Difference between revisions of "Maria-sama ga Miteru (Français):Volume1 Chapitre1"
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- Oui, je me suis dépêchée pour qu'on ne se rate pas. J'avais cru voir que tu avais pris ton sac avec toi. |
- Oui, je me suis dépêchée pour qu'on ne se rate pas. J'avais cru voir que tu avais pris ton sac avec toi. |
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− | Les salles de classe des premières années étant assez éloignées de la salle de musique, les premières années avaient pris l'habitude de prendre leur sac en y allant, c'était plus pratique pour aller au club ou rentrer chez soi |
+ | Les salles de classe des premières années étant assez éloignées de la salle de musique, les premières années avaient pris l'habitude de prendre leur sac en y allant - après, c'était plus pratique pour aller au club ou rentrer chez soi, l'entrée et les salles des clubs n'étant pas loin. |
- Tu voulais me voir ? |
- Tu voulais me voir ? |
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Les trois étudiantes qui l'avaient aidé à ranger la regardèrent avec des yeux innocents. |
Les trois étudiantes qui l'avaient aidé à ranger la regardèrent avec des yeux innocents. |
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− | - |
+ | - Ah... Merci. |
- Non, non. Ce n'est rien. Gokigenyô. |
- Non, non. Ce n'est rien. Gokigenyô. |
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Les uniformes, semblables à des ailes sombres de corbeaux, s'éloignèrent lentement dans le couloir. Tsutako et Yumi restèrent seules. |
Les uniformes, semblables à des ailes sombres de corbeaux, s'éloignèrent lentement dans le couloir. Tsutako et Yumi restèrent seules. |
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− | - Je pense que tu sais que je fais partie du club de photographie |
+ | - Je pense que tu sais que je fais partie du club de photographie ! demanda soudainement Tsutako en se tournant vers Yumi. |
- Heu, oui. |
- Heu, oui. |
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− | + | Tsutako était connue pour ne jamais lâcher son appareil photo, à part pendant les heures de cours. Yumi l'avait déjà entendu se plaindre du sentiment de regret et de chagrin qu'elle avait quand elle manquait l’opportunité de faire une bonne photo : elle n'avait donc pas d'autres choix que de se promener partout avec son appareil. C'était la première fois que Yumi se retrouvait dans la même classe qu'elle, mais on lui avait déjà montré deux ou trois photos que Tsutako avaient prises de Yumi sans que celle-ci ne le sache. Même si elle ne savait pas très bien à quel point Tsutako était « douée » en photo, elle devait reconnaître qu'elle avait bien l'air 30% plus jolie sur ses photos. |
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− | - Tu sais que le festival de l'école approche |
+ | - Tu sais que le festival de l'école approche. A cause de ça, je viens plus tôt à l'école le matin pour prendre des photos. |
− | Elle n'utilisait que des humains comme modèle. Plus particulièrement, les lycéennes. Elle avait aussi tendance à prendre ses photos en secret car selon elle : « les bonnes photos |
+ | Elle n'utilisait que des humains comme modèle. Plus particulièrement, les lycéennes. Elle avait aussi tendance à prendre ses photos en secret car selon elle : « les bonnes photos sont prises quand le modèle pose inconsciemment ». |
- Tsutako, tu ferais mieux d'arrêter de prendre des photos comme si tu étais un paparazzi. |
- Tsutako, tu ferais mieux d'arrêter de prendre des photos comme si tu étais un paparazzi. |
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− | - Pourquoi ne pourrais-je pas profiter du privilège que j'ai d'être une étudiante active de Lillian ? Je ne veux que capturer la beauté dans toute sa splendeur, sans artifice |
+ | - Pourquoi ne pourrais-je pas profiter du privilège que j'ai d'être une étudiante active de Lillian ? Je ne veux que capturer la beauté dans toute sa splendeur, sans artifice ! Nous allons toutes vieillir, mais il est possible de conserver aujourd'hui un éclat de notre gloire ! C'est une mission qui m'a été confié par Dieu ! J'ai été choisi par cet appareil ! |
Elle leva un poing confiant. |
Elle leva un poing confiant. |
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− | - |
+ | - Ça ne change rien. |
− | - Ne t'inquiète pas. Je demande toujours la permission de mes modèles |
+ | - Ne t'inquiète pas. Je demande toujours la permission de mes modèles ! Je brûle toutes les photos que je jette - même les négatifs. Et avant d'exposer celles que j'ai prise, je demande toujours l'accord des personnes concernées. |
- L'accord ? |
- L'accord ? |
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Ah, c'était ça. La scène de ce matin. La même scène qu'elle avait tant essayé d'effacer de sa mémoire. Deux photos de Sachiko Ogasawara et de Yumi. |
Ah, c'était ça. La scène de ce matin. La même scène qu'elle avait tant essayé d'effacer de sa mémoire. Deux photos de Sachiko Ogasawara et de Yumi. |
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− | Et c'était bien des photos du membre la plus douée du club de photographie ; elle n'avait pas laissé passer sa chance |
+ | Et c'était bien des photos du membre la plus douée du club de photographie ; elle n'avait pas laissé passer sa chance cette fois. Les deux mains de Sachiko tenaient fermement la cravate de Yumi. On pouvait presque entendre le bruit du tissu qui se froissait. Les mains serrées sur son sac, Yumi la regardait, absorbant tout le reste de la photo. Sachiko était magnifique, comme d'habitude ; et en conséquence directe de sa présence, Yumi, juste en face d'elle, ressemblait à un ange. |
+ | - La première a été prise avec une lentille à gros zoom. Mais celle ci, où l'on peut voir ton corps en entier a quelque chose d'un peu plus « interdit » et elle rend mieux, tu ne trouves pas ? Ah ! Et le titre est « Apprentissage », ajouta Tsutako. |
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− | Et, les mains serrées sur son sac, Yumi la regardait, absorbant tout le reste de la photo. Sachiko était aussi magnifique que d'habitude ; et en conséquence direct de sa présence, Yumi, juste en face d'elle, ressemblait à un ange. |
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− | - La première a été prise avec une lentille à gros zoom. Mais celle ci, où l'on peut voir ton corps en entier a quelque chose d'un peu plus « interdit », et elle rend mieux, tu ne trouves pas ? Ah ! Et le titre est « Apprentissage », ajouta Tsutako. |
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Yumi ne pouvait pas la contredire. |
Yumi ne pouvait pas la contredire. |
