Difference between revisions of "La princesse et le pilote"

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Chapitre 5 (traduit du texte américain sur http://baka-tsuki.org)
 
 
Quand Charles ouvrit les yeux, des nuages denses et lourds s'était amassés autour de l'habitacle.
 
 
Il fit coulisser en arrière le panneau vitré et sortit la tête hors du cockpit.
 
 
La densité de la brume était de sept ou huit. A l'est le soleil ne s'était pas encore élevé au-dessus de l'horizon. Il entendait à peine le bruit des vagues sur les flotteurs, et le vent salé lui caressait doucement le visage.
 
 
Le deuxième matin.
 
 
Il étendit les bras et s'étira.
 
 
Puis il sortit de l'habitacle, marcha sur l'avion jusqu'à l'hélice, où pendait sa combinaison de vol, et enfila les manches. La combinaison était encore humide, ce qui était inconfortable. S'il avait été seul, il aurait préféré rester en caleçon, mais il ne pouvait le faire à cause de Fana.
 
 
La combinaison de Fana était elle aussi à moitié sèche. Mais elle n'avait que ce vêtement en-dehors de son maillot de bain... Il marcha jusqu'à la queue de l'avion, la combinaison en main, et sauta sur le bateau.
 
 
Fana dormait, pelotonnée comme un enfant.
 
 
Avec la même innocence, les mains jointes, la respiration presque inaudible à travers ses lèvres entrouvertes. La couverture tirée jusqu'à la poitrine laissait exposées sa nuque et ses épaules.
 
 
Les yeux de Charles se portèrent automatiquement sur ses seins. Bien sûr le maillot de bain les couvrait, mais ne parvenait pas à dissimuler leur forme, et Charles découvrit qu'elle cachait beaucoup d'elle-même sous ses vêtements. Ou pour être plus exact, il n'avait jamais rencontré auparavant quelqu'un dont les habits cachaient autant la silhouette, et probablement n'en rencontrerait jamais plus.
 
 
Sur l'océan infini, il était seul avec une jeune fille à la beauté parfaite.
 
 
Charles se cramponna désespérément à la raison. Il fit appel au sentiment de servitude qu'on avait entretenu chez lui depuis l'enfance, réprima en lui l'instinct animal, et en luttant contre lui-même se tordit le cou pour arracher ses regards de la jeune fille. Comme s'il déchirait un arbre à mains nues, il réussit à détourner les yeux de Fana et à garder son calme pour l'interpeller.
 
 
« Bonjour, Mademoiselle ! »
 
 
Fana ouvrit lentement les yeux. Charles lui tournait le dos.
 
 
« Bon… jour... »
 
 
Elle se dressa lentement, et prit conscience que sa couverture ne la couvrait plus jusqu'au cou. Elle la tira en toute hâte, et pour finir la drapa autour d'elle comme un peignoir.
 
 
« Elle n'est encore qu'à moitié sèche, mais si possible... »
 
 
Charles tourna légèrement la tête vers Fana et lui tendit sa combinaison de vol. Fana de son côté tendit le bras hors des couvertures, la prit et la ramena à elle.
 
 
« Oui, je peux la porter.
 
 
- Très bien. Si vous pouviez vous changer maintenant, je vous prie, j'aimerais décoller avant le lever du soleil. Je vais dans le cockpit. »
 
 
Embarrassé, Charles récupéra le réchaud et sauta sur une aile.
 
 
Fana se contenta de passer la tête à travers la combinaison et s'en servit comme paravent pour enlever son maillot de bain. Elle détestait la sensation provoquée par le vêtement mouillé au contact direct de la peau, mais elle était bien obligée de la supporter.
 
 
Après s'être assuré que Fana était revenue sur le siège arrière, Charles sauta à nouveau hors du cockpit, marcha jusqu'à la queue de l'avion, dégonfla le bateau pneumatique et le rangea dans la soute. Cela fait, il se hâta de rejoindre le siège avant.
 
 
« Bien. C'est notre deuxième journée de vol. Comme hier, surveillez nos arrières s'il vous plaît. 
 
