Difference between revisions of "Maria-sama ga Miteru (Français):Volume1 Chapitre1"

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Elle lança un regard de dépit vers la statue, mais celle-ci conserva son éternel sourire chaste et se tint, silencieuse, au milieu du petit jardin verdoyant.
 
Elle lança un regard de dépit vers la statue, mais celle-ci conserva son éternel sourire chaste et se tint, silencieuse, au milieu du petit jardin verdoyant.
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=== Partie 2 ===
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- Oh, alors c'est ce qui s'est passé.
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Katsura, assise juste en face d'elle, se contenta d'un rire en entendant l'histoire.
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- Tu avais l'air si morose quand tu es arrivée en classe, je me demandais si tu n'avais pas rencontré un pervers dans le train ou quelque chose dans le genre.
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- J'aurais préféré un pervers.
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- Pourquoi ?
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- Il finit toujours par s'en aller.
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- Yumi, ça se voit que tu n'as jamais rencontré de pervers.
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- Oui, je prends le bus pour venir.
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Les étudiantes de l'académie Lillian prenaient généralement le bus qui partait de la sortie nord de la gare M de JR* pour se rendre à l'école. Toutes deux étaient dans ce cas, mais Katsura prenait d'abord un train bondé pour se rendre à la gare M tandis que Yumi prenait un bus qui se rendait à la sortie sud ; cela expliquait leur différence de réaction à la plaisanterie de Yumi.
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- Il n'y avait pas un projet pour un wagon spécial Lillian ?
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- Il y en avait un mais... Pour l'instant tu vois, le conseil Yamayurikai a demandé à tout le monde de se regrouper dans l'avant-dernier wagon. Mais, à cause des activités des clubs et des obligations scolaires, si tu pars trop tôt, il n'y a pas assez d'étudiants et c'est complètement inutile.
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Mais, beaucoup de rumeurs circulaient, et des étudiantes qui n'étaient pas de Lillian avaient pris l'habitude de monter aussi dans ce wagon, ce qui le rendait efficace contre les pervers. Bien sûr, il n'y avait pas une réelle interdiction aux hommes, mais le nombre de mâles ayant assez de courage pour rentrer dans un wagon plein à craquer de jeunes filles était assez limité. Et une fois à l'intérieur, ils pouvaient difficilement faire de mouvements inopportuns.
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L'uniforme de Lillian était un vêtement d'un noir profond qui paraissait un peu vert sombre ; il était pour cela très raffiné. Le col marin ivoire, barré d'une seule ligne noire était noué comme une cravate. Pendant les saisons chaudes, la jupe taille basse arrivait à hauteur des genoux. Le tout combiné avec les chaussettes blanches et des ballerines en cuir et on l'obtenait un habit des plus traditionnels, très connu aussi bien des personnes ordinaire que - bien sûr - des amateurs d'uniforme.
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Cet uniforme montrait qu'on était une jeune fille d'un statut élevé. Et attirait donc également des attentions non-désirées.
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- Les trains sont toujours bondés, alors je fais toujours attention à mon apparence avant d'y rentrer.
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Tout en parlant, utilisant Yumi comme miroir, Katsura fit mine de refaire ses couettes et d'arranger sa cravate. « Comme ça » semblait-elle dire.
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- Je vois, je ne fais pas assez attention.
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Yumi s'affala sur son bureau. Katsura lui tapota gentiment la tête, comme si elle disait « et bien et bien ».
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- A mon avis oui. Mais ceux qui peuvent s'assoir élégamment en allant à l'école ne penserait jamais à ce genre de choses. Ne t'inquiète pas pour ça, ce n'est pas grave.
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- C'est très grave.
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- Tant que tu oublies, tout va bien.
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- Pourquoi ?
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- Elle est la star de Lillian. Les stars ne se préoccupent pas tant des amateurs.
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Stars et amateurs.
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Même si c'était la vérité - ou plutôt, parce que ça l'était - cela faisait mal. Les réconforts de Katsura étaient toujours assez extrêmes.
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Katsura était son nom, et non son prénom. A Lillian, les surnoms n'existaient pas. La coutume voulait que l'on parle à ceux qui était dans la même année que soi avec « san » * et qu'on emploie « sama » * pour les élèves des classes plus élevées.
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- Ce n'est pas la peine de te torturer car elle t'a fait des remontrances. La seule personne de première année de notre classe qui peut parler sans problème aux membres du conseil Yamayurikai, c'est elle.
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Katsura lança un coup d'œil derrière elle. Suivant son regard, Yumi vit Shimako Tôdô qui entrait dans la salle de classe.
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- Gokigenyô Katsura. Gokigenyô Yumi.
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Tout en les saluant, Shimako s'avança élégamment vers sa place.
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- Go-Gokigenyô.
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Yumi et Katsura se regardèrent, se demandant silencieusement pourquoi elles étaient toutes deux si gênées.
