une connaissance qui avait bien vécu, qui était morte de cause naturelle et qui aurait été correctement préparée pour des funérailles, il aurait pu être en mesure de lui faire ses adieux.

Néanmoins, l'objet au centre de la pièce n'avait rien à voir avec ça.

La femme en kimono avait été tuée de façon anormale alors il lui manquait sa tête et ses mains. Et visiblement, il s'était écoulé plusieurs jours depuis sa mort, et elle s'était transformée en quelque chose qu'aucun être humain normalement constitué qualifierait « d'humain ». Le cadavre semblait incarner le concept invisible de « mort ». Il avait l'impression qu'il allait être aspiré par cette « mort » s'il approchait sans précaution.

Mais il devait vérifier.

Une bombe à retardement qui pouvait exploser à tout moment se trouvait dans la pièce. Et il avait été jeté dans celle-ci.

Il n'avait pas la moindre idée de la puissance de la bombe, mais il ne pensait pas pouvoir y survivre dans la pièce si telle était la conséquence d'un échec.

Il estimait que la déflagration toucherait toute la pièce au minimum.

Il devait trouver la clé de la porte avant que cela n'arrive. Il devait fouiller chaque recoin possible.

— Fait chier...

À chaque pas qu'il faisait, l'envie de vomir devenait de plus en plus irrépressible. Il avait l'impression que ses pieds se dérobaient sous lui. C'était comme s'il marchait sur un bateau. Son regard était rivé sur la plaie au cou du cadavre.

Les dix pas que cela prit avaient été comme une torture.

Mais il avait fini par atteindre le cadavre.

Il s'accroupit.

L'approcher et le toucher étaient deux choses différentes. C'était même un obstacle bien plus difficile à surmonter. Mais il devait le faire. Higashikawa attrapa le tissu du kimono et retournât le corps.

Il trouva une clé argentée. Des larmes lui montèrent aux yeux. Mais quelque chose ne collait pas. La clé n'avait pas les bonnes dents.

C'était une fausse clé. L'essayer sur la porte n'allait être qu'une perte de temps et pouvait même endommager la serrure.

Il remit le cadavre sur le dos et jeta un œil au kimono. Contrairement aux vêtements occidentaux, un kimono n'avait techniquement aucune poche. Néanmoins, cela n'empêchait pas de cacher une clé à l'intérieur.

C'était le cadavre d'une femme sans tête ni mains.

Il ressentit un intense dégoût à l'idée de glisser ses mains à l'intérieur du kimono.

— Urg...

Malgré tout, Higashikawa était pressé par le tictac de la bombe.

Il tendit une main tremblante.

Il commença d'abord par la manche droite du cadavre. Il eut comme une sensation collante et son envie de vomir décupla. Était-ce le sang de la main tranchée ou est-ce que la peau de la femme commençait à se liquéfier comme de la ciboule ? Higashikawa ne connaissait pas grand-chose du processus de décomposition et il avait peur de trop y penser.

Il sentit alors une clé dure.

Mais quand il sortit sa main de la manche du kimono, il tenait une autre mauvaise clé. Quelque chose de marron et mouillé recouvrait le bout de ses doigts. Une odeur aiguë parvint à son nez. Il crut qu'il était sur le point de s'évanouir. Mais il sentait également qu'il allait perdre la tête s'il s'arrêtait maintenant. Tout en réfléchissant le moins possible, Higashikawa se remit au travail.

Il tendit sa main un peu partout dans le kimono, mais ne trouva que des mauvaises clés.

Il était allé si loin et pourtant, en vain.

Il se mit soudain à se demander s'il était vraiment utile de continuer à chercher la vraie clé.

Peut-être pouvait-il creuser le mur avec ces clés ? Il n'avait pas besoin d'ouvrir un trou suffisamment grand pour passer. Il lui suffisait de creuser autour des joints de la porte. Puis il pouvait retirer celle-ci.

Mais...

Il continua à chercher la bonne clé. L'ennemi lui laisserait-il ignorer la bonne méthode pour sortir ? Il était question des mêmes personnes qui avaient préparé ce cadavre.

S'il ne trouvait pas la bonne clé, la bombe allait lui exploser à la figure.

La situation extrême lui donnait l'impression que son estomac allait imploser, mais c'est alors qu'une pensée traversa son esprit.

Il se rendit compte d'où la clé pouvait être cachée.

Il avait songé à un endroit.

— ...

Avec un visage presque stoïque, Mamoru Higashikawa regarda en direction de cet endroit.

Il jeta à nouveau un œil vers le cadavre de la femme en kimono.

Néanmoins, il ne pensait pas que la clé pouvait être cachée dans ses vêtements.

Il devait chercher plus profondément.

Il y avait un endroit bien plus cruel encore.

Autrement dit...

La clé pouvait être à l'intérieur du cadavre.

Ils avaient pu l'enfoncer quelque part à l'intérieur.

— Dites-moi que c'est un mauvais rêve...

Higashikawa secoua la tête à l'idée qu'il avait lui-même envisagée.

Il voulait le nier.

Mais avec les organisateurs qui avaient imaginé et mis en place ces attractions, c'était très possible.

— Dites-moi que c'est un mauvais rêve !!!

Higashikawa cria, s'encouragea énergiquement, et se mit à enfoncer son doigt à la surface du cadavre de la femme en kimono. Il pressait suffisamment fort sur son doigt pour qu'il puisse plonger dans la peau en décomposition. Si une clé se trouvait sous la peau, il pensait pouvoir sentir une bosse.

Mais il ne savait pas.

Il n'était pas sûr.

Se contenter de presser avec un seul doigt n'était pas suffisant pour déterminer si une clé s'y trouvait ou non.

Ce qui signifiait que...

Il n'avait pas d'autre choix que de vraiment découper le corps et vérifier.

— ………………………………………………………………………………………………………………………………………

Alors que Higashikawa imagina la scène dans sa tête, il se mit à se rouler par terre.

Et il hurla.

— Aaaahhhhhhhhhh !! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Il avait l'impression qu'il allait recracher son estomac tout entier. Il agita inutilement ses bras et ses jambes. Des larmes coulaient de ses yeux et sa vision se brouilla. Il ressentit comme une sensation lancinante sur ses paumes.

Allait-il le faire ?

Devait-il vraiment le faire ?

Mort ou vivant, un humain reste un humain. Ce cadavre bleu foncé qui le repoussait au plus haut point jusqu'ici lui fit penser au mot « humain ». Il allait l'ouvrir. Il allait regarder à l'intérieur. Ces actes sonnaient comme une profanation.

Mais le temps continuait de s'écouler.

S'il ne voulait pas mourir dans l'explosion, il devait essayer toutes les possibilités qui lui venaient à l'esprit.

Il essuya ses larmes et regarda autour de lui.

Quelque chose brillait sur le sol près de l'horloge qui était tombée sur le sol. C'était des morceaux de verres acérés. Ils provenaient de la vitre de protection de l'avant de l'horloge qui s'était brisée dans la chute.

Il pouvait se servir d'un morceau comme d'une lame.

— Ar... g...

Higashikawa se releva lentement.

Il ne voulait pas mourir.

Il ne voulait pas être réduit en autant de morceaux que la logique et le bon sens l'avaient été.

Il traversa la salle pour ramasser le plus gros morceau de verre et fit ensuite à nouveau face au cadavre de la femme en kimono. Sa gorge se noua bruyamment. Il devait l'ouvrir, sortir le contenu et tout examiner. C'était inévitable s'il voulait absolument survivre.

Il s'accroupit.

Il retira le kimono de la poitrine du cadavre.

Ce qui se trouvait en dessous était encore pire qu'il le pensait. Pendant un instant, sa vision s'assombrit et de l'acide gastrique remonta dans sa gorge, mais il parvint plus ou moins à se contenir. Il concentra attentivement son attention sur l'éclat de verre qu'il tenait entre les doigts de sa main droite. Il le porta jusqu'à la poitrine immobile du cadavre.

Il appuya.

L'éclat transparent s'enfonça d'environ cinq millimètres et Higashikawa secoua frénétiquement la tête.

Il était trop tard pour mettre une main devant sa bouche.

— Geh !! Ugeehhhh !! Gbggh !! Gbh !!

Il avait l'impression que son estomac était soudain directement relié à sa bouche. Comme de l'eau s'écoulant dans un tuyau, du vomi éclaboussa le sol.

Presque tout son être criait qu'il en avait assez.

Mais il n'allait pas survivre s'il choisissait la voie de la facilité. Il connaitrait le même destin que ce cadavre. Et être réduit en miettes par une bombe devait être même encore pire qu'être décapité par une guillotine.

Higashikawa se saisit à nouveau de l'éclat de verre.

Il le plaça contre le centre du corps de la femme au kimono et appuya de tout son poids. Après s'être assuré que la pointe s'était enfoncée, il sentit d'intenses courants d'électricité statique parcourir son cerveau. Le vertige l'emportait sur lui alors qu'il enfonçait l'éclat de verre dans le nombril de la femme.

C'était une sensation différente que de couper un bout de papier avec un coupe-papier.

Il sentait continuellement comme une accroche alors qu'il tranchait la chair.

Comme la femme était morte depuis plusieurs jours, elle ne saignait pas tant que ça. À la place, quelque chose de plus noir que rouge fuitait. L'odeur acerbe se répandit encore plus. Il réalisa une fois de plus que ses entrailles étaient en train de pourrir.

Le cœur de Higashikawa était déjà complètement tétanisé.

Il avait imaginé ça comme ouvrir une double porte, mais ce n'était pas trop le cas. Le résultat final était comme une fente dans un paquet de mouchoirs jetables. Il ne pouvait pas voir l'intérieur de l'extérieur. La tête vacillante, il tendit ses deux mains et glissa ses doigts dans la fente verticale qu'il avait faite.

Il sentit quelque chose d'horriblement mou et spongieux.

Il tâta principalement le centre du haut du corps, où son estomac se trouvait, mais pour ne trouver finalement qu'une mauvaise clé.

On ne lui avait pas fait avaler la bonne clé.

Cela signifiait qu'on l'avait mise par la chirurgie quelque part ailleurs.

Il allait devoir l'ouvrir en grand et chercher partout, de son dos aux bouts de ses bras et jambes.

La respiration de Higashikawa devint irrégulière et il avait l'impression de manquer d'oxygène malgré que la pièce était remplie d'air.

Il pressa la pointe de l'éclat de verre contre le bras droit du cadavre et l'ouvrit.

Il sentit quelque chose de dur près du coude.

Il enfonça ses doigts dans la plaie et essaya de le sortir, mais en vain.

Ce n'était pas une clé. Quand Higashikawa réalisa que l'objet était blanc, il vomit une deuxième fois.

Malgré tout, il n'avait pas d'autre choix que de continuer.

Ce n'était pas le moment de tergiverser sur le respect des morts.

Il trouva fausse clé ensanglantée après fausse clé ensanglantée. Il était possible qu' il y avait en lui une limite au nombre de fois qu'il pouvait regarder, mais ça ne valait pas la peine d'y penser maintenant. Alors que le cadavre de la femme perdait petit à petit sa forme générale, Mamoru Higashikawa finit par trouver un objet en or dans la cuisse droite de la femme.

L'objet recouvert de quelque chose d'à la fois rouge et noir se trouvait être la bonne clé avec des dents.

Il jeta l'éclat de verre par terre.

Il ne lui vint même pas l'idée de s'essuyer les mains.

— ...

Il marcha en titubant vers la porte en métal. Il n'aurait rien trouvé de plus cruel si la clé s'avérait ne pas entrer dans la serrure, mais fort heureusement, les organisateurs n'étaient pas allés aussi loin.

La clé entrait dans la serrure.

Elle tournait.

Ce qui retenait la poignée jusqu'ici n'était plus. La porte s'ouvrit facilement.

Il tomba pratiquement hors de la pièce.

Mamoru Higashikawa fit quelques brèves inspirations pour essayer de prendre de l'oxygène tout en étant allongé sur le sol, trempé de sueur.

Partie 2[edit]

Mamoru Higashikawa se trouvait dans un couloir étroit.

Cinq portes en métal identiques étaient alignées dans ce dernier.

Il ne savait pas si elles menaient toutes à des pièces également carrées ou vers la sortie du bâtiment.

— Bon sang...

Higashikawa tendit ses mains vers la porte en métal qu'il venait de prendre et la claqua à moitié désespéré. Il ignorait si cela allait être suffisant pour arrêter la déflagration, alors il s'éloigna de la porte. Il sentit un frisson en considérant ce qui se serait passé s'il avait décidé de creuser autour de la porte pour s'échapper sans utiliser la bonne clé. Son dos toucha le mur et il glissa le long jusqu'au sol.

— Et voilà !!! J'ai survécu. J'ai survécu !!! C'était ça l'attraction, bande de salopards ?!

Il avait utilisé toutes ses forces pour crier, mais ne reçut aucune réponse.

Mais alors...

Une des cinq autres portes s'ouvrit. Un homme avec un peu de barbe et portant un uniforme de travail couvert de sang en sortit.

Une colère noire et une méfiance s'accumulèrent au fond de Higashikawa.

L'homme devait avoir senti quelque chose dans le regard de Higashikawa car il cria désespérément :

— A-Attends ! Attends !!! Je suis un participant, moi aussi !!!

Higashikawa finit par réaliser quelque chose grâce à ça.

Il baissa les yeux vers lui-même.

Il était autant couvert de sang que l'homme en uniforme de travail. Salir ses vêtements était inévitable en cherchant une clé cachée dans un cadavre.

Toujours assis sur le sol, Higashikawa leva les yeux vers l'homme.

— ... T'étais à la supervision aussi ?

— Oui. Et maintenant, j'ai dû trouver une putain de clé dans la cuisse d'un cadavre. Je m'appelle Kazakami, et toi ?

— Higashikawa, répondit-il rapidement après avoir enfin pris une profonde inspiration. Désolé.

— Pas grave. T'as fait preuve de beaucoup de self-control pour pas me sauter dessus.

L'homme nommé Kazakami tenta d'essuyer la sueur sur son visage mais se rendit alors compte que ses mains étaient toujours couvertes de sang. Il fit une grimace.

— Attraction Land est un parc d'attraction connu dans le monde entier, alors je pensais que c'était un job sûr. ... Et au final, voilà ce que je trouve. Est-ce que ça pourrait être pire franchement ?

— Ah, à ce sujet...

Au moment-même où Higashikaa allait parler, deux autres portes en métal s'ouvrirent. D'une sortit une femme en tailleur qui ressemblait à une froide carriériste et de l'autre apparut une lycéenne en uniforme scolaire.

Leurs vêtements étaient également ensanglantés.

Visiblement, tout le monde avait eu un cadavre à fouiller.

La carriériste dit qu'elle s'appelait Hiyama et la lycéenne Matsumi.

Après avoir échangé leurs noms, Higashikawa revint au sujet principal.

— C'était censé être un boulot pour Attraction Land, mais qu'est-ce qui nous dit que c'est vraiment eux ? C'est un célèbre parc d'attraction, alors peut-être que quelqu'un se sert juste de son nom.

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— Oui, je pense pas qu'un groupe international puisse être impliqué dans des jeux aussi dangereux. Peut-être que quelqu'un se sert de grands terrains sans autorisation.

Le sang sur ses mains devaient la gêner car Hiyama les frotta contre le mur encore et encore.

— Et déjà, une société avec un tel chiffre d'affaire n'aurait pas besoin de prendre autant de risques.

— C'est vrai, acquiesça la lycéenne appelée Matsumi. Mais où sont passés les autres participants ? Si je me souviens bien, on était trente ou quarante à regarder ces vidéos.

Il n'y avait que cinq portes.

S'il y avait un participant derrière chacune, le compte n'était pas bon.

Les autres étaient-ils dans leurs propres attractions dans un autre endroit ?

Ou...

Toutes ces attractions avaient déjà été terminées ?

L'homme en uniforme de travail, Kazakami, fouilla dans ses poches.

— Hé, quelqu'un a un portable ? Je veux appeler les flics.

— On m'a pris le mien, dit Matsumi.

Higashikawa et Hiyama secouèrent la tête.

Les organisateurs les avaient vraisemblablement confisqués en préparation de ces attractions.

— Ça craint. Ils peuvent choper nos infos personnelles à partir de la mémoire des téléphones.

— Une seconde !!! Alors ce groupe de psychopathes va connaître nos adresses et les numéros de nos amis ?!

— S'enfuir ne suffira pas.

Hiyama poussa un bref soupir.

— Et si ces vidéos sont vraies, les organisateurs tuent des gens pour le plaisir de façon quotidienne. Leur système en place doit sûrement leur permettre d'échapper à la police même si on les dénonce. Je n'ai aucune idée de ce que ça pourrait être par contre.

— Alors qu'est-ce qu'on est censés faire ? demanda Kazakami.

Hiyama le dévisagea légèrement et dit :

— Mais ce ne sont pas les preuves de leurs crimes qui manquent ici. Si on en rassemble assez pour prouver en quoi consistent ces attractions... Bah, ça serait bien de les faire mettre derrière les barreaux, mais même si on n'y arrive pas, on pourrait avoir le moyen de les menacer pour qu'ils nous laissent tranquille.

— Attends. Tu proposes qu'on continue plutôt que d'essayer de s'enfuir d'ici ? coupa véhémentement Kazakami. Ça va marcher ?! C'est comme se forcer à s'enfoncer dans la forêt. C'est du suicide !

— Alors qu'est-ce que tu proposes ? On peut supposer qu'ils sont en possession de nos données personnelles grâce à nos portables. S'enfuir maintenant ne changera rien s'ils peuvent venir nous cueillir chez nous.

— J'ai aucune idée de ce qu'on peut faire, mais s'échapper d'ici vient en premier. On pourra toujours se contenter d'abandonner nos maisons pour s'enfuir sur des îles tropicales.

La lycéenne appelée Matsumi secoua la tête.

— Si on en avait les moyens, on serait jamais venus faire ce boulot.

— On n'a qu'à aller dans un pays avec un niveau de vie très bas ! On peut vivre de façon suffisamment confortable pendant un moment.

Malgré l'explication enthousiaste de Kazakami, cela ne paraissait tout simplement pas réaliste. Et cela était particulièrement vrai pour Matsumi qui était toujours chez ses parents. Une mineure comme elle ne pouvait pas choisir de quitter le pays.

Non pas que la situation de Mamoru Higashikawa était si différente.

— Dites, dit Hiyama comme si elle venait soudain de réaliser quelque chose.

Higashikawa regarda vers elle et vit qu'elle regardait une des cinq portes en métal.

— Est-ce que quelqu'un sait quand vont exploser ces bombes ?

— Non, nia Matsumi. On m'a expliquée aucune règle de l'attraction.

— Pourquoi cette question ?

— Eh bien…

Hiyama pointa un menu doigt en direction de la porte qu'elle regardait.

— Cette porte est la seule qui ne s'est pas encore ouverte. Je n'ai aucune idée de quand la bombe explosera, mais la personne à l'intérieur ferait mieux de sortir au plus vite, non ?

— ...

Ils se tournèrent tous en direction de la porte non ouverte.

Kazakami prit la parole comme pour chasser un mauvais pressentiment.

— Bah, on sait pas si y'a vraiment quelqu'un derrière chaque porte. Peut-être que celle-ci mène hors du bâtiment.

— Mais...

Et si quelqu'un était enfermé à l'intérieur avec une bombe ?

Et s'il n'avait pas réalisé que la clé était dans le cadavre ?

Ou et s'il savait que la clé y était mais n'avait pas le courage de l'y chercher ?

Higashikawa, Matsumi, Kazakami et Hiyama.

Tous les quatre avaient décidé de survivre. Mais cela ne voulait pas dire que tout le monde prendrait la même décision dans la même situation.

— Hé ho...

L'instant d'après, Higashikawa était en train d'interpeller en direction de la porte.

Personne n'essaya de l'arrêter.

Higashikawa se leva et courut vers la porte en métal. Il frappa frénétiquement avec ses poings sur celle-ci et cria :

— Hé ho !! Y'a quelqu'un ?! T'as abandonné après avoir trouvé que des fausses clés ? Tu sais où se trouve la bonne, pas vrai ? C'est pas le moment de tergiverser !! Dépêche-toi de sortir de là !!

Il essaya de tourner la poignée, mais comme prévu, elle était fermée et ne voulait pas bouger. Tenter de l'enfoncer serait inutile.

Pendant ce temps, une frêle voix féminine se fit entendre de l'autre côté de la porte.

Higashikawa ne savait pas si la voix était vraiment si faible ou si c'était à cause de l'épaisseur de la porte.

— ... Je ne peux pas.

— Tu peux pas quoi ?!

— Je ne peux pas le faire. Je ne peux pas... C'est... C'est...

— Fait chier, jura Higashikawa en serrant les dents.

Si la personne à l'intérieur ne découpait pas le cadavre pour récupérer la clé, elle n'allait pas pouvoir sortir de là. Et si elle ne sortait pas, elle allait finir par être réduite en poussière par la bombe à retardement.

La femme à l'intérieur le savait pertinemment, et pourtant, elle avait choisi de ne rien faire.

Higashikawa ignorait si elle fuyait simplement de regarder les choses en face ou si elle était indécise. Il pouvait apercevoir quelque chose d'une brillance aveuglante en elle.

Mais tout était fini si elle ne faisait rien.

Cette chose brillante avait été complètement normale il n'y avait pas si longtemps et maintenant, c'était bien trop dur de ne serait-ce que la regarder en face. Et elle allait bientôt être détruite dans une explosion.

Higashikawa frappa avec ses poings sur la porte et cria :

— Allez !! Sors de là !! C'est pas le moment d'être idéaliste ! On a tous dû passer par là. C'est pas nous les fautifs dans l'histoire !!

— Mais... mais...

— La bonne clé se trouve dans la cuisse droite du cadavre. Pas la peine de faire un gros trou. Une petite ouverture suffira ! Dépêche-toi de le faire !!

— ... Je ne peux pas. Je ne peux pas vivre comme ça. Je ne tiens pas tant que ça à la vie. Ne vous en faites pas pour moi. Du moins, bon courage pour survivre...

Higashikawa sentit une intense bouffée de chaleur remonter de son estomac.

Ce n'était ni de la confusion ni de la peur face à la situation insensée dans laquelle il s'était retrouvé.

C'était de la colère.

De la colère dirigée à l'encontre des organisateurs qui se délectaient de ces situations cruelles qu'ils appelaient attractions. Il ressentait une colère noire quand il pensait à eux jubilant tout en piétinant moralité et raison.

Il n'avait pas la moindre idée de qui était cette femme de l'autre côté de la porte.

Se concentrer sur sa propre situation et « abandonner » de son propre chef était peut-être une décision différente que pouvait prendre un humain. Cette décision était peut-être plus respectable que celles de Higashikawa et des autres de découper le cadavre d'un autre pour sauver leur peau.

Mais il n'arrivait pas à l'accepter.

Quelqu'un d'aussi droit n'avait pas le droit de mourir de façon aussi absurde et incompréhensible.

— ... Tu peux pas faire ça.

— Comment ça ?

— Ta décision aura beau être noble, les organisateurs ne feront que jubiler en voyant ça ! Ils applaudiront et éclateront de rire bien au chaud dans leur tour d'argent !! Et je refuse que ça se passe comme ça. Il n'y a qu'un moyen de faire jaser ces tarés et ta décision va tout gâcher !!

— Quel est... ce moyen ? Ces gens ont mis en place tout ça pour se délecter de nos déboires tout en s'assurant qu'on ne pourra jamais les atteindre. Je ne vois pas comment on pourrait lutter. Et même si on le pouvait, ne vous en faites pas pour moi. Vous pouvez suivre ce chemin sans moi.

— J'ai besoin de ton aide pour la méthode que j'ai en tête.

Les organisateurs avaient un pouvoir presque absolu.

Ils étaient de sinistres existences qui se servaient de vies humaines comme de vulgaires pions.

S'il existait vraiment une méthode pour frustrer ces personnes inconnues, ce devait être...

— Chacun de nous doit survivre jusqu'au bout. C'est le seul moyen de vaincre ces types !!!

Un léger silence s'ensuivit.

Higashikawa continua.

— Alors bats-toi ! Laisse pas tomber !! C'est pas la voie que t'as choisie. C'est la fin préparée par ces organisateurs et c'est celle qu'ils ont envie de voir !! Alors survis ! Survis par tous les moyens !!

— ...

— ... Je t'en supplie.

Higashikawa semblait s'être efforcé de prononcer cette dernière phrase.

En laissant de côté le fait que la personne était morte, il avait découpé le corps d'un être humain. Il ne voulait pousser personne d'autre à vivre ça, et il ne tenait pas non plus à être traité de la même façon après sa mort.

Ils allaient vivre et rentrer chez eux.

Cela sonnait comme une chose particulièrement évidente, mais dans leur situation, c'était affreusement irréaliste.

Mais il reprit à nouveau la parole :

— Je t'en supplie !! On est à bout. On supportera pas la mort de quelqu'un d'autre !! Si tu meurs, quelque chose se cassera en nous. Alors je t'en supplie... Je t'en supplie ! Nous fais pas revivre ça encore une fois !!

Il ne reçut aucune réponse.

Il n'entendait rien à travers la porte.

Ses paroles n'étaient pas en mesure de l'atteindre ?

Se disant qu'il avait échoué, Higashikawa s'adossa à la porte.

Mais alors...

Il entendit un cliquetis provenant de la porte en métal.

C'était le bruit d'une clé tournant dans une serrure.

— Uuh... kh...

Il entendit quelqu'un gémir alors que la porte s'ouvrit.

Une femme occidentale avec des cheveux blonds et des yeux bleus sortit. Elle semblait avoir la vingtaine. Ses vêtements étaient recouverts de sang rouge foncé et elle avait des larmes et de la morve sur tout le visage.

— Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

La femme blonde aux yeux bleus regarda Higashikawa et les autres participants dans le couloir avant de s'effondrer sur le sol. Elle couvrit son visage avec ses mains imprégnées du sang d'un autre et se mit à sangloter.

Elle avait pris sa décision et avait perdu cette chose brillante en elle.

Mais elle avait survécu.

Higashikawa l'entraîna entièrement dans le couloir et ferma la porte en métal.

Pas moins de dix minutes plus tard, une explosion leur perça les tympans.

Malgré l'épaisseur des portes en métal, les cinq furent déformées par le souffle, et pas qu'un peu. Si l'une d'entre elles n'avait pas été fermé ou si l'un des participants s'était échappé sans utiliser la bonne clé, tout le monde dans le couloir aurait été réduit en poussière par la déflagration. Le violent bruit était suffisant pour leur faire comprendre ça.

Pendant un moment, les cinq regardèrent les portes déformées.

Pour l'instant, ils n'avaient fait aucun sacrifice.

Il fallut trois bonnes minutes avant que cela ne fit mouche.

— ... C'est fini, marmonna Higashikawa le regard vide. C'est fini.

— Oui, acquiesça la carriériste nommée Hiyama. Mais quoi ?

— ...

Ils avaient clairement franchi la première attraction. Mais ils n'avaient pas la moindre idée d'où ils se trouvaient et il ne semblait pas y avoir de sortie ; même s'ils parvenaient à s'échapper, il n'y avait aucune garantie que les organisateurs ne les poursuivraient pas. Autrement dit, leur sécurité n'était en aucun cas assurée.

L'homme en uniforme de travail appelé Kazakami interrompit :

— Ça m'a plu.

— ?

— L'idée du seul moyen de vaincre les organisateurs.

— Je suis d'accord, dit la lycéenne nommée Matsumi. J'ignore si nos efforts suffiront, mais c'est une bonne chose d'avoir un objectif comme ça. Faire que tout le monde survive pour nous opposer aux organisateurs.

— ...

Toujours au sol, la femme blonde aux yeux bleus leva les yeux vers Higashikawa.

Il ne savait pas quoi dire.

Il finit par pousser un ouf de soulagement et se contenter de dire ce qui lui vint à l'esprit :

— Dans ce cas, allons trouver le moyen de survivre.

Les cinq se mirent en marche.

La deuxième attraction allait sûrement bientôt commencer.


Rapport d'avancement n°201[edit]

Examen des chefs d'inculpation de chaque participant.

Les paramètres de chaque participant du Joueur 1 sont les suivantes :

Mamoru Higashikawa.

Visionnage et assistance à la production de snuff films[1].

Mutilation d'un cadavre et incitation à le faire.

Tomoko Hiyama.

Visionnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Shinzô Kazakami.

Visionnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Shirauo Matsumi.

Visionnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Rachel Skydance.

Visionnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre (il n'est pas certain qu'elle l'aurait fait de son propre chef).

Des chefs d'inculpations en phase avec les objectifs de l'organisation ont été attribués avec succès à chacun des participants.

Ces derniers ayant satisfait les prérequis, le plan va continuer en se concentrant sur le Joueur 1.


Jeu de la Faucheuse 02 : Préparation[edit]

Partie 1[edit]

Visiblement, la femme blonde aux yeux bleus s'appelait Rachel.

Elle suivait une licence dans un collège en ville et avait entendu parler de la supervision dans la section recherche d'aide du journal.

Mais la lycéenne nommée Matsumi ne semblait pas intéressée par les situations personnelles de chacun.

— ... Hé, le mur s'est écroulé ici, dit l'homme en uniforme de travail appelé Kazakami.

Il était en train de jeter un œil dans une des cinq salles où les bombes à retardement avaient explosé.

C'était soit dû à la violence de la déflagration soit prévu depuis le début, car le mur entier s'était effondré, ouvrant la voie vers un autre espace.

Hiayama dans son tailleur tape-à-l'œil et Rachel avec sa peau bien trop blanche pour être japonaise se penchèrent pour regarder dans la pièce.

Il a bien joué le coup.

Matsumi se concentrait sur un seul participant parmi les quatre autres.

Il avait dit qu'il s'appelait Higashikawa.

Il semblait être étudiant à l'université. Cela avait peut-être été dû à la situation extrême ou alors il avait toujours été comme ça, mais son visage semblait toujours stoïque.

Il avait dit à chacun d'entre eux qu'ils devaient survivre pour se venger des organisateurs.

C'était un excellent objectif.

Et en tant que consœur participante, Matsumi n'avait aucune raison de le refuser.

Et par-dessus tout...

Les liens d'un groupe se renforcent souvent en trouvant l'intrus et en l'attaquant.

En sa qualité de lycéenne, Matsumi ne connaissait que trop bien ce processus. Ce problème pesait sur tout un chacun dans cet espace restreint connu sous le nom de vie scolaire.

Normalement, cet intrus doit d'abord être banni du groupe. Une fois qu'il n'en fait plus partie, la situation reste plus facilement sous contrôle.

Par exemple, disons qu'une école voisine est vue comme une rivale dans un examen blanc à venir ou dans une compétition sportive. La concurrence entre les titulaires va inévitablement éclater que ce soit en public ou en coulisse. Néanmoins, quand les objectifs s'étendent au-delà de l'école, cette concurrence peut s'effectuer de très bonne manière.

Désamorcer cette situation délicate avait demandé beaucoup de talents.

Même si Matsumi n'était certaine que Higashikawa était conscient de la situation qu'il avait créée.

Quoi qu'il en soit...

Matsumi se mit à penser à autre chose.

Elle ne pouvait pas nier qu'elle voulait prendre l'initiative de la conversation, mais forcer le passage dans une situation déjà établie n'allait que causer plus de problèmes.

Elle revérifia en se levant.

Si elle allait laisser tomber sa posture neutre, elle allait devoir se concentrer à ne pas être prise en grippe par le groupe.

Elle n'était pas entièrement d'accord avec le point de vue de Higashikawa et elle n'était pas prête à suivre les quatre autres jusqu'à la mort. Mais sa capacité à rester dans un groupe tendu lui disait qu'elle devait tout faire pour qu'ils ne s'en rendent pas compte.

Ils s'étaient déjà unis pour former un groupe pour s'opposer aux organisateurs. Si elle disait qu'elle préférait agir de son propre chef, elle pouvait facilement rompre l'harmonie du groupe. Dans le pire des cas, elle pouvait même être vue comme une alliée des organisateurs.

