Un Simple Sondage : Volume 2 - Attraction 05

From Baka-Tsuki
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Attraction 05 : Jeu de la résurrection du perdant[edit]

J'ai toujours cru que je serais celui qui tourmente les autres comme bon me semble.

Je n'avais jamais envisagé la possibilité de me retrouver un jour dans le rôle inverse.

Et pourtant, j'avais toujours eu un pied d'un côté et l'autre de l'autre.


Tout d'abord, tirez au sort pour former des paires.

Vous pouvez utiliser la méthode que vous voulez, mais un des deux membres de la paire doit mourir.

Ensuite, l'autre doit le ressusciter. En cas de réussite, les défaites précédentes seront toutes effacées.

En cas d'échec, le membre survivant sera exécuté.


On était rassemblés dans un large espace qui aurait pu être un supermarché ou une galerie marchande.

Il n'y avait aucune fenêtre, ce qui n'était pas rare dans ce genre de bâtiments. Je ne pouvais pas déterminer s'il faisait jour ou nuit. Le nombre relativement faible de personnes renforçait nettement l'immensité de l'endroit.

Après tout, il n'y avait que trente personnes dans une zone qui aurait facilement pu en conternir des centaines.

— ... C'est pas sérieux, lâchai-je difficilement après avoir lu les règles écrites sur un tableau.

Ma voix se transforma rapidement en cri.

— Vous vous foutez de moi. Vous vous foutez de moi ! Vous vous foutez de moi !! C'est quoi ces règles à la noix ?! Un de nous doit mourir ? Et l'autre doit le ressusciter ? C'est plus facile à dire qu'à faire !!

— Mais telles sont les règles, expliqua une bunny girl souriante.

Fait chier.

C'est moi qui devrais être à ta place !!

— Et c'est pas une attraction normale. Vous avez tous déjà perdu une fois, pas vrai ? Normalement, on devrait se contenter de vous exécuter. Vous étiez censés mourir et pourtant, on vous donne une deuxième chance. ... Du coup, c'est pas trop demandé de vous faire revenir d'entre les morts, non ?

C'était une logique complètement grotesque.

Mais ils avaient le pouvoir de nous le forcer.

Je sentis la peur monter alors que je contemplais ce dont j'avais toujours rêvé depuis une position que je n'avais jamais souhaitée.

Je n'avais pas d'autre choix que de le faire.

Je n'étais pas à ma place. Pour m'assurer que tout le monde s'en rende compte et pour atteindre la place qui m'était due, je devais m'en sortir comme le winner que j'étais. Au moment où je m'effacerais, j'étais mort. J'échouerais. Je tenais à peine le coup pour l'instant, mais je pouvais tomber encore plus bas.

— Rouge.

J'avais tiré un bâtonnet d'une boîte cylindrique que la bunny girl tenait et avait annoncé la couleur qui se trouvait au bout.

— Rouge ! Qui d'autre a le rouge ?!

Ceux qui avaient tiré une autre couleur jetèrent un regard autour d'eux. J'étais dans un groupe de quinze personnes et un autre groupe de quinze se tenait non loin. Visiblement, cet autre groupe était également en train de tirer au sort.

Une femme de petite taille et d'une vingtaine d'années leva timidement la main quand elle m'entendit beugler.

Ses habits étaient particulièrement ordinaires.

Il ne manquait pas de façon d'échouer dans la vie, mais elle ne semblait pas être le genre de personne à se lancer d'elle-même dans un pari. Il n'y avait qu'une seule raison pour laquelle quelqu'un comme elle puisse tomber aussi bas : quelqu'un d'autre l'y avait poussée.

Je pouvais le deviner rien qu'en la regardant.

Les losers ont tendance à réfléchir et à se comporter en partant du principe qu'ils vont perdre.

Ils prétendent faire de leur mieux, mais c'est juste un moyen de fuir.

Ce qu'ils veulent en fait dire, c'est qu'ils se fichent de perdre à partir du moment où ils ont fait de leur mieux.

— ... Tss.

Elle n'était pas un partenaire fiable pour un jeu littéralement de vie ou de mort, mais il n'y avait rien à faire à ce niveau-là.

Un de nous deux allait devoir mourir et l'autre devait le ressusciter.

On allait littéralement renaître de nos cendres. Pour satisfaire les règles, il fallait au moins deux personnes.

— T'es qui ? demandai-je.

— H-Hashinaka. Et vous ?

— Kishikawa. Mais c'est pas ce que je voulais savoir. Qu'est-ce que tu faisais avant de te retrouver ici ? Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait nous servir pour ce jeu ?