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Tsutako rit et reprit les photos. Elle regarda Yumi comme si elle venait de remonter sa canne à pêche et qu'un gros poisson frétillait, pendu à l'hameçon. |
Tsutako rit et reprit les photos. Elle regarda Yumi comme si elle venait de remonter sa canne à pêche et qu'un gros poisson frétillait, pendu à l'hameçon. |
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− | - |
+ | - Ça ne me dérange pas, mais à deux conditions. |
- Conditions ? |
- Conditions ? |
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Exposition ? Festival ? Elle était folle ? |
Exposition ? Festival ? Elle était folle ? |
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− | + | Ou alors complètement insouciante. Mettre ainsi à la vue de tous les élève, Yumi - la plus ordinaire des étudiantes, aussi bien en taille, poids, visage qu'en résultats scolaires - aux côté de Sachiko Ogasawara - qui excellait dans tous les domaines. |
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- Tsutako, tu te fiches de moi ? |
- Tsutako, tu te fiches de moi ? |
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- Tu ne veux pas les photos ? |
- Tu ne veux pas les photos ? |
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− | Tsutako |
+ | Tsutako agita les deux photos devant le visage de Yumi. |
− | - Je sais que tu as toujours admiré Sachiko Ogasawara en secret. Et je sais aussi que tu n'as aucune photo d'elle - si on ne |
+ | - Je sais que tu as toujours admiré Sachiko Ogasawara en secret. Et je sais aussi que tu n'as aucune photo d'elle - si on ne tient pas compte d'une seule un peu minable. Tu étais très vexée, quand les photos du voyage scolaire ont été affiché dans la salle des professeurs et que tu as appris que tu ne pouvais pas en demander une copie car tu étais dans une année différente. En plus, comme tu ne fais pas parti d'un club, tu n'as pas pu demander à une élève de deuxième année de les prendre pour toi. La seule photo que tu as a été prise pendant la rencontre sportive. On peut voir Sachiko, en arrière-plan, qui attend son relais et - ce n'est pas pour être méchante - ce n'est vraiment qu'une ombre. |
− | - Peut-être qu'elle a la taille d'un stylo mais c'est tout de même un trésor pour moi |
+ | - Peut-être qu'elle a la taille d'un stylo mais c'est tout de même un trésor pour moi ! |
Tsutako aurait pu envisager une carrière de détective. |
Tsutako aurait pu envisager une carrière de détective. |
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− | - Je me demande si tu pourras te satisfaire d'un stylo après ce que tu as vu aujourd'hui. |
+ | - Je me demande si tu pourras te satisfaire d'un stylo après ce que tu as vu aujourd'hui... |
Un reflet rapide semblable à un flash d'appareil photo traversa ses lunettes. |
Un reflet rapide semblable à un flash d'appareil photo traversa ses lunettes. |
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- Mais... il y une chance que Sachiko refuse, non ? |
- Mais... il y une chance que Sachiko refuse, non ? |
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− | - C'est pourquoi |
+ | - C'est pourquoi ! |
Tsutako leva son index et rit, triomphalement. |
Tsutako leva son index et rit, triomphalement. |
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- Hein ? Mais c'est impossible ! Absolument impossible ! |
- Hein ? Mais c'est impossible ! Absolument impossible ! |
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− | Encore une fois elle disait naturellement quelque chose de complètement surréaliste. |
+ | Encore une fois elle disait si naturellement quelque chose de complètement surréaliste. |
- Pourquoi ? |
- Pourquoi ? |
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− | Tsutako écarquilla les yeux |
+ | Tsutako écarquilla les yeux, surprise. |
- Vous avez l'air si proche, on dirait des Sœurs. |
- Vous avez l'air si proche, on dirait des Sœurs. |
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- J'aimerais bien. |
- J'aimerais bien. |
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− | Yumi lui expliqua comment ce matin, Sachiko l'avait soudainement appelé et tandis qu'elle se demandait ce qui se passait |
+ | Yumi lui expliqua alors comment, ce matin, Sachiko l'avait soudainement appelé et - tandis qu'elle se demandait ce qui se passait - celle-ci l'avait critiqué sur son apparence. |
− | - Bien. Et après elle a refait ta cravate ? Tes camarades en seraient mortes de jalousie si elles savaient cela |
+ | - Bien. Et après elle a refait ta cravate ? Tes camarades en seraient mortes de jalousie si elles savaient cela ! |
− | - Il n'y a vraiment pas de quoi être |
+ | - Il n'y a vraiment pas de quoi être envieuse. |
− | Elle |
+ | Elle s'empourprait rien qu'à se rappeler l'incident. |
- Sachiko a du penser que j'étais une élève négligée. |
- Sachiko a du penser que j'étais une élève négligée. |
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− | Ce n'était pas censé se passer comme ça. La rencontre avec cette sœur-là aurait du être un instant |
+ | Ce n'était pas censé se passer comme ça. La rencontre avec cette sœur-là aurait du être un instant magique. Comme dans un film par exemple. Une scène qui vous ferait toujours rougir, bien des années plus tard. Même si ce n'était que quelques secondes. Comme ramasser le mouchoir de Sachiko et lui rendre alors qu'il était emporté par le vent. Ou quelque chose d'encore plus trivial. |
Mais un nœud de travers. En plus de ça, elle avait tellement paniqué sur le moment qu'elle avait été incapable de la saluer ou de la remercier. Elle était tombée au niveau de « première année malpolie ». |
Mais un nœud de travers. En plus de ça, elle avait tellement paniqué sur le moment qu'elle avait été incapable de la saluer ou de la remercier. Elle était tombée au niveau de « première année malpolie ». |
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- Une élève négligée... Et où est le problème ? Après tout, ça t'a permis de te rapprocher de ta sœur adorée. |
- Une élève négligée... Et où est le problème ? Après tout, ça t'a permis de te rapprocher de ta sœur adorée. |
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− | - |
+ | - Oh. |
Elle ne sut pas quoi répondre. C'est vrai que si son nœud n'avait pas été mal fait, elle n'aurait sans doute jamais été interpellée par Sachiko de toute sa vie. |
Elle ne sut pas quoi répondre. C'est vrai que si son nœud n'avait pas été mal fait, elle n'aurait sans doute jamais été interpellée par Sachiko de toute sa vie. |
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- Même moi - qui suis pourtant sans peur et sans reproche - je suis intimidée face au conseil Yamayurikai. |
- Même moi - qui suis pourtant sans peur et sans reproche - je suis intimidée face au conseil Yamayurikai. |