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Même si elles étaient dans la même année, le fossé était énorme. Shimako était vraiment magnifique, même si elle était complètement différente de Sachiko.
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Rien que de la regarder et ton moral diminuait. Les gens beaux le sont depuis leur naissance. L'espoir un peu fou qu'il suffisait de passer en deuxième année pour devenir aussi belle que Sachiko était soufflé comme ça, en quelques secondes.
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- Tu as entendu ?
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Katsura commença à chuchoter, alors Yumi baissa aussi la voix.
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- Quoi ? Que Shimako est devenue Rosa Gigantea* en bouton ? Elle a même surpassé les deuxièmes années.
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C'était une histoire populaire : Shimako avait échangé ses vœux de sœurs avec Rosa Gigantea alors qu'elle n'était qu'une première année.
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- Pas ça.
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- Pas ça ?
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Montrant que c'était la dernière nouvelle, Katsura posa un doigt sur sa bouche et murmura : « C'est ce que ma Sœur m'a dit ». Sa Sœur était membre du club de tennis et elle était dans la même classe que Sachiko.
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- Apparemment, Rosa Gigantea n'est pas la seule à avoir fait sa demande à Shimako, Sachiko aussi !
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- Héééé ?
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- Yumi, tu parles trop fort !
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Toutes deux se tassèrent le plus possible sur leur bureau. C'était un spectacle vraiment indigne pour une demoiselle, mais toutes deux n'y prêtaient pas attention - Sainte Vierge, pardonne-leur, mais peu importe les générations, les femmes adorent toujours les rumeurs.
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Le système de Sœur de l'académie Lillian était né par soucis de l'école de respecter l'autonomie des lycéennes. Après que les étudiantes finissaient leur éducation obligatoire, dans laquelle elles vivaient sous le contrôle des professeurs et des Sœurs, elle se devait de mener une vie de façon autonome. Le système de Sœur avait été adopté afin que les sœurs les plus vieilles puissent guider les petites sœurs dans ces moments critiques. Le système devint de plus en plus lié à l'école et - même sans stricte réglementation de l'école - la vie pure et droite qu'on menait ici se passait de génération en génération.
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Sœur* signifiait sœur en Français. Afin d'éviter la confusion avec le mot sœur*, elles évitaient l'emploi de l'anglais. A l'origine, toutes les étudiantes s'appelaient ainsi entre elles, mais petit à petit, cela devint un moyen de désigner deux filles très proches. Personne ne savait quand le vœu qui consistait à donner et recevoir un rosaire pour devenir Sœurs avait commencé.
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- Apparemment, Sachiko lui a demandé la première, mais elle a préféré accepté la demande de Rosa Gigantea, même si elle est arrivée après.
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Katsura semblait un peu dédaigneuse, mais elle était aussi très excitée par la rumeur qu'elle racontait.
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- Elle a dû préférer le blanc au rouge...
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- Pas du tout. Tss... Yumi, tu es vraiment bizarre. Tu te rends compte ? Quand tu es au niveau de Shimako, tu peux même cueillir la rose que tu souhaites.
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- Cueillir ? Ce n'est pas très valorisant.
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- Mais c'est la vérité. Sachiko a été rejeté.
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- Huum.
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Quelle gâchis ridicule, pensa Yumi.
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- Huum ? Tu ne trouves pas horrible ?
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- Pourquoi ? Si tu as deux sœurs, il faut bien en choisir une.
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- Et tu choisis celle qui est arrivée en dernier ?
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- Ce n'est pas une course.
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- Bien sûr que si ! dit Katsura, concluant la discussion avec un soupir.
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Elle avait échangé son vœu de sœurs le jour même où elle avait rejoint le club de tennis.
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- Et au fait, Rosa Foetida* ?
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- Rosa Foetida vit dans le calme et le repos avec une troisième année, une deuxième année et une première année.
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- Je vois.
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Pour Yumi, bien plus que de voir Rosa Gigantea et Rosa Chinensis se battre pour Shimako, c'était le fait qu'aucune d'entre elles n'aient déjà de petite sœur qui était le plus surprenant.
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- De toute façon, le fait est que Sachiko lui a demandé et qu'elle n'a pas tout de suite accepté, dit Katsura en regardant l'horloge.
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La cloche allait sonner le début des prières matinales. Un hymne résonnerait dans toute l'école grâce au système de radio de l'école. En plus de la prière hebdomadaire qui se faisait au Sanctuaire, tout le monde priait quotidiennement dans sa salle de classe. On chantait l'hymne, on écoutait le discours du Principal, on se calmait et on offrait une prière à Dieu.
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Laissez-moi vivre aujourd'hui de la plus vertueuse des manières.
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Cependant, malgré sa prière, Yumi avait le sentiment qu'elle était sur le point de rompre avec sa paisible vie quotidienne.