Elle jeta un regard vers Hiyama et Rachel, les autres femmes.

En apparence, elles avaient l'air d'être d'accord, mais n'avaient-elles vraiment pas réalisé les risques ? Ou peut-être que c'était le cas, mais elles s'assuraient juste que personne ne s'en rende compte comme elle ?

Elle ne savait pas vraiment à quoi elles pensaient vraiment.

Ils s'étaient officiellement alliés pour former un seul groupe, alors les autres pouvaient se mettre à la soupçonner si jamais elle essayait de sonder les autres filles.

— Qu'est-ce que tu fiches ? demanda Higashikawa, celui qui était à l'origine de la situation.

Tout en utilisant ses muscles faciaux pour créer un sourire inoffensif, Matsumi répondit :

— Attends, j'arrive.

Ensuite, elle passa la porte en métal qui avait été déformée par l'explosion et pénétra dans la pièce.

Cette dernière avait été vide depuis le début, mais l'explosion avait créé des fissures dans les murs et le plafond. De petits fragments devaient être tombés car le sol donnait l'impression d'être en désordre.

Mais une fois encore...

Un facteur majeur derrière cette impression avait peut-être été le cadavre qui avait été réduit en miettes éparpillées sur les murs et le sol.

Matsumi fit de son mieux pour ne pas regarder ça.

Le principal problème était le mur du fond.

Contrairement au reste de la pièce, le mur entier s'était effondré. Une autre zone s'étendait derrière. C'était un long couloir. Le sol en lino était plongé dans sa grande majorité dans une froide obscurité et était sinistrement éclairé par la lumière d'une sortie de secours.

C'était différent de l'école.

Elle semblait plus stérile et pourtant, elle donnait une forte impression de mort.

Oui.

— On se croirait à l'hôpital, marmonna Matsumi.

Comme personne ne donna d'avis contraire, ils devaient tous ressentir la même chose.

Les cinq s'aventurèrent plus loin.

Ce couloir avait une fenêtre. L'obscurité dehors impliquait qu'il faisait manifestement nuit. Mais il allait s'avérer difficile de sortir par la fenêtre. Ils étaient visiblement à plus de dix étages de haut.

Et...

— C'est quoi ce bordel ? Des barres de métal ? dit l'homme à la petite barbichette en uniforme de travail.

Oui.

Plusieurs épaisses barres de métal étaient soudées à l'intérieur de la fenêtre. Elles ne laissaient pas suffisamment d'espace pour se glisser entre elles et elles paraissaient trop fermement accrochées. Qui plus est, il était possible qu'elles soient piégées avec une bombe ou du courant à haut voltage.

Les barres de métal sur la fenêtre étaient en partie là pour empêcher les gens de s'enfuir, mais elles donnaient également un sentiment d'humiliation, comme des animaux en cage dans un zoo.

Hiyama pointa du doigt le couloir.

— Hé, je vois plus de barres devant.

— ... Quoi ?

— C'est un asile psychiatrique ?

On voit de temps en temps des hôpitaux équipés de barres de métal dans des films ou des séries télé. Mais une lycéenne comme Matsumi ignorait totalement si les véritables asiles étaient effectivement pourvus de ce genre de barres inhumaines.

Cependant, cela lui fit penser à quelque chose.

Elle se rappelait d'une certaine expression qui avait récemment fait la une des tabloïds et dans les publicités accrochées dans les métros.

— ... Ce serait le fameux Hôpital de l'enfer ?

— Ugeh ?! Pas ça... rouspéta Kazakami avec un regard manifestement contrarié.

Néanmoins, il devait également penser à quelque chose d'autre :

C'était une idée que les organisateurs de ces attractions mortelles allaient trouver absolument alléchante.

Higashikawa essuya la sueur sur son sourcil et dit :

— C'était quoi ça déjà ? Un bâtiment qui accueillait des enfants qui refusaient d'aller à l'école en prétendant les aider à retourner dans la société ? Mais ils se retrouvaient en réalité dans un hôpital avec des barreaux et y étaient torturés en guise de réhabilitation, c'est ça ? Ils ignoraient les situations personnelles des gamins et ont supposé qu'ils avaient abandonné les cours par immaturité.

— Une institution d'experts médicaux les soutenaient, alors les parents des gamins ont rien soupçonnés. J'ai entendu dire qu'au moment où les autorités se sont rendu compte de ce qui se passait, le groupe avait tellement perdu la tête qu'il avait insisté pour dire que les enfants dormaient alors qu'ils étaient momifiés dans leurs lits. Je me demande bien jusqu'où cette histoire est vraie.

Matsumi ne possédait que les informations issues des tabloïds, mais une version de l'histoire prétendait que les enfants qui faisaient des erreurs étaient punis de façon spécifique : ils étaient tirés jusqu'au bloc opératoire, se faisaient ouvrir le crâne et subissaient une lobotomie.

Elle ignorait ce qui était vrai, mais ça avait fait suffisamment de bruit pour laisser une marque indélébile dans l'histoire de la criminalité au Japon.

Et comme c'était apparemment une secte liée à la médecine, des rumeurs disaient également que la nourriture diététique et le boom des régimes y avaient contribué.

Néanmoins...

— On a aucun moyen de savoir si c'est vraiment l'Hôpital de l'enfer, dit Higashikawa. On a vu beaucoup de choses différentes dans ces vidéos d'attraction. Ça pourrait tout aussi bien être un bâtiment conçus par les organisateurs pour ressembler à ce fameux hôpital pour parvenir à leurs fins.

— C'est vrai.

Kazakami jeta un œil à travers la fenêtre barrée.

— Je vois pas les lumières de la ville dehors. Et c'est la mer au loin ?

Ils ne pouvaient voir que dans une direction, alors ils ne pouvaient pas être sûrs qu'ils se trouvaient sur la côte ou sur une île. Cela faisait une grosse différence sur ce qu'ils allaient devoir faire une fois s'être échappés le bâtiment.

En tous les cas, ils devaient continuer d'avancer, alors ils se remirent en marche.

Hélas, ils tombèrent sur plus de barreaux pas moins de 20 mètres plus loin. Une petite porte qui ne laisserait passer qu'une personne était là, mais bien entendu, elle était fermée.

Higashikawa regarda la petite porte.

— Faut croire que ça va pas être si facile.

— Mais y'a qu'un seul chemin ici. Y'aurait une clé cachée quelque part dans le couloir comme dans les salles ou est-ce qu'il y a cinq couloirs différents dans chacune de ces dernières ?

— Hé, regardez, dit Kazakami tout en pointant les barreaux.

Ou plus précisément, derrière les barreaux. La zone était trop sombre pour le distinguer de suite, mais un petit panneau était posé au milieu du couloir. Il ressemblait à ceux utilisés pour avertir que le sol était glissant.

Mais un petit morceau de papier avait été scotché dessus.

Des lettres particulièrement arrondies avaient été écrites au marqueur indélébile.

Elles disaient : « Gare au traître. »

— ...

— ...

— ...

— ...

— ...

Un silence désagréable s'installa entre eux.

C'était une simple phrase. Elle ne prouvait rien et ils n'avaient aucune garantie qu'elle était vraie.

Mais...

Ça craint.

Cela importait peu si c'était vrai ou non. Le simple fait de le voir là allait les semer le doute en eux quant à la possibilité d'un traître dans leur rang. Pour parler franchement, c'était une information qui ne devait surtout pas être soulevée. Une fois qu'elle s'était insinuée en eux, elle allait continuer à trotter dans un coin de leur tête même s'ils avaient beau le nier en surface. Cela allait semer la graine de la suspicion.

— Ils tentent juste de nous tourner les uns contre les autres. Leur objectif crève les yeux, lâcha Higashikawa tout en détournant le regard du panneau.

Rachel et Kazakami en firent de même.

— ...

Hiyama continua à le regarder pendant quelques temps, mais finit par pousser un soupir et fit de même que Higashikawa et les autres.

Matsumi ne copia personne en particulier, mais suivit le mouvement général de la situation et détourna également le regard.

Partie 2[edit]

En réalité, Matsumi n'avait aucun souvenir.

Elle avait ressenti la même chose à la fin de la supervision et quand elle s'était retrouvée dans une salle sombre. Tout ce dont elle se souvenait était une douleur sourde dans sa tête et les souvenirs tout autour devenir petit à petit vagues.

Néanmoins...

Contrairement aux autres, la perte de mémoire était assez conséquente.

À partir du moment où elle s'était réveillée, c'était presque 15 années qui avait disparu de sa mémoire.

La première fois, elle s'était réveillée dans un train vide.


Il n'y avait personne assis sur les longues banquettes de chaque côté du train. Matsumi semblait s'être endormie tout en étant assise sur le bord d'une des banquettes près de la porte. Au moment où elle fronça des sourcils face à cet étrange mal de tête et tenta de jeter un œil autour d'elle, elle entendit un léger bruit.

Il provenait de son cartable qui était tombé de ses jambes sur le sol.

Matsumi se hâta de ramasser le sac, mais personne ne l'avait vue. Les publicités accrochées au plafond tanguant avec les mouvements du train montraient les visages des personnes en charge du bâtiment surnommé l'Hôpital de l'enfer.

Elle ne pouvait pas se souvenir sur quelle ligne de métro elle se trouvait ou à quelle station elle voulait descendre.

Et cette simple question la mena vers de plus en plus de choses dont elle ne pouvait pas se souvenir. Une fois avoir compris que c'était le cas de sa propre adresse et même de son nom, Matsumi sentit comme un frisson parcourir son dos. Le mal de tête lancinant ne rendait sa présence que plus forte.

Comme pour tenter de calmer son cœur instable, Matsumi ouvrit désespérément son cartable et se mit à fouiller à l'intérieur.

Des cahiers et livres qu'elle trouva, elle apprit qu'elle était en première.

Elle se mit à s'inquiéter quand après avoir fouillé chaque poche, elle ne put trouver le moindre portefeuille ou carte de métro. Elle pouvait sentir le monstre dénommé panique ouvrir sa grande gueule, mais alors, elle sentit quelque chose sur sa cuisse. Elle enfonça sa main dans la poche de sa jupe pour vérifier son contenu.

Elle trouva un portefeuille rose flashy en lamé et un portable qui reflétait tout autant la lumière.

Mais quand elle ouvrit le téléphone, il demanda un mot de passe. Bien entendu, elle ignorait la réponse, alors elle était dans une impasse.

Elle se mit à fouiller le portefeuille.

Il semblait fonctionner comme un porte-cartes vu qu'il contenait une carte de métro de type magnétique. La surface montrait les stations qu'elle prenait : de Shirasagi à Kusanomine. La première devait être où se trouvait sa maison, alors elle supposait que sa maison était à Shirasagi.

Elle trouva également diverses cartes de fidélité avec des adresses à Shirasagi. Le nom sur les cartes était Shirauo Matsumi.

C'est comme ça que je m'appelle ?

Matsumi inclina la tête sur le côté mais cela ne lui semblait pas être elle.

Elle trouva également une photographie pliée à l'intérieur du portefeuille. Elle la déplia et aperçut son même visage souriant entre un homme et une femme d'âge mûr.

C'était une photo de famille. Et le fait que c'était du papier photo à l'ère des appareils digitaux semblait être le genre de choses sur lequel un vieil homme insisterait. De là, elle supposa qu'elle s'entendait bien avec sa famille et faisait ce que ses parents voulaient.

Le portefeuille contenait également plusieurs billets de 1000 yens et pas mal de monnaie. Une clé se trouvait également dans la poche pour les pièces. Elle devait ouvrir la porte de sa maison. Ce n'était pas un de ces clés à la forme unique qui étaient utilisées pour les vélos ou les scooters. Elle ne trouva aucun ticket de caisse. Elle devait être du genre à les jeter.

Rien dans le portefeuille n'indiquait son adresse exacte ou son numéro de téléphone.

Toutes ces données personnelles devaient sûrement se trouver dans son téléphone portable. Elle n'avait aucune raison d'écrire là ce qui était stocké à l'intérieur de l'appareil.

— Shirasagi. Prochain arrêt, Shirasagi. Toutes les personnes empruntant la ligne Bungaku ou la ligne côtière spéciale sont invitées à changer de train. Je répète : Prochain arrêt...

Matsumi se leva frénétiquement de la banquette en entendant la voix lente de l'annonce.

Le métro s'arrêta dans une station souterraine.

Elle descendit sur le quai, mais il était étrangement aussi désert que le train.

Elle savait que sa maison se trouvait quelque part à Shirasagi, mais elle ignorait tous les détails. Alors qu'elle se demandait quoi faire, elle se rappela soudain de la carte de métro dans son portefeuille.

Elle le sortit à nouveau pour vérifier et c'était effectivement un passe magnétique. Il était conçu pour la laisser passer les portiques en passant simplement devant le capteur.

Et il était censé contenir ses informations personnelles.

Elle suivit la flèche du panneau pour traverser le quai jusqu'aux portiques de la station. Elle se servit de son passe pour quitter celle-ci et s'approcha d'une machine pour les rechargements. Elle inséra sa carte et utilisa le menu pour accéder à la partie modification des informations enregistrées.

Son nom, adresse et contact apparurent immédiatement.

Visiblement, elle vivait dans un appartement et non dans une maison.

Mais avant qu'elle ne puisse pousser un ouf de soulagement, le visage de Matsumi se figea.

Quelque chose d'inattendu était écrit au milieu de ses informations personnelles.

Sa profession.

Du fait de ses vêtements, elle avait supposé que c'était simplement « étudiante », mais ce n'était pas le cas. Quelque chose d'autre était écrit là :

Employée en CDD

Département commercial d'Attraction Land

Partie 3[edit]

Du fait des barreaux métalliques qui bloquaient le couloir, ils ne pouvaient pas continuer. Était-ce vraiment une coïncidence si Matsumi et les autres s'étaient retrouvés là ? Est-ce que les cinq pièces étaient censées avoir un mur s'écroulant pour ouvrir la voie à cinq autres couloirs ?

Dans le pire des cas, ils allaient devoir retourner dans chacune d'entre elles et tenter de détruire les murs, sols et plafonds des quatre pièces restantes. Les cinq revinrent sur leurs pas et examinèrent attentivement le couloir. La seule lumière provenait de celle de la sortie de secours qui se trouvait de l'autre côté des barreaux métalliques.

C'était pour cette raison qu'il leur avait fallu autant de temps pour s'en rendre compte.

Il n'était pas certain que les organisateurs avaient même eu l'intention de la cacher.

— Là... dit Rachel d'une faible voix tout en tâtant le mur de façon exagérément lente par peur d'une aiguille empoisonnée ou tout autre piège. C'est une porte ?

Les autres se rassemblèrent autour d'elle.

Ils tâtèrent à leur tour le mur et c'était effectivement bizarre. Il était froid comme une tôle de métal. C'était vraisemblablement une porte comme Rachel l'avait dit.

Hélas, il n'y avait aucune poignée.

C'était rien de plus qu'un panneau en métal plat.

— C'est quoi cette porte ? Comment on l'ouvre ?

Kazakami fut le premier à exprimer la question qui les turlupinait tous.

Matsumi poussa avec ses deux mains, mais en vain.

— Et si...? marmonna Higashikawa avant de s'accroupir.

Il semblait chercher quelque chose dans l'obscurité.

Il était principalement concentré sur le sol.

— C'est bien ce que je pensais. Il y a un bouton là. Il suffit de marcher dessus pour ouvrir la porte.

— C'est un bloc opératoire ? Je pense qu'ils l'ouvrent avec un bouton sur le sol pour que les docteurs ne salissent pas leurs mains, commenta simplement Hiyama, mais alors elle sembla réaliser les poids des paroles qu'elle venait de prononcer.

Une grande tension traversa l'obscurité.

L'Hôpital de l'enfer avait partiellement hérité son nom de ce qui s'était passé dans ses blocs opératoires.

Des enfants en parfaite santé avaient été tirés de force ici, s'étaient fait ouvrir le crâne et avaient subi une opération de lobotomie du cerveau. C'était un endroit expérimental couvert de sang.

Les alentours ne donnaient pas une impression joyeuse.

Que ce soit le véritable Hôpital de l'enfer ou non, les organisateurs de ces attractions allaient ressentir l'attachement et l'intérêt le plus fort à cet endroit. À moins qu'ils étaient suffisamment cruels pour aller à l'encontre de cette conclusion évidente, ils devaient avoir préparé quelque chose ici.

— Qu'est-ce qu'on fait ?

— J'ai pas plus envie que toi d'y aller, mais on n'a pas trop le choix.

— ...

Rachel avait trop peur pour parler.

Matsumi ouvrit lentement la bouche pour parler de façon à ne pas provoquer trop de remous.

— Il y a de bonnes chances pour que ce soit un piège ou l'attraction suivante. Il faut qu'on reste sur nos gardes.

Matsumi entendit le bruit de frottement métallique.

Higashikawa devait avoir pressé le bouton près de la porte.

La double-porte s'ouvrit vers l'intérieur. Le moment d'après, les fortes lumières fluorescentes d'un bloc opératoire s'allumèrent. Ils furent momentanément aveuglés.

Matsumi mit instinctivement une main devant ses yeux et parvint à percevoir plus ou moins quelque chose en plissant les yeux.

L'intérieur était étonnamment spacieux.

Le manque d'équipement spécialisé renforçait peut-être cette impression. La salle faisait à peu près la taille d'une salle de classe. La palette de couleurs était entièrement bleu clair et les murs étaient carrelés. Le plafond était haut de deux étages environ. Les murs de l'étage supérieur étaient recouverts de vitres. Les étudiants et autres pouvaient observer les opérations de là-haut.

La table d'opération et une lampe conçue pour les opérations chirurgicales étaient installés au centre de la pièce. La lampe était un appareil constitué de plusieurs lampes individuelles.

Les deux équipements donnaient l'impression d'avoir été isolés car mis-à-part ça, le bloc opératoire était complètement vide.

— Quoi...? dit Higashikawa en pénétrant dans la salle.

Matsumi et Rachel lui emboitèrent le pas et marchaient côte à côte derrière lui.

Et soudain, une série de tonalités musicales bruyantes résonna.

— ... Oh, c'était trop fort peut-être ? Au temps pour moi, dit une voix toute aussi forte.

Ils s'étaient tous arrêtés en entendant le grand bruit.

La porte du bloc opératoire se claqua juste derrière Matsumi. Hiyama et Kazakami se trouvaient toujours dans le couloir. Rachel se rua précipitamment vers la porte, mais elle avait beau pousser et tirer, la porte refusait de s'ouvrir.

Il y avait un bouton pédale sur le sol à côté de la porte, mais il ne se passa rien quand Rachel appuya dessus.

— E-Elle veut pas s'ouvrir !!

Ils purent entendre quelqu'un marteler la porte de l'autre côté.

La voix de Kazakami cria :

— Hé, qu'est-ce qui se passe ?! Vous bloquez la porte ou quoi ?! Ce bouton vient juste d'ouvrir la porte, non ?

— ...

Matsumi inspecta silencieusement le bloc opératoire et aperçut un haut-parleur près du plafond.

Une voix féminine dit :

— Je croyais que vous alliez tous abandonner, mais visiblement, faut croire que vous en voulez encore. Ce qui veut dire que c'est l'heure de la deuxième attraction. Si vous réussissez, vous obtiendrez la clé de ces barreaux métalliques. Si vous échouez, la porte du bloc opératoire ne s'ouvrira plus jamais.

Un bruit aigu résonna.

Il provenait de l'étage supérieur.

La vitre protégeant l'espace d'observation avait volé en éclat. Il n'y avait pas tant d'éclats de verre que ça, mais Matsumi et Higashikawa firent un bond en arrière aussi grand que possible, que les éclats tombent sur eux ou non. Rachel mit plus de temps à réagir, alors Matsumi bondit sur elle et elles tombèrent sur le sol.

Une femme se tenait dans l'espace au-dessus.

Elle avait apparemment brisé la vitre avec une chaise. Elle jeta quatre objets de la taille d'un combiné de téléphone fixe à travers le trou qui était trop grand pour être qualifié de fente.

Une partie atterrit sur la table d'opération et le reste tomba à côté sur le sol.

Le corps de Higashikawa se figea en les apercevant.

Matsumi ne voulait pas les regarder.

Mais avant qu'elle ne put détourner les yeux, la femme qui avait brisé la vitre dit :

— Deux des pistolets ont une vraie balle et les deux autres sont chargés avec des balles à blanc. Deux d'entre vous vont participer. Chaque participant doit choisir deux pistolets de leur choix, se viser l'un l'autre, et appuyer sur une de leurs gâchettes à mon signal. Un jeu d'enfant.

— Espèce de dégénérée !!!!!! cria Higashikawa sans réfléchir.

Au premier abord, cela semblait être une bonne réaction, mais Matsumi sentait que les organisateurs ne pouvaient que se délecter de ce genre d'explosion de rage. La femme les avait peut-être volontairement provoqués, mais c'était également un peu tiré par les cheveux.

— Au fait, les pistolets possèdent des viseurs laser, alors on saura si vous faites exprès de viser à côté. Assurez-vous de viser le front de l'autre avant d'appuyer sur la gâchette.

Pendant un instant, le regard de Rachel passa des pistolet à la femme à l'étage supérieur.

Elle envisageait peut-être la possibilité de prendre le pistolet et tirer sur la femme.

Mais Matsumi doutait que cela puisse marcher. C'était les organisateurs qui avaient préparé ces pistolets. Ils avaient dû s'assurer qu'on ne puisse pas s'en servir contre eux.

Matsumi leva les yeux vers l'étage supérieur.

Cette femme prétendait être une employée à plein temps d'Attraction Land.

Mais Matsumi n'avait jamais eu de discussion digne de ce nom avec ces employés en question. Il était impossible de dire ce qu'était l'objectif de la femme en se jetant dans cette situation, tout comme elle ignorait si la femme la voyait comme une alliée.

Leurs regards se croisèrent distinctement.

Et elle sourit.

Puis, elle annonça :

— Les deux qui prendront part à cette attraction sont les suivants : Shirauoooo Matsuuuuumiiiiiiii !! Et Raacheeeeeellll Skyyyyyyyydaaaaaance !!

— Hiii !!

Rachel poussa un cri semblable à un hoquet pendant que son corps se tétanisa.

Matsumi grinça silencieusement des dents. Si les explosions avaient ouvert une autre voie, est-ce qu'un destin moins cruel les aurait attendus ? Néanmoins, réfléchir à des possibilités potentiellement inexistantes n'avait aucun intérêt.

— Un crêpage de chignon qu'on peut voir que le soir !! L'innocence feinte de ces filles va vraisemblablement s'effondrer, alors j'espère que tu t'es préparé à la désillusion, gamin !! Chacune de vous doit choisir deux des pistolets !!

— Non !! cria désespérément Higashikawa pour arrêter les deux filles en question.

Il avait peut-être oublié le simple fait qu'élever la voix avait tendance à taper sur les nerfs des gens dans une situation extrême peu importe l'intention derrière. Ou peut-être qu'il n'avait pas oublié et qu'il le faisait sciemment.

— Ils feraient n'importe quoi pour leur amusement. Ils ne tiendront jamais promesse. Ils ont sûrement chargé de vraies balles dans chaque flingue de façon à pouvoir se tordre de rire en voyant des idiots les prendre au sérieux !

— Non, non.

Un étrange changement survint soudain dans la voix de la femme à l'étage supérieur.

Elle était plus calme.

Elle était sinistrement sincère.

— On se conforme strictement aux règles et aux résultats des attractions. Peu importe si ça mène à une fin heureuse gnangnan où vous survivez tous.

Avant que Matsumi et les autres puissent y réfléchir ou l'analyser, la voix de la femme redevint celle qu'elle était avant.

— Mais que vous me croyez ou pas, que l'attraction commence ! Si vous mettez trop de temps, vous mourrez tous !

— Merde... jura Higashikawa malgré le fait qu'il avait lui-même échappé à l'attraction.

Maudissait-il son incapacité à empêcher ses alliés de s'entretuer ou son propre soulagement de ne pas avoir à y prendre part ?

— Si vous avez pas terminé dans dix minutes, vous serez exécutés. Tadam !! J'ai un caisson rempli de cocktails Molotov. ... Hm ? Vous le voyez pas d'ici ? Bah, je vais en jeter une tonne sur vous, alors je doute que vous puissiez en réchapper. La porte s'ouvrira pas non plus.

— Merde !!

Higashikawa fut le premier à se mettre en action.

Matsumi lui emboita le pas et s'approcha des quatre pistolets éparpillés près de la table d'opération. Rachel était assise sur le sol avec un visage complètement livide et restait parfaitement immobile.

— Il faut qu'on vérifie, marmonna Matsumi à elle-même plus qu'à quelqu'un d'autre.

Puis, elle le cria parce que cet encouragement avait immédiatement échoué.

— Il faut qu'on trouve le moyen de déterminer lesquels sont chargés avec de vraies balles et ceux avec des balles à blanc ! Si on y parvient, on saura tout de suite si les règles sont justes et le moyen de réussir cette attraction en toute sécurité !!

Tous les pistolets étaient des revolvers.

— Si on arrive à établir lesquels sont à blanc, on peut réussir sans qu'il n'y ait de mort.

Matsumi ramassa un des pistolets et essaya de retirer les cartouches, mais le cylindre ne voulait pas s'ouvrir comme elle l'avait vu dans les films.

Au début, elle pensait que c'était juste qu'elle ignorait comment s'y prendre, mais Higashikawa secoua la tête après avoir essayé avec un autre pistolet.

— Ça craint. Ils ont fait en sorte qu'on puisse pas ouvrir les cylindres.

— On peut pas vérifier les cartouches, alors on peut pas savoir lesquels sont chargés avec de vraies balles et ceux qui sont chargés à blanc !

C'étaient des revolvers, alors le cylindre était conçu pour accueillir six balles en cercle. En considérant le cylindre comme une horloge, les balles à deux heures et à dix heures pouvaient être visibles en regardant dans les trous du cylindre.

Sauf que...

— Merde, elles ont toutes l'air pareilles.

S'ils ne pouvaient pas vérifier, ils ne pouvaient pas choisir entre les quatre pistolets.

S'ils se contentaient de choisir au hasard, les chances pour qu'il n'y ait aucune victime étaient quasi nulles. Si l'une d'entre elles choisissait un pistolet avec une vraie balle, c'était fini. Et il était possible qu'une des deux se retrouve avec deux pistolets ayant une vraie balle.

Étant donné les différentes possibilités, les chances que quelqu'un meure étaient de trois sur quatre.

C'était trois fois plus important qu'à la roulette russe.

— Il reste un peu moins de sept minutes !

— ...

De l'extérieur, ils ne pouvaient pas déterminer lesquels avaient de vraies balles et lesquels étaient chargés à blanc.

Les chances étaient bien trop faibles pour se contenter de choisir au hasard.

Il devait y avoir un moyen.

Il devait y avoir un autre moyen de faire la différence entre les quatre pistolets.

— ... Attends.

— Quoi ?

— Est-ce que t'as quelque chose comme un gomme ? Et une règle !!

— À quoi bon ? C'est tous les mêmes modèles, alors mesurer leur longueur mènera à-...

— Contente-toi de répondre !! Je vais pas mesurer leur longueur !! cria Matsumi tout en regardant en direction de la table d'opération au centre de la pièce.

Plus précisément, elle regardait les quatre pieds de la table. Elle saisit une des quatre barres carrées et tira fort.

Elle était visée à la table, alors elle n'allait pas bouger.

Matsumi se tourna vers Higashikawa et dit :

— Aide-moi à retirer ce pied !!

— Pourquoi ? Qu'est-ce que tu veux en faire ?

— On a une chance si on utilise ça ! Grouille !!

Higashikawa ne se fit pas prier plus longtemps.

Il fit le tour de Matsumi et maintint la table d'opération en place pour qu'elle ne bouge pas. En travaillant de concert, la barre carrée semblait lentement se tordre. Mais c'était en fait la vis qui la retenait qui était sur le point de lâcher.

Un craquement aigu résonna.

Elle était légèrement tordue, mais la jambe avait été retirée. La table d'opération tomba diagonalement, mais Matsumi s'en ficha.

Elle retira la chaussure en cuir qu'elle portait et la posa sur le sol.

Puis, elle posa délicatement le centre du pied de la table d'opération dessus.

C'était une balançoire.

Ou...

— ... Une balance ?

— Les vraies balles et celles à blanc ne pèsent pas autant, pas vrai ? Le pistolet le plus lourd devrait être celui avec une vraie balle à l'intérieur. On pourra faire la différence en les pesant !!

— Il reste combien de temps ?! cria Higashikawa en direction de l'étage supérieur.

L'organisatrice répondit :

— Un peu moins de trois minutes.

— On peut y arriver, marmonna Higashikawa dans sa barbe

Sa voix s'éleva ensuite :

— On peut le faire. On peut réussir cette attraction sans qu'aucun de nous ne meure !!

Partie 4[edit]

Pendant ce temps-là, Rachel ne regardait pas Matsumi et Higashikawa travailler et restait assise sur le sol du bloc opératoire.

Elle regardait en direction de ses pieds.

Elle regardait l'espace séparant ses cuisses.

Rachel n'était pas simplement paralysée par la peur. Elle avait remarqué quelque chose. Quelque chose était écrit sur le sol du bloc opératoire au stylo-bille. Elle était assise alors elle pouvait le lire sans que les autres le remarquent.

Du fait de sa position, c'était difficile à lire.

Mais sa vie pouvait se jouer sur le moindre petit détail.

L'écriture arrondie disait :

Comparer les poids est un piège élémentaire, alors faites attention.

L'astuce réside dans le principe de levier.

— ... Ah.

Elle poussa accidentellement un cri et paniqua brièvement, craignant que Matsumi ou Higashikawa l'ait entendue.

Oui.

Le principe de levier.

Les balances ne fonctionnaient que quand la barre se tenait en équilibre au point d'appui au milieu. Et si ce n'était pas entièrement le cas ?

Bouger le point d'appui, qui était dans ce cas une chaussure en cuir, serait compliqué. Avec deux personnes s'attelant dessus, l'autre remarquerait facilement quelque chose.

Mais et les pistolets posés de chaque côté de la barre ?

Modifier leur position ne serait-ce que de quelques centimètres serait suffisant pour fausser la mesure. Et les pistolets chargés à blanc pouvaient être arrangés pour peser plus lourd. Contrairement à des balances classiques, il n'y avait pas de plateau. Ce n'était pas difficile d'altérer légèrement les positions des pistolets.

Autrement dit...

Si la personne faisant la mesure le voulait, elle pouvait modifier les résultats à sa convenance.

Elle pouvait fausser les résultats.

Elle pouvait tricher.

Mais elle n'a aucune raison de le faire.

Rachel nia instinctivement cette affreuse pensée qui lui avait traversé l'esprit. Les cinq travaillaient main dans la main pour survivre et mettre à mal les plans des organisateurs. Elle voulait se reposer sur cette merveilleuse idée.

Mais...

Gare au traître.

Il y avait un panneau derrière les barreaux métalliques du couloir de l'Hôpital de l'enfer. Ce puissant message surgit au plus profond de son esprit. Elle ne pouvait pas complètement réfuter cette possibilité. Elle le voulait, mais en était incapable.

Il y avait une raison.

Il y avait une raison pour laquelle quelqu'un ferait ça.

Matsumi-san pourrait me donner les deux pistolets à blanc et prendre les deux vrais pour elle. Du coup, elle survivrait peu importe le pistolet que je choisis. Mais dans ce cas, le pistolet qui me tirera dessus aura 100% de chance d'être chargé avec une vraie balle.

Les organisateurs allaient être désignés fautifs.

Ils allaient être considérés comme ayant dupé Matsumi et Rachel.

Et la colère de tout le monde en direction des organisateurs allait monter d'un cran, mais Matsumi ne serait pas bannie du groupe. Même si elle se protégeait en montant une situation qui assurait la mort de Rachel, elle pouvait aisément se défaire de la haine.

— Et voilà !! Les deux à droite sont à blanc et ceux à gauche sont chargés avec de vraies balles !!