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− | Le Yamayurikai était le conseil des étudiants de l'académie Lillian. |
+ | Le Yamayurikai était le conseil des étudiants de l'académie Lillian. Les membres du conseil - les Roses Blanche, Rouge et Jaune - étaient d'un rang totalement différent de celui des lycéennes normales, comme des magistrats de la Cour. Sachiko était la petite Sœur de Rosa Chinensis. |
− | - |
+ | - Je pense que ça sera plus facile si c'est toi qui négocie. |
- Pourquoi ? |
- Pourquoi ? |
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- Si une cravate mal-faite suffisait pour attirer l'attention de Sachiko, alors toutes les étudiantes se promèneraient avec leur cravate de travers, répliqua Tsutako. |
- Si une cravate mal-faite suffisait pour attirer l'attention de Sachiko, alors toutes les étudiantes se promèneraient avec leur cravate de travers, répliqua Tsutako. |
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+ | - C’est impossible. |
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− | - Ce n'est possible... |
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− | - Sincèrement, j'ai déjà vu des premières années aussi calculatrices |
+ | - Sincèrement, j'ai déjà vu des premières années aussi calculatrices ! Elles prennent le risque de marcher devant Sachiko avec une cravate pas même attachée, dans le seul but d'attirer son attention quelques secondes ! |
− | Tsutako énonçait chaque parole d'un ton grandiloquent, comme si elle était une actrice |
+ | Tsutako énonçait chaque parole d'un ton grandiloquent, comme si elle était une actrice sur la scène et sous les feux des projecteurs. |
− | - Surtout Sachiko, c'est une des plus maniaques de la propreté dans cette école |
+ | - Surtout Sachiko, c'est une des plus maniaques de la propreté dans cette école ! Elle est connue pour détester les apparences négligées ; il y en a plus d'une qui a eu l'idée de faire une chose pareille ! |
− | Si tu veux avoir une âme pure, tu dois d'abord t'inquiéter de la pureté de ton apparence. Pendant 11 ans, depuis la maternelle, c'était un mantra qui était répété sans cesse. |
+ | Si tu veux avoir une âme pure, tu dois d'abord t'inquiéter de la pureté de ton apparence. Pendant 11 ans, depuis la maternelle, c'était un mantra qui était répété sans cesse. Et pourtant, elles bravaient l'interdit pour attirer l'attention de leur ainée, que celle-ci ne récompensait que d'un regard froid. Avant de les ignorer avec mépris. |
− | Et pourtant, elles bravaient l'interdit pour attirer l'attention de leur ainée, que celle-ci ne récompensait que d'un regard froid. Avant de les ignorer avec mépris. |
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Ou pire. Parfois, la Sœur de l'étudiante était prise à partie pour le négligemment de sa petite Sœur. |
Ou pire. Parfois, la Sœur de l'étudiante était prise à partie pour le négligemment de sa petite Sœur. |
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Yumi trouvait personnellement que Tsutako était tout aussi effrayante. Elle était déjà prête à s'enfuir. La pointe de ses chaussures étaient tournée en direction de la sortie. |
Yumi trouvait personnellement que Tsutako était tout aussi effrayante. Elle était déjà prête à s'enfuir. La pointe de ses chaussures étaient tournée en direction de la sortie. |
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− | - Tu ne comprends pas, Yumi |
+ | - Tu ne comprends pas, Yumi ! Sachiko n'est pas un démon. C'est un ange. Le saint archange Michel ! |
- Le saint archange Michel ? |
- Le saint archange Michel ? |
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- En gros, est-ce que tu peux m'expliquer tout ça plus simplement ? |
- En gros, est-ce que tu peux m'expliquer tout ça plus simplement ? |
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− | Tsutako baissa le bras et replongea dans ses pensées. Il était difficile pour |
+ | Tsutako baissa le bras et replongea dans ses pensées. Il était difficile pour elle d'expliquer à quelqu'un d'autre une théorie qui lui semblait si naturelle. |
− | - Pour le dire plus simplement, Sachiko n'est jamais énervée pour rien, alors tout va bien. Quand elle est en colère, elle a toujours une raison juste |
+ | - Pour le dire plus simplement, Sachiko n'est jamais énervée pour rien, alors tout va bien. Quand elle est en colère, elle a toujours une raison juste ! |
- Donc ? |
- Donc ? |
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− | - Ne t'inquiète pas et sois persuasive |
+ | - Ne t'inquiète pas et sois persuasive ! |
- Mais pourquoi moi ? |
- Mais pourquoi moi ? |
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- Et d'où est-ce que tu tiens ça ? |
- Et d'où est-ce que tu tiens ça ? |
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− | - D'où ? De nulle part. C'est de l'instinct |
+ | - D'où ? De nulle part. C'est de l'instinct ! De l'intuition ! |
− | Sachiko, qui ne se préoccupait jamais des cravates de |
+ | Sachiko, qui ne se préoccupait jamais des cravates de ses camarades de classes, avait décidé spontanément ce matin de l'appeler, la réprimander et de renouer le nœud de Yumi de ses propres mains. Tsutako était certaine que c'était un évènement unique, un qu'on ne pouvait pas obtenir qu'avec de la chance. |
- Même si les personnes concernées ne s'en rendent pas toujours compte, je pense que ceux qui sont liées se rapprochent toujours d'une façon ou d'une autre. |
- Même si les personnes concernées ne s'en rendent pas toujours compte, je pense que ceux qui sont liées se rapprochent toujours d'une façon ou d'une autre. |
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On aurait plutôt dit qu'elle essayait simplement de pousser Yumi à faire quelque chose qu'elle-même ne voulait pas faire. |
On aurait plutôt dit qu'elle essayait simplement de pousser Yumi à faire quelque chose qu'elle-même ne voulait pas faire. |
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− | - Si tu as vraiment des remords d'être passé pour une étudiante négligée, alors redore ton image |
+ | - Si tu as vraiment des remords d'être passé pour une étudiante négligée, alors redore ton image ! Vas la remercier ! « Merci pour ton avertissement de ce matin » et tu redeviendras une jeune fille polie. |
- Tu es persuasive, Tsutako... |
- Tu es persuasive, Tsutako... |
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− | - Oh, merci |
+ | - Oh, merci ! J'ai déjà été invité par le club de débat ! |
Son rire triomphant était si magistral qu'elle aurait aussi pu être invitée par le club de théâtre. |
Son rire triomphant était si magistral qu'elle aurait aussi pu être invitée par le club de théâtre. |
Revision as of 20:51, 1 June 2011
Un Lundi de Maladresse
Partie 1
- Attends.