Revision as of 14:42, 29 May 2011

Un Lundi de Maladresse

Partie 1

- Attends.

On était lundi. C'est à l'endroit où le chemin encadré d'arbres ginkgo bifurque, qu'une voix derrière Yumi lui demanda de s'arrêter. C'était une voix froide, un peu aiguë, juste assez forte pour sembler être illusion. L'incident se produisit juste devant une statue de la Sainte Vierge et pendant un instant, Yumi cru que c'était Marie elle-même qui l'appelait ainsi.

Ici, quand quelqu'un vous adressait la parole, la règle était de s'arrêter, de répondre « oui » et de tourner son corps entier dans la direction de l'interlocuteur. Même si c'était inattendu, il ne fallait pas agir précipitamment. De plus, il était vulgaire de ne tourner que la tête. Aussi élégamment que possible. De la façon la plus belle possible. Afin d'approcher un peu plus l'exemple des grandes sœurs. Il suffisait ensuite de faire face à la personne, sourire et dire « Gokigenyô ».

Mais malheureusement, Yumi était incapable de répondre « Gokigenyô ».

- ...

Elle avait reconnu qui venait de l'appeler et ça la laissait muette de stupeur. Elle n'avait pas sursauté, c'était un pas en avant vers l'objectif qu'elle faisait de son mieux pour accomplir : se conduire comme une étudiante modèle de Lillian se conduirait. Du moins... C'est ce qu'elle aurait aimé. La vérité était que sa surprise était si grande que son esprit s'était mis à tourner à toute vitesse et que son corps, dépassé, ne pouvait plus bouger.

- Heu... C'est à moi que tu parles ? demanda Yumi avec un grand effort, toujours incrédule.

Bien sûr, elle savait qu'elle était la seule personne à portée de vue et qu'elle était donc la seule personne à qui l'on pouvait s'adresser. Mais malgré tout, cela restait difficile à croire pour Yumi.

- En effet. Je suis celle qui parle et tu es celle à qui je parle.