— Vite, Rachel-san ! Finissons-en avant que cette nana dise que le temps est écoulé et nous balance des cocktails Molotov !!

Elle avait l'impression d'entendre la voix de démons.

Que devait-elle faire ?

Rachel réfléchit pendant un moment et finit par se lever lentement. Elle s'approcha du bloc opératoire pour s'assurer qu'aucun des autres ne voient le petit mot sur le sol.

Comme prévu, Matsumi saisit deux pistolets et les tendit à Rachel.

Elle ne la laisser pas choisir.

— Fais gaffe. Celui à droite est à blanc et celui à gauche chargé avec une vraie balle. ... Rachel-san, te trompe pas s'il te plaît. T'as qu'à te dire que tu tires avec ta main dominante.

— Hm…

Rachel prit lentement la parole et fit une suggestion.

— On aura toutes les deux un pistolet avec une vraie balle et un chargé à blanc, pas vrai ? On a le même équipement, hein ?

— O-Ouais. Pourquoi cette question ?

— Désolée, on peut échanger ? Ceux-là... hum... sont un peu sales.

— Ok, c'est pareil de toute façon, répondit Matsumi en tendant les deux pistolets qui lui étaient destinée à Rachel. Celui de droite est à blanc et l'autre le vrai. C'est pareil que tout à l'heure, alors te trompe pas. Tire avec ta main droite au signal. Pigé ?

— ... O-Oui.

Après que Rachel prit les deux revolvers, Matsumi saisit les deux qu'elle lui avait tendus précédemment.

Higashikawa cria en direction de l'étage supérieur.

— On a fait notre choix ! Comment est-ce qu'on commence l'attraction ?!

— Matsumi-san et Rachel-san, placez-vous contre les murs opposés. Adossez-y vous et tendez vos pistolets en direction de l'autre. En pressant le petit bouton sur le manche, le pointeur laser s'activera. Utilisez-le et visez le front de l'autre. Si vous échouez, vous mourrez tous, alors faites gaffe.

— ...

— ...

Matsumi et Rachel suivirent les instructions et se déplacèrent chacune à un bout de la pièce de la taille d'une salle de classe.

L'esprit de Rachel était particulièrement confus au moment de s'adosser contre le mur.

Matsumi avait échangé les pistolets sans hésiter.

Si l'un des lots était les pistolets à blanc et l'autre les vrais, cela aurait été suicidaire.

Est-ce que l'idée d'un traître n'était rien de plus qu'une tentative de déstabilisation des organisateurs ? Matsumi et Higashikawa avaient correctement distribué les pistolets ? Si elle faisait comme demandé et tirait avec le pistolet dans sa main droite, ils allaient réussir cette attraction sans que personne ne meure ?

Mais...

Un très mauvais sentiment fit surface du plus profond de son esprit.

Elle avait trouvé ce message écrit au stylo-bille sur le sol du bloc opératoire. Il mettait en garde contre l'utilisation par un traître du principe de levier.

Mais pouvait-elle être certaine qu'il avait été écrit par les organisateurs ?

Autrement dit...

Le regard vide, Rachel dévisagea la fille en uniforme scolaire.

Se pouvait-il que Matsumi ait écrit ce message sur le sol pendant que personne ne regardait ?

Avait-elle volontairement mis la puce à l'oreille de Rachel ?

L'avait-elle poussée à demander d'échanger les pistolets ?

Elle avait très bien pu séparer les pistolets entre ceux à blanc et les vrais et se serait ensuite donnée les faux au début.

Ses préparatifs auraient été terminés au moment où Rachel demandait à échanger les pistolets à cause de la peur suscitée par le message sur le sol.

Matsumi avait pu truquer les résultats des mesures avec l'astuce du principe de levier. Mais cela pouvait se retourner contre elle une fois que Rachel morte. Après tout, c'était elle qui avait suggéré l'utilisation de la balance, elle qui avait pris les mesures, et elle qui avait tendu les pistolets à Rachel.

Mais et si Rachel faisait une demande inattendue ?

Si on ajoutait cette coïncidence...

Personne ne soupçonnerait Matsumi de mauvaises intentions. Si Rachel n'avait pas suggéré d'échanger les pistolets, Matsumi aurait été celle qui aurait dû mourir. Elle passerait du rôle de coupable à celui de victime.

Matsumi avait attiré Rachel dans ce piège.

Et Rachel était tombée dans le panneau.

— Att-...!! cria désespérément Rachel, mais l'organisatrice lui coupa la parole.

— Que la deuxième attraction débute. Je vais commencer le compte à rebours. À zéro, chacune d'entre vous pressera la détente de son choix !!

Un sourire calme se lisait sur les lèvres de Matsumi.

Était-elle certaine de sa victoire ?

Savait-elle qu'elle était assurée de ne pas mourir ?

— Trois. Deux. Un !

Le décompte continua.

Les pistolets dans les mains de Rachel avaient tous deux l'air désespérément vides.

Elle n'avait aucune chance de gagner.

Peu importe celui qu'elle choisissait, elle ne pouvait que tirer à blanc. Matsumi détenait les deux vrais pistolets. La balle qui volerait en suivant le pointeur laser allait sûrement traverser le front de Rachel. Même si elle bougeait sa tête sur le côté au dernier moment et parvenait à esquiver la balle, les organisateurs la tueraient. Des cocktails Molotov tomberaient de là-haut et les flammes consumeraient Rachel.

Elle ne pouvait pas être sauvée.

Elle n'avait aucune chance de survie.

Le fait que les cinq survivent était le seul moyen de vaincre ces odieux organisateurs. Quand Rachel avait entendu ça, elle avait été émue, mais ça n'avait pas suffi. La malice transpirant de chacun d'entre eux avait dévoré cet idéal.

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Dans ce cas !!

Rachel serra les dents.

Elle avait des pistolets dans sa main droite et dans sa main gauche.

Elle rassembla toute son attention dans un d'entre eux.

J'ai pas envie de finir ça comme simple marionnette !!

— Zéro !!

Les bruits de deux coups de feu semblèrent lui transpercer le cœur.

Partie 5[edit]

Alors que Higashikawa regardait depuis le côté, il avait sérieusement cru que le choc allait pulvériser son cœur.

Le bruit était si fort qu'il avait pensé que quelque chose clochait avec ses tympans.

Finalement, le silence arriva.

L'organisatrice à l'étage supérieur dit :

— Sur ce, la deuxième attraction touche à sa fin. J'espère que les survivants apprécieront les attractions suivantes.

La silhouette à l'étage du dessus jeta un petit objet à travers le trou béant dans la vitre brisée. Il brillait d'un éclat argenté et tinta comme une pièce en atterrissant, alors c'était sûrement une clé. Ce devait être la clé de la porte en barreaux métalliques.

Quand ils levèrent les yeux en direction de la femme, celle-ci avait disparu. Elle était partie.

Et alors la solide porte inerte s'ouvrit d'elle-même.

Hiyama et Kazakami jetèrent prudemment un œil à l'intérieur.

— Q-Qu'est-ce qui s'est passé ? On a entendu un énorme bruit.

— Ha... Ha ha.

Ils entendirent un petit rire détendu.

Il provenait de Matsumi qui était adossée à un mur. Elle tenait un pistolet d'où s'échappait encore un peu de fumée. La tension qui la tenait en place s'était dissipée, alors elle glissa contre le mur jusqu'à une position assise.

Matsumi avait survécu.

La deuxième attraction était terminée et la porte du bloc opératoire s'était ouverte.

Ils avaient obtenu la clé des barreaux métalliques qui bloquaient le passage, alors ils pouvaient continuer.

Et...

Pour ce qui était de Rachel sur le mur opposé...

— Ha... Hein ?

Son visage tout entier était trempé de sueur et son expression montrait une certaine confusion. C'était comme si elle ne comprenait pas comment elle avait pu survivre.

Higashikawa prit une profonde inspiration et dit :

— On a tous réussi à survivre une fois de plus. Continuons comme ça.

Puis il marcha jusqu'à la lycéenne appelée Matsumi.

Ce ne fut qu'une fois à proximité d'elle qu'il remarqua quelque chose.

Sa mine arborait toujours un regard sombre et quelque peu irrité.

— Prends-les, dit-elle tout en tendant ses deux pistolets à Higashikawa.

— Hé.

— L'un d'entre eux a toujours une vraie balle. Tire-la dans un endroit sans danger. ... Oh, je sais. Tire-la en direction des sièges d'observation au-dessus.

Puis elle fit un geste de la tête en direction de Rachel qui s'était effondrée au sol.

— Fais pareil avec les siens. Dépêche-toi.

— ?

Partie 6[edit]

Deux coups de feu résonnèrent.

Higashikawa avait tiré avec les deux pistolets chargés avec une vraie balle.

La situation semblait être dénouée.

Matsumi arracha un des pistolets des mains de Higashikawa et pressa la détente tout en visant un mur. Cependant, il semblait que toutes les balles sauf la première étaient à blanc. Le cylindre continua de tourner encore et encore, mais aucune balle ne partit. Elle ne pouvait clairement pas servir d'arme, alors elle la jeta sur le sol du bloc opératoire.

Une fois encore, les cinq avaient survécu.

Ils n'avaient pas la moindre idée de quand ni où commencerait la troisième attraction, mais visiblement, ils s'en sortaient très bien.

Hélas, la situation n'était pas si favorable que ça.

Après la fin de ce jeu de tir, Matsumi était la seule à connaître la vérité.

Au tout dernier moment, Rachel avait tiré avec le pistolet dans sa main gauche.

Matsumi lui avait dit que celui à droite était chargé à blanc et que celui à gauche avait une vraie balle.

Et pourtant, elle avait utilisé ce dernier.

Dire qu'elle avait paniqué et qu'elle s'était trompé n'était pas une excuse valable. Rachel avait sciemment choisi celui de gauche qu'elle savait contenir une vraie balle.

Et Matsumi avait prévu que cela arriverait.

Elle avait tendu à Rachel une paire de pistolets, mais cette dernière lui avait alors demandé d'échanger. Matsumi n'avait pas la moindre idée de la raison qui poussait Rachel à faire ça, mais elle était clairement devenue méfiante. Et ainsi, Matsumi avait discrètement échangé les pistolets de ses mains droite et gauche avant de les tendre à Rachel.

Cela lui avait sauvé la vie.

Si elle avait vraiment tendu les pistolets comme elle l'avait dit, Matsumi aurait été tuée.

— Hoo...

Donner les pistolets à Higashikawa après avait également une signification.

Un pistolet chargé avec une vraie balle était une puissante arme, mais il était trop dangereux d'en laisser un à Rachel. Néanmoins, Matsumi doutait que celle-ci aurait accepté si elle avait demandé à Rachel de lui remettre son pistolet. N'importe qui en voudrait un dans cette situation.

Si Matsumi avait tenté de forcer Rachel, il y avait le risque qu'elle lui tire dessus.

Et donc, elle avait abandonné ses propres armes à Higashikawa d'abord. Elle avait créé une situation d'équité apparente. Et si Rachel avait pété un plomb et était devenue violente, le danger serait tombé sur Higashikawa et non Matsumi.

Fort heureusement, Rachel avait accepté de donner son pistolet à Higashikawa.

Mais...

Matsumi ignorait toujours ce qui avait poussé Rachel à tenter de la tuer.

Les règles de l'attraction ne donnaient aucune raison de vouloir éliminer l'autre participant.

Cependant...

Gare au traître.

Les mots écrits sur ce panneau déchirait la poitrine de Matsumi.

Elle doutait que ces mots faisaient référence à Rachel. L'inverse était plus plausible. Rachel s'était peut-être rendue compte de quelque chose.

Elle avait peut-être compris que Shirauo était du côté d'Attraction Land.

Quoi qu'il en soit...

Elle réfléchit calmement tout en chassant le soulagement d'avoir surmonté ce grand obstacle et la tension du danger qu'elle devait avoir encore à éviter.

On dirait qu'accepter simplement que tout le monde travaille main dans la main pour notre survie mutuelle suffira pas.

En apparence, tout le monde semblait aller bien.

Mais d'invisibles fissures avaient manifestement commencé à se former.


Données issues des objets laissés par un journaliste freelance[edit]

(Tout avant cette ligne est illisible suite à la corruption du fichier)

est une organisation pleine d'anomalies. Malgré ses activités tapageuses, sa structure, son personnel et la source de son financement sont totalement opaques.

Une des principales raisons provient des membres mêmes de cette organisation.

Personne ne sait comment elle se procure de nouveaux membres et ce qu'ils ont à y gagner demeure un mystère. Il n'y a aucun point commun connu entre les membres. Nationalité, race, religion, culture ou richesse. Si un seul facteur commun dans une de ces catégories pouvait être trouvé, cela donnerait un point de départ dans la localisation du quartier général de l'organisation ou sur ceux qui la soutiennent.

Plusieurs théories différentes sont apparues, mais je doute personnellement qu'ils aient la moindre procédure. Je soupçonne ce manque de chose de permettre à l'organisation de modifier si profondément sa structure et de disparaître comme un mirage au moment où on pense avoir attrapé sa queue.

Bien entendu, s'ils recrutent des gens de façon désordonnée, ils courent le risque d'accidentellement engager quelqu'un qui parle trop ou un agent sous couverture.

Du peu d'information que j'ai pu rassembler à partir des derniers paroles des gens à moitié paralysés ou proches de la mort après avoir perdu une grande partie de leur corps, il semblerait que l'organisation possède différentes méthodes pour attirer des gens. Ils ont vraiment un large éventail de systèmes pour organiser ce genre d'opération. Certains ne réalisent pas qu'ils travaillent pour eux alors qu'on fait croire à d'autres que c'est le cas. L'habituelle structure pyramidale nécessaire pour diriger une organisation ne s'applique pas.

Mais j'ai découvert un indice qui me permettra d'avoir une vue d'ensemble de l'organisation.

J'ai obtenu le droit de me glisser dans une de leurs attractions en tant que participant.

Des restes des attractions que j'ai parfois découverts, mes chances de survie sont faibles. Mais ma conscience professionnelle ne me permet pas de tourner le dos à cette organisation.

J'ai mis en place une archive de tous les fichiers que j'ai rassemblés.

Si je meurs, le lien dans mon pacemaker sera automatiquement

(Tout après cette ligne est illisible suite à la corruption du fichier)


Jeu de la Faucheuse 03 : Retournement[edit]

Partie 1[edit]

Ils s'approchèrent de la porte en barreaux métalliques qui bloquait le passage, insérèrent la clé nouvellement acquise dans la serrure et la tourna.

— C'est ouvert ! cria Kazakami dans son uniforme de travail.

Ils passèrent tous par la porte et continuèrent à avancer.

Le bloc opératoire avait plus ou moins confirmé leurs doutes, mais ils étaient bel et bien dans un hôpital. Ils trouvèrent des chambres d'hôpital, des salles de bain, un poste d'infirmière et un bureau médical. Il y avait une dizaine de chambres d'hôpital et ils pouvaient sentir leur tension s'évanouir pendant qu'ils fouillaient ces dernières une à une. Même dans cette situation, c'était une tâche fastidieuse.

Les différents types de pièces fournirent un grand éventail d'objets. Cependant, ils étaient tous quelque chose de normal dans un hôpital. Les salles carrées avec le minimum syndical étaient bien plus étranges.

— Cet extincteur pourrait servir d'arme.

— Hé, je crois que ces lampadaires pourraient faire office d'épées en bois.

Kazakami et Matsumi sélectionnaient objet après objet et vérifiaient le poids et la sensation avec une voix quelque peu enjouée. Ils étaient à la recherche d'armes. Pour Hiyama, c'était moins dû au fait qu'ils cherchaient à se protéger qu'aux pièces plus normales et en pagaille qui leur avaient remonté le moral après tant de zones vides.

Et elle soupira de façon à ce que personne ne le remarque.

Puis, elle murmura prudemment dans l'oreille de Higashikawa.

— (Qu'est-ce que t'en penses ?)

— (Je sais que c'est risqué. On a besoin d'armes pour faire face à nos ennemis, mais on deviendra tous ennemis l'un de l'autre si le groupe venait à imploser. Si ça arrive, on pourrait s'en tirer si on n'est pas armés, mais dans le cas contraire, ça pourrait faire dégénérer la situation. D'un autre côté, ajouta Higashikawa, on peut pas les empêcher de prendre une arme s'ils en veulent une. Sinon, ça risquerait de causer des tensions dans le groupe.)

Hiyama était entièrement d'accord.

Apparemment, les organisateurs leur avaient donnés quatre pistolets pendant l'attraction du bloc opératoire. S'ils étaient prêts à leur donner ces armes, qu'est-ce qu'on pouvait espérer d'un extincteur ou d'un lampadaire ? Et bien que ces armes ne suffisaient pas pour vaincre les organisateurs, elles pouvaient très bien fracasser le crâne d'un allié. Kazakami et Matsumi voulaient peut-être une arme plus par sentiment de sécurité que par usage pratique, mais aux yeux de Hiyama, ils choisissaient allégrement la voie suicidaire.

Elle aurait été d'accord s'ils avaient tenté de se constituer une protection comme un gilet pare-balle, mais pas ça.

Ça la frustrait de ne pas pouvoir s'y opposer même si elle savait que cela les mettait dans une position défavorable.

Comme Higashikawa l'avait dit, ils ne pouvaient pas forcer la main des autres s'ils voulaient maintenir le groupe. Et pourtant, les actions d'un seul d'entre eux pouvaient grandement affecter le destin du groupe tout entier.

— N'oubliez pas. Tout ça était vraisemblablement prévu. Les organisateurs veulent nous diviser. C'est comme l'histoire du vent du nord et du soleil[2]. Si on garde nos manteaux même après avoir autant transpiré, on gagnera.

— ... C'est vrai.

Hiyama n'était pas complètement d'accord, mais elle acquiesça malgré tout. Il n'était pas nécessaire de créer plus de fissures dans le groupe.

Elle pensait sérieusement que leurs chances de survie augmenteraient significativement s'ils n'étaient pas tout sur le même pied d'égalité.

Autrement dit...

Elle voulait qu'un leader fort prenne les rênes du groupe.

— ...

Elle entendit une gorge se nouer.

C'était la blonde aux yeux bleus. Malgré sa grande beauté, elle semblait encore plus hésitante à prendre la parole après l'attraction du bloc opératoire. Hiyama n'était pas présente, alors elle ignorait ce qu'avait vécu la femme.

— L'extincteur est sûrement plus puissant, mais la portée est plus importante en matière de sécurité. On ferait mieux de choisir ça.

Visiblement, Kazakami et Matsumi avaient décidé d'utiliser le lampadaire. Ils retirèrent l'abat-jour, arrachèrent le câble et tirèrent le bout de bois de 1,50 mètres de long.

Hiyama se sentit encore plus abattue.

Elle n'avait aucune confiance en sa capacité à s'entendre avec ces deux-là.

— Hé.

Hiyama avait à moitié ironiquement l'impression que Higashikawa était doué pour savoir parler à ces deux-là.

Elle sentait également que sa présence en tant qu'individu se diluait d'autant plus qu'il mettait en avant le groupe de cinq.

— Tu pourrais essayer de faire la même chose que tout à l'heure avec ces bâtons ?

— Hm ? Comment ça ?

— Les ascenseurs.

La raison pour laquelle Higashikawa incitait Kazakami et Matsumi dans cette direction était sûrement pour les empêcher de devenir violent si provoqués.

Ils subissaient un profond stress. On les avait forcés à prendre part à ces attractions absurdes. Si le frein venait à être retiré, cela pouvait commencer à déborder.

Et maintenant, ils avaient mis la main sur des armes de fortune. Si jamais ils perdaient le contrôle de leurs cœurs instables, beaucoup de facteurs pouvaient les mener à céder à la violence pour évacuer leur stress.

Si cela se matérialisait de façon à ce qu'ils s'acharnent sur un mur ou une porte, ce n'était pas un réel problème. Hélas, cette même violence pouvait se retourner contre un humain. Et la victime pouvait être Hiyama ou un des autres ayant encore toute sa tête.

Les cinq se dirigèrent vers les ascenseurs.

Le hall des ascenseurs près du poste des infirmières était petit, mais contenait néanmoins quatre ascenseurs normaux ainsi qu'un autre pour le transport.

Hélas, pour coller avec le thème de l'Hôpital de l'enfer, chaque ascenseur était complètement bloqué par des barreaux métalliques en demi-cercle. La forme inspirait une cage d'oiseau à Hiyama.

Ces barreaux métalliques avaient également des portes, mais elles étaient dotées d'un lecteur de cartes. La clé du bloc opératoire ne pouvait en ouvrir aucune.

Néanmoins...

— Et voilà...

Kazakami glissa le bâton en bois entre deux barreaux pour atteindre l'intérieur. Il essayait de presser le bouton de l'ascenseur.

Il y eut un déclic à chaque fois qu'il pressa dessus, mais il ne s'alluma pas.

— ... On dirait que ça marche pas.

— Mais si on parvenait à passer ces barreaux, vous croyez qu'on pourrait forcer l'ouverture des portes de l'ascenseur ? On n'est pas dans un film d'action, mais on pourrait essayer d'atteindre le premier étage en se servant des câbles de l'ascenseur.

— Mais on n'arrive pas à mettre la main sur la carte pour passer, dit Kazakami tout en piétinant le sol de frustration.

Hiyama sentit que c'était le signe qu'il prenait de plus en plus confiance dans son arme.

— On peut pas non plus utiliser les escaliers, coupa Matsumi tout en tenant son propre bâton. Allons par là. Il y avait deux escaliers de secours et ils étaient tous deux barrés par des barreaux métalliques. On pouvait ni monter ni descendre.

— On dirait que la clé du bloc opératoire nous a juste donné l'accès à cet étage. Tout d'abord, il y avait les cinq bombes et le mur. Puis, il y a eu les quatre pistolets et la clé. Maintenant, c'est un étage tout entier et plusieurs lecteurs de carte.

— J'espère qu'il y a pas de nombre limite de fois qu'on peut utiliser ces cartes et qu'on sera pas bloqués pour toujours si on prend pas la bonne porte.

— Les gens rampent dans les conduits d'aération dans les films d'action, non ?

Hiyama détestait leur façon de considérer toutes les suggestions puériles possibles et imaginables. Il était impossible qu'une chance pareille leur ait été laissée et pourtant, ils devaient tirer un lit dans le couloir, grimper dessus et retirer une des grilles d'un conduit.

Tout ça n'était qu'une perte de temps.

Pendant que Hiyama se disait ça, Higashikawa se tenait sur le lit avec Matsumi assise sur ses épaules pour regarder dans le conduit.

— Hmm, il fait bien trop sombre pour y voir grand-chose, mais c'est trop petit pour passer par là.

— D-Du coup, dit Rachel d'une voix faible comme pour surmonter son malaise. On a besoin de trouver la carte pour continuer ?

Hiyama n'en revenait pas qu'elle puisse penser ça.

L'ennemi avait préparé des pistolets et des bombes pour l'attraction. Avec des pièges aussi dévastateurs, il était possible de pouvoir retirer une partie des explosifs pour s'en servir eux-mêmes. Mais utiliser ça contre des barreaux métalliques serait complètement stupide. Hiyama n'en revenait pas que personne n'avait réalisé qu'il fallait détruire les murs ou le sol.

Mais Kazakami avait atteint ses propres limites. L'arme qu'il avait obtenue le rendait plus confiant, mais cela lui avait également fait perdre patience.

— Raaaaahhhh !! J'en peux plus de tout ça, j'en peux plus, j'en peux plus !! J'en ai ma claque ! Je peux pas continuer à faire ce qu'ils nous demandent encore et encore !!

— H-hé...

— J'ai dit que j'en avais ma claque !! Démerdez-vous sans moi. C'est comme ça que ça s'est passé pendant la dernière attraction, non ?! Continuez sans moi. L'un d'entre vous doit réussir l'attraction, c'est tout !!

Après cet emportement, Kazakami s'enfuit dans le sombre couloir avec son bâton en bois toujours en main. Higashikawa se mit à lui courir après, mais Hiyama le retint par l'épaule.

Elle murmura de façon à ce que Matsumi, l'autre personne armée, ne puisse pas entendre.

— (Laisse-le tranquille. Tu n'as pas envie de te casser un os ou pire sur un accès de colère, non ?)

Après une courte pause, ils entendirent des bruits de destruction au loin. Rachel se couvrit les oreilles avec les mains et s'accroupit. Kazakami était vraisemblablement en train de frapper sur tout ce qui l'entourait pour calmer son cœur au bord de l'implosion.

Il avait peut-être l'air d'être quelqu'un de fort, mais sa volonté était manifestement celle d'une personne faible.

Higashikawa posa une question avec le regard de quelqu'un face à une immense pile de linge sale :

— Q-Qu'est-ce qu'on fait alors ?

— Comme je l'ai dit, laisse-le tranquille. Il va s'épuiser bien assez vite. Et à ce moment-là, il retrouvera ses sens et réalisera que c'était inutile.

Mais ce ne fut seulement que l'espace d'un bref instant avant que le sang ne lui monte à nouveau à la tête.

Partie 2[edit]

Malgré les prévisions de Hiyama, les bruits de destructions continuèrent pendant un bon moment par-delà l'obscurité. Kazakami devait avoir encore un peu de forces restantes. Hiyama fut froidement impressionnée qu'il puisse continuer son saccage sans en avoir marre.

Elle avait toujours désiré observer les actions violentes de près. Elle avait été surprise de découvrir que ce n'était pas le cas des gens dans son entourage. Il paraissait normal que les champs de vision des gens se rétrécissaient quand ils sentaient le danger et quand ils perdaient leur capacité à garder la tête froide.

Elle avait toujours eu l'impression que cela diminuait en fait les chances de survie.

Et pour elle, c'était comme si cet état de fait perdurait toujours depuis qu'elle avait été forcée de prendre part à ces attractions. Elle se sentait désagréablement concentrée. Cela lui rappelait les moments où elle était fatiguée mais n'arrivait pas à dormir.

Elle n'était normalement pas une personne aussi froide.

Ou du moins, elle voulait le croire.

Les quatre personnes restantes étaient assises sur le sol, adossée contre le mur, ou avait pris une position confortable pour reprendre des forces. Personne ne l'avait suggéré, mais ils s'étaient tous naturellement mis à le faire.

— Dites, demanda Higashikawa.

— Quoi ?

— J'ai aucune idée de l'objectif des organisateurs, mais ils doivent nous surveiller en permanence, non ? D'après vous, ils font ça comment ?

— Ils ont sûrement des caméras, des micros, ou autres capteurs.

— Mais ils sont où ? J'ai pas vu la moindre caméra de surveillance...

— Bah, coupa apathiquement Matsumi, tu vois les lentilles des smartphones ? Elles sont pratiquement de la taille d'une épingle. Ils peuvent en cacher presque n'importe où. Même si on en trouvait une ou deux, on pourrait jamais toutes les détruire. Et ils auraient même pu dissimuler un petit appareil GPS sur nous.

— ...

Toujours accroupie sur le sol, Rachel jeta un œil en direction de Matsumi, mais détourna ensuite le regard sans rien dire.

Higashikawa s'en était visiblement rendu compte, mais il s'assura de maintenir le flot de la conversation.

— Si on se servait de peinture pour recouvrir les murs et le sol, tu crois qu'on pourrait rendre inopérantes toutes les mini caméra qu'ils ont installées ?

— C'est une bonne idée. Et je suis vraiment d'humeur à peindre des graffitis en plus de ça.

À ce moment-là, les bruits de destruction s'arrêtèrent soudain.

Hiyama et les autres s'échangèrent un regard.

— ... Il a fini ?

— J'espère bien, mais et si les organisateurs étaient entrés en action ? dit Hiyama avec une voix qui la fit elle-même trembler.

Rachel sursauta de peur en entendant ces paroles. Avec cette réaction, elle avait peut-être pensé que Hiyama voulait en fait que ça soit vraiment le cas.

Mais...

Hiyama ne pouvait pas nier que cela ne la dérangerait pas.

Enfin, ils entendirent les bruits de pas de quelqu'un marchant dans le couloir sombre.

Était-ce Kazakami ?

Ou était-ce l'organisatrice ?

Ils avaient tous les yeux rivés sur l'obscurité et aperçurent...

— ... Salut.

C'était Kazakami.

Il était plein de sueur et semblait avoir compris la leçon.

— Je crois... enfin... désolé. J'ai dit beaucoup de choses... mais c'était pas sincère. Travaillons ensemble pour nous échapper d'ici. Je me plaindrai plus.

Il mentait.

Hiyama en était convaincue.

Mais comme elle s'y attendait, Higashikawa l'accepta avec un sourire légèrement coincé. Hiyama ressentit un mal de tête arriver alors qu'elle poussa un léger soupir et prit la parole de façon la moins menaçante possible.

— T'as une minute à m'accorder ?

— Quoi ?

— Je me souviens avoir vu du fil électrique sur le chemin là-bas. C'était dans un placard à balai dans le bureau médical. Je doute que ça puisse servir pour crocheter une serrure, mais on ne sait jamais. Je vais aller le chercher.

— Dans ce cas...

Avant que Higashikawa ne puisse dire quelque chose de coopératif, Hiyama plaça son index devant ses lèvres.

— Je m'en sortirai toute seule. Les organisateurs n'ont pas pointé le bout de leur nez malgré son saccage. Et il n'a pas activé le moindre piège non plus.

Kazakami ne devait avoir réalisé cette possibilité que maintenant car son visage devint rapidement livide, mais Hiyama s'en fichait.

Elle fit un petit geste de la main et descendit le couloir.

En réalité, elle s'en fichait du fil de fer.

Elle voulait un peu de temps pour réfléchir seule.

Elle devait méditer sur la possibilité de vraiment pouvoir réussir les attractions à venir avec ce groupe.

Partie 3[edit]

Hiyama était une personne relativement parfaite.

Une partie de ça venait naturellement d'elle et l'autre était une façade intentionnelle. Il était rare pour quelqu'un de n'avoir que l'une ou l'autre. Dans le cas de Hiyama, elle avait des objectifs précis en tête et travaillait pour les atteindre.

Cela se voyait dans son parcours scolaire, son emploi et ses qualifications.

Et cela ne se limitait pas à ce qui était écrit noir sur blanc sur un formulaire. Certaines catégories étaient plus approximatives telles que ses relations personnelles, son tour de poitrine, la douceur de sa peau et son régime alimentaire. Elle recherchait la perfection dans tout ce qu'elle pouvait imaginer à sa portée. Elle était sans cesse en quête de perfection. Certains pouvaient voir ça comme une sorte de maladie.

La principale force motrice de sa recherche de la perfection tirait sa source dans les mots d'une certaine « malédiction ».

— ... C'est quelque chose, marmonna-t-elle choquée dans le sombre couloir.

Le papier peint avait été partiellement déchiré et même la fenêtre protégée par des barreaux métalliques avait été brisée. La majorité des néons éteints avaient été cassés. Face à un tel chaos, n'importe qui penserait qu'une émeute avait eu lieu. Hiyama se mit encore plus sur ses gardes quand elle vit ce que cet homme avait pu faire tout seul.

Mais elle ne craignait pas sa force.

Elle avait peur du fait qu'il n'en avait pas eu assez avant d'avoir tout détruit de fond en comble.

— Quel taré, pesta-t-elle.

Néanmoins, ses paroles étaient étonnamment calmes et manquaient de réelles émotions. Certains auraient ressenti ces mots comme étant plus durs que s'ils avaient été emplis de haine ou de mépris manifeste.

Et c'est alors que...

La malédiction vint.

Elle ignorait si elle s'échappait de l'obscurité ou d'elle-même, mais la malédiction qui la faisait soudain souffrir était arrivée.

. C'est elle, hein ?

On n'y rien.

Ce parcours horrible que tu trouves pas ?

— ...!!

Elle entendit un drôle de bruit. Bien qu'elle était censée être particulièrement calme, il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser que c'était le bruit de sa main en train d'agripper son visage.

Et pourtant, la malédiction ne voulait pas s'arrêter.

Une fois qu'elle avait commencé à sortir, elle n'allait pas s'arrêter avant d'avoir inondé le cœur de Hiyama.