On était lundi. C'est à l'endroit où le chemin encadré d'arbres ginkgo bifurque, qu'une voix derrière Yumi lui demanda de s'arrêter. C'était une voix froide, un peu aiguë, juste assez forte pour sembler être illusion. L'incident se produisit juste devant une statue de la Sainte Vierge et pendant un instant, Yumi cru que c'était Marie elle-même qui l'appelait ainsi.
Ici, quand quelqu'un vous adressait la parole, la règle était de s'arrêter, de répondre « oui » et de tourner son corps entier dans la direction de l'interlocuteur. Même si c'était inattendu, il ne fallait pas agir précipitamment. De plus, il était vulgaire de ne tourner que la tête. Aussi élégamment que possible. De la façon la plus belle possible. Afin d'approcher un peu plus l'exemple des grandes sœurs. Il suffisait ensuite de faire face à la personne, sourire et dire « Gokigenyô ».
Mais malheureusement, Yumi était incapable de répondre « Gokigenyô ».
- ...
Elle avait reconnu qui venait de l'appeler et ça la laissait muette de stupeur. Elle n'avait pas sursauté, c'était un pas en avant vers l'objectif qu'elle faisait de son mieux pour accomplir : se conduire comme une étudiante modèle de Lillian se conduirait. Du moins... C'est ce qu'elle aurait aimé. La vérité était que sa surprise était si grande que son esprit s'était mis à tourner à toute vitesse et que son corps, dépassé, ne pouvait plus bouger.
- Heu... C'est à moi que tu parles ? demanda Yumi avec un grand effort, toujours incrédule.
Bien sûr, elle savait qu'elle était la seule personne à portée de vue et qu'elle était donc la seule personne à qui l'on pouvait s'adresser. Mais malgré tout, cela restait difficile à croire pour Yumi.
- En effet. Je suis celle qui parle et tu es celle à qui je parle.
Elle avait dit « en effet ». Yumi, désespérée, mourrait d'envie de répondre qu'il devait y avoir une erreur et de s'enfuir en courant. Elle n'avait aucune idée de la raison pour laquelle on l'avait interpellé et son esprit était au bord de la panique.
Elle avança droit vers Yumi, un petit sourire aux lèvres, sans se rendre compte de l'état de celle-ci. Elles étaient dans des années différentes et pour cette raison, Yumi n'aurait jamais du avoir l'occasion de voir ce visage de si près. C'était même la première fois qu'elle entendait sa voix si distinctement. Ses cheveux qui lui arrivait à la taille brillaient si fort qu'on ne pouvait que mourir d'envie de lui demander quelle marque de shampoing elle utilisait, et ils étaient si bien coiffés qu'on ne trouvait aucune mèche rebelle.
- Tiens-moi ça.
Elle lui tendit son sac. Yumi, toujours interloquée, prit le sac tandis que les deux mains s'approchèrent de son cou. (Aaaah !). Incapable de comprendre ce qu'il se passait, Yumi ferma les yeux, baissa le menton et se raidit.
- Ta cravate. Elle est mal faite.
- Quoi ?
Elle rouvrit les yeux ; le beau visage était toujours en face d'elle. Apparemment, elle redressait la cravate de Yumi.
- Tu dois toujours faire attention à ton apparence. La Vierge Marie nous regarde, tu sais.
Puis, elle reprit le sac des mains de Yumi, dit « Gokigenyô » et repartit en direction de l'école.
(Ce... Ce...)
Restée seule, toujours immobile, le sang commença lentement à revenir au cerveau de Yumi, qui comprenait enfin ce qui venait de se passer.
Son identité ne faisait aucun doute. Sachiko Ogasawara, de deuxième année, classe du pin. Par accident, son nom était le septième sur la feuille de présence de la classe de Yumi. Elle était aussi connue comme « Rosa Chinensis[1] en bouton ». Elle était au centre des attentions de toute l'école et on se demandait toujours si c'était vraiment autorisé de la mentionner, alors qu'on était d'un niveau si inférieur à elle.
(Ce n'est...)
Yumi en rougissait de honte.
(Ce n'est pas juste !)
Elle était toujours immobile, abasourdie. C'était la première fois qu'elle échangeait des paroles avec la sœur qui l'avait tant inspiré. Et c'était un épisode horriblement embarrassant. C'était trop cruel.
Sainte Vierge, vous êtes méchante !
Elle lança un regard de dépit vers la statue, mais celle-ci conserva son éternel sourire chaste et se tint, silencieuse, au milieu du petit jardin verdoyant.
Partie 2
- Oh, alors c'est ce qui s'est passé.
Katsura, assise juste en face d'elle, se contenta d'un rire en entendant l'histoire.