 
- Entendu.»
 
 
Sur ce bref échange, Charles démarra le moteur. L'hélice se mit à tourner, les flotteurs firent des vaguelettes, et la queue, qui avait plongé légèrement sous l'eau, s'éleva dans la lumière de l'aube avec un bruit d'éclaboussures.
 
 
Le temps que le soleil monte au-dessus de l'horizon, le Santa Cruz avait déjà percé les nuages et grimpé en diagonale dans l'atmosphère.
 
 
 
Ce jour-là les nuages étaient nombreux, ce qui s'avérait parfait pour se dissimuler.
 
 
Comme un caillou ricochant sur l'eau, Charles sautait de nuage en nuage, maintenant tranquillement son cap vers le nord ouest.
 
 
Avant qu'ils se soient dit un seul mot, le soleil était déjà monté dans le ciel au delà du Santa Cruz, et commençait à décliner vers l'ouest. Son éclat éblouissait Charles, lui rendant difficile de surveiller les alentours. Il chaussa ses lunettes d'aviateur pour abriter ses yeux de la lumière.
 
 
Sur le siège arrière, Fana consacrait toute son attention à scruter le ciel.
 
 
Avant le décollage, le chef des pilotes les avait avertis que jusqu'à ce qu'ils aient passé la Grande Chute, ils se dirigeraient bel et bien dans la gueule du loup. Pour traverser l'océan central, ils devaient trouver l'ennemi avant que l'ennemi ne les trouve. Durant ses deux semaines d'entraînement, Fana n'avait cessé d'entendre cette phrase. Sans se lasser de la monotonie du ciel, elle restait donc concentrée.
 
 
Et ainsi – elle aperçut quelque chose.
 
 
Tube acoustique en main, elle avertit Charles.
 
 
« A droite en haut, je vois une lueur entre les nuages. »
 
 
Charles tourna la tête vers le point désigné. « Droite » et « gauche » dans l'avion se déterminaient par rapport au nez de l'appareil. Il vit une masse de nuages à 5.500 mètres d'altitude, mais rien d'autre.
 
 
«  Je ne vois rien.
 
 
- Je l'ai vue juste devant le nuage dont la base est échancrée. »
 
 
Fana faisait allusion non pas au stratus proche d'eux, mais à un autre très loin derrière, à peu près à 7.000 mètres d'altitude, un cirrostratus dont la base semblait avoir été perforée plusieurs fois par une aiguille. Il se trouvait au moins à une distance de 1.500 mètres à l'horizontale.
 
 
Après un temps d'observation, Charles sentit ses muscles faciaux se crisper.
 
 
Comme Fana l'avait dit, juste un instant, un éclat de lumière avait brillé de l'autre côté du nuage. L'hélice de l'appareil ennemi avait sans doute réfléchi les rayons du soleil. Que Fana ait pu apercevoir à l'oeil nu une lueur si lointaine était prodigieux.
 
 
« C'est un avion ennemi. Incroyable !
 
 
- Allons-nous être repérés ?
 
 
- Espérons que non. »
 
 
Charles fit entrer l'avion dans l'abri d'un nuage. Fana tendait le regard à une distance d'environ 1.000 mètres.
 
 
« Il ne vient pas vers nous, il s'éloigne. »
 
 
A ces mots, Charles jeta un nouveau coup d'oeil vers l'arrière.
 
 
Entre les nuages, ses yeux exercés retrouvèrent la lueur qu'il avait aperçue plus tôt. Elle ne se dirigeait pas vers le Santa Cruz. L'ennemi ne les avait pas découverts. Charles eut un soupir de soulagement. Il saisit le tube acoustique.
 
 
« Et un problème de moins ! Ce qui signifie que vos yeux, Mademoiselle, sont plus perçants que les leurs. Du beau travail ! »
 
 
Il ne mentait pas. Si Fana avait pu réussir cet exploit, alors traverser un blocus de 12.000 kilomètres pouvait ne pas se révéler une chimère.
 