Après tout, les dirlos de la fac et même que a dit .

Le dernier ce parcours cette fille se trompe.

Ou même devenu . J'ai même entendu un mondial.

Hiyama n'allait pas perdre le contrôle.

Elle n'était pas du genre à imposer ses problèmes aux autres comme Kazakami.

Elle continua à prendre de brèves inspirations pendant une vingtaine de secondes tout en stabilisant son esprit. Elle pouvait sentir les battements de son cœur lentement retourner à la normale.

Allez-vous en. Allez-vous en, tous autant que vous êtes.

Traiter la famille d'un criminel de la même façon que le criminel était un terrible préjugé, mais cette malédiction était encore pire que ça. Elle ne voulait pas se rappeler de ce qui avait suggéré cette idée, mais cela paraissait insensé de faire un tel lien juste parce que le « parcours » de quelqu'un (son lieu de naissance, son milieu de vie, etc.) était similaire à celui d'un criminel historique. Prétendre ça revenait à dire qu'un mangeur de viande était un tueur en série ou que quelqu'un mettant trois morceaux de sucre dans son café était un violeur en puissance.

Elle voulait la nier.

Elle voulait nier cette malédiction.

Néanmoins, elle n'avait aucune intention de débattre avec quelqu'un qui l'avait prise pour cible. Une dispute inutile aurait été exactement ce qu'il recherchait. Et n'importe quel témoin n'aurait pas à réfléchir bien longtemps pour savoir qui avait raison. Elle ne portait aucun intérêt aux débats stériles. Sa « contre-attaque » devait être bien plus efficace.

— ... Franchement.

Après avoir fini par repousser la malédiction naissante, Hiyama parvint calmement à une conclusion.

En deux mots, elle détestait les gens comme Kazakami.

D'ailleurs, les organisateurs avaient vraisemblablement choisi les participants en sachant sciemment que Hiyama ressentait ça. Après tout, ils voulaient regarder des gens lutter douloureusement. Elle ignorait comment ils s'y étaient pris, mais cela ne la surprenait pas qu'ils aient analysé les personnalités de chacun et formé un groupe qui aurait du mal à rester soudé.

En fait, ils n'avaient aucune raison de sélectionner des gens qui pouvaient travailler main dans la main.

— ...

Elle ne devait pas se laisser manipuler.

Elle devait rester calme.

Elle ne devait laisser aucune malveillance s'insinuer en elle.

Elle devait rester elle-même.

Les attractions dont les organisateurs les forçaient à prendre part étaient absurdes à l'extrême. Ils n'allaient que se moquer de leurs pathétiques résultats s'ils venaient à céder et agir sans réfléchir. Elle ne devait pas se laisser aller comme ils l'entendaient. Elle allait aller à contre-courant des attentes des organisateurs qui avaient soi-disant la situation sous contrôle. Elle allait surmonter tous les problèmes qui se dresseraient sur son chemin. Elle allait trouver une faille et en profiter. Elle allait rentrer chez elle, saine et sauve.

Et elle avait besoin d'aide pour s'enfuir.

Elle avait besoin de cette aide même si la seule option qui s'offrait à elle était des minables qui ne feraient que lui mettre des bâtons dans les roues.

— Je m'en sortirai, marmonna Hiyama.

Elle en était arrivée à cette conclusion pour le moment. Elle devait retourner au hall des ascenseurs où Higashikawa et les autres se trouvaient, mais elle avait prétendu être partie chercher un rouleau de fil de fer dans le placard à balai du bureau médical.

C'était pénible, mais Hiyama se dirigea vers le bureau médical.

Mais alors...

— ...?

Elle entendit un craquement. Quand Kazakami avait brisé la fenêtre derrière les barreaux avec son bâton en bois, les éclats de verre s'étaient éparpillés sur le sol sombre. Elle avait marché sur un de ces éclats avec ses ballerines. Celui-ci était trop petit pour transpercer la semelle.

Mais Hiyama ne regardait pas le sol.

Au lieu de ça...

— Comment ça se fait...?

Partie 4[edit]

Hiyama ne revenait pas.

Higashikawa et les autres n'avaient pas de montre, alors ils avaient au début considéré que leur perception du temps était déphasée. Ils s'étaient dit qu'il ne s'était écoulé que quelques minutes et que la tension constante les avait rendues plus longues.

Mais ils finirent par se dire que quelque chose clochait.

— Dites, dit Kazakami, elle s'appelle Hiyama, pas vrai ? Enfin, jusqu'où elle est allée ?

— Elle peut pas être bien loin. On est bloqués par ces barreaux.

Dans ce cas, pourquoi mettait-elle autant de temps ?

Aucun d'entre eux ne répondit à cette question.

— ... Qu'est-ce qu'on fait ? On devrait partir à sa rencontre, non ? suggéra Higashikawa.

Mais Matsumi fronça les sourcils de l'endroit où elle était assise et répondit :

— On n'est pas obligés. Peut-être qu'elle voulait juste être seule. Ou peut-être bien qu'elle est partie aux toilettes.

— Hum... dit Rachel en étant accroupie et en évitant de regarder en direction de Matsumi. Et si Hiyama-san avait trouvé une sortie ? Si c'est le cas...

Elle ne revenait pas.

Cela paraissait une bonne chose si on se disait qu'elle était partie en éclaireur toute seule.

Néanmoins, on pouvait également se dire qu'elle avait laissé tomber les quatre autres en se dirigeant vers la sortie.

Kazakami devint soucieux.

— U-une petite minute !! Dans ce cas, il faut qu'on se dépêche. Hiyama va tout garder pour elle.

— Garder tout quoi...?

— Tu crois vraiment que les organisateurs laisseraient la sortie ouverte ? Ils pourraient faire passer la première personne et refermer la porte derrière elle !! Et si la carte pouvait être utilisée qu'une seule fois ?!

Rien de tout ça n'était arrivé lors de la précédente attraction et ils pouvaient tous passer par la porte même si la carte ne pouvait être utilisée qu'une fois, mais Kazakami était submergé par le danger qu'il avait lui-même imaginé.

Kazakami s'était mis à inconsciemment agiter un peu son arme, alors Higashikawa accepta de partir à la recherche de Hiyama plutôt que d'essayer de raisonner l'homme. Par contre, il ne pensait pas qu'il existait de sortie aussi opportune.

— Je viens pas, dit sèchement Matsumi qui avait sa propre arme.

Tout le monde se tourna vers Rachel.

Elle sursauta légèrement, mais se leva avec hésitation.

À en juger de ses précédentes déclarations et actions, elle ne semblait pas être du genre à affronter le danger, mais Higashikawa supputa qu'elle avait peur de rester seule avec Matsumi et son arme.

Personne n'était mort dans l'attraction du bloc opératoire, mais cela avait tout de même dû être un choc pour elle.

— Dans ce cas, allons-y. Matsumi-chan, c'est ça ? S'il se passe quoi que ce soit, crie.

— Bien sûr. Et je te permets pas d'utiliser « -chan » avec moi.

Matsumi se fichait de la sollicitude de Kazakami, alors elle se contenta de regarder les trois s'engager dans le couloir.

En se faisant, l'homme en uniforme de travail se mit à marmonner quelque chose.

— 'Tain. Hiyama va le payer si elle est partie sans nous...

Comme tout le monde, Hiyama devait vouloir autant de survivants que possible, mais cette idée semblait complètement portée disparue de la logique de Kazakami.

Higashikawa sentit quelque chose de bizarre dans son dos.

Rachel s'agrippait nerveusement à ses vêtements. Pourtant, Higashikawa doutait avoir fait quoi que ce soit pour qu'elle le perçoit sous un angle favorable. Hiyama avait disparu et Matsumi et Kazakami tenaient des armes menaçantes. La seule personne sûre dans les alentours se trouvait simplement être Higashikawa.

Ils aperçurent une silhouette à une quinzaine de mètres plus loin dans le couloir.

Il faisait trop sombre pour discerner quoi que ce soit précisément, mais du verre était éparpillé sur le sol à l'endroit où Kazakami s'était déchaîné. Une silhouette féminine était visible au milieu. C'était manifestement Hiyama.

Cependant...

La silhouette n'était pas debout.

Elle était allongée sur le sol couvert de morceaux de verre.

Tous les trois étaient confus.

Cette confusion était bien entendu partiellement due au fait que Hiyama était immobile sur le sol au milieu d'éclats de verre.

Mais ce n'était pas tout.

L'autre silhouette agitant un extincteur en l'air juste à côté de Hiyama était encore plus inattendue.

Rachel poussa un cri de toutes ses forces.

La personne à l'extincteur se tourna dans leur direction.

Ils purent désormais apercevoir qui c'était.

— L'organisatrice...!! cria Kazakami.

La femme tourna la tête vers le groupe de Higashikawa puis vers Hiyama avant de jeter l'extincteur et de prendre ses jambes à son cou.

— Attends !!

C'était bien entendu Kazakami qui fut le premier à crier et à se mettre à sa poursuite. Son arme n'était rien de plus qu'un lampadaire, mais c'était suffisant pour changer son état d'esprit. Il réussit à se frayer un chemin dans l'obscurité où avait disparu l'organisatrice.

Higashikawa commença par se diriger vers Hiyama, mais Rachel tira fermement sur ses vêtements.

Il se retourna et elle secoua la tête.

Il comprenait où elle voulait en venir.

Après avoir senti même la plus subtile des violence, elle ne voulait pas s'approcher. Elle n'en pouvait plus. Higashikawa ressentait la même chose.

Néanmoins...

— Peut-être qu'elle n'est pas encore morte. On pourrait la sauver.

Rachel lâcha lentement les vêtements de Higashikawa, le libérant ainsi de sa prise.

Il accourut au chevet de Hiyama, mais Rachel ne le suivit pas.

Le couloir était suffisamment sombre pour qu'il ne puisse pas voir ses blessures en détails. Mais à sa silhouette, elle n'avait au moins pas de fracture, son crâne n'avait pas été enfoncé et elle ne semblait avoir aucune blessure apparente.

— Ça va ? Hé, tu m'entends ?!

L'organisatrice avait utilisé un extincteur. C'était une arme contendante. Elle avait vraisemblablement visé la tête. Higashikawa ne savait pas s'il devait la secouer, alors il se contenta de crier. Il voulait la soigner, mais il ignorait ce qu'il était censé faire pour un coup à la tête.

Il doutait que la refroidir avec de la glace ou une compresse était bien utile dans une situation de vie ou de mort.

— Ukh...

Après que Higashikawa ait crié pendant quelque temps, Hiyama finit par pousser un gémissement.

Mais elle ne se releva pas.

Elle avait peut-être une commotion cérébrale.

Mais c'est alors que Higashikawa entendit un cri en direction de là où l'organisatrice et Kazakami avaient disparu.

C'était une voix masculine.

— Merde !! Qu'est-ce qui se passe ?! cria Kazakami d'une voix agacée.

L'organisatrice qui contrôlait les attractions s'était peut-être débattue. Ou il était tombé dans un piège.

Higashikawa voulait qu'ils rentrent tous chez eux en un seul morceau.

Il ne voulait pas abandonner Hiyama, mais il ne pouvait pas ignorer Kazakami si sa vie était en danger.

— Rachel, Rachel !

Quand il cria son nom frénétiquement, la blonde aux yeux bleus sursauta tout en observant à faible distance.

— Occupe-toi d'elle pour moi. Je vais aller voir Kazakami !!

— Hein ? Mais...

S'il attendait les avis de tout le monde, il n'arriverait jamais à rien, alors Higashikawa se rua dans la pénombre sans attendre la réponse de Rachel.

Mais comment ça se faisait ? pensa Higashikawa tout en courant.

Pourquoi l'organisatrice est apparue ici ? Elle a pas peur qu'on l'attrape ? Ces gens ont pas l'air d'être du genre à faire les choses à moitié.

Ils n'avaient pas encore vu les règles de l'attraction globale. Peut-être qu'il y avait une règle derrière l'apparition de l'organisatrice cette fois-ci.

Si c'était le cas, découvrir pourquoi elle était entrée en action pouvait lever le voile sur les règles globales et peut-être même une méthode de renverser la situation.

— Une seconde. C'est...

Higashikawa aperçut un panneau et s'arrêta de courir.

Il était devant le bureau médical.

C'était là que Hiyama avait l'intention de récupérer un rouleau de fil de fer.

— ...

Il prit un petit détour avant de se remettre à courir.

Il trouva l'homme près des escaliers de secours.

Kazakami cria sur Higashikawa comme pour évacuer sa frustration d'être bloqué par les barreaux métalliques. Il n'avait pas tapé dessus, mais c'était peut-être parce que Hiyama avait mentionné la possibilité de pièges plus tôt.

— Merde, merde !! Il nous faut vraiment la carte de ces barreaux !!

On pouvait tout aussi bien monter que descendre dans ces escaliers de secours. L'organisatrice reprenait son souffle à cet endroit. Comme l'avait dit Kazakami, elle tenait une fine carte dans une main.

Ils ne pouvaient pas l'atteindre.

Maintenant qu'il en avait eu le cœur net, Higashikawa posa une main sur l'épaule de Kazakami.

— Bouge.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?! Elle a la carte. On peut rien faire !!

— C'est pas mon intention.

Higashikawa poussa Kazakami hors de son chemin et s'approcha des barreaux métalliques sans s'inquiéter de la présence de pièges. Plus précisément, il s'approcha de la petite porte prévue pour laisser passer les gens.

Mais il n'essaya pas de l'ouvrir.

Son intention était l'exact opposé.

— Quoi ? dit Kazakami, confus.

L'organisatrice qui était en train de s'enfuir à un autre étage se retourna quand elle réalisa ce qui se passait.

Higashikawa utilisa le fil de fer qu'il avait ramassé dans le bureau médical pour attacher les barreaux ensemble avec ceux de la porte. Il enroula le fil encore et encore.

C'était comme s'il s'enfermait dans une cage.

D'une certaine façon, c'était exactement ce qu'il faisait. Mais d'un autre côté, c'était l'exact opposé de ce qu'il faisait.

— Elle a quitté la zone sûre pour entrer dans notre cage. Elle a fui parce qu'elle sait que c'est dangereux de rester au même endroit que nous. Alors pourquoi avoir pris ce risque ?

Higashikawa tordit le fil plusieurs fois au point qu'il finit par rompre.

Après s'être assuré que les barreaux métalliques étaient bloqués, il donna le reste à Kazakami.

— Bloque les barreaux devant l'autre escalier de secours et les ascenseurs au cas où ! De cette façon, les organisateurs pourront pas nous atteindre !! Les règles globales se trouvent sûrement près de là où est Hiyama. Si on les découvre, on aura plus à errer constamment à l'aveugle sur un terrain miné ! On sera libre de nos mouvements !!

— !!

L'organisatrice escalada précipitamment les escaliers de secours et Kazakami courut vers l'autre escalier de secours.

S'ils connaissaient les règles, ils pourraient riposter.

Ils étaient très vraisemblablement cuits s'ils ne contre-attaquaient pas maintenant.

Partie 5[edit]

Higashikawa accourut là où ils avaient trouvé Hiyama allongée sur le sol.

Elle ne s'était toujours pas relevée. Rachel était restée à son chevet sans s'enfuir.

— ... Il doit y avoir quelque chose ici.

Higashikawa avança au niveau de Hiyama et inspecta les alentours.

— Quelque chose. Quelque chose qui nous aidera à retourner la situation !! Elle l'a pas trimballée jusqu'ici après l'avoir attaquée. Elle l'a attaquée ici, alors il doit y avoir quelque chose. Il doit y avoir une raison logique à cette attaque. Une règle !!

Mais il ne trouva aucune information révolutionnaire.

Du fait du saccage de Kazakami, le papier-peint du couloir était déchiré, la vitre censée être protégée par les barreaux métalliques était brisée et les néons étaient cassés. Plusieurs fragments pointus étaient éparpillés sur le sol, alors c'était un endroit dangereux pour s'allonger dessus.

Mais c'était tout.

Higashikawa ne pouvait voir rien indiquant une quelconque règle. Il se mit à paniquer. De la sueur s'écoula sur son front. Une terrible règle était censée se trouver là. S'il ne trouvait rien ici, ils allaient toujours être martyrisés sans connaître les règles. Il n'en avait aucune preuve, mais c'était le destin qui lui venait à l'esprit.

La sueur s'échappant de son corps ne fit que renforcer son agacement.

Il se servit de sa manche pour essuyer la sueur de son sourcil, mais c'est alors qu'il fronça ce dernier.

Quelque chose avait attiré son attention.

— Où est le vent ?

Il se concentra sur un point en particulier.

Il regarda la fenêtre qui était protégée par des barreaux métalliques.

— La vitre était brisée, alors il devrait au moins y avoir un courant d'air. Alors pourquoi on étouffe autant ici ?

Il était simplement possible que c'était une nuit sans vent.

Malgré la saison, c'était peut-être simplement une nuit chaude et calme.

Mais...

Il saisit les barreaux de la fenêtre et inspecta l'extérieur une fois de plus. Higashikawa devait être en train d'observer le paysage depuis un obscur couloir à dix étages de haut.

Et pourtant...

— C'est quoi ce bordel ? dit Higashikawa, confus.

Il n'y avait aucune différence. Malgré le paysage nocturne s'étendant devant lui, l'air à l'extérieur et à l'intérieur étaient exactement le même. La température, l'humidité, la fraîcheur, le manque de vent et tout le reste étaient exactement les mêmes. C'était comme s'il n'y avait aucune différence entre l'intérieur et l'extérieur. C'était comme si tout ne formait qu'un.

Et pire que ça...

— ...

Higashikawa baissa les yeux.

Le paysage qu'il voyait là pouvait donner des frissons à n'importe qui ayant le vertige.

Il vit quelque chose de brillant à cet endroit.

— Des éclats de verre ?

Ils étaient vraisemblablement tombés quand Kazakami avait brisé la vitre avec son bâton. Pour une raison ou une autre, ils flottaient de manière peu naturelle au milieu du ciel. Non, pire que ça. Ils déstabilisaient le sens des distances avec le paysage. Ces innombrables éclats de verre juraient totalement avec le reste du paysage autrement parfait.

Se pouvait-il que ?

Se pouvait-il que...?

— Il n'y a ni paysage nocturne ni océan dehors, marmonna Higashikawa d'un air vide. On n'est pas à dix étages de haut en fait.

Il venait de mettre le doigt sur quelque chose de fondamental.

Higashikawa convertit la vérité sous ses yeux en mots.

— On nous a juste fait croire qu'on y était.

Toutes ces fenêtres avaient vraisemblablement été recouvertes par des murs semi-sphériques. En ajoutant quelques dessins trompe-l'œil à l'intérieur, on leur avait fait croire qu'ils se trouvaient à dix étages de haut et qu'ils ne pouvaient voir que le paysage nocturne dehors.

S'il faisait jour ou si le couloir était bien éclairé par les néons, ils auraient pu le remarquer dès le début. Mais la moindre chose étrange dans ce paysage était difficile à déceler avec si peu de lumière.

C'était également pour ça que les escaliers de secours et les ascenseurs avaient été condamnés par des barreaux. Cela aidait à dissimuler le fait qu'ils ne se trouvaient en fait pas au dixième étage.

Telle était la règle. C'était pour ça que Hiyama avait été attaquée. Et dans ce cas...

— J'ai compris.

Higashikawa entra dans une chambre d'hôpital au hasard et désassembla un lampadaire pour en faire un bâton comme Matsumi et Kazakami avaient. Quand Rachel aperçut Higashikawa avec l'arme, elle poussa un petit cri perçant.

Mais il n'avait pas l'intention de s'en servir sur un être humain.

Higashikawa coinça le bâton entre les barreaux et poussa.

Comme prévu, il rencontra quelque chose de dur qui n'aurait pas dû se trouver dans ce paysage nocturne.

Mais ça ne s'arrêtait pas là.

Le bâton en bois passa même à travers comme s'il avait transpercé du carton. Quand il le retira, un trou de la taille d'un pouce se trouvait dans le paysage en trompe-l'œil. Un rayon de lumière passait par le trou.

Il y avait quelque chose de l'autre côté.

Il y avait un espace derrière.

Les organisateurs y cachaient un secret.

— Fait chier !! Si seulement on pouvait se débarrasser de ces barreaux !!

Higashikawa lâcha le bâton et agrippa les barreaux avec ses deux mains sans s'inquiéter du moindre piège. Il se servit de tout son poids pour les secouer d'avant en arrière. Il savait qu'il ne pourrait jamais arracher des barreaux qui avaient été soudés là, mais il devait tenter le coup.

Et c'est alors que quelque chose de vraiment inattendu arriva.

Suivi d'un craquement, tous les barreaux métalliques s'arrachèrent du cadre de la fenêtre.

— Que-...?

Higasikawa tombait à la renverse, mais réalisa alors qu'il n'avait même pas le temps de se poser des questions.

Il tombait hors de la fenêtre.

Ses épaules entrèrent en collision avec le mur semi-sphérique extérieur qui était recouvert par un dessin trompe-l'œil.

Après un déchirement, Higashikawa roula de l'autre côté du mur.

Après être resté si longtemps dans le noir, les lumières brillantes lui brûlaient les yeux.

— Kh... C'est quoi cet endroit...?

Il regarda autour de lui et trouva un bar bien rangé. Un mur était recouvert par un écran géant, mais il semblait servir de lumière décorative. La zone contenait également un comptoir et plusieurs tables rondes. Un ordinateur portable se trouvait devant chaque chaise. Sur les écrans était affiché un plan de l'Hôpital de l'enfer où étaient confinés Higashikawa et les autres avec plusieurs petits points bizarres dessus. Comme prévu, il n'y avait aucune information sur les étages autres que le leur. Ce n'était en fait même pas un hôpital.

Et...

Son regard croisa celui de quelqu'un d'autre.

C'était une fille en âge d'aller à l'université avec un large casque audio sur les oreilles.

Ce n'était pas l'organisatrice qu'ils avaient affronté plus tôt.

Néanmoins...

Si elle est là, c'est qu'elle doit faire partie des organisateurs !!

Higashikawa ramassa son bâton en bois sur le sol et le serra fort dans ses mains. Il sentit un léger parfum de vanille. Elle était clairement en train de se détendre tranquillement tout en les regardant souffrir.

Et c'est alors qu'une grande voix parvint derrière lui.

— Hé, écoutez ça. Alors que j'étais en train d'enrouler le fil, les barreaux sont tous tombés ! ... Hé, c'est quoi ce bordel ?!

C'était Kazakami et Matsumi.

Peut-être en raison de leurs armes, ils n'avaient pas hésité à s'engouffrer dans le « trou » que Higashikawa avait trouvé. Et ils aperçurent ensuite l'organisatrice tout comme lui.

De la hargne s'amoncela dans leurs regards.

Higashikawa eut l'impression d'avoir été témoin du moment où de la colère refoulée faisait voler en éclat la façade de la justice.

De la peur se lisait dans les yeux de l'organisatrice portant un casque audio.

Elle regarda désespérément en direction de la sortie de la pièce.

Mais elle n'y parvint pas à temps.

Matsumi avait lancé son bâton dans son dos. Un étrange cri s'échappa de la bouche de l'organisatrice portant un casque audio. Elle était plus ou moins parvenue à maintenir son équilibre, mais Kazakami l'avait déjà rattrapée.

Il l'attrapa par les cheveux et la projeta avec force sur le sol.

Kazakami agita son bâton vers son torse. Il ne retenait pas ses coups et frappait clairement de toutes ses forces. Matsumi ne l'arrêta pas. Elle ramassa le bâton qu'elle avait lancé et se dirigea à son tour vers la femme au casque audio.

C'était suffisamment violent pour donner envie à Higashikawa de détourner les yeux.

Mais il sentait également que c'était inévitable.

Survey v02 342.jpg

C'était une des organisateurs qui aimaient jouer avec la vie des gens et à les forcer à prendre part à ces attractions. N'importe qui voudrait se venger de gens comme ça.

Kozue !!

Une autre porte s'ouvrit.

Cette fois-ci, c'était l'organisatrice qui s'était échappée par la porte en barreaux métalliques menant aux escaliers de secours.

Cette femme qui avait une chevelure flamboyante et qui ressemblait à une fille de cabaret était celle à qui Higashikawa et les autres faisaient face jusqu'ici. Néanmoins, elle avait l'air si perdue que Higashikawa se demanda presque si c'était la même personne.

— Attendez ! On peut tout expliquer !! Épargnez Kozue !!

— ...

La fille de cabaret tenta désespérément de s'approcher, mais Higashikawa tendit son bâton pour la maintenir à distance. Elle grinça des dents, mais resta où elle se trouvait. Pendant ce temps, Higashikawa pouvait entendre un bruit similaire à celui d'une épaisse couverture qu'on frappe.

Au premier abord, le renversement de situation avait été un succès.

Mais Higashikawa sentit que quelque chose clochait furieusement dans cette situation.

Il avait l'impression qu'un détail lui échappait.

Je sais.

Soudain, il comprit.

Ils ont pas hésité à nous donner quatre pistolets pendant l'attraction du bloc opératoire. Ils devraient avoir des tas d'armes. Alors pourquoi ? Pourquoi ils se servent pas de cette force de frappe pour nous arrêter ? Même un simple flingue changerait complètement la situation.

C'était la même chose que quand Hiyama avait été attaquée.

Pourquoi avoir utilisé un extincteur ? Les organisateurs auraient librement pu se servir de bombes ou d'armes, alors ils auraient dû pouvoir tuer Hiyama de façon plus simple et certaine.

Quelque chose cloche. C'est bizarre. Tout comme la fragilité des barreaux de la fenêtre. Et s'ils s'étaient contentés de faire les murs semi-sphériques en béton, on aurait rien pu faire même si on avait compris le truc. Et Kazakami a dit qu'il s'était passé la même chose avec les autres barreaux. C'est presque comme si...

Soudain, Higashikawa remarqua un panneau en liège sur un mur.

Une feuille de papier A4 y était accrochée et disait :

Joueur 1 :

Mamoru Higashikawa

Tomoko Hiyama

Shinzô Kazakami

Shirauo Matsumi

Rachel Skydance

Cela se passait de commentaires. C'était la liste des participants de l'attraction. Des photos de leur visage étaient visibles à côté de la feuille.

Mais ce n'était le cœur du problème.

À côté se trouvait une autre liste de noms.

Au début, il pensait que c'était la liste des noms des organisateurs.

Cependant...

Joueur 2 :

Kyôsuke Anzai

Quartervalley Harumi

Hotaru Hasegawa

Kozue Kusaka

Aisu Yakushiji

— Joueur... 2 ? marmonna Higashikawa avant de sentir comme une désagréable goutte de sueur.

Il avait fini par réaliser quelque chose.

Il avait senti une certaine malice.

Il connaissait toute la cruauté des véritables organisateurs qui contrôlaient toute l'attraction.

— Non. Attendez !! Kazakami !! Matsumi !! La tuez pas !!

— Quoi ?! Qu'est-ce que tu racontes ? On est morts si on retourne pas la situation ! Et t'es qui pour me donner des ordres ?!

C'était en partie de la faute de Higashikawa que c'était arrivé. Il avait empêché les cinq d'entre eux de s'entretuer pour diriger leur haine envers les organisateurs. Il avait orienté la nature violente de Kazakami dans cette direction.

Mais les véritables organisateurs avaient peut-être prévu même ça.

— Il faut arrêter ça !!

— Pourquoi ?!

— Elle fait pas partie des vrais organisateurs ! Elle est dans un autre groupe de joueurs prenant part à cette attraction !!

— Quoi ?

Kazakami et Matsumi se tournèrent tous deux vers Higashikawa.

La dénommée Kozue qui avait été rouée de coups de façon continue avec des bâtons en bois gisait sur le sol et respirait à peine.

Pouvait-elle être sauvée ?

Higashikawa l'ignorait, mais il devait s'assurer qu'elle ne subisse pas plus de coups.

Après tout...

— Les véritables organisateurs avaient prévu qu'on s'échappe comme ça ! Ils nous ont laissé nous échapper pour qu'on décharge toute notre colère sur les premiers venus. Il n'y avait aucun autre moyen pour nous de passer les barreaux des fenêtres ou couloirs. On croyait que l'Hôpital de l'enfer était le lieu de l'attraction, mais il y en a un encore plus grand bâti tout autour. On est tous piégés à l'intérieur en étant séparé en plusieurs groupes !! Ils veulent nous faire tuer des innocents sans même nous l'avoir demandé !!


Résumé des actions du Joueur 2[edit]

Tout avait commencé suite à une annonce postée sur un panneau sur le campus.

Harumi, une fille de ce groupe de quatre amies, avait montré de l'intérêt pour cette dernière et elles avaient forcé un autre étudiant appelé Kyôsuke Anzai à les accompagner parce qu'elles se sentaient plus en sécurité avec un homme avec elles. Et ainsi, ils étaient arrivés dans le parc d'attraction célèbre dans le monde entier appelé Attraction Land pour superviser quelques nouvelles attractions.

Une fois arrivés, ils furent endormis au moyen de drogue et se retrouvèrent dans une sorte de bâtiment à leur réveil.

Les organisateurs leur ordonnèrent de diriger un autre groupe appelé Joueur 1. Ils avaient été informés du point faible de la fenêtre et on leur avait ensuite demandé de faire faire un certain nombre d'attractions au Joueur 1 sans qu'ils ne remarquent ce point faible. S'ils réussissaient, tous les membres de Joueur 2 seraient libérés. Tel était ce qu'on leur avait dit.

En cas d'échec, tous les membres de Joueur 1 et de Joueur 2 allaient être exécutés.

Pour vraiment sauver tout le monde, Joueur 2 devait gérer les attractions à la perfection et Joueur 1 devait toutes les réussir. C'était le seul et unique moyen.

Kozue, Aisu et les autres étaient évidemment restés sans voix en apprenant de quoi il en retournait.

Les membres de Joueur 1 étaient assurés de mourir s'ils participaient à ces attractions encore et encore.

Mais les cinq membres de Joueur 2 avaient été au final incapable de résister. S'ils l'avaient fait, ils auraient tous été tués. Et ils savaient que les organisateurs auraient mis à exécution leurs menaces. Ils en étaient parfaitement conscients après avoir visionné toutes ces vidéos.

Tous les membres de Joueur 2 furent en mesure de suivre les ordres des organisateurs et forcèrent le Joueur 1 à prendre part à ces attractions tout en priant pour leur survie.

Néanmoins, ils ne s'étaient pas contentés de la promesse des organisateurs de les relâcher s'ils suivaient les ordres. Les cinq membres de Joueur 2 se séparèrent en deux groupes. Un s'occupait des attractions et l'autre fouillait le bâtiment dans l'espoir de trouver une sortie.

Anzai, Harumi et Hotaru étaient dans le groupe de recherche.

Kozue et Aisu allait diriger les attractions.

L'attraction globale utilisant le Joueur 1 et le Joueur 2 s'était soldée par une victoire du premier nommé, parce qu'il avait trouvé la sortie.

Qu'est-ce qui avait conduit à la défaite de Joueur 2 ?

Était-ce parce que les cinq n'avaient pas travaillé de concert pour écraser le Joueur 1 ?

Ou était-ce parce qu'ils s'étaient trouvés des excuses tout en gérant ces attractions qui mettaient dos au mur le Joueur 1 ?


Jeu de la Faucheuse 04 : Ennemi naturel[edit]

Partie 1[edit]

— Kozue !!

Ces gens qui couraient en criant ce nom étaient sûrement les autres membres de Joueur 2. Ils avaient tous la vingtaine. Ils se mirent en cercle à l'endroit où Kozue était allongée sur le sol puis fusillèrent intensément du regard Higashikawa et les autres.

Mais une personne de Joueur 2 avait passé Hiyama à tabac.

Hiyama entra dans le bar en dehors de l'Hôpital de l'enfer tout en s'appuyant sur l'épaule de Rachel. Quand le Joueur 2 aperçut le sang rouge couler de la tempe de Hiyama, ils se retinrent de prononcer les commentaires qu'ils étaient sur le point de proférer.