- Tu avais l'air si morose quand tu es arrivée en classe, je me demandais si tu n'avais pas rencontré un pervers dans le train ou quelque chose dans le genre.
- J'aurais préféré un pervers.
- Pourquoi ?
- Il finit toujours par s'en aller.
- Yumi, ça se voit que tu n'as jamais rencontré de pervers.
- Oui, je prends le bus pour venir.
Les étudiantes de l'académie Lillian prenaient généralement le bus qui partait de la sortie nord de la gare M de JR[2]* pour se rendre à l'école. Toutes deux étaient dans ce cas, mais Katsura prenait d'abord un train bondé pour se rendre à la gare M tandis que Yumi prenait un bus en direction de la sortie sud ; cela expliquait leurs différentes réactions à ce genre de plaisanteries.
- Il n'y avait pas un projet pour un wagon spécial Lillian ?
- Oui, il y en avait un... Pour l'instant tu vois, le conseil Yamayurikai a plutôt demandé à tout le monde de se regrouper dans l'avant-dernier wagon. Mais, à cause des activités des clubs et des obligations scolaires, si tu pars trop tôt, il n'y a pas assez d'étudiantes et c'est complètement inutile.
Mais, beaucoup de rumeurs circulaient, et des étudiantes qui n'étaient pas de Lillian avaient pris l'habitude de monter aussi dans ce wagon, ce qui le rendait efficace contre les pervers. Bien sûr, il n'y avait pas une réelle interdiction aux hommes, mais le nombre de mâles ayant assez de courage pour rentrer dans un wagon plein à craquer de jeunes filles était assez limité. Et une fois à l'intérieur, ils pouvaient difficilement faire des mouvements inopportuns.
L'uniforme de Lillian était un vêtement d'un noir profond qui en paraissait vert sombre ; malgré cela, il était très raffiné. Le col marin ivoire, barré d'une seule ligne noire était noué comme une cravate. Pendant les saisons chaudes, la jupe taille basse arrivait à hauteur des genoux. Le tout combiné avec des chaussettes blanches et des ballerines en cuir et on l'obtenait un habit des plus traditionnels, très connu, aussi bien des personnes ordinaires que - bien sûr - des amateurs d'uniforme.
Cet uniforme montrait qu'on était une jeune fille d'un statut élevé. Et attirait donc également des attentions non-désirées.
- Les trains sont toujours bondés, alors je fais toujours attention à mon apparence avant d'y rentrer.
Tout en parlant, utilisant Yumi comme miroir, Katsura fit mine de refaire ses couettes et d'arranger sa cravate. « Comme ça » semblait-elle dire.
- Je vois, je ne fais pas assez attention.
Yumi s'affala sur son bureau. Katsura lui tapota gentiment la tête, essayant par ce geste de la consoler.
- A mon avis oui. Mais celles qui peuvent s'assoir élégamment en allant à l'école ne penseraient jamais à ce genre de choses. Ne t'inquiète pas pour ça, ce n'est pas grave.
- C'est très grave.
- Tant que tu oublies, tout va bien.
- Pourquoi ?
- Elle est la star de Lillian. Les stars ne se préoccupent pas tant des amateurs.
Stars et amateurs.
Même si c'était la vérité - ou plutôt, parce que ça l'était - cela faisait mal. Les réconforts de Katsura étaient toujours assez extrêmes.
Katsura était son nom, et non son prénom. A Lillian, les surnoms n'existaient pas. La coutume voulait que l'on parle à ceux qui était dans la même année que soi avec « san »[3] et qu'on emploie « sama »[4] pour les élèves des classes plus élevées.
- Ce n'est pas la peine de te torturer car elle t'a fait des remontrances. La seule personne de première année de notre classe qui peut parler sans problème aux membres du conseil Yamayurikai, c'est elle.
Katsura lança un coup d'œil derrière elle. Suivant son regard, Yumi vit Shimako Tôdô qui entrait dans la salle.
- Gokigenyô Katsura. Gokigenyô Yumi.
Tout en les saluant, Shimako s'avança élégamment vers sa place.
- Go-Gokigenyô.
Yumi et Katsura se regardèrent, se demandant silencieusement pourquoi elles étaient toutes deux si gênées.
Même si elles étaient dans la même année, le fossé entre elles était énorme. Shimako était très jolie, même si c'était un style différent de Sachiko. Rien que de la regarder et ton moral baissait. Les gens beaux le sont depuis leur naissance. L'espoir un peu fou qu'il suffisait de passer en deuxième année pour devenir aussi belle que Sachiko était soufflé comme ça, en quelques secondes.
- Tu as entendu ?
Katsura commença à chuchoter, alors Yumi baissa aussi la voix.
- Quoi ? Que Shimako est devenue Rosa Gigantea[5] en bouton ? Elle a même surpassé les deuxièmes années.
C'était une histoire populaire : Shimako avait échangé ses vœux de sœurs avec Rosa Gigantea alors qu'elle n'était qu'une première année.
- Pas ça.
- Pas ça ?
Montrant que c'était la dernière nouvelle, Katsura posa un doigt sur sa bouche et murmura : « C'est ce que ma Sœur m'a dit ». Sa Sœur était membre du club de tennis et elle était dans la même classe que Sachiko.
- Apparemment, Rosa Gigantea n'est pas la seule à avoir fait sa demande à Shimako, Sachiko aussi !
- Héééé ?
- Yumi, tu parles trop fort !
Toutes deux se tassèrent le plus possible sur leur bureau. C'était un spectacle vraiment indigne pour une demoiselle, mais toutes deux n'y prêtaient pas attention - Sainte Vierge, pardonne-leur, mais depuis des générations, les femmes ont toujours adoré les rumeurs.
Le système de Sœur de l'académie Lillian était né par soucis de l'école de respecter l'autonomie des lycéennes. Quand les étudiantes finissaient leur éducation obligatoire, dans laquelle elles avaient vécus sous le contrôle des professeurs et des sœurs, elles se devaient ensuite de mener une vie de façon autonome. Le système de Sœur avait été adopté afin que les sœurs les plus vieilles puissent guider les petites sœurs dans ces moments critiques. Le système s'implanta de plus en plus et - sans aucune réglementation stricte de l'école - la vie droite et vertueuse qu'on se devait de mener ici était transmise de génération en génération.