Elle avait dit « en effet ». Yumi, désespérée, mourrait d'envie de répondre qu'il devait y avoir une erreur et de s'enfuir en courant. Elle n'avait aucune idée de la raison pour laquelle on l'avait interpellé et son esprit était au bord de la panique.

Elle s'approcha droit vers Yumi, un petit sourire aux lèvres, sans se rendre compte de l'état de celle-ci. Elles étaient dans des années différentes et pour cette raison, Yumi n'aurait jamais du avoir l'occasion de voir ce visage de si près. C'était même la première fois qu'elle entendait sa voix si distinctement. Ses cheveux qui lui arrivait à la taille brillaient si fort qu'on ne pouvait que mourir d'envie de lui demander quelle marque de shampoing elle utilisait et ils étaient si bien coiffés qu'on ne trouvait aucune mèche rebelle.

- Tiens-moi ça.

Elle lui tendit son sac. Yumi, toujours interloquée, prit le sac tandis que les deux mains s'approchèrent de son cou. (Aaaah !). Incapable de comprendre ce qu'il se passait, Yumi ferma les yeux, baissa le menton et se raidit.

- Ta cravate. Elle est mal faite.

- Quoi ?

Elle rouvrit les yeux ; le beau visage était toujours en face d'elle. Apparemment, elle redressait la cravate de Yumi.

- Tu dois toujours faire attention à ton apparence. La Vierge Marie nous regarde, tu sais.

Puis, elle reprit le sac des mains de Yumi, dit « Gokigenyô » et repartit en direction de l'école.

(Ce... Ce...)

Restée seule, toujours immobile, le sang commença lentement à revenir au cerveau de Yumi qui comprenait enfin ce qui venait de se passer.

Son identité ne faisait aucun doute. Sachiko Ogasawara, de deuxième année, classe du pin. Par accident, son nom était le septième sur la feuille de présence de la classe de Yumi. Elle était aussi connue comme « Rosa Chinensis en bouton ». Elle était au centre des attentions de l'école et on se demandait toujours si c'était vraiment autorisé de la mentionner, alors qu'on était d'un rang si inférieur à elle.

(Ce n'est...)

Yumi en rougissait de honte.

(Ce n'est pas juste !)

Elle était toujours immobile, abasourdie. C'était la première fois qu'elle échangeait des paroles avec la sœur qui l'avait tant inspiré. Et c'était un épisode horriblement embarrassant. C'était trop cruel.

Sainte Vierge, vous êtes méchante !

Elle lança un regard de dépit vers la statue, mais celle-ci conserva son éternel sourire chaste et se tint, silencieuse, au milieu du petit jardin verdoyant.


Partie 2

- Oh, alors c'est ce qui s'est passé.

Katsura, assise juste en face d'elle, se contenta d'un rire en entendant l'histoire.

- Tu avais l'air si morose quand tu es arrivée en classe, je me demandais si tu n'avais pas rencontré un pervers dans le train ou quelque chose dans le genre.

- J'aurais préféré un pervers.

- Pourquoi ?

- Il finit toujours par s'en aller.

- Yumi, ça se voit que tu n'as jamais rencontré de pervers.

- Oui, je prends le bus pour venir.

Les étudiantes de l'académie Lillian prenaient généralement le bus qui partait de la sortie nord de la gare M de JR* pour se rendre à l'école. Toutes deux étaient dans ce cas, mais Katsura prenait d'abord un train bondé pour se rendre à la gare M tandis que Yumi prenait un bus qui se rendait à la sortie sud ; cela expliquait leur différence de réaction à la plaisanterie de Yumi.

- Il n'y avait pas un projet pour un wagon spécial Lillian ?

- Il y en avait un mais... Pour l'instant tu vois, le conseil Yamayurikai a demandé à tout le monde de se regrouper dans l'avant-dernier wagon. Mais, à cause des activités des clubs et des obligations scolaires, si tu pars trop tôt, il n'y a pas assez d'étudiants et c'est complètement inutile.