— ...

— ...

Les deux groupes se dévisagèrent.

En termes de dégâts directs, le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient tous les deux une femme blessée. La quantité de dégâts était similaire, alors aucun des deux côtés ne pouvaient en vouloir à l'autre.

Hélas...

Non. C'est pas comme ça que ça marche.

Higashikawa pouvait sentir une atmosphère tendue emplir le bar.

Colère, haine et rancœur ne pouvaient être chassées aussi facilement. En mettant de côté le niveau réel de dégâts, ces sentiments allaient continuer à s'échapper jusqu'à ce que la personne soit satisfaite. Même un soldat ayant déjà abattu d'innombrables guérilleros ou terroristes aurait été submergé par la haine si un de ses frères d'arme était tué.

On ne pouvait retenir les sentiments de quelqu'un avec raison que dans une situation où agir sous le coup de l'émotion allait sans aucun doute empirer les choses.

Dans la majorité des cas, la police, l'armée ou les prisons jouaient ce rôle d'inhibiteur. Mais aucune de ces choses n'était présente ici, alors les freins qui contrôlaient leurs émotions débordantes ne fonctionnaient pas correctement.

S'ils commençaient à s'insulter et à prendre les armes, la situation pouvait rapidement tourner au bain de sang.

Ceux qui détiennent la clé d'une issue pacifique sont...

Higashikawa jeta un œil vers Hiyama.

Puis vers Kozue dont la respiration était vraiment faible.

La rancœur et la haine ressenties par le Joueur 1 et le Joueur 2 étaient basées sur ces deux femmes blessées.

Si ces deux victimes directes pouvaient dire à tout le monde qu'elles ne souhaitaient pas qu'on les venge, les autres membres perdraient leur bonne raison de laisser leurs émotions prendre le dessus.

Bien entendu, la logique ne s'appliquait pas toujours quand il était question de sentiment humain.

Néanmoins, si quelqu'un attaquait sans cette raison, la situation toute entière pouvait changer. Au lieu d'une confrontation entre Joueur 1 et Joueur 2, cela se terminerait en un combat entre cette personne et les neuf autres de Joueur 1 et Joueur 2.

Une affrontement avec des armes de fortune entre deux groupes de cinq serait un désastre.

Mais qu'en était-il si c'était à neuf contre un ?

Avec un tel rapport de force, ils pourraient être en mesure de retenir la personne sans trop lui faire de mal.

Si tout le monde gardait son droit de parole, une structure naturelle pouvait émerger et faire office de police et maîtriser toute personne devenant violente.

Idéalement, ils pouvaient faire ça sans ériger de dictateur, mais...

— ...

— ...

Que Hiyama et Kozue réalisaient leur importance ou non, elles détournaient les yeux quand Higashikawa regardait vers elles.

La situation était critique.

Higashikawa entendit un léger bruit. C'était Kazakami qui faisait un petit pas en avant. Comme le Joueur 2 était constitué de quatre femmes et d'un homme, ce dernier fut naturellement celui qui répondit en avançant à son tour d'un pas. Si l'information sur le panneau en liège était avérée, il s'appelait Kyôsuke Anzai.

La situation était sur le point de dégénérer.

Pour Higashikawa, l'ambiance faisait penser à un ballon trop rempli d'air.

Hiyama et Kozue Kusaka vont rien dire. Mais l'idée de passer d'un cinq contre cinq à un neuf contre un n'est pas si mauvaise. Comment est-ce que je pourrais y parvenir ? Y aurait-il un moyen d'en arriver au même résultat sans me servir des deux victimes directes ?!

Higashikawa avait démonté un lampadaire pour faire un trou dans l'Hôpital de l'enfer. Autrement dit, il possédait une arme.

Il la serra et prit une profonde inspiration.

Puis il parla.

— Écoutez. J'ai pas envie de mourir ici.

Comme prévu, Kazakami et Anzai tournèrent tous deux leurs regards hostiles dans sa direction.

— Où tu veux en venir ?

— Tu penses pareil, pas vrai ? Si le Joueur 1 ou le Joueur 2 se rend, on peut s'en sortir sans que ça dégénère.

Higashikawa sourit en entendant Anzai dire ça.

Ça pouvait marcher.

Il voulait parler. Vu qu'Anzai n'avait ni crié ni attaqué sans écouter jusqu'au bout, la situation était meilleure qu'elle ne le paraissait.

— Oui.

Tenter d'être idéaliste ne servirait à rien ici.

Dire quelque chose qui n'atteindrait personne ne ferait que rendre la situation plus confuse.

Et ainsi...

Mamoru Higashikawa pointa son arme artisanale en avant.

— Je pensais à la même chose. Et c'est pour ça que je vais faire ça.

Il dirigea son arme vers Kazakami qui était sur le point de sauter sur le Joueur 2.

Il avait pointé son arme vers un membre de Joueur 1 qui aurait dû être son camarade.

Tout le monde dans le bar fut paralysé sur place.

Kazakami était celui sur lequel l'arme était pointée, mais tout le monde y compris Matsumi, Rachel et les cinq de Joueur 2 retinrent leur souffle.

Avant que quelqu'un ne puisse faire quoi que ce soit, Higashikawa continua à parler.

S'il ne prenait pas l'initiative ici, le bain de sang était inévitable.

— Qui sait ce qui se passera si on se bat à cinq contre cinq. Mais et si ce rapport de force est modifié ? Je me fiche d'être du côté du Joueur 1 ou du Joueur 2. Je rejoindrai le côté des vainqueurs. J'irai du côté qui assurera ma survie. Alors pose ton arme, Kazakami. Ou tu comptes te battre contre nous tout seul ?

— ... Enfoiré. Et dire que je croyais qu'on était du même côté.

— C'est les organisateurs qui ont décidé ça, pas moi.

Après avoir dit ça, Higashikawa pointa ensuite son arme vers Kyôsuke Anzai du Joueur 2.

— Et si toi, tu décides de te battre, je serai l'ennemi du Joueur 2. Je vais pas y aller par quatre chemins. Vous avez l'avantage tant que je reste du côté du Joueur 2. Cela déstabilise le rapport de force. Tu tiens vraiment à abandonner ça juste pour commencer un combat à mort à 50/50 ? Il vaudrait mieux mettre toutes les chances de ton côté, non ?

— ... Tss.

Anzai fit claquer sa langue et fit un pas en arrière.

En voyant ça, Higashikawa interrogea les cinq membres du Joueur 2 une fois de plus.

— Il faut qu'on échange nos informations si on veut s'échapper d'ici vivant. Non pas que je pense qu'on ait des masses d'informations utiles à vous donner vu qu'on était enfermés là-dedans.

— Pigé.

Il était passé du Joueur 1 au Joueur 2.

Ils avaient pu éviter le bain de sang pour l'instant, mais l'ambiance était toujours tendue dans le bar. Avant que Higashikawa ne puisse s'avancer, Hiyama lui murmura à l'oreille.

— (Merci.)

Néanmoins...

— (Mais il y avait une chance que tout le monde s'en prenne à toi en faisant ça. Évite de faire des choses aussi insensées si tu tiens à la vie.)

Un frisson parcourut son dos.

Le Joueur 1 aurait pu facilement le haïr pour sa trahison.

Le Joueur 2 n'avait aucune raison valable d'accepter un traître dans ses rangs.

Il aurait pu être rejeté par les deux groupes.

Cela aurait créé une situation de neuf contre un.

Exactement la situation que Mamoru Higashikawa avait mise en place vu qu'une punition aurait pu lui être appliquée.

Partie 2[edit]

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L'étudiant à l'apparence banale était Kyôsuke Anzai.

La fille blonde aux yeux bleus parlant un japonais peu conventionnel s'appelait Harumi.

La grande et jolie fille qui avait de longs cheveux noirs et qui donnait l'impression d'avoir la tête sur les épaules se prénommait Hotaru.

La fille portant un casque audio et des bandages avait pour nom Kozue.

La fille à la coiffure tape-à-l'œil qui aurait toute sa place dans un cabaret était Aisu.

Les cinq membres cités précédemment du Joueur 2 se présentèrent. Contrairement à Higashikawa et les autres du Joueur 1, ils allaient tous dans la même université et se connaissaient avant de prendre part à cette attraction.

Le Joueur 1 avait dû construire leurs relations interpersonnelles de zéro dans des conditions extrêmes, alors ils étaient un peu jaloux du Joueur 2.

Néanmoins, c'était une situation où la moindre erreur aurait pu causer la mort de quelqu'un. Quand de toutes les morts possibles, cela tombe sur quelqu'un qu'on connait, la situation pouvait être perçu comme encore pire que simplement avoir à suspecter tout le monde.

— Par ici.

Higashikawa suivit Anzai en dehors du bar.

Harumi et Hotaru les suivirent. Kozue était blessée et Aisu resta dans le bar pour la soigner.

Le paysage changea du tout au tout en passant par la porte.

— ... Quoi ?

— C'est un supermarché ou un grand centre commercial. C'est ce que je dirais en tout cas.

Contrairement à l'Hôpital de l'enfer, cet endroit était très vaste et très abondamment éclairé par des néons. Il devait être deux ou trois fois plus grands qu'un gymnase d'école. Des étagères remplies de nourriture près-cuite et d'assaisonnements étaient alignées comme celles d'une bibliothèque ou les casiers à l'entrée d'une école. La nourriture périssable comme les légumes ou les poissons était rangée dans le périmètre extérieur.

Hotaru, la fille de grande taille, parla tout en gardant une certaine distance avec Higashikawa.

— Peut-être que cet endroit te dit quelque chose ?

— Quelque chose ? ... Non, une seconde.

Higashikawa fronça des sourcils. Puis ça le frappa.

— Ça ressemble beaucoup à un des endroits d'une des vidéos d'attraction. C'était lequel déjà ? Je crois que c'était celui où on devait arrêter le cœur de quelqu'un et le faire repartir avec un défibrillateur.

Cette attraction avait eu lieu dans un immense supermarché.

Dans ce cas...

— Et c'est pas tout, ajouta la blonde aux yeux bleus Harumi tout en pointant du doigt une direction.

Il y avait une porte pour employés près de la nourriture périssable.

Higashikawa ouvrit la porte et découvrit quelque chose de totalement différent.

On aurait dit une chambre standard dans un immeuble en colocation.

Tous les meubles avaient été retirés, alors l'espace carré ressemblait à une cage en béton.

Il n'avait pas besoin de chercher bien loin où il avait déjà vu ça avant.

Un objet était installé bien en évidence au centre de la pièce.

— Une guillotine...

Il n'y avait pas de sang dessus et la lame brillait comme si elle était toute neuve, alors Higashikawa ignorait si elle avait réellement été utilisée dans une attraction ou non.

Anzai poussa un profond soupir et dit :

— Il y a plusieurs autres attractions. Ou du moins, les pièces ont été arrangées pour leur ressembler. Mais sans surprise, on n'a pas trouvé le stade à dôme ou l'Île Cadavre.

— Ils sont trop grands pour rentrer à l'intérieur, alors ils devraient se trouver non loin à l'extérieur, dit Hotaru tout en jouant avec ses cheveux noirs.

Cette idée donnait à Higashikawa un très mauvais pressentiment.

— Alors on nous a emmenés dans l'endroit où tout ce sang a coulé ?

— Le seul endroit sans rapport est l'Hôpital de l'enfer, dit Harumi en haussant les épaules. On n'a jamais vu celui-là dans une des vidéos.

— Maintenant que tu le dis...

L'Hôpital de l'enfer était à la base l'endroit où des lobotomies avaient lieu. Qui n'avait rien à voir avec ces attractions. Et s'ils allaient créer une attraction pour le bloc opératoire de l'Hôpital de l'enfer, ça aurait normalement dû impliquer des règles sadiques avec des équipements chirurgicaux.

Anzai coupa pour dire :

— En tout cas, la personne derrière tout ça a dû être mêlée dans des incidents à travers tout le Japon pour obtenir ces vidéos.

— À travers tout le Japon ?

— Exactement.

— Mais je croyais que toutes les attractions étaient ici ?

— L'Hôpital de l'enfer était un original. L'incident réel est arrivé ici. Dans ce cas, il est logique de penser que tout le reste est une reproduction des bâtiments où eu lieu les incidents dans tout le Japon, non ? Les détails de ces scènes sont bien trop poussés pour être simplement basés sur des informations de talkshows ou de tabloïds. J'ai l'impression que celui derrière tout ça était impliqué dans les évènements originaux.

— Alors ils auraient d'abord causé ces horreurs et les auraient ensuite recréées ici à l'identique ?

— Oui, regarde.

Anzai pointa du doigt la guillotine au centre de la pièce.

La lame luisait magnifiquement avec la lumière.

Hotaru acquiesça et dit :

— Il est possible que cette bunny girl était impliquée en coulisse dans l'incident de l'Hôpital de l'enfer. C'est presque comme s'ils provoquaient ces incidents juste pour valoriser cet endroit.

Si c'était le cas...

Higashikawa prononça sans détour la question qui trottait dans sa tête.

— Mais qu'est-ce qu'ils espèrent retirer en réunissant toutes ces attractions ici ?

— On n'a pas encore trouvé la réponse, dit Harumi.

Il était vrai que l'incident du véritable Hôpital de l'enfer avait été très différent de l'attraction à laquelle Higashikawa et les autres avaient forcé de prendre part avec ces pistolets.

La scène avait été méticuleusement arrangée et peaufinée à la perfection, mais dans ce cas, la pièce maîtresse avait été échangée avec quelque chose d'autre.

Higashikawa gémit presque en disant :

— Ça colle pas. Et s'il y avait un sens dans le fait que ça n'en a justement aucun ?

— Aucun sens, hm ? marmonna doucement Anzai.

Mais contrairement à Higashikawa qui était complètement perdu, Anzai donna presque l'impression que ça lui avait donné une idée.

Hotaru soupira.

— Si on ajoute les vidéos, c'est un projet à une échelle incroyablement grande. Celui qui est derrière ça doit être très important.

Ils inspectèrent un peu plus le bâtiment, mais ne purent trouver aucune porte de sortie.

Ils trouvèrent plusieurs portes qui refusaient de s'ouvrir même s'ils avaient beau pousser ou tirer. Ils se mirent à soupçonner que les portes avaient été scellées avec du béton après que le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient été jetés à l'intérieur ou encore que ces portes n'étaient qu'un élément de décor dans le mur.

— Mais les gens qui sont derrière ça ont bien dû rentrer ici pour installer tout ça, non ? dit Higashikawa.

— On doit juste prier pour qu'ils n'aient pas bloqué l'unique sortie avec du béton après la fin des préparations, répondit Anzai.

— Il y a peut-être une porte secrète ! suggéra Harumi.

— Même si c'était le cas, ils l'auraient au moins fermée, remarqua Hotaru.

Ils ne trouvèrent pas le moindre indice, alors ils retournèrent au bar.

Mais sur le chemin, ils rencontrèrent quelqu'un en train de fouiller dans les étagères du centre commercial. C'était la fille de cabaret. Higashikawa était quasi certain qu'elle s'appelait Aisu Yakushiji. Elle jeta plusieurs petites boites en carton dans le chariot à côté d'elle.

Higashikawa demanda en toute franchise :

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'ai besoin de bandages et de désinfectant pour soigner Kozue et l'autre femme. Encore heureux qu'on a de quoi faire ici. On n'a plus qu'à se servir.

Higashikawa ne fut pas le seul à froncer des sourcils.

Hotaru jeta un œil prudent aux alentours et dit :

— On peut vraiment utiliser ces produits ? Et s'ils avaient été trafiqués ?

— Bien sûr que c'est possible. Mais en utilisant des réactifs, on peut savoir si c'est sûr ou non.

— Des réactifs...?

Anzai paraissait confus, mais Aisu continua comme si de rien n'était.

— Même des gamins de primaire savent que le chou rouge peut faire office de papier tournesol. On peut tester toutes sortes de choses avec de simples objets de tous les jours.

De sa façon de parler, il paraissait évident que ce n'était pas quelque chose qu'elle connaissait par hasard. Il était possible qu'elle suivait un parcours de science à son université.

Hotaru posa son index sur son menton et pencha légèrement sa tête.

— Et tu crois pouvoir y arriver ?

— Fais-moi confiance, répondit Aisu spontanément avant d'ajouter quelque chose dans une voix plus douce. Et il faut que je m'assure de soigner cette Hiyama. Même si j'avais pas trop le choix, je l'ai quand même frappée avec cet extincteur.

Ils remplirent tous ensemble le chariot de fruits, de légumes et d'assaisonnements qu'elle leur indiquait. Higashikawa n'avait pas la moindre idée de comment on pouvait en tirer un réactif avec tout ça.

Après avoir récupéré tout ce dont ils avaient besoin, ils retournèrent au bar.

La lycéenne appelée Matsumi fronça des sourcils en voyant le chariot rempli.

— C'est quoi tout ça ? C'est l'heure de manger ?

— Les blessés passent d'abord. Voyons voir, j'ai besoin de fabriquer du réactif, alors il faut en premier utiliser ce réchaud de camping...

À peine Aisu Yakushiji, l'étudiante en science qui aura toute sa place dans un cabaret, eut fini de dire ça que Kazakami attrapa une pomme dans le chariot et mordit dedans.

— C'est pas très frais. Elle est vraiment sèche.

— J'avais dit que j'allais m'en servir pour fabriquer des réactifs, non ?! Et si elle était empoisonnée ?!

— Empoisonnée ?! Attends... C'est pour ça qu'elle était aussi dégueulasse ?!

— Au moins, t'as de l'énergie à revendre ! dit Harumi.

Aisu Yakushiji prépara les réactifs presque toute seule. Elle trancha et écrasa les légumes et les fit rôtir sur le réchaud portable, mais Higashikawa n'avait pas idée des composants qu'elle tentait d'extraire.

Après avoir fini par s'assurer de l'absence de danger concernant les désinfectants et les bandages, elle se mit à soigner les blessés.

En premier vint Kozue Kusaka.

— Gh...!! Ç-Ça pique. Ça pique un max !!

— Oui, oui, mais t'es plus une gamine qui a besoin d'un chapeau à shampoing. En fait, j'ai entendu dire que les gens qui sont vraiment dans un sale état ressentent plus du tout la douleur. Ça veut dire que tu vas bien.

— Au moins, t'as l'air d'avoir la forme !

— Harumi, je crois pas qu'on puisse s'en sortir toutes seules !!!

Puis ce fut le tour de Tomoko Hiyama.

Elle avait reçu un coup à la tête, alors Aisu se contenta d'appliquer arbitrairement du désinfectant et des bandages et posa un sac rempli de glaçon contre sa tête.

Néanmoins, cela sembla suffire à aider un peu.

Hiyama leva la main jusqu'au sac que Higashikawa tenait en place puis soupira.

— Ça va aller ? demanda-t-il.

— Je suis pleinement consciente et mes sens ne sont pas engourdis. Je ne suis pas une experte, mais je pense que je m'en sortirai.

— Mais on t'a frappée à la tête, dit Matsumi.

Rachel prit également la parole un peu plus loin.

— S-Si seulement on pouvait te faire examiner par un docteur.

— Mais bon, pour ça, va falloir s'échapper d'ici d'abord, dit Kazakami spontanément avant de prendre un en-cas dans le chariot.

Aisu Yakushiji avait estimé la nourriture sûre, alors ils pouvaient en manger sans s'inquiéter.

La plus grosse surprise venait du Joueur 2. Hotaru Hasegawa, l'étudiante de grande taille aux cheveux noirs, ouvrit un sac de céréales sucrées. Higashikawa l'avait imaginée du genre plus raffinée que ça.

Tout en étant soignée, Kozue Kusaka parla avec un regard distant.

— Hotaru est une romantique.

— Quel rapport avec la faim ?

— C'est vrai, aucun ! Alors te goinfre pas de céréales, Hotaru. Fais péter !!!

— Je suis peut-être en sciences humaines, mais je me gênerais pas pour frapper quelqu'un.

— Hé, t'es sûre qu'elle est romantique ?

Après les soins des deux blessées, leur attention se porta tout naturellement sur les restes de nourriture. Higashikawa ne s'attendait pas à avoir faim dans cette situation, mais son estomac se mit rapidement à quémander de la nourriture après avoir ingurgité quelques morceaux d'ananas en conserve.

D'un regard inutilement triomphant, Kazakami dit :

— Tu vois ? T'as vraiment la dalle !!

— Peut-être que notre faim mentale et notre faim physique sont plus en phase... J'y pense, ça fait combien de temps que tout ça a commencé ? marmonna Rachel en grignotant les bords d'un biscuit pour bébé.

Les potins se mirent petit à petit à fuser.

— Tu parles d'un taffe...

— Franchement, on aurait dû se méfier plus que ça quand Harumi nous a parlé de ce boulot ! Elle est du genre à poliment marcher sur toutes les mines !!

— Hé, c'est pas de ma faute. Dis-leur, Anzai-kun !

— Ma foi, si on compare avec ce boulot de nettoyage de cadavres à l'hôpital, de ramassage de thon[3] dans le métro ou cette équipe de recherche dans une sombre forêt...

— Dans quel monde vous viviez tous les deux pendant tout ce temps où on vous a pas vus ?

La conversation s'anima naturellement entre les membres du Joueur 2. Ils se connaissaient déjà, alors le pas était bien entendu plus facile à franchir que pour les membres du Joueur 1 qui venaient à peine de se rencontrer.

Une boisson énergétique dans la main, Matsumi était assise à côté de Higashikawa qui était lui assis par terre à batailler contre une boîte de conserve d'ananas. Sans vraiment se soucier de sa jupe courte, elle dit :

— On dirait qu'ils étaient tous dans la même fac.

— Ah bon ?

— Mais nous, on avait aucune idée de qui était qui. On aurait pu mentir pendant les présentations.

Higashikawa se demanda pourquoi elle abordait ce sujet maintenant.

Il n'avait pas saisi à quel point il était étrange qu'elle ressente le besoin d'aborder quelque chose d'aussi évident.

Il répondit donc spontanément :

— Mais on a réussi à travailler main dans la main. On a réussi à se serrer les coudes.

... Matsumi jeta un œil en direction de Higashikawa.

— On connait le passé de personne.

— Et alors ? Nos parcours scolaires et l'état de nos comptes en banque signifient rien ici. Peu importe les titres qu'on a.

— Oui mais...

Matsumi commença à dire quelque chose, mais s'arrêta.

Elle jeta prudemment un œil autour d'elle avant de parler d'une voix basse.

— Et si un des organisateurs était mêlé à nous ?

— Hein ? Mais c'est impossible, non ? marmonna Higashikawa comme si cette possibilité venait juste de lui traverser l'esprit.

Puis :

— On aurait besoin de savoir où les autres se trouvent. Je suis prêt à utiliser n'importe qui, tant qu'il pourrait s'avérer utile.

— Idiot. On devrait tous le tabasser jusqu'à la mort.

— Je crois pas que ça va beaucoup nous aider dans notre situation. Et dans le cas que tu évoques, on saurait pas pourquoi cette personne serait parmi nous.

— ... Pourquoi elle se mêlerait parmi nous ?

Matsumi fronça des sourcils et Higashikawa pointa son menton en direction des membres du Joueur 2.

— Tu te souviens ce qui s'est passé avec eux ? Que cette hypothétique personne soit un vrai espion ou qu'ils essayent de nous mettre des bâtons dans les roues, c'est une chose. Mais si cette personne avait été jetée dans cette attraction pour la punir d'avoir trahi les organisateurs par exemple ? Je pense pas qu'on puisse vraiment devenir alliés, mais on pourrait se fier à elle jusqu'à une certaine mesure. Cette personne connaîtrait les méthodes des organisateurs et toute autre circonstance dissimulée.

— ... Hm.

Matsumi but une gorgée de sa boisson énergétique et détourna le regard de Higashikawa pour une raison ou une autre.

Puis elle s'éloigna lentement de lui tout en restant assise.

— T'es trop naïf.

— ?

Higashikawa ne comprenait pas.

Et c'est alors que...

C'était comme s'ils avaient attendu le moment où ils baissent leur garde avec les kits de premier soin et la nourriture.

Un changement s'opéra sur les portables posés devant les trois chaises de plusieurs tables rondes.

Les informations et images de l'Hôpital de l'enfer disparurent et à la place, ils se mirent à afficher tous la même image.

Cette image était...

— Ha haaa haaa !! Oh là là. Quel dommage. L'attraction qui devait mener le Joueur 1 et le Joueur 2 à s'entretuer a échoué.

C'était un visage qu'ils reconnaissaient tous.

Cependant, ils n'avaient en fait jamais rencontré cette personne.

Avant d'être emmenés ici, ils avaient vu cette personne diriger de nombreuses attractions mortelles dépeintes dans ces vidéos à superviser.

— La bunny girl !!

— Merci, Captain Obvious. Mais Higashikawa-san, toi et les autres du Joueur 1, le fait que vous marchiez hors de ces barreaux est lourd de conséquences. Et je suis persuadée que le Joueur 2 en est pleinement conscient.

— !!!

Aisu, la femme qui ressemblait à une fille de cabaret et qui gérait les attractions du Joueur 1 donna un effrayant départ. Allaient-ils être punis si l'attraction échouait ?

— Mais on a nos propres circonstances, continua la bunny girl. C'est toujours insuffisant pour nous. Quelle plaie, vraiment.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— C'est pas tes oignons. Enfin bref, on va vous donner une chance de revenir dans la partie. Je vais personnellement vous gratifier d'une attraction de premier plan. Vous devriez me remercier du fond du cœur.

Une attraction.

Une sensation désagréable descendit le long du dos de Higashikawa dès qu'il entendit ce mot. Et il n'était sûrement pas le seul. En très peu de temps, la signification de ce mot avait drastiquement changé.

Mais la bunny girl sur les écrans ne s'arrêta pas de parler.

Il n'y avait rien à faire.

Un sourire sur le visage, elle continua à jouer son rôle de maîtresse du jeu.

— Bon, portez toute votre attention sur l'écran géant à votre gauche.

La pièce était conçue pour ressembler à un bar et un mur était couvert par un écran géant servant de lumière décorative.

Survey v02 375.jpg

Higashikawa n'avait pas envie de regarder.

Son champ de vision périphérique était suffisant pour lui dire qu'on voyait un plan rapproché sur la bunny girl. Et il savait qu'il allait bientôt y être affiché des règles insensées, horribles et inhumaines.

Mais ce qui se passa ensuite dépassa de très loin ses attentes.

Dans un grand bruit, l'écran géant éclata soudain et la bunny girl jaillit de ce dernier.

— Q-Q-Quoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ?!

Ils s'écrièrent tous de surprise.

Mais le cri de Kazakami alors qu'il tomba sur le sol avait noyé celui des autres.

Pendant ce temps, la bunny girl se déhancha d'avant en arrière de façon enjouée.

— Fwah ha ha !! Vous verriez vos têtes. ... Kazakami-san, tu t'es pissé dessus, pas vrai ?

— Gné ?! Que ? Tu...? Que ? De l'écran ?!

— Allez quoi. On n'est pas dans un film d'horreur. Il y a une petite pièce cachée derrière cet écran plat.

— ...!!???

Trop bouleversé pour bouger, Kazakami ouvrit et ferma silencieusement sa bouche.

Dans le même temps, une main ramassa le bâton en bois issu d'un lampadaire démonté que Kazakami avait lâché.

C'était Kyôsuke Anzai, le seul membre masculin du Joueur 2.

Hélas...

La bunny girl ne daigna même pas regarder dans sa direction.

— Aaaaaanzaaaai-shwaaan.

— ...

Elle s'était mise à parler juste avant qu'il ne se rue sur elle.

Ce fut suffisant pour faire sursauter Anzai.

— On peut voir cette situation comme une question. C'est vraiment ta réponse, Anzai-san ?

— Ma... réponse ?

— Ce que je veux dire, c'est que...

La bunny girl regarda finalement dans la direction d'Anzai.

Mais seulement de côté.

La couleur suintante de ses yeux le paralysait sur place.

— Si vous vous unissez contre moi au moment où j'apparais sous vos yeux, tu crois vraiment que ça vous permettra de vous enfuir d'ici sain et sauf ? Tu crois sincèrement que c'est comme ça que fonctionne cette attraction ? Tu crois sincèrement que les règles sont si simples que ça ?

L'attraction.

Les règles.

Le Joueur 1 tout comme le Joueur 2 ne savaient que trop bien quelle punition les attendait en cas de violation des règles.

Personne ne leur avait expliqué ce qu'elles étaient.

Et pourtant, ils allaient être punis au moindre faux pas.

Ne pas connaître les règles signifiait qu'ils ne pouvaient même pas essayer de jouer au plus fin avec l'instigateur des règles. Ils étaient profondément désavantagés.

— ... Fais-le, marmonna Kazakami toujours assis sur le sol.

Sa voix se transforma rapidement en un cri explosif.

— Vas-y, fais-le !! La grosse pute qui joue avec nos vies se trouve juste là ! Elle est pas sur un écran ou derrière un mur de protection. Elle est juste là !! Alors, vas-y !!

— Ça alors. Kazakami-san, tu deviens bien déterminé quand c'est pas toi qui vas te salir les mains. C'est peut-être contraire aux règles, mais ce serait bien sûr pas toi qui serais puni. Pas toi.

Elle insista en répétant ces deux derniers mots.

Comme pour les chasser, Hotaru du Joueur 2 prit la parole.

— T'es une des organisatrices, alors règles ou pas règles, ça mettra fin à cette attraction absurde dès qu'on t'aura neutralisée, non ?

— Neutralisée ! Oh, quel merveilleux mot !! Vous dites jamais « assassiner » ou « tuer », tout ça pour ne pas ressentir de culpabilité !! Les alliés de la justice trouvent ce mot bien pratique !! Mais, ajouta la bunny girl, qu'est-ce qui vous fait croire que je fais partie des organisateurs ?

— ...

Visiblement, leur cœur se serra de façon peu naturelle en entendant ces paroles.

Les dix membres du Joueur 1 et du Joueur 2 avaient été divisés par les organisateurs et poussés à s'affronter de façon absurde. La cruauté était bien palpable dans toute cette mise en scène.

— Bah, je dois admettre que je suis loin d'être une pauvre petite victime, mais vous croyez sincèrement qu'un soldat en première ligne contrôle tout ? Dans une situation où vous êtes prêts à tabasser le premier venu comme avec Kozue Kusaka-san ici présente ? Vous croyez sincèrement que la personne qui contrôle tout va risquer sa vie pour venir ici ? Non, vous êtes pas si bêtes.

Non.

Préparer cet endroit et rassembler ces dix personnes ne semblaient pas être le fait d'une seule personne. Une puissante organisation se tenait derrière la bunny girl. Et ces organisateurs avaient mis en place les règles de l'attraction et s'assuraient désormais qu'elles soient respectées.

Tuer la bunny girl n'allait pas y mettre fin.

Et si l'attraction continuait après sa mort, ils allaient évidemment être punis en conséquence.

Sinon, la bunny girl n'aurait jamais abandonné sa sécurité.

Ils devaient simplement se mettre dans sa peau.

Quel idiot viendrait sans arme dans un endroit où il serait en sous-nombre ?

Qui choisirait ça ?

— Ok. Si vous avez tiré vos propres conclusions, il est l'heure de voir si vous pouvez rester en jeu.

— Hé, une seconde. On...!!

— Higashikawa-san ? dit la bunny girl en souriant. T'es libre de pas participer. Mais, dis-toi que c'est comme un quiz. Est-ce qu'un participant peut gagner s'il n'est pas assis en face du buzzer ? Il aura beau être intelligent, il aura aucune chance de gagner s'il le presse pas.

Et...

Qu'est-ce qu'il allait se passer s'ils perdaient ?

— ...

Aucun d'entre eux ne bougea.

Ils étaient libres de se servir de leurs bras et jambes et pourtant, aucun ne broncha.

Seule la bunny girl pouvait se déplacer. Elle jouait gaiement avec une des longues oreilles de son costume.

— Bon, finissons-en avec les préparatifs. Vos noms ont été inscrits sur le comptoir du bar. Dites-vous que ce sont vos places attitrées pour un quiz. Merci de vous assoir en face de votre nom.