Sœur[6] signifiait sœur en Français. Afin d'éviter la confusion avec le mot sœur[7], elles évitaient l'emploi de l'anglais. A l'origine, toutes les étudiantes s'appelaient ainsi entre elles, mais petit à petit, cela devint un moyen de désigner deux filles très proches. Personne ne savait quand le vœu qui consistait à donner et recevoir un rosaire pour devenir Sœurs avait commencé.
- Apparemment, Sachiko lui a demandé la première, mais elle a préféré accepté la demande de Rosa Gigantea, même si elle est arrivée après.
Katsura semblait un peu dédaigneuse, mais elle était aussi très excitée par la rumeur qu'elle racontait.
- Elle a dû préférer le blanc au rouge...
- Pas du tout. Tss... Yumi, tu es vraiment bizarre. Tu te rends compte ? Quand tu es du niveau de Shimako, tu peux même cueillir la rose que tu souhaites.
- Cueillir ? Ce n'est pas très valorisant.
- Mais c'est la vérité. Sachiko a été rejeté.
- Huum.
Quelle gâchis ridicule, pensa Yumi.
- Huum ? Tu ne trouves pas ça horrible ?
- Pourquoi ? Si tu as deux sœurs, il faut bien en choisir une.
- Et tu choisis celle qui est arrivée en dernier ?
- Ce n'est pas une course.
- Bien sûr que si ! dit Katsura, concluant la discussion avec un soupir.
Elle avait échangé son vœu de Sœurs le jour même où elle avait rejoint le club de tennis.
- Et au fait, Rosa Foetida[8] ?
- Rosa Foetida vit dans le calme et le repos avec une troisième année, une deuxième année et une première année.
- Je vois.
Pour Yumi, bien plus que de voir Rosa Gigantea et Rosa Chinensis se battre pour Shimako, c'était le fait qu'aucune d'entre elles n'aient déjà de petite sœur qui était le plus surprenant.
- De toute façon, le fait est que Sachiko lui a demandé et qu'elle n'a pas tout de suite accepté, dit Katsura en regardant l'horloge.
La cloche allait sonner le début des prières matinales. Un hymne aller résonner dans toute l'école grâce au système de radio. En plus de la prière hebdomadaire qui se faisait au Sanctuaire, tout le monde priait quotidiennement dans sa salle de classe. On chantait l'hymne, on écoutait le discours du Principal, on se calmait et on offrait une prière à Dieu.
Laissez-moi vivre aujourd'hui de la plus vertueuse des manières.
Cependant, malgré sa prière, Yumi avait le sentiment qu'elle était sur le point de rompre avec sa paisible vie quotidienne.
Partie 3
- Yumi ! Yumi !
Quelqu'un interpella Yumi alors qu'elle sortait de la salle de musique qu'elle venait juste de nettoyer.
- Ah, Tsutako. Tu as déjà fini de ranger la salle de classe ?
- Oui, je me suis dépêchée pour qu'on ne se rate pas. J'avais cru voir que tu avais pris ton sac avec toi.
Les salles de classe des premières années étant assez éloignées de la salle de musique, les premières années avaient pris l'habitude de prendre leur sac en y allant - après, c'était plus pratique pour aller au club ou rentrer chez soi, l'entrée et les salles des clubs n'étant pas loin.
- Tu voulais me voir ?
- Je dois te parler de quelque chose.
- Me parler ?
D'un mouvement sec de l'index, Tsutako remonta ses lunettes sur son nez, hocha la tête et dit : « oui ».
- Yumi, on va aux activités du club, nous. Oh, et on ramènera le cahier des tâches à la salle des professeurs en chemin.
Les trois étudiantes qui l'avaient aidé à ranger la regardèrent avec des yeux innocents.
- Ah... Merci.
- Non, non. Ce n'est rien. Gokigenyô.
- Gokigenyô.
Les uniformes, semblables à des ailes sombres de corbeaux, s'éloignèrent lentement dans le couloir. Tsutako et Yumi restèrent seules.
- Je pense que tu sais que je fais partie du club de photographie ! demanda soudainement Tsutako en se tournant vers Yumi.
- Heu, oui.
Tsutako était connue pour ne jamais lâcher son appareil photo, à part pendant les heures de cours. Yumi l'avait déjà entendu se plaindre du sentiment de regret et de chagrin qu'elle avait quand elle manquait l’opportunité de faire une bonne photo : elle n'avait donc pas d'autres choix que de se promener partout avec son appareil. C'était la première fois que Yumi se retrouvait dans la même classe qu'elle, mais on lui avait déjà montré deux ou trois photos que Tsutako avaient prises de Yumi sans que celle-ci ne le sache. Même si elle ne savait pas très bien à quel point Tsutako était « douée » en photo, elle devait reconnaître qu'elle avait bien l'air 30% plus jolie sur ses photos.
- Tu sais que le festival de l'école approche. A cause de ça, je viens plus tôt à l'école le matin pour prendre des photos.
Elle n'utilisait que des humains comme modèle. Plus particulièrement, les lycéennes. Elle avait aussi tendance à prendre ses photos en secret car selon elle : « les bonnes photos sont prises quand le modèle pose inconsciemment ».
- Tsutako, tu ferais mieux d'arrêter de prendre des photos comme si tu étais un paparazzi.
- Pourquoi ne pourrais-je pas profiter du privilège que j'ai d'être une étudiante active de Lillian ? Je ne veux que capturer la beauté dans toute sa splendeur, sans artifice ! Nous allons toutes vieillir, mais il est possible de conserver aujourd'hui un éclat de notre gloire ! C'est une mission qui m'a été confié par Dieu ! J'ai été choisi par cet appareil !
Elle leva un poing confiant.
- Ça ne change rien.
- Ne t'inquiète pas. Je demande toujours la permission de mes modèles ! Je brûle toutes les photos que je jette - même les négatifs. Et avant d'exposer celles que j'ai prise, je demande toujours l'accord des personnes concernées.