— J'étais... hum... infirmière.

Cette femme quelconque qui s'appelait Hashinaka jeta un œil dans une autre direction.

Je suivis son regard et aperçus la bunny girl souriante faire des coucous de la main. À ses pieds se trouvaient d’innombrables défibrillateurs. Ces appareils médicaux produisant des chocs électriques qu'on pouvait trouver dans les stations de métro et les hôtels étaient rangés dans des sacs de couleur fluorescente.

— Tu sais comment marchent ces trucs ? demandai-je à Hashinaka.

— O-Oui.

— Alors tu connais une mort dont on pourrait facilement être ressuscité ?!

— Pas autant qu'un docteur...

Avais-je un coup de pot ?

Cela semblait bien meilleur qu'un duo où aucun des deux ne savait rien d'utile.

— H-Hm, et vous ?

— On peut dire que je suis au chômage, dis-je rapidement.

Ma spécialité était la collecte de dettes. En deux mots, je travaillais pour des usuriers. Quand ces pervers trouvaient un nouveau jouet, mon rôle était de les mener efficacement à la ruine. Le nom de Spider Finances était bien connu dans les recoins sombres de la société.

Mais le lui dire n'allait pas rien apporter de bon.

C'était ce genre de personnes pathétiques qui étaient mes proies. Je ne voyais aucune bonne raison de lui en dire plus que nécessaire.

Les gagnants ne pensent qu'à gagner.

Penser à ce qui pourrait se passer en cas d'échec ou à ce qu'il faut faire pour ne pas perdre, c'était le début d'une crise de nerfs. C'était la preuve que le clap de fin commençait à se refermer.

Je ne pouvais pas me permettre de lâcher.

J'étais un winner.

— Pour aller droit au but, je veux connaitre le moyen le plus sûr de mourir. Je sais que ça peut paraître stupide, mais tu sais où je veux en venir. Il y a des instructions sur comment utiliser un défibrillateur, mais il n'est pas expliqué comment mourir. Sur quel genre de morts on utilise des chocs électriques ?

— H-Hm... Euh... Eh bien...

— Contente-toi de répondre s'il te plaît. Mes connaissances n'aideront pas. T'es la seule de nous deux qui sait comment ressusciter quelqu'un. Cela rend évident qui doit mourir et qui doit sauver, non ?

— Kishikawa-san...

— C'est un simple partage des tâches. Mais il faut que tu me dises comment mourir. Alors je t'en prie, dis-moi l'infirmière. Le défibrillateur, les chocs électriques ou peu importe son nom. Quelle est la mort idéale sur laquelle utiliser ça ?

— M-Mais... Le simple fait d'utiliser un défibrillateur n'assure pas à 100% de ressusciter quelqu'un. On ne peut pas décider si facilement du partage des tâch-...

— Bon, ça suffit.

Agacé, je la coupai.

Les losers allaient rester des losers toute leur vie. Ils ne comprenaient vraiment pas ce qui importait.

— Écoute-moi bien. Je vais pas y aller par quatre chemins. Dans la vie, il y a les winners et les losers. Un winner peut devenir un loser, mais l'inverse est impossible. Tu vois où je veux en venir ?

— M-Mais... alors pourquoi...?

Elle demandait ce que je faisais ici ?

Ou elle était en train de demander pourquoi quelqu'un tenterait quoi que ce soit dans un jeu conçu pour des losers ?

Elle était trop naïve.

— On entend parler de temps en temps de grands retournements de situation, mais en fait, c'est que des conneries. C'est quand quelqu'un qui était à la base un winner a fini par erreur par devenir un loser. Il est tout naturel qu'ils gagnent et donc qu'ils retrouvent leur place d'origine. Le pire ennemi du winner dans ces moments-là, c'est la lâcheté. C'est juste qu'il se retrouve temporairement à la place du loser, mais c'est seulement au moment où il se met à douter de lui qu'il en devient vraiment un. C'est la raison principale pour laquelle un winner cesse d'en être un.

— ...

— Alors pense pas à ce qui va se passer si tu perds ou échoues. Sinon, tu resteras une minable toute ta vie. Si tu veux passer dans le camp des winners, va falloir te rappeler ce que c'est que de gagner. C'est le seul moyen.

— Mais...

— Je sais pas combien t'as perdu dans ta vie. Mais le sort a voulu que tu fasses équipe avec moi. Pas un simple loser. Les gens perdent parce qu'ils pensent que c'est perdu d'avance. Leur lâcheté les font trébucher. C'est ce qui t'est arrivée ? Tu vas refaire les mêmes erreurs qui t'ont toujours conduite à l'échec jusqu'ici ?