Les dix échangèrent un regard.

C'était leur dernière chance.

Allaient-ils se rebeller ou obéir ?

Tout en s'appuyant sur l'épaule de Rachel, Hiyama secoua faiblement la tête.

— On a trop peu d'information. La punition pourrait être la mort.

— Mais si on la prend en otage...

— Higashikawa-saaaan, c'est ta réponse ? Bah, si c'est le cas, fais ce qui te chante.

La bunny girl mit ses mains dans son dos, tourna son dos en direction de Higashikawa et tendit ses mains vers lui tout en gigotant ses fesses d'avant en arrière.

Elle semblait attendre que quelqu'un enfreigne les règles.

Après s'être enfin remis du choc, Kazakami se releva lentement, mais Matsumi le retint silencieusement en mettant son bras devant lui.

Elle lui disait de ne pas céder à la tentation.

Même s'ils étaient sur le point de se rebeller, ce n'était pas le bon moment.

Les dix membres du Joueur 1 et du Joueur 2 se mirent tous en face de leur « siège attitré ».

La bunny girl sourit et dit :

— Bien, les préparatifs sont terminés.

Elle claqua ses mains devant sa poitrine.

Puis elle pencha sa tête légèrement sur le côté.

— Et juste pour votre gouverne, y'a aucune règle qui me protège.

Dès qu'elle eut dit ça, toute stabilité disparut sous les pieds de Higashikawa. C'était un piège. Le temps qu'il s'en rende compte, il avait complètement disparu du bar.

Et il n'était pas le seul.

Les dix étaient tombés exactement au même moment.

— Que ?!

Après une chute d'environ trois mètres, celle-ci s'arrêta brusquement. Higashikawa était suspendu au milieu du vide par une sorte de film transparent qui était accroché par un épais câble.

C'était une version géante des sacs en plastique utilisés pour garder les poissons rouges gagnés pendant une fête foraine.

Sous l'impulsion du corps de Higashikawa, le câble referma le sac, alors il ne pouvait plus sortir. Et il n'allait pas tenter de s'échapper.

La raison était simple.

— ... S-Sérieux ?!

C'était Kozue qui avait réussi à lâcher ce mot à travers sa gorge sèche.

Elle regardait droit en bas.

Seule une insondable obscurité était visible. Aucun sol n'était en vue. La profondeur du puits était difficile à déterminer, mais elle devait être au moins supérieure à dix ou vingt mètres. Ce qui allait se passer si quelqu'un tombait de cette hauteur était on ne peut plus évident.

Un grand ravin.

Ou un échafaudage de laveur de vitre.

La hauteur invoquait ces images avec force dans leurs esprits. Cette profondeur accablante, le sentiment que sa vie ne tenait qu'à un fil et l'instabilité du plastique à leurs pieds les terrorisaient.

Puis la voix de la bunny girl se fit entendre.

— Bon, vous devriez tous avoir une carte dans votre sac. C'est un objet important, alors prenez-en grand soin.

Higashikawa tâta le sol dans l'obscurité et sentit quelque chose de solide. Il était difficile de voir vu la faible luminosité, mais c'était semble-t-il une carte avec un côté rouge et un autre noir. Il n'y avait ni nombre, ni symbole ni image dessus.

— C'est quoi cette carte ? marmonna Kazakami.

La bunny girl répondit :

— L'action que vous devez faire est simple, mais les règles sont un peu compliquées. Je me répèterai pas, alors ouvrez grand vos oreilles.

— ... Qu'est-ce qu'on doit faire ? dit Harumi.

— À mon signal, vous allez tous tendre la carte. Ce sera un truc du genre « prêt, feu, partez ! ». Mais c'est à vous de choisir quel côté de la carte sera devant. La partie suivante est très importante.

Et...

Elle expliqua la pire des règles possibles.

— Quiconque choisissant rouge survivra. Mais si tout le monde choisit rouge, vous mourrez tous, alors faites attention. Quiconque choisissant noire sera tué. Mais si tout le monde choisit noir, vous serez tous épargnés. Si vous ne choisissez pas tous la même couleur, seuls ceux ayant choisi noir mourront.

— Mais…

Anzai était perplexe, suspendu au milieu du vide comme les autres.

— Mais n'importe qui choisirait rouge dans cette situation ! Ça garantit la survie ! C'est quoi cette attraction ?!

— Mais si vous choisissez tous rouge, vous mourrez tous. Si vous choisissez tous la voie de la facilité, vous serez tous exécutés.

— Mais... s'exclama Aisu tout en ne sachant pas quoi dire.

Si neuf sur dix choisissaient rouge, le plus grand nombre pouvait être sauvé. Hélas, si la dernière personne venait à choisir rouge aussi, il n'y aurait aucun survivant.

Ils mourraient tous.

Dans ce cas, leur câble allait vraisemblablement être détaché pour les envoyer au fin fond de l'abysse.

— Uuh... gémit Hiyama.

Ce n'était sûrement pas seulement dû à ses blessures qui lui faisaient mal. Elle avait peut-être pensé à quelque chose de désagréable.

Higashikawa avait fait la même chose. Il avait imaginé une tomate dans un sac plastique s'écraser contre le bitume. La couleur rouge éclabousserait tout l'intérieur du sac transparent.

— M-Mais si on choisit tous noir, on vivra, non ? dit Matsumi qui était assise au fond de son sac sans se soucier de sa minijupe. Alors on n'a juste qu'à tous choisir noir, pas vrai ?

Kazakami répondit d'un air moqueur :

— Si neuf choisissent noir et que le dernier choisit rouge, c'est fini ! Neuf mourront et le traître survivra. Rouge est la valeur sûre ! Tu seras sauvé à coup sûr !! On n'a aucune garantie qu'on pourra tous résister à cette valeur sûre le moment venu !

— Bah, on dirait que vous avez compris la situation, dit la bunny girl. Est-ce que vous allez tous miser sur le noir et vous ridiculiser ou est-ce que vous allez trouver un compromis avec rouge et mourir ? La réponse à cette question fait partie intégrante de l'attraction !

La bunny girl semblait bien s'amuser.

C'était comme si cette souffrance avait été méticuleusement calculée.

— Bon, le chrono tourne. Le jugement sera dans dix minutes. Vous pouvez discuter, menacer, persuader ou implorer comme bon vous semble. ... Mais encore une fois, la solution optimale a déjà été donnée !

Après ça, la voix de la bunny girl se tut complètement.

La solution optimale.

Tous sur noir.

C'était facile à dire. En théorie, n'importe qui opterait pour cette solution. Mais des vies étaient en jeu ici. Leur propre vie l'était.

Le problème était que choisir rouge assurerait la survie d'un individu.

— Noir... est préférable, pas vrai ? Si on choisit tous noir...!!! dit Kozue pour chasser son malaise.

Kazakami signifia une fois de plus sa réticence.

— Comme je l'ai dit, rouge est une valeur sûre.

— Mais si on veut utiliser rouge, quelqu'un va devoir se sacrifier !! dit Harumi.

— Je dis pas qu'on devrait tous choisir rouge pour nous sauver ! Rouge est une valeur sûre, mais si les dix le choisissent, on mourra tous. Si on dit qu'on choisit tous noir, le groupe qui choisira rouge au tout dernier moment sera sauvé à coup sûr !!

— Jamais on ferait ça !!

— Qu'est-ce qui nous garantit ça ?! Gagner avec rouge est plus facile qu'avec noir. Tant qu'un se sacrifie en choisissant noir, le reste survivra !!

Le reste.

Higashikawa n'avait aucune idée de qui Kazakami rangeait dans telle ou telle catégorie.

Mais il sentait que les craintes de Kazakami mettaient le doigt sur le véritable sens de cette attraction.

Suggérer que tous choisissent noir et s'accorder sur une stratégie était simple à faire. Cette idée reposait sur la bienveillance naturelle de l'humanité, alors cela semblait une bonne chose d'être d'accord avec.

Mais dans le fond, était-il possible qu'il n'y ait aucune bienveillance ?

Était-il possible que Higashikawa soit le seul à choisir noir pendant que les autres choisissent rouge ?

Ils ne se connaissaient pas suffisamment pour se sentir unis.

Et ce n'était pas simplement dû à la séparation entre Joueur 1 et Joueur 2.

Même au sein du Joueur 1, les liens entre Higashikawa, Kazakami, Matsumi, Hiyama et Rachel n'étaient pas suffisamment forts pour en tirer des certitudes.

Et...

Même en considérant ces règles compliquées, Higashikawa réfléchit également à ce qui se passerait après les faits.

Il était presque impossible pour eux tous de choisir noir.

Alors si quelqu'un choisissait rouge et survivait, que se passerait-il ?

Et si ce n'était pas une situation extrême de neuf contre un ? Et si c'était du cinq contre cinq ? Et si la moitié mourrait et l'autre survivait ?

Resterait-il la moindre confiance entre les survivants ?

Ils avaient été incapables de s'occuper de cette bunny girl à eux dix unis, alors que pourraient faire les survivants, leur confiance en l'autre réduite à néant ?

Tel était le but de cette attraction.

Les Joueur 1 et 2 avaient été conditionnés pour s'entretuer, mais ils s'étaient rencontrés et s'étaient unis. Cela était le premier pas pour détruire cette union, de façon à ce qu'ils s'entretuent une fois de plus.

Il était très probable que la bunny girl et les autres organisateurs ne s'attendent pas à ce qu'ils choisissent tous rouge et meurent.

Pas plus qu'ils ne s'attendent à ce qu'ils choisissent tous noir et survivent.

Ils espéraient quelque chose entre les deux.

Cela pouvait être sept et trois, six et quatre, ou cinq et cinq.

Au lieu de tout rouge ou tout noir, seuls les plus sournois survivraient. Le groupe uni serait alors détruit en plusieurs individualités.

— ... Ah.

Après avoir jonglé avec le méli-mélo de ses pensées, Mamoru Higashikawa réalisa quelque chose de fondamental.

— Ahhhh. Aaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Higashikawa se prit soudain la tête entre les mains et se mit à crier. Les neuf autres sursautèrent.

— Q-Qu'est-ce qui se passe ? demanda prudemment Anzai, mais Higashikawa ne répondit pas.

Il avait réalisé quelque chose.

Il avait pris conscience d'un point important.

Il connaissait le véritable but derrière le semblant d'équilibre dans cette attraction utilisant des cartes rouges et noires. Il connaissait la véritable cible.

Avant d'arriver là, Higashikawa avait volontairement fait semblant de trahir le Joueur 1 et de rejoindre le Joueur 2 afin d'éviter un affrontement entre les deux groupes. Il avait détruit le rapport de force pour empêcher un combat à 50/50, mais cela avait prouvé une chose aux autres.

Cela avait prouvé que Mamoru Higashikawa était prêt à trahir son groupe.

Il avait pu résoudre la situation sur l'instant. Il était parvenu à le faire de façon à ce que les autres comprennent qu'il l'avait fait à contrecœur pour assurer la survie de tous.

Hélas...

Et si Higashikawa choisissait rouge et survivait à cette attraction ?

Sa justification du moment ne tiendrait plus.

Il avait dit qu'il l'avait fait pour le bien de l'ensemble d'entre eux, mais cela montrerait qu'il n'hésiterait pas à trahir les autres pour son propre salut.

Même si plusieurs personnes survivaient en choisissant rouge, Mamoru Higashikawa ne pourrait pas se joindre à eux.

Il serait le seul à avoir trahi le groupe plus d'une fois.

Et que deviendrait-il une fois banni du groupe ?

Il serait isolé.

Et ce n'était pas tout.

Les autres ne voudraient pas que le traître leur cause plus de soucis. Ils chercheraient la stabilité. Ils chercheraient un moyen sûr d'éliminer toute incertitude.

Et si ça venait à arriver...

Les autres participants de l'attraction deviendraient autant son ennemi que la bunny girl et les autres organisateurs. S'il se retrouvait isolé alors que l'attraction continuait, il était perdant sur tous les plans. Il était même possible qu'il soit battu à mort avant même le début de l'attraction suivante.

Mamoru Higashikawa ne pouvait pas gagner en choisissant rouge.

Le seul moyen pour lui était avec noir.

Mais...

De la sueur froide coula le long de son visage et il grinça des dents.

Mais !!

S'il leur disait de tous choisir noir, qui le suivrait ?

Même si certains le faisaient, cela ne servait à quelque chose que s'ils le faisaient tous.

Si une seule personne choisissait rouge, tout était fini.

Et c'était exactement le point d'achoppement de leur réunion stratégique.

Il était impossible pour eux de tous survivre en choisissant noir.

Dans ce cas...

Dans ce cas, que pouvait donc faire Higashikawa ?

Même s'il gagnait avec rouge, il n'aurait aucun espoir pour la suite.

S'il tentait de gagner avec noir, quelqu'un choisirait rouge et il mourrait.

En fin de compte, tel était l'objectif de la bunny girl.

Quand le Joueur 1 et le Joueur 2 avaient été sur le point d'en venir aux mains, Mamoru Higashikawa avait joué la carte du traître pour éviter le conflit. Cela avait été stratégie qui allait l'isoler tôt ou tard.

C'était pour ça que les organisateurs avaient perdu intérêt.

Cela ne les intéressait pas de regarder quelque chose dont ils connaissaient pertinemment la fin. Et donc, ils avaient préparé une attraction où Mamoru Higashikawa allait être détruit peu importe son choix.

Et...

Cela voulait dire que...

C'est sans espoir pour moi ? Toutes mes options reviennent à choisir entre différentes morts cruelles ?

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Mamoru Higashikawa ressentit comme une intense émotion surgir de ses entrailles.

Ce n'était pas de la simple colère.

Ce n'était pas de la simple peur.

En réalité, c'était quelque chose qui lui donnait envie d'éclater de rire s'il ne se contenait pas. Il avait l'impression que son estomac était rempli d'eau bouillante, mais dans le même temps, il ressentait comme un mystérieux plaisir et de l'extase.

Higashikawa lui-même ignorait comment qualifier ce sentiment.

Néanmoins...

Il sentit que le fil de ses pensées mutait. Les raisonnements habituels pour éviter la mort s'étaient transformés en quelque chose de complètement différent.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Dans ce cas, que devait-il espérer de cette attraction finale ?

Un score élevé.

Après avoir défini son objectif, ses pensées se mirent à défiler à la vitesse de la lumière. Son instinct et ses limites physiques ne fonctionnaient peut-être pas correctement car sa vision devint étrangement claire et large. La grande tension et émotion avaient sûrement affecté la dilatation de ses yeux, mais cela importait peu.

Il allait en boucher un coin à la bunny girl.

Il avait choisi sa priorité en fonction de ce sentiment qui n'était ni haine ni joie. Ainsi, quel était le moyen le plus efficace de se servir de sa carte rouge ou noire ?

Il trouva la réponse presque immédiatement. C'était très simple.

Tout en ignorant sa propre survie, cela dit.

— Écoutez-moi.

Les autres neuf personnes semblaient observer l'étrange comportement de Higashikawa à distance.

S'isoler du groupe aurait dû être à éviter à tout prix.

Cependant...

Quand il comprit qu'il ne pouvait pas survivre, ce choix était le plus approprié.

Mamoru Higashikawa prit une profonde inspiration puis prononça une phrase décisive.

— Je vais choisir noir.

— T'as rien écouté ou quoi ? demanda Kazakami, agacé.

Il était frustré d'avoir à débattre encore et encore de la même chose.

— Même si tu dis ça, t'auras aucune preuve que les autres choisiront noir aussi !!

— Je sais bien, coupa Higashikawa.

Puis il ajouta une autre phrase décisive.

— Quant à vous, vous devriez tous choisir rouge. Ainsi, ça minimisera les pertes !!

Il entendit quelqu'un retenir son souffle.

Il n'avait aucun moyen de savoir si c'était dû au choc ou si c'était par soulagement en apprenant une méthode infaillible de survivre.

Mais il s'en fichait.

— Vous avez même pas à considérer choisir noir. Contentez-vous de vous dire que choisir rouge vous sauvera ! Si on choisit tous rouge, c'est fini. Mais si je choisis noir, vous aurez pas à vous en faire pour ça !!

— Pourquoi...? demanda Hotaru tout en regardant Higashikawa comme si elle n'en croyait pas ses yeux.

C'était une réaction logique.

Avec ce plan, les chances de survie de Higashikawa étaient nulles.

Kazakami avait été pris de court, mais maintenant il serra les dents et cria :

— Je te crois pas. Si tu choisis noir tout seul, tu mourras !! Au tout dernier moment, tu vas...!!

— Et à quoi ça va me servir de jouer rouge à la dernière seconde ? Ça voudrait dire qu'on mourra tous. Que je choisisse rouge ou noir, je vais mourir. À quoi bon vous trahir dans cette situation ?!

— ... Je peux savoir pourquoi tu fais ça ? demanda Hiyama, mais Higashikawa ne répondit pas.

Au lieu de ça, il dit :

— Peu importe ce que vous direz, je joue noir. J'ai déjà pris ma décision. ... Écoutez-moi, si vous choisissez rouge, vous survivrez tous. Ou vous voulez tous parier sur noir ? Je peux vous promettre que tous ceux qui choisiront noir mourront avec moi. Si vous cherchez une valeur sûre et que vous voulez vraiment survivre, alors n'hésitez pas : choisissez rouge. Pigé ?

Il n'allait pas être sauvé.

Il ne pouvait pas être sauvé.

Alors que cette vérité s'insinuait au fond de lui, il se mit à voir un étrange nouvel objectif. Il ne voulait pas mourir sans raison. Il voulait le drôle de sentiment d'accomplissement que ressent quelqu'un au moment de déchirer sa propre chair pour nourrir un enfant affamé.

Ce n'était rien de plus qu'une illusion.

Ce n'était rien de plus qu'une échappatoire.

Mais abandonner cette attraction lui avait donné une option qu'il n'aurait pas pu voir autrement. Alors même que de la sueur désagréable s'échappait de tout son être, Higashikawa s'accrocha à cet objectif.

C'était comme s'il faisait de son mieux pour détourner les yeux de sa mort prochaine.

— Écoutez-moi ! Choisissez tous rouge ! Ça vous sauvera à coup sûr !! Je vous demande pas de me faire confiance. Mais quiconque choisira noir passera pour un con ! L'oubliez pas !!

Et la structure à neuf-contre-un créé par la mort de Higashikawa n'allait pas reposer sur la trahison et la suspicion comme voulu par la bunny girl.

Après tout, Higashikawa ne faisait plus partie ni du Joueur 1 ni du Joueur 2.

C'était cinq et quatre et un. Après avoir trahi pour éviter la confrontation entre les deux groupes, il se trouvait entre deux eaux.

Qu'allait-il se passer s'il se sacrifiait ici ?

Le groupe ne serait pas divisé. Soit il se serait débarrassé du traître, soit il ressentirait une culpabilité mutuelle d'avoir dû sacrifier l'un des siens pour sauver sa peau. Le Joueur 1 et le Joueur 2 seraient véritablement uni.

Il guidait le résultat de l'attraction loin de ce que la bunny girl et les autres organisateurs voulaient.

C'est ma seule et unique façon de gagner.

Il ne pouvait rien faire pour éviter sa sortie de route.

Il allait mourir quel que soit son choix.

Il l'avait accepté. Il n'avait pas d'autre choix que de l'accepter. Et après l'avoir fait, c'était le seul endroit où il pouvait mettre en place son dernier combat. C'était tout ce qui lui restait.

Je laisserai pas cette horrible bunny girl faire comme bon lui semble !! Je vais faire en sorte que ça se termine pas comme elle l'avait imaginé ! Tant que je peux le faire...!!

— Hé !!

Avec de la sueur s'écoulant de son visage et les yeux injectés de sang, Higashikawa regarda en direction d'Anzai.

Et il cria.

— C'est la fin pour moi. Mais promets-moi une chose. Promets-moi qu'il y aura plus de Joueur 1 et de Joueur 2 ! À partir de maintenant, c'est toi le héros ! Échappe-toi d'ici non pas seulement pour tes amis, mais pour tout le monde !! Fais tout ce que tu peux pour y parvenir ! Assure-toi d'y arriver !!

— Le temps est écoulé, dit la bunny girl après un long silence.

Elle n'avait pas l'air inquiète.

Sa priorité était l'élimination de Mamoru Higashikawa dont les organisateurs voulaient se débarrasser. Cela allait tout de même arriver, alors ceux qui les surveillaient n'avaient aucune raison d'être inquiets.

Ou du moins, c'est ce qu'ils pensaient.

Higashikawa avait l'impression qu'ils étaient naïfs.

Même s'il avait été décidé qu'il mourrait, il pouvait encore choisir de quelle façon. Higashikawa avait réalisé ça tout à la fin.

Et donc, il n'allait pas perdre.

Même s'il mourrait, il n'allait pas perdre.

— Vous avez pris votre décision ? Vous avez mis en place votre stratégie ? Vous croyez pouvoir gagner ? Vous croyez que tout ira comme vous l'espérez ? Bah, peu importe votre réponse, le temps est venu. Préparez tous votre carte. Imaginez un arbitre qui tend un carton au foot. Il va sans dire que vous devrez montrer l'autre côté après ça. Quiconque refusant de montrer sa carte sera tué. Si vous avez compris, préparez votre carte.

Ils étaient dix.

Chacune de leurs vies avait une valeur égale et leur destin reposait tous sur une seule et unique carte.

Mamoru Higashikawa.

Tomoko Hiyama.

Shinzô Kazakami.

Shirauo Matsumi.

Rachel Skydance.

Kyôsuke Anzai.

Harumi Quartervalley.

Hotaru Hasegawa.

Kozue Kusaka.

Aisu Yakushiji.

— Prêt, feu...

La voix enjouée de la bunny girl paraissait affreusement incongrue.

Et c'était le signal final.

— Partez !!

Avec un sourire crispé, Mamoru Higashikawa tendit le côté noir de sa carte.

Et les neuf autres avaient choisi...

Partie 3[edit]

Quelques secondes s'écoulèrent.

Le silence était tombé dans l'endroit.

Le souffle irrégulier de Higashikawa et son cœur battant à tout rompre lui paraissaient étrangement forts. Au lieu de l'éviter, il l'avait lui-même choisi. Son esprit était terriblement clair. Toutes les pensées matérielles en avaient disparu et plus aucune trace de sentiment humain n'avait subsisté.

C'était peut-être l'état mental de quelqu'un sur le point de sauter du haut d'un gratte-ciel ou du quai d'une station de métro.

C'est fini.

Il murmura ces mots dans son cœur mais aussi dans sa barbe.

C'était fini.

Quand est-ce que sa peur reviendrait ? Alors que Higashikawa se posa la question, il réalisa que la peur ne semblait pas du tout revenir. Il ne ressentait qu'une étrange chaleur tourbillonner dans sa tête. Un nombre important de neurones dans son cerveau avait peut-être déjà grillé et il n'allait jamais retrouver ses facultés de penser.

Quand la sanction allait s'abattre sur lui et qu'il allait ressentir une douleur inimaginable, la peur risquait de revenir.

Ou il était peut-être perdu au point où les sentiments ne pouvaient plus l'atteindre.

— ...

Son souffle était des fois bref et d'autres profond.

Finalement, les autres sacs suspendus entrèrent dans le champ de vision de Higashikawa.

Ils ressemblaient vraiment aux sacs servant à transporter des poissons rouges.

L'épais plastique transparent et le gros câble faisaient penser à une gondole extrêmement peu fiable.

Higashikawa jeta un œil pour voir le résultat... puis il se figea.

Hiyama se trouvait dans le sac voisin.

Il voyait la couleur de sa carte.

Elle était noire.

L'espace d'un instant...

Juste l'espace d'un instant....

La chaleur désagréable dans la tête de Higashikawa disparut. Il n'arrivait pas à analyser ce qu'il voyait.

Et après quelques secondes, il finit par comprendre.

Il réalisa ce que cela voulait dire.

— Tu...!!

Sa stratégie avait échoué. Les neuf autres n'avaient pas tous choisi rouge. C'était une mort inutile. Il ignorait complètement pourquoi elle avait fait ça, mais Hiyama avait simplement choisi de mourir avec lui.

Mais...

C'était encore pire que ce qu'il avait prévu.

Quand il regarda encore, Hiyama n'était pas la seule à avoir choisi noir. Anzai, Matsumi et Rachel aussi.

Plus de morts inutiles.

Une fois la moitié d'entre eux morts, les survivants allaient se mettre à se méfier les uns des autres. Ils allaient s'entretuer, lentement mais sûrement.

Mais il faisait erreur une fois de plus.

Il y en a encore plus.

— Hein...?

Il regarda autour de lui.

Il regarda à nouveau autour de lui.

Il se rendit finalement compte que chaque carte était de la même couleur. Les dix participants avaient tous choisi noir. Toutes les cartes étaient noires comme si elles avaient été préparées à l'avance.

Pourquoi ?

Cette simple question trottait dans l'esprit de Higashikawa.

C'était le meilleur résultat possible, mais il n'avait pas vu comment cela pouvait arriver.

— On n'a pas eu le choix, lâcha Kazakami. T'étais sur le point de choisir noir tout seul, alors y avait pas d'autre choix pour « nous » sauver.

— On peut dire qu'on s'est réveillés, continua Hotaru. Cette bunny girl a mis en place toutes sortes de règles, mais il n'y a jamais eu qu'un seul choix.

— Ta volonté de choisir noir coûte que coûte nous a donné ce coup de fouet dont on avait besoin.

Puis Matsumi dit :

— Pour être franche, j'ai hésité à choisir rouge. Mais je me suis alors demandée ce que je ferais pour les prochaines attractions si je survivais seule. N'importe quelle aide serait la bienvenue.

— Pendant qu'on a supervisé les attractions, on vous a vus travailler main dans la main pour les réussir, ajouta Aisu.

Kozue embraya :

— Si t'étais pas intervenu quand les Joueurs 1 et 2 se sont rencontrés, je serais morte. Je me sentais mal de pas te rendre la pareille.

— On a tous beaucoup débattu pendant l'attraction.

Anzai poussa un lent soupir après s'être assuré que tout le monde avait choisi noir.

— Mais ces conflits étaient nécessaires pour qu'on puisse tous survivre. Une fois que quelqu'un avait décidé de choisir noir, ce que nous devions faire devenait évident.

— ...

C'était simple.

C'était une vérité simple.

Mamoru Higashikawa avait mis en œuvre sa stratégie en considérant qu'il n'allait pas survivre. Ainsi, le score élevé était la survie des neuf autres et de l'élimination de toute source de conflit.

Mais...

Ils l'avaient tous vu d'un œil différent.

Il n'avait pas été question de leur survie à chacun.

Il avait été question de leur survie à tous.

Pendant que Higashikawa avait rapidement abandonné, les autres avaient continué à lutter pour la survie totale.

C'était pour cette raison qu'ils étaient tombés dans une impasse et qu'ils avaient débattu.

Voir le résultat avait fini par réveiller Higashikawa. Cette pensée de sacrifice de soi qu'il avait envisagée pour fuir la peur de la mort venait de s'écrouler.

Il n'était ni fort ni intelligent.

Il avait simplement détourner les yeux.

Ceux qui méritaient cette victoire étaient les neuf autres qui avaient continué à chercher la solution en ne perdant jamais de vue leur objectif final.

— Tu voyais peut-être ça comme un neuf contre un, ou un cinq contre quatre contre un, dit Hiyama tout en touchant sa blessure. Mais on est juste dix. Et c'est grâce à toi qui nous as tous trahis pour tous nous protéger.

Higashikawa n'arrivait pas à trouver ses mots.

Tout en étant assis abasourdi, il entendit la voix de la bunny girl.

— Ooook... Un peu inattendu, mais je vais quand même annoncer les résultats de l'attraction.

Elle était déçue.

Sa voix était emplie de tristesse.

Et ainsi la véritable cruauté de l'attraction fut révélée au grand jour.

— Tomoko Hiyama-san, Shinzô Kazakami-san, Shirauo Matsumi-san, Rachel Skydance-san, Kyôsuke Anzai-san, Harumi Quartervalley-san, Hotaru Hasegawa-san, Kozue Kusaka-san et Aisu Yakushiji-san. D'après les règles de l'attractions, les neuf personnes citées seront tuées.

— ……………………………………………………………………………………… Quoi ?

C'était pire qu'un jet d'eau glacial au visage.

Ses pensées s'arrêtèrent complètement.

Un bruit s'échappa de sa bouche, mais il n'avait aucune signification.

Ce retournement de situation totalement improbable et absurde lui avait coupé les ailes.

— Pourquoi ? marmonna finalement Higashikawa.

Il pouvait sentir tout son corps trembler. La chaleur désagréable qui tourbillonnait dans sa tête plus tôt avait complètement disparu. Maintenant, il avait l'impression que tout son corps était rempli d'eau gelée.

— N'importe quoi ces résultats !! On a tous choisi noir !! Chacun de nous tous !! Comment ça les neuf autres doivent mourir ?!

— Oh ? dit la bunny girl d'un ton moqueur apparent.

C'était la voix d'une personne qui n'avait pas été blessée le moins du monde.

— Les règles disent clairement : si vous n'avez pas tous la même couleur, seuls ceux qui ont choisi noir mourront.

— Et ?!

— Et, répéta la bunny girl, ta carte est marron très foncé, Higashikawa-san.

Il eut l'impression que sa personnalité toute entière avait été effacée.

L'absurdité de la situation provoquait de drôles de douleurs au niveau de ses glandes lacrymales. L'expression sur son visage étrangement tordu ne correspondait à aucune émotion connue.

La carte.

La carte elle-même avait été sabotée.

Il força son corps tremblant à bouger et regarder. Il jeta un œil à sa propre carte. Il l'observa dans la pénombre.

Elle avait l'air noire.

Elle ne pouvait être que noire.

Mais...

Malgré tout...

— Bah, je t'en veux pas de pas l'avoir remarqué avec une vue normale. Selon les valeurs CMJK, le magenta a été réduit de deux ou trois points. Mais techniquement, c'est toujours classé comme du marron très foncé. C'est pas du noir. Quand le pigment de mélanine brune est suffisamment concentré, on appelle ça des cheveux noirs, mais techniquement... techniquement, c'est toujours du marron !!

— C-Ce... C'est pas sérieux !!!!!

— Et donc, vous avez malheureusement échoué à tous choisir noir ! Vous avez échoué !!

Il aurait dû envisager cette possibilité.

Il aurait dû être aux aguets d'un piège vu que ces cruels organisateurs avaient prévu une option qui permette à tout le monde de survivre.

Mais même si ça avait été le cas...

Même si ça avait été le cas...

— Vous essayiez de m'acculer, pas vrai ?! Vous saviez que je serai isolé tôt ou tard, alors je vous intéressais plus ! Si vous les tuez, vous pourrez pas continuer ces attractions qui joue avec la psychologie du groupe !! Ça vous va vraiment ?!

— Oh, allez quoi.

La bunny girl semblait bien s'amuser.

On aurait dit quelqu'un ayant enfermé un insecte dans un labyrinthe et l'observant lutter pour trouver la sortie.

— Tu crois que cette attraction était juste pour toi ? Juste pour t'éliminer toi ? Pourquoi est-ce qu'on se casserait la tête juste pour toi ? Tu crois pas que tu t'emballes un peu, mon coco ?

— ...!!

— Et puis, notre objectif n'est pas de continuer ces attractions ad vitam. En fait, ce qui compte le plus, ce sont cette fin soudaine, cette conclusion inattendue et ce retournement de situation absurde.

— Qu'est-ce... que tu racontes...?

— Après tout, c'est la nature même de l'absurdité.

Elle semblait vraiment, vraiment bien s'amuser.

La voix de la bunny girl paraissait radieuse.

Elle était différente de la voix moqueuse d'avant.

— Voir la structure d'une histoire prévisible serait en rien absurde, pas vrai ? Quand la jolie héroïne ne meurt pas et est toujours considérée comme en vie, c'est pas absurde. Si le héros d'un téléfilm de deux heures survit pendant les deux heures entières, c'est pas absurde. ... Nous recherchons l'absurde. Et c'est pour cette raison qu'on doit détruire tous les principes classiques.