 
« Ce n'était qu'un seul avion, donc probablement un patrouilleur. S'il nous avait découverts, il aurait envoyé un message radio au vaisseau mère, et nous aurions dû affronter d'innombrables chasseurs. Nous avons eu chaud !
 
 
- A ce point ?
 
 
- Oui, bien sûr.
 
 
- Je suis contente. »
 
 
Fana poussa elle aussi un soupir de soulagement.
 
 
« Mais ce n'est pas fini. Poursuivez votre surveillance, s'il vous plaît.
 
 
- Entendu. »
 
 
Fana raccrocha le tube acoustique et reprit sa concentration pour observer le ciel.
 
 
A ce propos, elle ne s'était pas encore retirée derrière sa paroi de verre une seule fois aujourd'hui. Elle avait regardé la réalité en face d'elle, de toutes ses forces.
 
 
C'était une étrange sensation.
 
 
Avant leur départ, elle ne pouvait se contraindre à se soucier de ce qui allait lui arriver. Et cependant elle était là, regardant la réalité en face, et se sentant à nouveau vivante. Peut-être parce qu'elle marchait sur la ligne qui séparait la vie de la mort. Non, cela devait être plus que cela.
 
 
Parler avec Charles par le tube acoustique l'avait amusée.
 
 
Sa voix qui arrivait à travers le métal était tantôt nerveuse, tantôt extraordinairement polie, tantôt emplie de soulagement, tantôt pleine de colère. Il parlait à Fana de façon directe, sans rien dissimuler. C'était rafraîchissant.
 
 
Je veux entendre sa voix davantage.
 
 
Fana prit conscience du tour que prenaient ses pensées. Ils étaient si proches que si elle se retournait elle distinguerait chaque mèche de ses cheveux, mais ils étaient trop éloignés l'un de l'autre pour une conversation. Si Fana saisissait le tube acoustique pour commencer soudain à parler, Charles serait sans doute stupéfait.
 
 
Mais si elle découvrait une autre lueur, elle pourrait l'appeler.
 
 
Pour cette raison, elle restait à l'affût dans son poste d'observation.
 
 
Par la suite, elle distingua deux autres points de lumière, et en avertit Charles. Chaque fois, il plongea dans les nuages pour les éviter, tout en lui parlant par le tube acoustique.
 
 
Elle savait que leur vie était en danger.
 
 
Mais elle s'amusait. Elle avait l'impression de sentir à travers le siège les battements de coeur de son compagnon. Il y eut de brusques virages, des montées, des descentes, et même d'autres figures qui lui donnèrent envie de vomir alors qu'il manoeuvrait à travers les nuages, mais elle ne ressentit jamais l'envie de fuir. Elle l'avait ressentie tant de fois, au milieu des précepteurs de la maison del Moral !
 
 
 
Les ténèbres engloutissaient à nouveau l'océan.
 
 
Le soleil en descendant sous l'horizon teintait de cuivre le bas des nuages, et la région du ciel vers laquelle Charles maintenait le cap se transformait en un complexe mélange de bleu indigo, de blanc et d'or.
 
 
Le ciel vermillon en arrière-plan, le Santa Cruz descendit à la bonne altitude en une courbe élégante, et posa ses flotteurs sur l'océan couleur d'or.
 
 
L'avion laissait derrière lui un blanc sillage. Charles s'assura de son arrêt définitif, ôta ses lunettes de vol, ouvrit la verrière, et passa sur l'aile.
 
 
« Bravo pour vos efforts, Mademoiselle. Nous sommes toujours sains et saufs. »
 
 
Tout heureux, il ouvrit le panneau vitré de l'arrière et tendit la main à Fana pour l'aider à le rejoindre sur l'aile.
 
 
« Vous m'avez sauvé tant de fois aujourd'hui ! Pour être franc, quand nous avons décollé, je pensais que je devrais surveiller mes arrières, mais j'avais complètement tort. La plupart des pilotes n'ont pas la moitié de vos talents de guetteur !
 
 
- Vous exagérez…
 
 
- Non, pas du tout. Grâce à vous, nous avons pu éviter au moins deux combats aériens. A ce rythme, nous devrions pouvoir traverser l'océan central sans accroc. »
 
 
Elle se rendit compte malgré le rougeoiement du ciel que Charles avait le feu aux joues. Il semblait vraiment heureux. Fana se sentit embarrassée.
 