— Une seconde, dit Hashinaka.

Elle pris quelques brèves inspirations.

Puis elle répondit :

— Un défibrillateur est un appareil servant à faire repartir un cœur qui s'est arrêté de battre. Autrement dit, il ne sert qu'à ça. Stimuler un cœur ne va servir à rien pour quelqu'un qui a un organe détruit ou qui a perdu beaucoup de sang.

— Maintenant que tu le dis, on imagine mal des gens subir des massages cardiaques après avoir été poignardé ou reçu une balle.

— Mais malgré tout... Une mort qui cause beaucoup de dommages au torse serait une mauvaise idée. On ne peut pas faire de massage cardiaque à quelqu'un ayant des côtes cassées.

Hashinaka poussa un gémissement tout en se rappelant de ses connaissances.

Elle savait qu'on avait besoin d'elle.

Fort heureusement, elle n'était pas du genre à prendre la grosse tête à cause de ça.

— On voit souvent des massages cardiaques dans les accidents d'eau, non ? dis-je.

C'était une mort par manque d'oxygène.

Autrement dit, la suffocation.

La méthode la plus rapide pour ça serait...

— La pendaison donc ?

— N-Non ! Je ne pense pas qu'on devrait faire ça.

— ?

— La plupart des gens ne meurt pas de suffocation quand ils se pendent. Leur poids tout entier repose sur leur cou, alors ils meurent généralement le cou brisé ou par manque de sang au cerveau. Et on ne peut ressusciter aucune des deux types de mort avec un défibrillateur.

— Alors en étranglant à la main ?

— V-Vous voulez que je fasse ça...? dit Hashinaka les yeux larmoyants.

On venait juste de se rencontrer, alors il était évident qu'elle ne tenait pas personnellement à moi.

Elle ne voulait simplement pas devenir une meurtrière même si elle allait me ressusciter.

Mais c'était vraiment pas le moment pour cet état d'esprit.

— Est-ce que ça marcherait ?

— Ça dépend, mais ça pourrait être difficile. Tout serait fini si le cou venait à se briser durant la strangulation.

— Il nous reste donc... une noyade en bonne et due forme. Est-ce qu'une méthode utilisant de l'eau fonctionnerait ?

— Ça empêcherait de respirer tout en épargnant le reste du corps.

La bunny girl avait dit qu'on pouvait utiliser ce qu'on voulait dans cet immense magasin. Mis à part de la nourriture, il contenait également des meubles simples, des appareils électroménagers et des outils.

Il y avait des réfrigérateurs industriels, des boîtes à outils, des couteaux en acier inoxydable, des battes en métal, des aspirateurs, des distributeurs à eau, des baignoires, des micro-ondes, des consoles de jeu portables, des machines à pain, des armoires, des bureaux, des guitares électriques, des horloges murales, des sèches-linge, des ordinateurs portables, des lampes, des rallonges, et bien d'autres choses encore.

On pouvait se servir de n'importe lequel de ces objets pour tuer notre partenaire ou pour le ressusciter.

Il n'y avait rien d'interdit.

J'interpellai la bunny girl.

— Hé, on a besoin de cette baignoire.

— Alors elle est à vous.

— Vous nous fournirez de l'eau, pas vrai ?

— Tant qu'un bain froid vous convient.

Les préparatifs ne prirent qu'une quinzaine de minutes.

Les autres participants nous observaient attentivement de loin. Leur pathétique fil de pensée avait sûrement dans l'idée de se servir de nous comme cobaye pour apprendre comment s'en sortir à leur tour.

Une baignoire remplie à ras-bord se trouvait devant moi.

J'inspirai puis expirai.

C'était loin d'être la première fois que les organisateurs derrière la bunny girl montraient toute l'étendue de la cruauté de leurs goûts, mais cette attraction me fit particulièrement prendre conscience de ce qu'était une vie humaine. Si seulement je pouvais être un de ces visages souriants alors qu'ils nous surveillaient depuis un endroit sûr.

— K-Kishikawa-san. Hum, Kishikawa-san.

— Quoi ?

— Vous êtes vraiment sûr de vouloir faire ça ?

— C'est le seul moyen de nous en sortir.

— M-Mais...

L'infirmière Hashinaka jeta un œil vers la baignoire pleine.