- L'accord ?
- Par exemple...
Tsutako tendit deux photographies à Yumi.
- Quoi ?
Trois. Deux. Un. Ce furent les trois secondes que Yumi prit à réaliser ce qu'étaient ces photos.
- Hééé ?!
Elle avait élevé la voix bien plus que ce qui n'était généralement autorisé venant d'une étudiante de Lillian, et Tsutako lui couvrit la bouche de sa main.
- Ce... C'est...
Ah, c'était ça. La scène de ce matin. La même scène qu'elle avait tant essayé d'effacer de sa mémoire. Deux photos de Sachiko Ogasawara et de Yumi. Et c'était bien des photos du membre la plus douée du club de photographie ; elle n'avait pas laissé passer sa chance cette fois. Les deux mains de Sachiko tenaient fermement la cravate de Yumi. On pouvait presque entendre le bruit du tissu qui se froissait. Les mains serrées sur son sac, Yumi la regardait, absorbant tout le reste de la photo. Sachiko était magnifique, comme d'habitude ; et en conséquence directe de sa présence, Yumi, juste en face d'elle, ressemblait à un ange.
- La première a été prise avec une lentille à gros zoom. Mais celle ci, où l'on peut voir ton corps en entier a quelque chose d'un peu plus « interdit » et elle rend mieux, tu ne trouves pas ? Ah ! Et le titre est « Apprentissage », ajouta Tsutako.
Yumi ne pouvait pas la contredire.
- Je peux les avoir ? demanda-t-elle.
Tsutako rit et reprit les photos. Elle regarda Yumi comme si elle venait de remonter sa canne à pêche et qu'un gros poisson frétillait, pendu à l'hameçon.
- Ça ne me dérange pas, mais à deux conditions.
- Conditions ?
- Première condition : tu m'autorises à utiliser cette photo pour l'exposition du club de photographie durant le festival de l'école.
- Heu...
Exposition ? Festival ? Elle était folle ?
Ou alors complètement insouciante. Mettre ainsi à la vue de tous les élève, Yumi - la plus ordinaire des étudiantes, aussi bien en taille, poids, visage qu'en résultats scolaires - aux côté de Sachiko Ogasawara - qui excellait dans tous les domaines.
- Tsutako, tu te fiches de moi ?
- Bien sûr que non. Je suis très confiante, je sais que c'est mon meilleur rendu de l'année. C'est même pour ça que j'ai développé le film au lieu d'aller déjeuner.
Son ventre laissa échapper un gargouillement qui n'avait rien d'élégant. Ah. Son déjeuner était encore dans son sac. Les passions prennent si souvent le dessus sur l'appétit.
- Mais une exposition...
Yumi baissa les yeux.
- Tu ne veux pas les photos ?
Tsutako agita les deux photos devant le visage de Yumi.
- Je sais que tu as toujours admiré Sachiko Ogasawara en secret. Et je sais aussi que tu n'as aucune photo d'elle - si on ne tient pas compte d'une seule un peu minable. Tu étais très vexée, quand les photos du voyage scolaire ont été affiché dans la salle des professeurs et que tu as appris que tu ne pouvais pas en demander une copie car tu étais dans une année différente. En plus, comme tu ne fais pas parti d'un club, tu n'as pas pu demander à une élève de deuxième année de les prendre pour toi. La seule photo que tu as a été prise pendant la rencontre sportive. On peut voir Sachiko, en arrière-plan, qui attend son relais et - ce n'est pas pour être méchante - ce n'est vraiment qu'une ombre.
- Peut-être qu'elle a la taille d'un stylo mais c'est tout de même un trésor pour moi !
Tsutako aurait pu envisager une carrière de détective.
- Je me demande si tu pourras te satisfaire d'un stylo après ce que tu as vu aujourd'hui...
Un reflet rapide semblable à un flash d'appareil photo traversa ses lunettes.
- ... Tu es démoniaque.
Bien sûr que non, comment être satisfaite après avoir vu de si belles photographies.
- Mais... il y une chance que Sachiko refuse, non ?
- C'est pourquoi !
Tsutako leva son index et rit, triomphalement.
- La seconde condition est que tu reçoives la permission de Rosa Chinensis en bouton.
- Hein ? Mais c'est impossible ! Absolument impossible !
Encore une fois elle disait si naturellement quelque chose de complètement surréaliste.
- Pourquoi ?
Tsutako écarquilla les yeux, surprise.
- Vous avez l'air si proche, on dirait des Sœurs.
- J'aimerais bien.
Yumi lui expliqua alors comment, ce matin, Sachiko l'avait soudainement appelé et - tandis qu'elle se demandait ce qui se passait - celle-ci l'avait critiqué sur son apparence.
- Bien. Et après elle a refait ta cravate ? Tes camarades en seraient mortes de jalousie si elles savaient cela !
- Il n'y a vraiment pas de quoi être envieuse.
Elle s'empourprait rien qu'à se rappeler l'incident.
- Sachiko a du penser que j'étais une élève négligée.
Ce n'était pas censé se passer comme ça. La rencontre avec cette sœur-là aurait du être un instant magique. Comme dans un film par exemple. Une scène qui vous ferait toujours rougir, bien des années plus tard. Même si ce n'était que quelques secondes. Comme ramasser le mouchoir de Sachiko et lui rendre alors qu'il était emporté par le vent. Ou quelque chose d'encore plus trivial. Mais un nœud de travers. En plus de ça, elle avait tellement paniqué sur le moment qu'elle avait été incapable de la saluer ou de la remercier. Elle était tombée au niveau de « première année malpolie ».
- Une élève négligée... Et où est le problème ? Après tout, ça t'a permis de te rapprocher de ta sœur adorée.
- Oh.
Elle ne sut pas quoi répondre. C'est vrai que si son nœud n'avait pas été mal fait, elle n'aurait sans doute jamais été interpellée par Sachiko de toute sa vie.
- Pourquoi est-ce que tu ne négocies pas toi-même, Tsutako ? Tu le fais tout le temps, non ?