 
La deuxième journée de voyage s'était achevée, et Charles avait le moral au beau fixe. Quand il avait été informé de la lettre du prince impérial, il s'était demandé ce qui allait arriver, mais les patrouilles de l'ennemi n'avaient pas représenté une si grande menace. La journée s'était si bien passée qu'il se demandait si l'ennemi avait des pilotes capables de le suivre, et des observateurs meilleurs que Fana.
 
 
« Prenons notre dîner. Vous n'aimeriez probablement pas les rations, donc essayons de pêcher. Attendez ! »
 
 
Il enfouit la tête dans le corps de l'avion, et en sortit deux cannes à pêche. Fana le regarda avec méfiance.
 
 
« Pêcher ?
 
 
- Oui. Si nous attrapons du poisson, cela fera un bon repas. Si nous n'en attrapons pas, nous nous contenterons des rations.
 
 
- Comme un pêcheur…
 
 
- Voulez-vous essayer ? »
 
 
Avec un sourire insouciant, Charles tendit à Fana une canne à pêche.
 
 
Elle s'en saisit. C'était un engin rudimentaire, muni d'un simple hameçon métallique.
 
 
Ils s'assirent tous les deux sur le bateau pneumatique et lancèrent leur ligne.
 
 
Le crépuscule disparut lentement à l'occident, et la nuit d'été descendit sur l'océan. L'abîme infini du ciel nocturne, l'abîme sans fond de l'océan et le silence abyssal les enveloppaient. Utilisant le réchaud couvert de sa plaque pour s'éclairer, ils tenaient leur canne à pêche, paisiblement.
 
 
Fana savait que l'espace maritime où ils se trouvaient était sous le contrôle de la flotte aérienne d'Amatsukami. Elle trouvait étrange cependant de se trouver là, à pêcher dans les eaux ennemies.
 
 
Et elle ne ressentait aucune crainte, mais une mystérieuse sérénité.
 
 
Le ciel s'était rempli d'étoiles.
 
 
« Ça ne mord pas ! » dit Charles d'un ton dépité, alors qu'ils étaient restés ainsi à pêcher depuis un certain temps.
 
 
« Eh non !
 
 
- Avez-vous faim ?
 
 
- Non, ça va. Je n'ai pas beaucoup d'appétit. »
 
 
Durant la journée Fana s'était contentée de grignoter un peu de pain. Depuis leur décollage de Rio de Este, son estomac avait été constamment chahuté par l'avion ou le bateau, si bien qu'il refusait la nourriture.
 
 
« Et vous, Monsieur le pilote ?
 
 
- Désolé, mais en fait je meurs de faim.
 
 
- Mon Dieu ! Bon, eh bien nous devons continuer à essayer de pêcher, je crois... Si notre pilote devait mourir de faim sur place, je me sentirais trop seule… »
 
 
Tout en plaisantant, Fana agitait sa canne à pêche à droite et à gauche. Alors…
 
 
« Oh ! C'est comme si ma ligne venait juste de tirer…
 
 
- Quoi ?
 
 
- Oh mon Dieu, elle… elle bouge !
 
 
- Ma… Mademoiselle, vous avez une prise, doucement, doucement…
 
 
- Je… J'ai peur, elle tire vraiment… »
 
 
Comme elle le disait, la ligne était puissamment entraînée vers l'eau. Fana se cramponnait de toutes ses forces à la canne à pêche, mais le poisson était le plus fort. Fana glissait en avant, et bien que le bateau ait été conçu pour un usage militaire, cela ne signifiait pas qu'il eût un parfait équilibre.
 
 
« A… à l'aide ! »
 
 
Malgré sa bonne volonté, Charles ne savait comment l'aider, mais à cet appel au secours il envoya promener tous ses scrupules.
 
 
« Excusez-moi, je vous prie, Mademoiselle... »
 
 
Il se précipita derrière Fana, l'entoura de ses bras pour attraper la canne à pêche. C'était comme s'il l'étreignait. Il multiplia les excuses.
 