— On peut vraiment se tuer avec ça ? Ce n'est pas très profond. On peut facilement sortir la tête de l'eau quand ça commence à faire mal. Et même si on place des poids dans vos vêtements, il sera difficile de s'assurer que vous ne puissiez plus sortir la tête.

— C'est vrai.

Alors c'était ce qui l'inquiétait.

Je tentai de garder le visage le plus neutre possible tout en attrapant les bras de l'infirmière.

T'as pas à t'en faire pour ça.

— Hein ? Hm... Kishikawa-san ? Hum...

Elle paraissait perplexe, mais elle allait finir par comprendre.

Je voulais en finir avant que ce ne soit le cas.

— C'est pas évident de se noyer tout seul ici. Mais ça veut dire qu'on va devoir utiliser une autre méthode. Comme faire qu'un autre retienne les bras exactement comme ça et maintient la tête sous l'eau.

— Une seconde... Vous voulez dire que...

Alors qu'elle se trouvait dans cette position inconfortable, Hashinaka finit par comprendre quelque chose. Avec un visage qui aurait pu être en larmes ou souriant, elle tenta de tourner tant bien que mal la tête pour voir mon visage.

Je l'ignorai et dis :

— Tu te rappelles ce que j'ai dit ? Je suis plus ou moins sans emploi, alors j'ai besoin de savoir comment gagner cette attraction. Mais juste savoir.

Une fois que j'ai pu soutirer cette information d'elle, je n'avais besoin de plus rien d'autre.

— Les winners gagnent parce qu'ils savent qu'ils vont gagner.

J'avais seulement besoin de connaître le moyen d'y parvenir.

J'avais reçu un conseil pertinent de l'infirmière, alors maintenant, je plongeai la victime qui se débattait dans la baignoire.

Le défibrillateur contenait des instructions.

Il était conçu pour que des gens normaux puissent s'en servir.

Alors tant que je connaissais le moyen idéal de la tuer, je pouvais m'occuper du reste tout seul.


Et...

La bunny girl souriante jeta un œil à sa montre gousset et fit une annonce.

— Dix minutes avant la fin !

— Merde...

J'avais les deux électrodes du défibrillateur dans mes mains. Chacune tenait une électrode au bout d'un câble entortillé similaire au fil du combiné d'un téléphone fixe.

L'appareil servait à sauver des vies.

Il était conçu pour faire repartir un cœur arrêté.

Et pourtant...

— Merde, merde, merde !! Qu'est-ce qui se passe ?! Je fais exactement ce qui est écrit pourtant !!

Hashinaka était allongée trempée sur le sol et ses yeux ne voulaient plus s'ouvrir.

Ils ne voulaient plus s'ouvrir.

Et si elle n'était pas ressuscitée, j'allais perdre ma deuxième chance !

La bunny girl répondit à ma question comme si la réponse était évidente.

— Ça marche pas à tous les coups, tu sais.

— Mais !! C'est pour ça que je lui ai demandé la méthode idéale !! Je suis un winner. J'ai rassemblé tout ce dont j'avais besoin pour gagner ! Je peux pas avoir merdé. J'ai fait tout comme il faut !!

— Bah, même dans des conditions idéales, c'est pas infaillible. Mais surtout, Kishikawa-san, tu lisais les instructions tout en utilisant le défibrillateur. T'es sûr à 100% de bien t'en être servi ?

— Que-...?

— Oh, les instructions n'ont pas été modifiées, alors t'en fais pour ça. Mais est-ce qu'un amateur comme toi peut vraiment comprendre toutes les subtilités de cet appareil ? Et puis, ajouta la bunny girl, Kishikawa-san, savais-tu que les chances de ressusciter quelqu'un diminuaient considérablement à mesure que le temps passe ? Peut-être que t'as passé trop de temps à lire toutes ces pattes de mouche ?

— Ah...

— T'aurais vraiment dû laisser faire l'infirmière professionnelle. D'ailleurs, pourquoi tu t'es fait virer de chez Spider Finances ? T'avais interféré avec le pigeon d'un collègue dans ta soif de promotion et que ce même pigeon avait fini par se suicider parce que tu lui avais mis trop de pression, non ?

— Aaaaaahhhhhhhhhh !! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

C'était mon ultime espoir.

Je pressai les électrodes contre la poitrine flasque de l'infirmière une fois de plus et la bunny girl parla d'une voix désolée :

— Elle est déjà morte.

Le tic-tac de sa montre gousset s'était arrêté. Puis elle posa sa main sur mon épaule. C'était comme un signe.

Elle me murmura alors à l'oreille :

Et toi aussi.