— L'absurde...? marmonna Anzai, choqué. Tu viens de dire absurde ?!

— Ha ha ha ! Certains l'appellent Objectif Alice. Attraper cette Fille Blanche associée à la Banshee[4] et à Promethée[5]. est pas une mince affaire. Après tout, c'est une existence peu évidente à gérer. Son unique règle est qu'aucune règle ne s'applique à elle. Même après avoir procédé à une émulation expérimentale, nos chances de succès sont complètement inconnues. Mais le fait d'être incapable de prévoir quoi que ce soit pourrait être la preuve qu'on s'approche d'Alice qui se tient au centre de l'absurde.

Mais Higashikawa n'arrivait pas à comprendre la véritable signification de ces mots. Il n'avait plus la capacité mentale de le faire.

Il avait mal interprété l'objectif de l'ennemi.

La bunny girl n'avait pas mis en place l'attraction pour se débarrasser de lui.

C'était la raison pour laquelle il avait échoué.

C'était la raison pour laquelle il avait échoué... non ?

— Bon, eh bien... Je suis sûre que vous avez tous vaguement compris maintenant, mais vous allez mourir !! C'est vraiment un tournant absurde, vous trouvez pas ?

Les appuis de Higashikawa tremblèrent.

Après cette vibration d'un autre bras s'accrochant, le câble se mit être enroulé.

On le remontait.

Lui seul était sauvé de la mort. Lui seul était remonté en sécurité.

— Attendez...

Higashikawa avait essayé de sauver les neuf autres en choisissant noir et les faisant choisir rouge.

Les neuf autres avaient tous choisi noir malgré le danger pour le sauver lui.

Le massacre allez commencer.

— Aaaaaaatttttteeeeeeeeeeeeeeennnndeeeeeeeeeeezzzzzzzz !!

Crier était inutile.

Higashikawa fut remonté seul jusqu'au bar et le puits se referma derrière lui.

Cette simple plaque séparait la zone sûre de l'abysse.

Et dans les ténèbres en dessous, neuf vies avaient péri.


Les raisons de chacun[edit]

Tomoko Hiyama avait œuvré pour prendre sa revanche contre la théorie d'un éminent savant d'un pays lointain, à savoir en l'approchant avec sa beauté parfaite. La théorie de ce savant affirmait que les criminels étaient façonnés par leur environnement, et que donc on devait se méfier des gens avec des parcours similaires à des criminels historiques. Elle avait voulu diffuser des informations volontairement sensationnelles mais incorrectes pour décrédibiliser ce savant aux yeux de la communauté scientifique. Hélas, ce n'était pas une raison logique pour venir dans un célèbre parc d'attraction. Hiyama prenait de haut ce savant qu'elle détestait tant, mais visiblement, sa personnalité n'était pas suffisamment pragmatique pour en devenir sa raison de vivre.

Shinzô Kazakami avait vécu sans l'aide de sa famille ni posséder la moindre terre. Tout en travaillant pour Transport Direct, il s'était retrouvé à transporter « un colis suspect qui puait le sang ». Il avait commencé à enquêter dessus et de fil en aiguille s'était retrouvé dans ce parc d'attraction. Il avait été incapable de dissimuler son agacement sur le fait de n'avoir trouvé aucune réponse ou voire d'être tombé dans un piège. Il avait fini par devenir violent, mais les organisateurs s'en étaient servis à leurs propres fins. Cela l'avait frustré encore plus.

Shirauo Matsumi était venue pour découvrir qui elle était. Elle ne s'attendait pas à ce que ce soit aussi dangereux, mais elle avait également été soulagée de voir que les organisateurs ne lui avaient épargnée aucun danger. Même si elle se considérait comme jetable par eux, elle savait au moins qu'elle n'était pas l'un des leurs et rien ne pouvait être pire qu'être avec eux.

Rachel Skydance avait du mal à s'adapter à la vie au Japon et avait espéré que travailler dans un célèbre parc d'attraction lui rappellerait au bon souvenir de son pays natal. Quand il s'avéra qu'elle avait été dupée et qu'elle s'était rendu compte de la situation dans laquelle elle se trouvait, elle avait sérieusement considéré abandonner la lutte pour sa survie. Et elle aurait très bien pu le faire si elle n'avait pas entendu cet appel lancé à travers la porte métallique alors qu'elle était enfermée dans cette pièce avec un cadavre.

Kyôsuke Anzai avait une nouvelle fois été utilisé par ce groupe de quatre étudiantes. Néanmoins, il s'était mis à comprendre qu'il ne détestait pas le fait qu'elles se servaient de lui de cette façon. Ses sentiments à l'égard du Joueur 1 qu'il avait rencontré le jour même étaient compliqués, mais il doutait que la violence se serait arrêtée là si les rôles avaient été inversés.

Harumi Quartervalley n'y avait pas trop réfléchi. C'était elle qui avait trouvé l'annonce, mais elle n'avait pas besoin d'argent. Elle se disait qu'un parc d'attraction faisait un peu gamin, mais elle avait décidé que cela pourrait être rafraîchissant et qu'ils allaient pouvoir se faire de bons souvenirs s'ils y allaient en tant que travailleurs et non visiteurs.

Hotaru Hasegawa avait entendu quelques rumeurs morbides au sujet d'Attraction Land, mais elle n'avait rien dit parce que ça avait l'air amusant. Elle fut surprise quand sa position passa d'observatrice à participante, mais cela voulait simplement dire qu'elle devait changer d'état d'esprit et viser la fin heureuse que les organisateurs désiraient le moins.

Kozue Kusaka avait eu peur d'être abandonnée. Elle se sentait plus à l'aise dans un groupe de quatre filles (plus un garçon), alors elle avait fait de son mieux pour que ça reste ainsi. Mais elle avait été sauvée par un inconnu et les cinq devinrent subitement dix. Elle était un peu perdue au début, mais elle avait fini par trouver ça pas si mal.

Aisu Yakushiji voulait économiser de l'argent pour pouvoir partir à Guam pendant les vacances d'hiver. Elle était d'un génie reconnu, alors elle était plutôt douée. Hélas, ses capacités ne s'étaient jamais révélées que pour des choses pour lesquelles elle s'intéressait. Elle avait périodiquement besoin d'un nouveau stimulus. Cela avait été la raison du voyage à Guam et également d'une certaine façon, du boulot à mi-temps.

Ces neuf-là n'étaient plus.

Ils étaient tous morts.

Ce n'était pas simplement rayer neuf noms ou symboles. C'étaient des humains de chair et de sang qui avaient vécu jusqu'ici en se raccrochant à leurs propres raisons et circonstances.

Ils avaient fait un unique choix, celui de protéger Higashikawa.

Et leur décision s'était complètement retournée contre eux par le pire des pièges possibles.


Jeu de la Faucheuse 05 : Conclusion[edit]

Partie 1[edit]

Il agita ses bras aussi fort que possible.

Il déchira l'épais plastique avec ses mains et se rua hors du sac vers le bar.

La bunny girl était assise à une des tables.

Les jambes croisées, elle était en train de sourire avec un regard méprisant envers Higashikawa qui respirait de façon irrégulière sur le sol.

— Il faisait sûrement trop sombre pour le voir, mais il y avait un bassin d'acide sulfurique en dessous. Une fois le câble détaché et être tombé dedans, il n'y a plus rien à faire pour eux.

— Waaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Il essaya de l'insulter, mais ne parvenait pas à prononcer des mots aussi simples.

Il ignora sa langue et lèvres tremblantes, et se contenta simplement de crier. Alors même que les cris des bêtes sauvages contenaient un certain message, celui de Higashikawa montra moins d'intelligence que les leurs.

Il tendit ses bras dans l'espoir de faire tomber la bunny girl sur le sol et lui sauter dessus.

Mais il se passa alors quelque chose.

La bunny girl ne fit en réalité rien du tout.

— ...?!

Au moment où Higashikawa avait rassemblé toutes ses forces dans ses jambes pour lui bondir dessus, ses pieds « trébuchèrent de manière anormale ». Il s'étala maladroitement tête la première sur le sol pendant que la bunny girl sourit à belles dents.

— Ça sert à rien. Cette attraction était vraiment absurde. Au moment où elle a pris fin, les préparatifs étaient déjà terminés.

— La ferme !!!!!

Il était finalement parvenu à prononcer de vrais mots. Higashikawa suivit ses émotions et beugla ces mots depuis le sol.

— Je les sauverai... Je sauverai ces neuf-là quoi qu'il en coûte !! Ils ont pris le risque de jouer noir pour me sauver alors que j'avais tout laissé tomber ! Ils l'ont tous fait !! Chacun d'entre eux !! Ça se fait vraiment pas de se servir d'eux puis de les tuer. Pourquoi est-ce qu'ils sont morts alors que je suis le seul survivant ?! C'est pour ça que-...!!

— Mais qu'est-ce que tu comptes faire au juste ? Les câbles ont déjà été détachés. Ils doivent tous être en train de se dissoudre dans ce bassin d'acide. Et leurs os vont pas tarder à fondre.

— ...!!!!!!!!

Higashikawa se mordit les lèvres et le goût du sang jaillit dans sa bouche.

L'espoir au fond de lui allait plus loin que refuser de considérer ce qu'il n'avait pas directement vu de ses propres yeux. C'était la même chose qu'enfermer un chat dans une boîte métallique et taper violemment dans celle-ci. Dire que le chat pouvait encore être en vie parce qu'on n'avait pas vérifié à l'intérieur était bien trop diabolique pour être qualifié de vœu pieu.

Il le savait bien.

Il connaissait la vérité.

Et pourtant, Mamoru Higashikawa refusait d'abandonner ces neuf-là.

Il refusait de les abandonner !

Les pensées de Higashikawa tournoyaient encore et encore dans sa tête comme si elles étaient enfermées dans un labyrinthe sans issue. De la sueur s'échappait de son corps. Il roula maladroitement sur le sol, se mit en boule dans la position fœtale, et ne bougea plus d'un pouce.

Il détachait son esprit de toute information du monde extérieur.

Était-il en train de se concentrer ou était-ce simplement une forme d'échappatoire ?

Pendant ce temps, le visage de la bunny girl ressemblait à celui de quelqu'un qui faisait le ménage après s'être amusé avec de bruyants feux d'artifice.

— Hm, hm. Alors c'est ce qu'il y avait au fond de moi. Bah, ça paraît logique vu la conclusion. C'est ce genre d'histoire menant à cette absurdité qui a été réécrit en moi.

Elle disait quelque chose.

Mais cela avait peu d'importance.

Tout en regardant de haut Higashikawa, qui respirait toujours irrégulièrement sur le sol , la bunny girl cassa en deux un des portables posés sur la même table ronde où elle était assise. Elle en sortit un produit manufacturé constitué de plusieurs fils de couleur.

Il utilisait un panneau fin au lieu d'un cylindre, mais il ressemblait à la bombe à retardement de la toute première attraction.

— On avait préparé ça comme piège au cas où vous tenteriez de fouiller à des endroits où on ne voulait pas. Mais on a fait sous-traiter sa conception, alors je sais pas trop comment elle marche.

Malgré avoir dit ça, les menus doigts de la bunny girl arracha les fils un par un.

Plus de la moitié de la vingtaine de fils devaient être piégés.

Si elle arrachait avec insouciante l'un d'entre eux, la bombe exploserait.

Et pourtant...

— Quand c'est pas censé exploser, rien ne peut la faire exploser. C'est ni un problème de fabrication ni une défaillance. Quand je suis pas censée perdre, je peux tout simplement pas perdre. Telles sont les règles qui s'appliquent à moi en ce moment.

— ...

Elle était agaçante.

C'était une plaie.

Qu'est-ce que ça pouvait faire ? Qu'est-ce que cette bombe aux fils arrachés pouvait bien faire ?

— Libre à toi de croire que y'a un truc. Mais une réponse comme ça suffira pas pour me vaincre, dit la bunny girl spontanément.

Puis elle jeta la bombe silencieuse à travers la porte du bar avec l'insouciance de quelqu'un qui jetterait un magazine à la poubelle après l'avoir lu.

Une grande détonation et des vibrations provinrent du centre commercial, mais Higashikawa n'en avait toujours rien à faire.

Qu'est-ce que ça pouvait faire ?

Est-ce que ça l'aiderait à sauver ces neuf-là ?

Si non, il devait juste se contenter de rester silencieux.

Mamoru Higashikawa ne pouvait penser à rien d'autre. Il ne pouvait plus réfléchir du tout.

— C'est peut-être grâce au jeu de rôle basé sur une histoire de paris jouant avec des vies humaines. Ça dépasse de loin la chance ou la fortune. Par le simple fait d'être debout là, je peux faire appel à une quantité infinie de réussite. Peut-être que c'est un peu comme être Niké, la déesse de la victoire dans la mythologie grecque. Enfin bref, j'ai joué le rôle de la croupière, alors ma version est du côté de ceux qui dirigent. J'ai hérité du personnage de l'Empereur Imbattable dans les histoires de paris. C'est un bon début, et ça montre que notre projet progresse comme sur des roulettes.

Elle n'attendait plus de réponse de la part de Higashikawa. Elle se contentait visiblement d'avoir quelqu'un pour l'écouter parler.

Il n'y avait aucune raison à cela. Cette explication et cette conversation n'avaient aucun sens. La bunny girl le faisait uniquement sur un coup de tête par pure autosatisfaction.

Ou...

Peut-être que cette irresponsabilité était liée au mystérieux concept d'absurde qu'elle avait mentionné.

— Tuer ces neuf-là a généré un grand courant. Maintenant, nous autres du côté des organisateurs, on n'a plus qu'à attendre que notre objectif s'accomplisse de lui-même. Tu sais ce qui compte ici, Higashikawa-san ?

Tout en restant allongé sur le sol, Higashikawa finit par bouger ses yeux en entendant son nom.

— C'est exact : comment se débarrasser de toi.

Le sourire de la bunny girl s'agrandit.

Il s'étendait de façon anormalement large comme du beurre fondant dans une poêle.

— Maintenant que ces neuf vies ont satisfait les prérequis de l'absurdité, nous n'avons plus aucune raison logique de nous soucier de toi. Tu sais ce que ça veut dire ? D'après toi, qu'est-ce qui va t'arriver ?

Allait-il être sauvé ?

Était-elle en train de prétendre qu'il allait être relâché ?

Après tout ce qu'ils avaient fait, ils n'allaient pas le combattre ni même lui imposer plus de défis ?!

— C'est exact.

La bunny girl sourit.

Elle sourit, encore et encore.

Elle sortit un couteau de son décolleté et le fit tourner autour de sa main.

— Si on faisait appel à la logique pour décider quoi faire, l'absurdité dont on a eu autant de mal à invoquer ici pourrait se dissiper.

Elle allait le tuer parce qu'ils n'avaient aucune raison de le faire.

Les choses se passaient bien, alors elle allait tout détruire.

Elle allait renverser la moindre logique subsistant.

C'était comme si le monde était régi par une règle qui transformait tout en l'opposé de ce qu'il était censé être.

Elle sera bientôt là.

La bunny girl se leva de la table ronde.

Elle s'approcha avec un sourire et une lame scintillante.

— Elle est une accumulation d'absurde qui a pris la forme d'une fille d'un blanc pur. Cette existence absurde se trouve dans une dimension complètement différente de la mienne. Higashikawa-san ? La situation dans laquelle tu t'es retrouvé est plus qu'absurde. Si la fille et l'absurde peuvent chacun interagir sur l'autre, alors cette fille peut certainement être invoquée en préparant l'absurde. Ça paraît logique, non ?

À ce moment-là, Higashikawa était toujours immobile sur le sol.

Ce n'était pas comme s'il ignorait ce qui allait lui arriver.

Il ne pensait pas pouvoir éviter la lame grâce à des réflexes physiques surnaturels. Pas plus qu'il pensait que la bunny girl était maladroite au point de le manquer.

Il restait silencieux.

Même sa respiration s'était arrêtée.

Il ne faisait véritablement plus aucun bruit.

— Bon, Higashikawa-san, j'ignore si c'est juste que t'écoutes pas ou si t'as perdu ta faculté de comprendre les mots que t'entends, mais... échec et mat. Adieu.

Elle n'hésita pas.

Aucun héros ne se rua à son secours et aucun pouvoir caché en lui ne s'éveilla à la dernière seconde.

Le bras droit de la bunny girl s'abattit et le couteau avec.

Partie 2[edit]

Le résultat était simple.

Malgré que sa vie se trouvait sur un fil, Higashikawa n'était pas intéressé par ce qui se passait.

Tout en restant allongé sur le sol, ses lèvres bougèrent très subtilement.

— ... Hein ? dit la bunny girl.

Higashikawa ne prit pas la peine de lever les yeux.

— La lame est tombée du manche ? Non, attends, attends, attends. J'ai déjà prouvé que j'avais le pouvoir de ne jamais perdre quand je suis pas censée perdre. Alors comment... comment t'as fait pour avoir de la réussite là ?

Qu'est-ce qu'elle racontait ?

Pourquoi parlait-elle encore de ça ?

Higashikawa ne comprenait pas. Et c'était pour ça qu'il marmonnait quelque chose tout en posant son oreille droite contre le sol.

Il prononça ce qui importait vraiment.

— ... J'entends quelque chose.

— Quoi donc ?

— J'entends des craquements sous le sol. Ce serait pas le bruit de ces sacs suspendus à des câbles ?!

Au même moment, les écrans des portables posés sur les tables du bar devinrent tous rouges. Des messages d'alerte indiquant des erreurs étaient apparus. Vu le schéma affiché avec les erreurs, c'était visiblement lié aux sacs et aux poulies et matériels qui les contrôlaient.

— Suite à une défaillance du système de l'attraction, ils sont toujours suspendus là ? Et c'est pas juste un ou deux... Les neuf sont défaillants ?!

La bunny girl claqua des doigts et tous les messages d'erreur disparurent. À la place, les profils de Higashikawa et les autres apparurent. Ceux-ci incluaient de brèves présentations de leur diplôme et parcours scolaire ainsi que des rapports sur leurs actions durant les attractions.

Il y avait également une section intitulée Rapport d'avancement n°201.

Les lignes sous Configuration initiale disaient :

Mamoru Higashikawa.

Visionnnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre et incitation à le faire.

Tomoko Hiyama.

Visionnnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Shinzô Kazakami.

Visionnnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Shirauo Matsumi.

Visionnnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre.

Rachel Skydance.

Visionnnage et assistance à la production de snuff films.

Mutilation d'un cadavre (il n'est pas certain qu'elle l'aurait fait de son propre chef).

— Je vois. Pendant la première attraction où le Joueur 1 devait mutiler un cadavre, t'as fait quelque chose d'illicite. T'as convaincu Rachel Skydance de charcuter le corps pour sauver sa peau. ... Et ça a créé un déséquilibre dans les chefs d'inculpation !! C'est pour ça !!

— ...

Les détails techniques importaient peu.

Les neuf étaient toujours en vie même si ça ne tenait littéralement qu'à un fil.

Dans ce cas, ce n'était pas le moment de rester allongé sur le sol pour essayer de fuir la réalité.

Mamoru Higashikawa donna un coup de poing dans un portable proche et ramassa un éclat de verre pointu issu de l'écran cassé.

Dans le même temps, la bunny girl sortit un nouveau couteau et se rua sur Higashikawa.

Ils attaquèrent tous les deux.

Higashikawa bondit sur ses deux pieds et enfonça l'éclat pointu directement au centre du torse de la bunny girl. Cette dernière décocha son couteau horizontalement pour trancher la gorge de Higashikawa.

Sauf que...

— ?!

— !!

Les deux attaques échouèrent.

Des fissures apparurent dans l'arme de Higashikawa et celle-ci vola en éclat avant d'atteindre le torse de la bunny girl. Pendant ce temps, la lame du couteau de cette dernière glissa à nouveau du manche et s'enfonça dans le mur sur le côté.

Les deux se fusillèrent du regard à si faible distance qu'ils pouvaient s'attraper l'un l'autre.

Alors que la bunny girl jeta le manche du couteau par terre, sa confiance passée avait disparu.

— On dirait que ça va pas le faire. À cette distance, c'est infini. Même avec une gatling ou un bazooka, on pourrait pas se tuer. Voilà le genre de personnages qu'on s'est façonnés.

— ...

— Vous dix des Joueurs 1 et 2 étaient censés finir ça sur un pied d'égalité où vous n'auriez été rien de plus que des parieurs dans un casino. T'aurais jamais pu battre l'Empereur imbattable qui était votre croupière. Mais tes actions illicites ont causé un déséquilibre dans les chefs d'inculpation censés mener à l'absurde. On peut dire que t'as hérité d'un personnage qui joue un rôle spécial au sein des participants. On pourrait t'appeler le Challengeur qui gagne toujours.

— Et qu'est-ce que ça signifie ?

— J'aime ce regard dans tes yeux. T'as finalement développé la volonté de me tuer. Mais ça sert à rien. La situation ne pourra jamais changer en l'état. On a chacun un pouvoir gigantesque qui fait appel à la réussite, alors on évitera toujours systématiquement la mort peu importe ce qu'on fera. C'est un monde où on pourrait se battre pendant cent ans et ne jamais déclarer de vainqueur. ... Il y a toujours tellement de recherches à faire concernant l'absurde. Après tout, il a même déformé le temps et la continuité.

— ?

— Tu comprends toujours pas ? Les défaillances mécaniques qui ont sauvé ces neuf-là de la mort sont sûrement dues au personnage dont t'as hérité. Mais quand est-ce que t'as obtenu ce perso ? En tant que croupière, j'ai reçu l'Empereur imbattable uniquement après avoir sacrifié tes partenaires pour attirer l'absurde. Ça doit être pareil pour ton Challengeur qui gagne toujours. ... Et pourtant, ton pouvoir les a sauvés. Tu les as sauvés en utilisant le personnage que t'as obtenu grâce à leurs morts. Si ça c'est pas une contradiction, je sais pas ce que c'est. C'est un pouvoir qui peut ignorer le temps et la continuité, alors comment des armes normales comme des couteaux et des bombes pourraient décider de nos sorts ?

Higashikawa ne comprenait pas ce qui se passait, mais il se mit à se demander si la bunny girl n'avait pas perdu le contrôle de la situation.

Le chat avait été retiré de la boîte et son état ne pouvait être expliqué.

C'était réellement absurde.

— Alors qu'est-ce qu'on est censé faire ?

— Ça.

La bunny girl fit claquer ses doigts.

Immédiatement après, il y eut un changement sur tous les portables du bar. Des lettres blanches se mirent à défiler à toute vitesse sur les écrans noirs. Ce n'était pas de l'anglais, alors Higashikawa ne pouvait pas lire.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je change les réglages du passe-partout du bâtiment, dit la bunny girl spontanément avec une simple carte dans une main.

Mais elle avait dit quelque chose de très important.

— Cette simple carte permet d'ouvrir toutes les portes, de voir tous les fichiers, d'activer et désactiver les pièges et de contrôler n'importe quel appareil. Elle peut faire remonter ces neuf-là avec les machines de secours ou les faire tomber dans l'acide.

Le passe-partout.

Cela serait le meilleur objet pour sauver les neuf autres et s'échapper du bâtiment.

— Pourquoi tu me montres ça ?

— Parce que c'est nécessaire, répondit volontiers la bunny girl.

Elle s'était approchée suffisamment près pour qu'il puisse sentir son souffle sur son visage.

— Au final, on est tous les deux soutenus par les absurdités des jeux qui contrôlent ce domaine. Les couteaux et pistolets n'ont plus aucun sens. Des réponses sensées seraient réduites à néant par l'absurde. Et donc, on doit se battre en accord avec les règles de l'absurde. On doit perturber ces forces qui font appel à la réussite telle la déesse de la victoire. C'est le seul moyen de voler le pouvoir de l'autre. Et seulement une fois qu'on aura fait ça, on pourra s'entretuer.

— Alors tu suggères de mettre en jeu ce passe-partout dans une attraction.

— Plus ou moins. Si tu gagnes, seule ta carte rouge et noir sera le passe-partout. Si j'obtiens le passe-partout, les neuf autres mourront. Si c'est toi, je mourrais et le projet des organisateurs sera détruit. C'est seulement une fois qu'on aura joué notre va-tout que cette attraction pourra renverser l'absurde. Un pari d'une telle ampleur est inévitable.

— C'est quoi au juste cette attraction ? Deviner le mot de passe ?

— Ça serait inutile. T'as hérité du Challengeur qui gagne toujours, alors tu pourrais sûrement trouver juste rien qu'en tapant au hasard sur le clavier. Et donc, je vais rassembler des questions plus intéressantes.

— ...

C'était sans l'ombre d'un doute quelque chose d'horrible.

Higashikawa ne connaissait que trop bien toute la cruauté dont la bunny girl avait fait preuve durant l'attraction avec les cartes rouges et noires.

Cela allait être quelque chose dépassant de loin, très loin les limites de son imagination.

Enfin, les lettres s'arrêtèrent de bouger sur les écrans.

Au lieu et place de l'étrange code, il y avait désormais du texte en bon japonais.

Higashikawa concentra toute son attention pour comprendre ce qu'il disait.

Et...

— ..................................................... Hein ?

Dès qu'il eut saisi ce qu'il lisait là, les pensées de Mamoru Higashikawa se figèrent complètement.

Partie 3[edit]

Alors que Higashikawa se tenait debout sans bouger, il entendit la bunny girl lui murmurer à l'oreille.

Elle était si proche qu'il pouvait sentir la douceur de son haleine.

— À la base, c'était installé à la sortie du bâtiment, en guise de défi final où on pourrait vous voir souffrir.

Le défi final.

Il n'y était pas question de résoudre des problèmes compliqués qui posaient des difficultés aux mathématiciens du monde entier et il n'était pas non plus question d'un bout de texte ancien qu'aucun linguiste ne pouvait traduire.

Hélas...

D'une certaine façon, c'était un défi encore plus terrible pour Higashikawa que des problèmes d'une difficulté évidente. C'était une falaise. C'était un précipice.

Higashikawa énonça à voix haute son nom.

— Les attractions qu'on a supervisées...?

— « Attraction 01 : Jeu de la balle mortelle », « Attraction 02 : Pari du cache-cache », « Attraction 03 : Bang, Bang, Bang !! », « Attraction 04 : Pouilleux de la mort subite », « Attraction 05 : Jeu de la résurrection du perdant », « Attraction 06 : Le home run du grand chelem », « Attraction 07 : Jeu de mémoire », « Attraction 08 : Laver le sang par le sang », « Attraction 09 : Tuer quelqu'un en élucidant un mystère n'impliquant pas de meurtre », « Attraction 10 : Gagner 200 000 yens avec un millimètre ». ... Bah, je suis sûre que tu reconnais tous ces noms. Sauf que...

La bunny girl sourit.

Elle souriait d'un air cruel.

Son sourire ne semblait pas simplement contenir le mal ; il donnait l'impression de symboliser le mal incarné.

Cette fois-ci, les règles de nos archives ont été mises à jour. Les défauts dans celles-ci ont été compensées grâce au formulaire que vous avez rempli.

Il était en train d'éclore.

Quelque chose d'un noir profond et rempli de cruauté était en train de naître.

Sur le plan personnel, c'était le problème le plus difficile du monde.

— Tu dois donner une stratégie pour les attractions que t'as toi-même peaufinées !!! Si t'arrives à réussir les dix attractions, tu gagnes. Si t'échoues ne serait-ce qu'à un seul d'entre eux, tu perds. Tu vois ? C'est juste une simple supervision, non ?!

Il y avait peut-être des réponses.

Il restait peut-être des failles.

Mais il avait fait partie de ceux qui avaient bouché ces failles. Cette attraction se servait des propres idées du participant pour colmater les brèches contre lui.

Même si les questions auraient pu être aisément résolues par une personne tierce, le participant lui-même n'en était pas capable.

Autrement dit...

— Le participant a lui-même creusé sa propre tombe ! Même si sa vie est en jeu, il s'est barré la route de son propre chef, c'est le pire ennemi possible !! Franchement, tu trouves pas que c'est le genre de question absurde parfaite pour la situation ?!

Ces problèmes lui assuraient presque un échec et mat.

C'était comme se retrouver dans un labyrinthe dont quelqu'un a bloqué l'unique sortie.

Néanmoins...

— Si je réussis, je récupère le passe-partout ?

— Quoi ?

— J'ai rien capté à cette histoire d'Empereur imbattable et de Challengeur qui gagne toujours, mais ces absurdités aux noms ridicules disparaîtront et je pourrais t'enfoncer mon poing dans la gueule, pas vrai ?

— Attends, t'as vraiment l'intention d'y répondre ? Mais cette attraction a été conçue de façon à ce que tu sois forcé d'abandonner !

— ...

Au lieu de répondre, Mamoru Higashikawa se tourna vers le portable le plus proche.

T'appelles ça difficile ?

Il connaissait un problème bien, bien plus difficile. Et il connaissait des gens qui l'avaient résolu. Il avait vu les réponses données par ces neuf-là qui avaient risqué leurs vies pour sauver la sienne dans cette attraction utilisant des cartes rouges et noires. Ils n'avaient pas simplement cru en Higashikawa. Le groupe tout entier avait cru en lui-même, et ils avaient joué noir de façon à tous survivre.

Comparé à ce choix...

Comparé à cette réponse...

Il ne comptait pas laisser de pathétique lignes de texte lui faire peur !

— C'est le dernier défi, dit de façon décisive Mamoru Higashikawa tout en se mettant face au portable. Prépare-toi. Ce sera la dernière attraction. J'en ai rien à secouer de cet Empereur imbattable ou de ce Challengeur qui gagne toujours ! Je mettrai fin à tous vos plans ici et maintenant !!


L'ultime défi est sur le point de commencer. Veuillez préparer une feuille, un stylo et le formulaire rempli pendant la supervision.

Ultime défi 01 : Jeu de la balle mortelle

Dans cette attraction, des objets avec des valeurs bien définies doivent être utilisés pour contrer des balles tirées de face. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°2 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 02 : Pari du cache-cache

Dans cette attraction, les participants sont séparés entre chasseurs et proies et jouent à un cache-cache pendant une durée bien précise. Si une proie est photographiée avec l'un des appareils photo des chasseurs, elle sera considérée comme « attrapée ». Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction du point de vue d'une proie.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°2 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

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Ultime défi 03 : Bang, Bang, Bang !!

Dans cette attraction, cinq participants reçoivent chacun un pistolet. Chaque arme ne contient qu'une balle. Il s'agit d'un combat à mort et le dernier survivant remporte la partie. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°2 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 04 : Pouilleux de la mort subite

Dans cette attraction, un paquet de cartes mélangé est réparti entre le Concurrent A et le Concurrent B. Ils reçoivent chacun 26 jokers. Les deux concurrents doivent tendre une paire de cartes et jouer au pouilleux avec. Le concurrent avec le moins de jokers à la fin remporte la partie. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

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Ultime défi 05 : Jeu de la résurrection du perdant

Dans cette attraction, des paires sont formées. Pour gagner, le cœur d'un des deux membres de la paire doit être arrêté et l'autre doit le ressusciter. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

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Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 06 : Le home run du grand chelem

Dans cette attraction, au moins un home run doit être réalisé avec des balles lancées par une machine de précision dans un stade à dôme. Le batteur a dix chances. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

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Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 07 : Jeu de mémoire

Dans cette attraction, le participant visionne une vidéo sur un écran, doit répondre à une série de questions basiques pour traverser des portes lui barrant la route et à une question basée sur la mémoire tout à la fin. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

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Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 08 : Laver le sang par le sang

Dans cette attraction, les participants doivent s'entretuer avec diverses armes tirées au sort. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

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Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

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Ultime défi 09 : Tuer quelqu'un en élucidant un mystère n'impliquant pas de meurtre

Dans cette attraction, les participants doivent choisir un nombre à deux chiffres et utiliser diverses questions prédéterminées pour cacher son propre nombre et deviner celui de l'autre. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

Point d'amélioration n°1 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°2 de votre formulaire : ( )

Point d'amélioration n°3 de votre formulaire : ( )

Votre nouvelle méthode infaillible :

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Ultime défi 10 : Gagner 200 000 yens avec un millimètre

Dans cette attraction, le corps du participant est attaché à une guillotine. Il doit utiliser les boutons pour faire tomber et arrêter la lame au tout dernier moment. Indiquez une méthode infaillible pour réussir cette attraction.