 
« Hum, ce n'est pas mon intention de vous manquer de respect. Je pense que c'est le seul moyen de maintenir l'équilibre du bateau.
 
 
- Ça… Ça va.
 
 
- Mademoiselle, c'est clairement une grosse prise ! A trois, vous tirez, d'accord ?
 
 
- D… d'accord ! »
 
 
Le regard déterminé, Fana serra plus fermement la canne à pêche. Le bateau continuait de vaciller, et l'équilibre devenait précaire. Et la voix de Charles, tout près, chatouillait son oreille. Elle sentait son torse sur son dos. Et ses bras qui l'enveloppaient… Naturellement, elle rougit.
 
 
« Mademoiselle, on y va !
 
 
- Ah, d… d'accord !
 
 
- Un, deux, trois ! »
 
 
Sans avoir conscience que Fana était préoccupée d'autre chose, Charles tira brusquement. Se reprenant, Fana tira aussi, mais avec un temps de retard.
 
 
Dans un grand bruit d'éclaboussure, un gros poisson, d'au moins cinq kilos, sortit de l'eau, dansa en l'air en secouant ses nageoires, et suivant une oblique tomba en chute libre en plein sur le visage de Fana.
 
 
De très loin, Fana entendit : POW !
 
 
 
« Ma… Mademoiselle !? »
 
 
Fana perdit l'équilibre, et Charles qui la soutenait toujours tenta de compenser en assurant sa position, mais le bateau finit par se pencher sur le côté, et tous les deux se retrouvèrent attirés de façon irrésistible vers l'océan.
 
 
« Euh » fut tout ce que Charles réussit à dire avant de tomber dans l'eau tête la première, tenant toujours Fana entre ses bras.
 
 
Comme la nuit précédente, on entendit un grand bruit d'éclaboussure à côté du Santa Cruz.
 
 
Soufflant des bulles par le nez, une fois encore, Charles étreignit Fana sous l'eau et la hissa sur le bord du bateau pneumatique.
 
 
« Toutes mes excuses, encore une fois... 
 
 
- Non, c'est moi qui ai raté la manœuvre le premier. »
 
 
Assis de part et d'autre du réchaud, tous les deux, pour la deuxième nuit consécutive, se séchaient, une couverture sur leur peau nue.
 
 
Sous le croissant jaune de la lune, leurs combinaisons de vol pendaient sur l'hélice du Santa Cruz.
 
 
Dans un effort pour réconforter la jeune fille, Charles sourit.
 
 
« En tout cas, nous avons attrapé un poisson. Et un gros ! Et c'est vous qui l'avez attrapé.
 
 
- Oui… Même si je l'ai attrapé sur la figure.
 
 
- Ah… hahaha... »
 
 
Son rire gêné provoqua le rire moqueur de Fana.
 
 
Tous les deux se blottirent sous leur couverture. Leur coeur battait plus vite que la nuit précédente. Relevant la tête, Charles déclara avec entrain :
 
 
«  Bon, découpons ce poisson. Avez-vous déjà mangé des sashimi ?
 
 
- Des sashimi… De la cuisine d'Amatsukami ? Non.
 
 
- C'est la meilleure façon de manger du poisson frais. Laissez-moi faire. »
 
 
Toujours enroulé dans sa couverture, Charles tira un couteau de cuisine et une planche de bois de la soute de l'avion. Fana commençait à penser que cette soute était un coffre magique.
 
 
« J'ai l'habitude des vols à longue distance, si bien que je sais ce qu'il faut apporter », fit Charles avec fierté en découpant le poisson. En un éclair, le gros poisson se réduisit en trois grosses tranches, qui furent découpées à leur tour en minuscules morceaux et disposées sur une assiette en carton.
 
 
« Et on le mange avec de la sauce de soja. »
 
 
Sans aucune hésitation, Fana prit la fourchette qu'il lui tendait et porta à sa bouche un morceau trempé dans la sauce. Après avoir poliment mastiqué, elle ouvrit grand ses yeux couleur d'argent.
 