- Même moi - qui suis pourtant sans peur et sans reproche - je suis intimidée face au conseil Yamayurikai.
Le Yamayurikai était le conseil des étudiants de l'académie Lillian. Les membres du conseil - les Roses Blanche, Rouge et Jaune - étaient d'un rang totalement différent de celui des lycéennes normales, comme des magistrats de la Cour. Sachiko était la petite Sœur de Rosa Chinensis.
- Je pense que ça sera plus facile si c'est toi qui négocie.
- Pourquoi ?
- Tu as attiré l'attention de Sachiko.
- C'était à cause de ma cravate.
- Si une cravate mal-faite suffisait pour attirer l'attention de Sachiko, alors toutes les étudiantes se promèneraient avec leur cravate de travers, répliqua Tsutako.
- C’est impossible.
- Sincèrement, j'ai déjà vu des premières années aussi calculatrices ! Elles prennent le risque de marcher devant Sachiko avec une cravate pas même attachée, dans le seul but d'attirer son attention quelques secondes !
Tsutako énonçait chaque parole d'un ton grandiloquent, comme si elle était une actrice sur la scène et sous les feux des projecteurs.
- Surtout Sachiko, c'est une des plus maniaques de la propreté dans cette école ! Elle est connue pour détester les apparences négligées ; il y en a plus d'une qui a eu l'idée de faire une chose pareille !
Si tu veux avoir une âme pure, tu dois d'abord t'inquiéter de la pureté de ton apparence. Pendant 11 ans, depuis la maternelle, c'était un mantra qui était répété sans cesse. Et pourtant, elles bravaient l'interdit pour attirer l'attention de leur ainée, que celle-ci ne récompensait que d'un regard froid. Avant de les ignorer avec mépris.
Ou pire. Parfois, la Sœur de l'étudiante était prise à partie pour le négligemment de sa petite Sœur.
- Sachiko... est effrayante.
- Tu viens de t'en rendre compte ? Sachiko Ogasawara est effrayante. Mais bien sûr, seulement pour les choses qu'elle désapprouve.
- Et tu me demandes d'affronter cette Sachiko-là ?
Yumi trouvait personnellement que Tsutako était tout aussi effrayante. Elle était déjà prête à s'enfuir. La pointe de ses chaussures étaient tournée en direction de la sortie.
- Tu ne comprends pas, Yumi ! Sachiko n'est pas un démon. C'est un ange. Le saint archange Michel !
- Le saint archange Michel ?
Qu'est-ce qu'elle racontait, c'était complètement hors de propos. Les yeux de Tsutako semblaient fixés sur un point situé très loin de Yumi.
- Elle est en réalité, magnifique et tolérante. Mais tout ce qui s'oppose à son sens esthétique est absolument impardonnable. Après tout, elle est née princesse. Elle a un sens très particulier des règles.
Tsutako s'éloignait seule vers d'autres horizons. Yumi ne pût que lever la main et dire après « heu » hésitant :
- Tsutako, j'ai des notes moyennes en japonais.
- Oui ?
- Peux-tu baisser le niveau et m'expliquer, s'il te plait ?
- Baisser le niveau ?
- En gros, est-ce que tu peux m'expliquer tout ça plus simplement ?
Tsutako baissa le bras et replongea dans ses pensées. Il était difficile pour elle d'expliquer à quelqu'un d'autre une théorie qui lui semblait si naturelle.
- Pour le dire plus simplement, Sachiko n'est jamais énervée pour rien, alors tout va bien. Quand elle est en colère, elle a toujours une raison juste !
- Donc ?
- Ne t'inquiète pas et sois persuasive !
- Mais pourquoi moi ?
- Vous allez bien ensemble, toi et Sachiko.
Tss, je ne comprends rien à la façon dont Tsutako pense.
- Et d'où est-ce que tu tiens ça ?
- D'où ? De nulle part. C'est de l'instinct ! De l'intuition !
Sachiko, qui ne se préoccupait jamais des cravates de ses camarades de classes, avait décidé spontanément ce matin de l'appeler, la réprimander et de renouer le nœud de Yumi de ses propres mains. Tsutako était certaine que c'était un évènement unique, un qu'on ne pouvait pas obtenir qu'avec de la chance.
- Même si les personnes concernées ne s'en rendent pas toujours compte, je pense que ceux qui sont liées se rapprochent toujours d'une façon ou d'une autre.
- Tu recommences à t'éloigner.
On aurait plutôt dit qu'elle essayait simplement de pousser Yumi à faire quelque chose qu'elle-même ne voulait pas faire.
- Si tu as vraiment des remords d'être passé pour une étudiante négligée, alors redore ton image ! Vas la remercier ! « Merci pour ton avertissement de ce matin » et tu redeviendras une jeune fille polie.
- Tu es persuasive, Tsutako...
- Oh, merci ! J'ai déjà été invité par le club de débat !
Son rire triomphant était si magistral qu'elle aurait aussi pu être invitée par le club de théâtre.
Dix minutes plus tard, Yumi se tenait devant la porte du quartier du Yamayurikai, la Demeure des Roses.
Au final, Yumi avait fini par accepter son rôle de négociatrice après que Tsutako ait envoyé son dernier coup fatal : « Alors, je jette les photos ? ».
- ↑ Ou "rosier de Chine". Espèce de rosier, de couleur vive entre le rose et le rouge.
- ↑ Le Japan Railways est le réseau de chemin de fer japonais le plus important.
- ↑ En japonais, c'est un suffixe poli utilisé après le nom ou le prénom.
- ↑ Suffixe plus poli que « san » : Yumi s'adresse à Katsura en disant « Katsura-san » et parle de Sachiko en disant « Sachiko-sama ».
- ↑ Ou "rosier géant". Il peut grimper jusqu'à vingt mètres ; ses fleurs sont blanches ou crèmes.
- ↑ En français dans le texte ;)
- ↑ En anglais "sister" dans le texte, qui est utilisé dans le sens religieux.
- ↑ Ou "rosier fétide" (lié au parfum désagréable qu'il exhale). Ses feuilles sont d'un jaune vif.
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