Mais, beaucoup de rumeurs circulaient, et des étudiantes qui n'étaient pas de Lillian avaient pris l'habitude de monter aussi dans ce wagon, ce qui le rendait efficace contre les pervers. Bien sûr, il n'y avait pas une réelle interdiction aux hommes, mais le nombre de mâles ayant assez de courage pour rentrer dans un wagon plein à craquer de jeunes filles était assez limité. Et une fois à l'intérieur, ils pouvaient difficilement faire de mouvements inopportuns.

L'uniforme de Lillian était un vêtement d'un noir profond qui paraissait un peu vert sombre ; il était pour cela très raffiné. Le col marin ivoire, barré d'une seule ligne noire était noué comme une cravate. Pendant les saisons chaudes, la jupe taille basse arrivait à hauteur des genoux. Le tout combiné avec les chaussettes blanches et des ballerines en cuir et on l'obtenait un habit des plus traditionnels, très connu aussi bien des personnes ordinaire que - bien sûr - des amateurs d'uniforme.

Cet uniforme montrait qu'on était une jeune fille d'un statut élevé. Et attirait donc également des attentions non-désirées.

- Les trains sont toujours bondés, alors je fais toujours attention à mon apparence avant d'y rentrer.

Tout en parlant, utilisant Yumi comme miroir, Katsura fit mine de refaire ses couettes et d'arranger sa cravate. « Comme ça » semblait-elle dire.

- Je vois, je ne fais pas assez attention.

Yumi s'affala sur son bureau. Katsura lui tapota gentiment la tête, comme si elle disait « et bien et bien ».

- A mon avis oui. Mais ceux qui peuvent s'assoir élégamment en allant à l'école ne penserait jamais à ce genre de choses. Ne t'inquiète pas pour ça, ce n'est pas grave.

- C'est très grave.

- Tant que tu oublies, tout va bien.

- Pourquoi ?

- Elle est la star de Lillian. Les stars ne se préoccupent pas tant des amateurs.

Stars et amateurs.

Même si c'était la vérité - ou plutôt, parce que ça l'était - cela faisait mal. Les réconforts de Katsura étaient toujours assez extrêmes.

Katsura était son nom, et non son prénom. A Lillian, les surnoms n'existaient pas. La coutume voulait que l'on parle à ceux qui était dans la même année que soi avec « san » * et qu'on emploie « sama » * pour les élèves des classes plus élevées.

- Ce n'est pas la peine de te torturer car elle t'a fait des remontrances. La seule personne de première année de notre classe qui peut parler sans problème aux membres du conseil Yamayurikai, c'est elle.

Katsura lança un coup d'œil derrière elle. Suivant son regard, Yumi vit Shimako Tôdô qui entrait dans la salle de classe.

- Gokigenyô Katsura. Gokigenyô Yumi.

Tout en les saluant, Shimako s'avança élégamment vers sa place.

- Go-Gokigenyô.

Yumi et Katsura se regardèrent, se demandant silencieusement pourquoi elles étaient toutes deux si gênées.

Même si elles étaient dans la même année, le fossé était énorme. Shimako était vraiment magnifique, même si elle était complètement différente de Sachiko.

Rien que de la regarder et ton moral diminuait. Les gens beaux le sont depuis leur naissance. L'espoir un peu fou qu'il suffisait de passer en deuxième année pour devenir aussi belle que Sachiko était soufflé comme ça, en quelques secondes.

- Tu as entendu ?

Katsura commença à chuchoter, alors Yumi baissa aussi la voix.

- Quoi ? Que Shimako est devenue Rosa Gigantea* en bouton ? Elle a même surpassé les deuxièmes années.

C'était une histoire populaire : Shimako avait échangé ses vœux de sœurs avec Rosa Gigantea alors qu'elle n'était qu'une première année.

- Pas ça.

- Pas ça ?