 
« Délicieux. »
 
 
Charles sourit, et saisit un morceau avec ses baguettes.
 
 
« Ça oui, on peut le dire ! »
 
 
Rayonnant de fierté, il se mit à mâcher.
 
 
« Mangez, Mademoiselle. Si vous ne vous nourrissez pas, vous ne pourrez pas survivre. »
 
 
Fana n'avait pas d'appétit avant de commencer, mais sous la pression de Charles sa fourchette fonctionnait toute seule. La chair du thon était riche, juteuse, et l'on ne pouvait s'empêcher de se resservir une fois qu'on l'avait goûtée..
 
 
Tout en mangeant, Charles expliqua la suite de leur voyage.
 
 
« Demain nous traverserons la Grande Chute. C'est l'espace aérien le mieux gardé de l'ennemi. Ce sera la partie la plus difficile du voyage, nous devons donc être au meilleur de notre forme.
 
 
- D'accord.
 
 
- Après la Grande Chute, je me poserai près de l'archipel de Sierre Cadis pour faire une révision de l'avion. Quand on vole trois jours sans l'entretenir, on court le risque que la batterie métalhydride tombe en panne.
 
 
Nous passerons notre troisième nuit dans l'archipel, et le quatrième jour nous mettrons le cap sur l'île de Cyon. La base aérienne de La Pista se trouve sur cette île, avec des engagements quotidiens contre les avions d'Amatsukami qui sont basés sur Awashima. Mais nous n'allons pas nous jeter dans la mêlée.
 
 
Si nous réussissons à aller aussi loin, notre voyage est pratiquement terminé. Si les attaques de l'ennemi sont trop rudes, nous éviterons La Pista et nous irons droit sur l'île de Cyon. Là j'appellerai Levham, sur le continent, après quoi on enverra un navire pour venir vous chercher. Il devrait arriver le cinquième jour.
 
 
- Oui, hum…
 
 
- Oui ?
 
 
- Et vous, que ferez-vous ensuite ?
 
 
- Nous nous séparerons sur Cyon. Une fois que vous aurez embarqué sur le navire, je mettrai le cap sur la base de La Pista pour rejoindre le combat.
 
 
- Je vois... »
 
 
Charles mangeait tranquillement ses délicieux sashimis.
 
 
« Pour les gens du continent, il vaut mieux que je n'existe pas. Une fois le voyage terminé, vous ne devrez pas votre retour à un mercenaire, mais à un sauvetage miraculeux opéré par la Huitième Flotte en mission extraordinaire.
 
 
- J'ai entendu dire que la Huitième Flotte avait été anéantie…
 
 
- On peut toujours inventer des histoires. On fera du navire qui viendra vous chercher le seul survivant de la Flotte, et l'idée est de vous ramener pavillon haut à Esmeralda, la capitale impériale. Après tout, la famille impériale adore la mise en scène.
 
 
- Mais… C'est cacher la vérité.
 
 
- La cour impériale est depuis peu préoccupée par la morosité de l'opinion publique, si bien que c'est peu cher payer pour obtenir un mouvement massif en faveur de la guerre.
 
 
- Et cela vous convient ?
 
 
- Parce que je suis un mercenaire. En retour, on paiera très cher mon silence. Je n'ai donc pas à me plaindre.
 
 
- C'est comme ça que ça fonctionne ?
 
 
- Ça fonctionne comme ça, oui... »
 
 
Imperturbable, Charles continuait à manger. Mais Fana n'était pas satisfaite.
 
 
« Je pense que c'est injuste. C'est vous qui vous serez donné tout le mal, et des gens qui n'auront rien fait récolteront toute la gloire.
 
 
- Seulement si tout va bien. Nous devrions juste nous concentrer pour nous assurer de réussir. Pas de gloire, pas de raison de se mettre en colère…
 
 
- C'est vrai, mais... »
 
 
Charles était amusé par la réaction de Fana. Le souvenir de la petite Fana s'éveillait à nouveau dans son esprit. Autrefois aussi elle avait montré un farouche sentiment de justice. La Fana assise en face de lui semblait la version adulte de cette Fana du passé.
 