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Partie 4[edit]

— ...................................................................................... Sérieux ?

La bunny girl marmonna ce mot, choquée.

Pour la toute première fois, elle arborait un visage étonné.

— Mais... t'auras pas dû être en mesure de les résoudre. T'aurais pas dû en être capable !! Ce sont les pires questions possibles pour le participant, parce qu'elles utilisent ses propres idées pour combler des failles personnelles !!

Les pires possibles ?

Mamoru Higashikawa fronça les sourcils d'un air songeur après avoir terminé de taper ses réponses.

Tu trouves que c'est ça le pire ? C'était rien de plus qu'une supervision.

— Oh, je vois. C'est justement parce que c'est absolument impossible d'y répondre. C'est pour ça ! Ça peut que venir de là !! Ça joue sur le côté absurde, pas vrai ?! Le pouvoir de rendre l'impossible possible t'a permis de répondre à ces questions impossibles !!

— ...

Mamoru Higashikawa secoua lentement la tête.

Il n'avait pas besoin de pouvoirs étranges pour répondre à quelque chose de ce niveau.

C'était juste une question d'idées préconçues.

L'idée figée selon laquelle il ne pourrait jamais les résoudre aurait bloqué ses pensées. En remettant tout à plat, il pouvait trouver une solution.

C'était juste un jeu où une question se posait et où on y répondait par nous-mêmes.

Il n'y avait rien d'autre que lui.

Mais Higashikawa savait quelque chose d'autre.

Il connaissait neuf personnes qui avaient porté le fardeau de la vie et l'avenir d'autrui et qui l'avaient guidé vers la meilleure réponse.

Quand il pensait à eux...

Quand leurs vies étaient dans la balance...

Il ne pouvait plus penser à ça comme étant ses propres choix. Cela dépassait le cadre d'un jeu solitaire et de nouvelles voies s'ouvrirent à lui.

Quand quelqu'un tombe amoureux, se marie, a un enfant ou prend ses responsabilités sur quelque chose d'important, sa façon de penser se transforme en quelque chose de nouveau. C'était la même chose ici.

— J'ai gagné.

— ...

— J'ai gagné. Que tu le veuilles ou non. J'ai gagné cette attraction finale. Le passe-partout dont j'ai besoin pour sauver mes amis est à moi. Et surtout, on n'a plus besoin d'être limité par ces pouvoirs ridicules. Pas vrai ?

— Ha... ha ha, ria la bunny girl.

Ce n'était pas qu'elle avait arrêté de réfléchir du fait de la peur ou qu'elle riait jaune.

Des facteurs décisifs subsistaient. Ce n'était pas encore fini.

— Ha ha ha ha ha ha ha ha !! Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha !!

— ... Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? C'est ton propre destin qui te fait rire ?

— C'est plus fort que moi. C'est tellement absurde. C'est réellement absurde !! C'est pas ce que nous autres organisateurs avions espéré, mais c'est en fait d'une pureté encore plus forte ! Après cette conclusion, ça ne fait plus aucun doute. Objectif Alice viendra ici !! Notre vœu le plus cher sera exaucé !!

La bunny girl claqua des doigts.

Tous les portables se mirent à émettre une lumière aveuglante. Ils ne se contentaient pas d'afficher quelque chose. Les appareils eux-mêmes avaient sans aucun doute atteint une limite. La quantité excessive d'électricité les fit émettre une lumière aussi puissante qu'un flash d'appareil photo, mais cette surcharge les fit ensuite exploser en morceaux en envoyant des étincelles dans tous les sens.

— ?!

Higashikawa recouvrit son visage avec ses mains et la bunny girl avait disparu le temps qu'il puisse à nouveau voir. Une porte du bar était ouverte de manière suspicieuse, mais il ignorait si elle s'était effectivement enfuie par là.

Néanmoins, il tenait la clé de tout le bâtiment dans ses mains.

Et il avait toujours ce pouvoir anormal qui faisait appel à la réussite et qui était apparemment dû à l'absurde. Si ce que la bunny girl avait dit s'avérait vrai, ce pouvoir était du niveau de la déesse de la victoire qui avait été la source de conflits entre les dieux car le simple fait de l'avoir de son côté garantissait une victoire pendant une guerre.

S'il essayait de la trouver, il pouvait le faire de suite.

S'il essayait de la tuer, il pouvait le faire de suite.

— Mais surtout...

Les neuf suspendus au-dessus d'un profond puits sous le sol venaient en premier.

Higashikawa croyait que tous les portables avaient été détruits, mais en fouillant la zone, il en trouva un qui était comme par hasard intact.

Il ignorait s'il avait simplement survécu ou si c'était son pouvoir qui avait déformé le continuum une fois de plus.

Partie 5[edit]

Mamoru Higashikawa était un parfait amateur quand il était question de manipuler ce genre de machine, mais il ne fallut que la pression au hasard de quelques touches pour faire remonter les sacs où les neuf autres étaient piégés tel un jeu de pêche aux poissons rouges pour géant. Tout s'était déroulé de façon surnaturelle comme si une force invisible contrôlait tout, mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid.

— H-Hé, qu'est-ce qui se passe ?! On était pas tous sur le point d'être tués ?! demanda Kazakami par déni même s'il déchira l'épais plastique et s'extirpa du sac.

— C'est comme si tout s'était soudain arrêté en plein milieu.

Harumi et Rachel ne semblaient pas non plus comprendre ce qui s'était passé.

Après avoir aidé Hiyama à sortir de son sac en plastique, la lycéenne nommée Matsumi demanda :

— Où est la bunny girl ?

Higashikawa répondit :

— Elle est plus une menace.

Après avoir dit ça, Higashikawa et les neuf autres quittèrent le bar. Ils étaient soi-disant dans une vaste zone close préparée par les organisateurs avec plusieurs couches de serrures pour les empêcher de s'enfuir, mais Higashikawa avait le passe-partout. Toutes les serrures électroniques étaient insignifiantes. Il ouvrit facilement les portes cachées qui étaient pratiquement fondues dans le mur, les pièges et les capteurs installés dans les couloirs étaient inactifs, alors ils sortirent sans rencontrer le moindre encombre.

C'était une petite porte de derrière en aluminium ou en acier inoxydable.

Étant donné tout ce qui s'était passé, Anzai était prudent.

— Ç-Ça serait vraiment aussi simple que ça ?

— Après tout ce qu'on a rencontré, j'ai l'impression qu'ils nous font baisser nos gardes avant de nous envoyer un truc énorme dans la gueule.

Même Hotaru, qui dégageait une sérénité relative et un calme olympien, était submergée par la méfiance.

Mais Higashikawa ne sentait aucune raison d'être inquiet.

Le problème avait déjà été résolu avec ces étranges absurdités. Higashikawa et les autres étaient protégés des règles d'un monde fou où les gens ne pouvaient plus se blesser même avec des éclats de verre d'écran d'ordinateur, des bombes ou des couteaux. Peu importe ce que fomentaient la bunny girl et les autres organisateurs, Higashikawa doutait que cela puisse s'avérer à la hauteur de leurs espérances.

Et ainsi...

Il n'hésita pas à saisir la poignée et la tourner.

La porte s'ouvrit grand.

La première chose qu'il remarqua fut le vent.

Ce n'était rien de plus que l'air d'une nuit plus ou moins fraîche qui s'engouffrait à l'intérieur. Par contre, ce vent tira sur toutes leurs cordes sensibles. Ce n'était pas l'air renfermé d'un grand espace clos. C'était le vent soufflant librement. Ils furent submergés d'émotions au moment d'être touché par cette sensation tout à fait normale.

Celle-ci symbolisait leur liberté.

Elle prouvait qu'ils étaient sortis sains et saufs de ces attractions.

— O-Oh.

Quelqu'un prit la parole.

Peut-être que son identité n'avait pas d'importance.

Puis ils se mirent tous à crier.

— Oooooooooooooohhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Ils crièrent, hurlèrent et se précipitèrent pour être le premier à sortir. La porte était petite, alors ils se pressèrent les uns contre les autres pour passer. Ils perdirent l'équilibre et tombèrent sur le sol.

Ils sentirent la terre.

La terre.

Ce n'était pas du sol synthétique. C'était une odeur qui ne pouvait que provenir de la terre.

Tout en pensait à cette odeur, les glandes lacrymales de Higashikawa finirent par céder.

— Ha ha ha !! On a gagné... On a gagné, bordel !! On est tous sorti de ces putains d'attractions vivaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaants !!

Il roula sur le dos et admira le ciel étoilé. Le vent avait une odeur salé, alors ils devaient se trouver près de l'océan ou sur une île. Il regarda autour de lui toujours couché sur le dos et aperçut des silhouettes au loin qui étaient peut-être un stade à dôme et une grue sur un port.

C'était sûrement les bâtiments liés aux attractions antérieures qu'ils avaient vues sur les écrans de supervision.

Mais cela importait peu.

Ils venaient juste de s'échapper. Cela voulait dire qu'ils avaient vaincu les organisateurs.

La carriériste nommée Hiyama baissa les yeux vers le visage de Higashikawa.

— Excellent travail.

— ... Je sais pas trop comment, mais on a réussi. Mais presque tout avait été planifié jusqu'à la dernière seconde.

— T'aurais pu nous abandonner.

— Ça n'aurait pas été une victoire. Après tout ce qu'on a traversé ensemble, on devait gagner.

Il attrapa ses mains tendues vers lui pour se lever.

Mais alors...

— ...?

Quand il posa son autre main contre le sol pour se soutenir, il sentit quelque chose de bizarrement dur. C'était comme du métal. Higashikawa frotta la surface de la terre et découvrit quelque chose d'étrange.

C'était une poignée.

Puis il découvrit une plaque carrée de deux mètres de large.

— C'est quoi ça ?

— Ça pourrait mener à un souterrain, murmura Hiyama.

Kazakami secoua la tête.

— Arrêtez ça. On vient de sortir. On a fini le boulot, non ? Si on se barre et qu'on rentre chez nous, on aura survécu. On n'a pas besoin de continuer plus loin !!

— Mais les organisateurs vont vraiment nous laisser tranquille, tu crois ? suggéra Hotaru.

Aisu acquiesça.

— Ils ont nos infos personnelles. Ils risquent de nous attaquer chez nous, non ?

— ...

Rachel s'accroupit, apeurée.

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Higashikawa doutait sincèrement que les organisateurs pourraient leur faire du mal maintenant. Il ne comprenait rien à cette absurdité ou à cet incompréhensible Challengeur qui gagne toujours, mais le rapport de force avait déjà été établi. En laissant de côté la propre capacité de Higashikawa, les organisateurs allaient automatiquement être éliminés par le pouvoir faisant appel à la réussite.

Mais est-ce que ce pouvoir le protégerait ad vitam aeternam ?

Il n'avait aucune idée de sur quelles règles il était basé ou quelle énergie il consommait. Il était probable que dès qu'il aurait quitté cet endroit, à son réveil le lendemain, ou dès qu'il l'aurait oublié, il se rendrait soudain compte que le pouvoir avait disparu et qu'il était complètement sans défense.

Leur sécurité était-elle garantie à 100% ?

N'était-il pas préférable de s'approcher du cœur des organisateurs tant qu'il avait encore cet immense pouvoir et pouvait s'en sortir sans trop de risque ?

Avec l'aide d'Anzai, Higashikawa ouvrit la porte au sol. Comme prévu, il y avait des escaliers en béton menant à un souterrain. Il faisait trop sombre à l'intérieur pour percevoir quoi que ce soit.

— Les organisateurs sont là-dedans ? demanda Harumi

— Et ils sont qui au juste ? On avait vraiment l'impression qu'il y en avait d'autres à part la bunny girl, dit Kozue.

Higashikawa était également curieux à ce sujet.

Tout d'abord, il ignorait toujours pourquoi ils avaient mis sur pied ces attractions à grande échelle. Visiblement, la bunny girl avait atteint un certain objectif, mais il ignorait ce que cela voulait dire.

Et...

S'il pouvait prendre le contrôle de ce que c'était, peut-être pouvait-il s'en servir comme d'un levier pour les négociations avec les organisateurs ?

— Qu'est-ce qu'on fait, demanda Kyôsuke Anza. On continue ou on s'échappe ?

— ...

Higashikawa réfléchit.

Le meilleur résultat serait vraisemblablement que les dix s'échappent ensemble. Mais la moindre erreur pouvait s'avérer fatale.

D'un autre côté, la pierre angulaire du plan des organisateurs pouvait se trouver juste sous ses yeux. L'idée de la voler ou de la détruire était trop tentante pour la laisser passer. Higashikawa et les autres avaient subi pendant tout ce temps, et ils avaient enfin une véritable opportunité de riposter.

Qu'allait-il faire ?

Qu'allait-il choisir ?

Après avoir réfléchi pendant un moment, il prit finalement la parole.

— J'y vais. Vu qu'il pourrait y avoir des pièges, il vaut mieux qu'il n'y ait qu'une personne.

Higashikawa et les neuf autres avaient vaincu les organisateurs. Ils avaient survécu à toutes les attractions.

Mais celui qui avait gagné en suivant un certain nombre de règles et avait obtenu le plus de sa victoire était sans conteste Higashikawa. Celui qui devait s'aventurer dans l'endroit le plus dangereux devait être celui ayant hérité du Challengeur qui gagne toujours.

Anzai demanda :

— T'es sûr de toi ?

— Si on laisse passer ça, ça pourrait bien se retourner contre nous un jour. Je vais trouver de quoi nous assurer qu'on nous laissera tranquille après nous être échappés d'ici. C'est la meilleure fin possible.

Après avoir dit ça, Higashikawa jeta un œil aux escaliers.

Hiyama parla derrière lui.

— S'il arrive quoi que ce soit, crie à l'aide.

— Oui.

Il fit le premier pas.

Après avoir senti la dureté du béton sous ses pieds, il continua à descendre dans le sombre souterrain.

Ça lui rappelait vraiment l'abysse de l'enfer.

Peu après, la faible lumière des étoiles ne pouvait plus lui parvenir. Il faisait noir comme dans un four au moment d'atteindre le bas des escaliers. Il avança à tâtons et sentit une porte métallique devant lui.

Il tourna la poignée.

La porte ne semblait pas être fermée.

— ...

Puis...

Mamoru Higashikawa...

... ouvrit la porte.

Partie 6[edit]

La pièce était faiblement éclairée.

Mais comparée à l'obscurité totale des escaliers, c'était bien plus lumineux.

La petite salle carrée était de la taille d'une salle de classe. Une cinquantaine de strapontins y étaient alignées de manière uniforme. Un projecteur cinématographique se trouvait contre le mur à droite et un écran d'un blanc pur était accroché sur celui de gauche. La lumière de la pièce provenait du film qui était projeté.

L'écran montrait Higashikawa, Hiyama et les autres.

Une compilation de séquences de leurs épreuves dans l'Hôpital de l'enfer y était nonchalamment diffusée.

Une trentaine des cinquante strapontins était rempli. Les personnes assises dessus étaient dans leur majorité plutôt âgées et ne semblaient pas avoir mené la vie dure. Elles ne s'étaient même pas tournées en direction de Higashikawa quand ce dernier fit irruption dans la salle. Il pouvait apercevoir leurs visages de profil faiblement éclairés par le projecteur. Ils souriaient tous. Cette unité manquait d'humanité. Higashikawa pouvait ressentir comme un sentiment de dégoût provenir de ses doigts et remonter dans son corps telle une nuée d'insectes.

Higashikawa sentait une chaleur incontrôlable dans sa tête quand il aperçut la bunny girl parmi eux.

— Sale garce, cria-t-il avant de se ruer pour attraper son épaule.

Mais alors...

Parmi toutes les personnes immobiles, seule la bunny girl tourna sa tête dans la direction de Higashikawa.

Oui, juste sa tête.

Il n'y avait rien d'autre que sa tête bien proportionnée et sa colonne vertébrale.

Son sourire fleurit sur son visage telle une fleur horrifiante dans un vase.

— ... Hein ?

La vision de Higashikawa se déforma de façon psychédélique.

Son cerveau refusait d'interpréter ce qu'il voyait.

À partir de son cou, sa peau claire et son merveilleux teint demeuraient inchangés, mais en-dessous, il n'y avait rien d'autre que l'épine dorsale. Et un liquide gluant et de couleur chair s'écoulait sur le strapontin et le sol tout autour. C'était tout. Ce qui semblait être ses vêtements s'étaient évaporés avec le liquide.

C'était réellement tout.

Elle ne pouvait plus être encore en vie.

Même si elle pouvait changer d'expression et soutenir une conversation, ce qu'elle était devenue était sans conteste différent d'un être humain. Elle s'était transformée en quelque chose proche d'un personnage dans une histoire où une tête cligne des yeux après avoir été tranchée par une guillotine.

— Quoi...?

Sa question était simplement de savoir ce qui était arrivé à la bunny girl.

Mais...

Se pouvait-il que...?

Il se tourna en direction des personnes d'âge mûr et avancé qui ne bougeaient pas quoi qu'il arrive.

Est-ce que c'est pareil pour eux ?

— Notre...

Les lèvres brillant d'un éclat coquet de la bunny girl se mirent à bouger.

Étant donné son état physique, il paraissait affreusement insensé qu'elle puisse être toujours en vie et continuer à sourire comme toujours.

— Notre but était de capturer l'absurde. On devait appeler Objectif Alice qui est l'incarnation de l'absurde et la capturer.

— Quoi...?

— L'histoire de pari tout comme les personnages de l'Empereur imbattable et le Challengeur qui gagne toujours obtenus par ce biais ne sont rien de plus que des effets secondaires. L'histoire de pari en elle-même ne nous intéresse pas. Notre objectif est de capturer une fille en particulier qui peut être appelée le guide de toutes les histoires, qu'elles soient d'horreur, de pari, de comédie romantique, de suspense, d'action, de combat, de sport, de science-fiction ou de fantasy. De toutes les innombrables histoires dérivées de ce guide, celle du pari était la plus simple à utiliser. Nous avons essayé de nous frayer un chemin jusque-là pour approcher Alice, le guide. ... Telle est ce dont cette histoire en retourne.

Au début, on aurait dit qu'elle faisait l'explication à lui, mais elle ne s'assurait pas s'il comprenait. C'était comme si elle était un dictaphone qui recrachait les informations qui y avaient été enregistrées.

— Tu me crois peut-être pas, mais nous sommes une association idéologique qui se tient du côté de la justice. Pour être franche, c'est un immense problème qui ne peut être résolu par des moyens honnêtes, alors nous travaillons constamment à le résoudre en un coup avec des moyens malhonnêtes.

L'absurde.

Objectif Alice.

Higashikawa n'avait aucune idée de ce à quoi faisaient référence ces termes, alors il n'avait aucun moyen de comprendre le reste des explications. Néanmoins, la bunny girl avait omis toute précision à leur sujet jusqu'à un niveau anormal.

C'était comme si quelqu'un avait coupé au montage les informations qu'il ne devait pas entendre.

— L'absurde est une existence qui perturbe les paramètres justes des choses. En l'utilisant à bon escient, nous pensions pouvoir trouver les réponses à toutes sortes de problèmes sans avoir à trouver de réelle solution. Nous pensions pouvoir nous en servir comme d'un livre de prophéties.

La bunny girl esquissa un sourire étrangement vivant.

Higashikawa n'arrivait pas à déterminer quelle émotion y était contenu.

Il n'était même pas certain s'il restait quoi que ce soit de la volonté de la bunny girl.

— Mais quand nous avons essayé, c'est ce qui est arrivé. Apparemment, nous avons mis Alice en colère durant le processus d'émulation. Elle s'est servie de toutes ses capacités pour te protéger toi ou quelqu'un de ton groupe.

La cause de ce phénomène insensé.

Une existence qui avait sans mal anéanti les organisateurs de ces attractions.

Un personnage surpuissant qui détenait un pouvoir bien plus puissant que la capacité surhumaine de Higashikawa à faire appel à la réussite.

L'étrange guide qui souriait tout en faisant le lien entre les histoires d'un film d'anthologie sur l'horreur et qui se tenait au-dessus des mauvais esprits et monstres qui faisaient comme bon leur semble dans ces histoires.

— Mais c'est une nouvelle découverte.

Le visage de la bunny girl témoignait d'une profonde joie.

— Après tout, nous avons appris qu'Objectif Alice peut ressentir une colère franche dans un cadre moral honnête. Cela veut dire que la provoquer de cette façon pourrait éliminer le besoin d'émulation qui repose sur des formules détaillées et…

Les paroles de la bunny girl s'arrêtèrent brusquement.

Ses magnifiques yeux tournèrent dans un angle étrange.

Higashikawa entendit un éclaboussement.

Cette simple fleur qui avait été à peine maintenue intacte s'était finalement transformée en liquide couleur chair et éclaboussa le sol.

Au même moment, toutes les personnes d'âge mûr et avancé qui se trouvaient sur les autres strapontins se mirent à fondre sur le sol à leur tour. On avait l'impression que des seaux d'eau étaient renversés sur le sol les uns après les autres.

C'était comme si un bouton avait été enclenché.

On aurait dit qu'une tondeuse était passée à travers ce jardin de fleurs morbides.

Ils avaient été maintenus en vie de façon absurde jusque-là juste pour prononcer ces mots à Higashikawa.

— ...

Higashikawa avait du mal à croire qu'il respirait encore.

Voilà à quel point il avait l'impression que ce n'était pas réel.

Il déglutit bruyamment et finit par réellement se sentir toujours en vie. Il était enfin parvenu à une conclusion.

Les organisateurs sont morts. On devrait être tranquille maintenant.

Mais dès qu'il pensa ça, il entendit un petit bruit.

Il ne l'avait pas remarqué avant et ça paraissait étrange justement, mais la pièce avait une autre porte. La serrure se libéra et la porte s'ouvrit d'elle-même.

Il ne pouvait rien voir dans l'interstice.

Il était possible que quelqu'un l'espionnait.

Mais les organisateurs n'étaient plus.

Higashikawa en était arrivé à cette conclusion.

Dans ce cas...

Qui se trouvait derrière cette porte ?

Qui restait-il ?

— ... Non, c'est pas possible.

Si la bunny girl — ou quiconque l'ayant fait parler — disait vrai, Objectif Alice avait cruellement puni les organisateurs pour sauver Higashikawa et les autres.

Et maintenant, quelque chose d'autre l'invitait dans cette obscurité particulièrement profonde.

Était-ce en train d'essayer de le sauver ? Ou y avait-il un autre but ?

Rien ne semblait concorder et les intentions de chacun semblaient s'éparpiller partout.

Un certain mot traversa alors l'esprit de Higashikawa :

Absurde.

— ...

S'il retournait sur ses pas vers l'escalier menant à la surface, il pourrait très bien retourner auprès des autres en ignorant cette invitation et rentrer sain et sauf chez lui.

Mais s'il s'avançait plus profondément dans l'obscurité, il pourrait atteindre la vérité au prix d'une bonne dose de risques. Mais ce risque pourrait s'avérer plus qu'il ne puisse supporter avec une piètre absurdité comme le Challengeur qui gagne toujours.

De la sueur coula du sourcil de Higashikawa et il sentit la goutte descendre le long de son nez.

Quelle voie devait-il choisir ?

Et enfin...

Il prit sa décision.


Compte-rendu sur les méthodes ayant recours à l'absurde[edit]

L'existence connue sous le nom d'Objectif Alice peut librement déformer tout paramètre basé sur les lois normales de la physique. D'une certaine façon, elle est le symbole de la calamité, et dans le même temps, elle est l'incarnation de la fortune et de la réussite.

On peut la considérer comme la pierre philosophale du Moyen Âge.

Non seulement elle peut transformer le plomb en or, mais elle peut également changer des déchets hautement radioactifs en platine inoffensive.

C'est une existence qui se moque continuellement de toutes les lois et qui les déforme et les transgresse.

Elle est également connue sous le nom de « guide », mais sa véritable essence peut être plus proche de celle d'un trou noir pour les structures cœur de ce monde.

En cherchant des moyens d'employer Objectif Alice, une très grande prudence doit être de mise, notamment en mettant en place des mesures de sécurité pour ne pas soi-même être aspiré dans les innombrables histoires absurdes qui se développent autour d'elle.

Pour être franc, il n'y a aucune méthode infaillible.

Objectif Alice est définie comme étant une existence qui dénature toute règle établie, alors même en se dotant d'une méthode bien définie, cette même vérité pourrait altérer l'existence d'Objectif Alice et proposer une alternative pour éliminer cette faiblesse.

Nous préparerons un certain nombre d'histoires absurdes qu'Objectif Alice est censé répandre. Cela la guidera vers un point précis. C'est sûrement le point le plus important de ce projet d'émulation.

Si nous sommes acceptés par Objectif Alice, nous deviendrons les dirigeants du monde entier. Par contre, si elle nous rejette et que l'absurde sort ses crocs, nous disparaîtrons vraisemblablement de l'histoire. Nous serons comme un personnage secondaire éliminé par des changements opérés sur l'Histoire au moyen d'une machine à remonter le temps.

Les résultats des formules utilisées démontrent que nos méthodes doivent être très cruelles, alors nous devons simplement prier pour qu'Objectif Alice ne soit pas une existence suffisamment raisonnable pour ressentir de la colère face à ce genre de violence.

Et maintenant...

Allons-nous connaître gloire ou malheur ? Le temps est venu pour nous de nous mettre à l'épreuve.


Le résultat non enregistré[edit]

Il y avait une fille blanche.

Elle avait de longs cheveux blancs, sa peau était si blanche qu'on aurait dit qu'elle était transparente, et elle portait une robe blanche faite dans un tissu inconnu.

Cette fille qui était entièrement blanche gisait sur le ventre sur le sol.

Une autre fille se tenait à côté d'elle.

Cette autre fille était toute aussi blanche. Elle regardait la fille allongée sur le sol avec un regard indifférent. Elle souleva une de ses menues jambes.

Puis, elle écrasa la tête de la fille au même visage sans la moindre hésitation.

Immédiatement après, un changement s'opéra sur la fille au sol. Il partit du centre de sa tête écrasée. Ses cheveux blancs, sa peau presque transparente, sa robe faite d'un tissu inconnu et tout le reste se transforma en d'infinies feuilles de papier.

Le vent les emporta et les centaines, les milliers ou peut-être même les centaines de milliers de pages s'éparpillèrent dans l'obscurité. Rapport d'avancement n°201. Issus des objets laissés par un journaliste freelance. Résumé des actions du Joueur 2. Les raisons de chacun. Compte-rendu sur les méthodes ayant recours à l'absurde. L'autre fille ramassa une feuille entre deux doigts.

Elle jeta un œil au rapport et poussa un bref soupir.

Elle le lâcha et ce papier sembla se dissoudre dans l'obscurité tout en étant également emporté par le vent.

La fille restante se fichait d'où les autres feuilles étaient parties.

Elle prit la parole doucement d'un air indifférent.

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— Les phénomènes qui peuvent être expliqués par des mots ne peuvent être décrits comme absurde.

Une fois que toutes les pages de rapport eussent été emportées et disparu, la fille se mit à marcher. Elle était entourée par l'obscurité de toutes parts. Elle marchait à travers ce paysage qui semblait pouvoir mener n'importe où et nulle part en même temps.

— Pas vrai, Émulateur ?

Cette fille qui avait éliminé l'existence connue sous le nom d'Objectif Alice disparut dans l'obscurité.

Pendant l'espace d'un instant, les ourlets de sa robe se décousirent de manière absurde en ce qui ressemblait à d'innombrables rouleaux de films déroulés.


Postface[edit]

Tadam ! Et voilà l'inattendu volume deux.

C'est Kazuma Kamachi.

Le thème cette fois-ci était des paris de vie ou de mort. Je pense que le ton a pas mal changé par rapport à Un simple sondage, mais « elle » est toujours impliquée dans le cœur de l'histoire... Du moins, on dirait. La toute, toute fin donne une conclusion différente, alors faites attention. Si vous passez à côté, vous risquez de croire à tort que la fille du précédent roman était derrière tout ça.

Dans la série Un simple, la majorité des explications et informations données par les protagonistes est erronée, mais la vérité commence à pointer le bout de son nez si on compare ce que chacun dit. C'est une structure d'histoire un peu spéciale. Quand il est question de « la » décrire au cœur de l'histoire, j'ai essayé de mettre en avant un sentiment de choses laissées floues vu que quiconque donnant une explication simple et directe finirait par mourir.

Par exemple, prenez le message vocal qui apparait soudain au milieu de l'histoire. Prenez garde à ne pas simplement croire qu'il a été laissé sur la boite vocale du héros de la deuxième partie, Higashikawa. Bah, si vous avez lu le précédent volume, vous devriez pouvoir deviner qui l'a laissé et à qui il était destiné. Néanmoins, il y a en fait un piège en plus de ça. Vous devriez pouvoir le déceler si vous lisez la toute, toute fin de ce roman et en comparant les façons de parler.[6]

Qui plus est, dans la deuxième moitié de ce volume, j'ai intentionnellement modifié le rythme de l'histoire à divers endroits. Par exemple, quand Higashikawa persuade Rachel à travers la porte et l'échange final avec la bunny girl. J'ai essayé de donner l'impression que l'absurde dépourvu de forme s'approchait lentement et silencieusement. D'après vous, comment je m'en suis sorti ?

J'ai un peu peur que le truc d'implication du lecteur était un peu trop complexe et profond comparé à celui d'Un simple sondage.

J'ai préparé ce genre de truc parce que je voulais faire passer l'idée d'un tournant absurde d'avoir ses propres choix se retourner contre soi et devenir son pire ennemi.

... Au fait, est-ce que vous avez réussi à traverser le dernier flot de questions sans mourir ?

Je remercie mon illustrateur Shin Kasai-san, mon éditeur Miki-san et tous mes lecteurs.

Cette série a désormais traité de comédie romantique et de pari. Je vous remercie d'être resté avec moi jusqu'ici. Je ne vois pas quand un autre volume de cette série pourrait sortir, mais j'espère vraiment pouvoir en écrire un jour.

Ne pas vraiment expliquer les choses est une structure d'histoire vraiment spéciale.

Kazuma Kamachi



  1. Le snuff movie (ou snuff film) est un film, généralement pornographique, qui met en scène la torture et le meurtre d'une ou plusieurs personnes. Dans ces films clandestins, la victime est censée ne pas être un acteur mais une personne véritablement assassinée.
  2. Référence à une fable d'Ésope où le vent du nord et le soleil se défient pour faire retirer le manteau d'un homme. Le vent se met à souffler très fort, mais l'homme s'agrippe d'autant plus à son manteau. Le soleil, quant à lui, se met à briller de toutes ses forces, et l'homme finit par retirer son manteau sous la chaleur.
  3. Au Japon, c'est une expression pour parler des gens qui se suicident dans le métro.
  4. Une banshee, banshie ou bean sí est une créature féminine surnaturelle de la mythologie celtique irlandaise, considérée comme une magicienne ou une messagère de l'Autre monde (sidh).
  5. Dans la mythologie grecque, Prométhée ou en grec ancien Προμηθεύς / Promêtheús, dont le nom signifie «  le prévoyant », est l'un des Titans. Il est surtout connu pour avoir créé les hommes à partir de restes de boue transformés en roches, ainsi que pour le vol du « savoir divin » (le feu sacré de l'Olympe) qu'il a caché dans une tige et qu'il rendit aux humains. Courroucé par sa ruse, Zeus, le roi des dieux, le condamna à être attaché à un rocher, son foie se faisant dévorer par un aigle chaque jour, et renaissant la nuit.
  6. La fille qui laisse un message utilise « konata » comme pronom personnel. Cf. Le cas de Harumi dans Un simple sondage pour voir en quoi c'est important.