Montrant que c'était la dernière nouvelle, Katsura posa un doigt sur sa bouche et murmura : « C'est ce que ma Sœur m'a dit ». Sa Sœur était membre du club de tennis et elle était dans la même classe que Sachiko.

- Apparemment, Rosa Gigantea n'est pas la seule à avoir fait sa demande à Shimako, Sachiko aussi !

- Héééé ?

- Yumi, tu parles trop fort !

Toutes deux se tassèrent le plus possible sur leur bureau. C'était un spectacle vraiment indigne pour une demoiselle, mais toutes deux n'y prêtaient pas attention - Sainte Vierge, pardonne-leur, mais peu importe les générations, les femmes adorent toujours les rumeurs.

Le système de Sœur de l'académie Lillian était né par soucis de l'école de respecter l'autonomie des lycéennes. Après que les étudiantes finissaient leur éducation obligatoire, dans laquelle elles vivaient sous le contrôle des professeurs et des Sœurs, elle se devait de mener une vie de façon autonome. Le système de Sœur avait été adopté afin que les sœurs les plus vieilles puissent guider les petites sœurs dans ces moments critiques. Le système devint de plus en plus lié à l'école et - même sans stricte réglementation de l'école - la vie pure et droite qu'on menait ici se passait de génération en génération.

Sœur* signifiait sœur en Français. Afin d'éviter la confusion avec le mot sœur*, elles évitaient l'emploi de l'anglais. A l'origine, toutes les étudiantes s'appelaient ainsi entre elles, mais petit à petit, cela devint un moyen de désigner deux filles très proches. Personne ne savait quand le vœu qui consistait à donner et recevoir un rosaire pour devenir Sœurs avait commencé.

- Apparemment, Sachiko lui a demandé la première, mais elle a préféré accepté la demande de Rosa Gigantea, même si elle est arrivée après.

Katsura semblait un peu dédaigneuse, mais elle était aussi très excitée par la rumeur qu'elle racontait.

- Elle a dû préférer le blanc au rouge...

- Pas du tout. Tss... Yumi, tu es vraiment bizarre. Tu te rends compte ? Quand tu es au niveau de Shimako, tu peux même cueillir la rose que tu souhaites.

- Cueillir ? Ce n'est pas très valorisant.

- Mais c'est la vérité. Sachiko a été rejeté.

- Huum.

Quelle gâchis ridicule, pensa Yumi.

- Huum ? Tu ne trouves pas horrible ?

- Pourquoi ? Si tu as deux sœurs, il faut bien en choisir une.

- Et tu choisis celle qui est arrivée en dernier ?

- Ce n'est pas une course.

- Bien sûr que si ! dit Katsura, concluant la discussion avec un soupir.

Elle avait échangé son vœu de sœurs le jour même où elle avait rejoint le club de tennis.

- Et au fait, Rosa Foetida* ?

- Rosa Foetida vit dans le calme et le repos avec une troisième année, une deuxième année et une première année.

- Je vois.

Pour Yumi, bien plus que de voir Rosa Gigantea et Rosa Chinensis se battre pour Shimako, c'était le fait qu'aucune d'entre elles n'aient déjà de petite sœur qui était le plus surprenant.

- De toute façon, le fait est que Sachiko lui a demandé et qu'elle n'a pas tout de suite accepté, dit Katsura en regardant l'horloge.

La cloche allait sonner le début des prières matinales. Un hymne résonnerait dans toute l'école grâce au système de radio de l'école. En plus de la prière hebdomadaire qui se faisait au Sanctuaire, tout le monde priait quotidiennement dans sa salle de classe. On chantait l'hymne, on écoutait le discours du Principal, on se calmait et on offrait une prière à Dieu.

Laissez-moi vivre aujourd'hui de la plus vertueuse des manières.

Cependant, malgré sa prière, Yumi avait le sentiment qu'elle était sur le point de rompre avec sa paisible vie quotidienne.