 
« Vous n'êtes toujours pas satisfaite ?
 
 
- Non.
 
 
- Même si personne n'entend parler de moi, si vous, vous vous souvenez de moi, cela me suffit », dit Charles sans réfléchir.
 
 
Mais Fana, d'un air sérieux, répondit : « Entendu. Je me souviendrai donc de Charles le pilote, à jamais.
 
 
- Je ne mérite pas un tel honneur.
 
 
- Je ne plaisante pas ! »
 
 
Un peu irritée contre Charles parce qu'il ne la prenait pas au sérieux, Fana continua de manger.
 
 
La nuit était claire.
 
 
Des milliers d'étoiles étincelaient dans le ciel. Elles étaient si serrées les unes contre les autres que Fana avait l'impression que si elle voulait les attraper, elle pourrait en prendre une poignée, comme l'eau scintillante d'un torrent.
 
 
Ayant fini son repas, Charles resserra la couverture autour de lui, appuya le dos contre le bord du bateau, et leva les yeux vers le ciel.
 
 
« Les étoiles sont magnifiques », murmura-t-il.
 
 
Fana elle aussi allongea les jambes sous sa couverture et contempla la voûte céleste.
 
 
« C'est vrai. »
 
 
Le ciel nocturne était plus beau que tout ce que Fana avait vu auparavant.
 
 
« Mais ce serait mieux pour notre vol qu'il y ait des nuages, » ajouta Charles dans un bâillement.
 
 
Il était beaucoup plus fatigué qu'il ne l'aurait cru. Il avait passé deux jours à piloter sur 6.000 km, et la nuit il avait dormi à l'étroit dans le cockpit, si bien qu'il n'y avait là rien de surprenant.
 
 
Le temps d'une profonde inspiration, le temps de fermer les yeux, et Charles s'endormit d'un calme sommeil.
 
 
« Monsieur le pilote ? » appela Fana. Mais aucune réponse ne vint.
 
 
La rapidité avec laquelle Charles s'était endormi la stupéfia.
 
 
Mais rapidement elle eut un sourire. Elle comprit que Charles était épuisé. Elle pensa que cette nuit elle lui aurait donné sa place sur le bateau, et qu'elle aurait dormi dans le cockpit. Il était resté assis dans l'habitacle toute la journée, si bien qu'il aurait dû au moins dormir les jambes à l'aise. Elle avait voulu le dire la nuit dernière, mais n'en avait pas eu le courage et avait ravalé sa proposition.
 
 
Elle versa les restes du poisson dans l'océan, et lava les plats et les ustensiles de cuisine avec de l'eau de mer avant de les ranger dans la soute de l'avion.
 
 
Le ménage achevé, elle retourna dans le bateau. Charles dormait profondément.
 
 
Son souffle léger se mêlait au silence de l'océan.
 
 
Elle s'assit de nouveau, se pelotonna sous sa couverture, ramassant les jambes contre la poitrine et appuyant le menton sur les genoux.
 
 
« Monsieur le piiiiiilooooooote ! » tenta-t-elle avec espièglerie.
 
 
Aucune réaction.
 
 
Il ne dégageait plus cette tension qu'il avait montrée jusqu'ici. A présent il dormait comme un chiot épuisé d'avoir trop joué.
 
 
Elle essaya de l'appeler par son nom : « Chaaaaaaarleeeeeees. »
 
 
Toujours pas de réaction. Fana sourit. Elle posa la joue sur son genou, et la tête inclinée contempla le visage endormi.
 
 
« Nous sommes-nous... déjà rencontrés, avant ? » Cette question la tracassait depuis le début du voyage. Elle avait l'impression d'avoir déjà vu dans le passé le regard de Charles, un regard franc mais teinté de mélancolie.
 
 
« Pourquoi êtes-vous aviateur ? »
 
 
Pas de réponse.
 
 
« Aimez-vous faire la guerre ? »
 
 
Seul lui répondit le souffle du dormeur. Mais, s'il avait été réveillé, il aurait sans doute dit non. Il ne semblait pas le genre d'homme à conduire la charge pour tuer des gens.
 
 
« Je hais la guerre, moi aussi, je la hais de toutes mes forces. »
 
 
Elle était toujours seule à parler. Elle s'assura que Charles était toujours profondément endormi avant de s'asseoir à côté de lui. Elle appuya le dos sur le rebord du bateau et leva les yeux.
 
 
Le ciel, l'océan, les étoiles, tout s'était figé sur place. Le vent froid soufflait avec indifférence.
 
 
Les minutes s'écoulaient en silence. Devant les ténèbres infinies de l'océan une peur primitive s'éveillait au plus profond du coeur de Fana. Le ciel étoilé, lui aussi, était si grand qu'il en devenait intimidant.
 
 
Elle jeta un coup d'oeil au profil de Charles, à côté d'elle.
 
 
Il ne ressentait aucune crainte. Il dormait paisiblement, oublieux du monde. Elle retint son souffle, puis expira. Une chaleur naissait en elle. Au plus profond d'elle-même elle ressentait un plaisir confus, à rester assise tout près de Charles.
 
 
Peu à peu ses paupières s'alourdirent. Le bercement du bateau si régulier, si confortable invitait à dormir. Fana, elle aussi, était fatiguée par l'aventure.
 
 
Elle sombra dans un profond sommeil.
 
 
Des milliers d'étoiles veillaient sur le pilote et la future impératrice, dont on aurait dit qu'ils voulaient dormir sur l'épaule l'un de l'autre. L'océan les berçait avec une grande douceur.
 
 
Sous la poussée des vagues, tandis que le bas de l'horizon se colorait d'hyacinthe, les deux dormeurs se blottirent l'un contre l'autre, comme deux inséparables.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
   
 
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Couverture

La série To Aru Hikūshi e no Tsuioku est également disponible dans les langues suivantes :

To Aru Hikūshi e no Tsuioku (とある飛空士への追憶, littéralement "Souvenirs d'un certain pilote") est un light novel écrit par Koroku Inumura et illustré par Haruyuki Morisawa. Un film d'animation est sorti dans les salles japonaise le 1er octobre 2011. Plus connu sous le nom de "La princesse et le pilote".

Synopsis

L'histoire tourne autour de Charles Karino, un pilote de l'air mercenaire de l'Empire Levahm qui pilote l'hydravion de reconnaissance biplace Santa Cruz. Un jour, on lui confie une mission insensée : traverser seul 12 000 kilomètres dans les eaux ennemies pour protéger une fille dénommée Fana del Moral. Fana se trouve être la prochaine en ligne pour monter sur le trône, une fille à la beauté équivalente à "5 000 rayons de lumière".

Présentation des personnages

Charles Karino

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Pilote mercenaire amatsuvo-levahmien au service des del Moral. À la suite de la mort du duc del Moral, on lui confie une mission pour le moins périlleuse : escorter la fille du duc jusqu'au continent à travers les lignes ennemies.

Fana del Moral

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Fille du duc del Moral. Le prince impérial de l'Empire Levahm est tombé sous le charme de sa beauté transcendante, et leur mariage est censé donner un nouvel élan à l'Empire qui perd du terrain face à son ennemi, l'Amatsukami.


Règles de Traduction

Cette partie doit être lue par tous les traducteurs et éditeurs du projet.

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Forme

Chaque chapitre doit se conformer aux règles ci-dessous après édition :

La traduction est de l'Anglais au Français.

Feedback

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Mises à jour

  • 07 juin 2014 : Chapitre 4
  • 08 mai 2014 : Chapitre 3
  • 23 avril 2014 : Chapitre 2
  • 22 mars 2014 : Chapitre 1
  • 08 février 2014 : Prologue
  • 04 février 2014 : Création de la page

La princesse et le pilote par Koroku Inumura

Staff

Traducteurs

Éditeurs

Publications

  • ある飛空士への追憶 / To Aru Hikūshi e no Tsuioku (19 février 2008, ISBN 978-4-09-451052-2)